29/11/2006
les guerres de Vendée. Origines.
Rapport du général Francois-Joseph Westermann à la Convention le 21 décembre 1793 :
« Citoyens républicains, il n’y a plus de Vendée ! Elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les bois et les marais de Savenay. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, massacré les femmes qui, au moins pour celles la n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher ; les routes sont semées de cadavres. On fusille sans cesse à Savenay, car à chaque instant il arrive des brigands qui prétendent se rendre prisonniers. Nous ne faisons pas de prisonniers, il faudrait leur donner le pain de la liberté, et la pitié n’est pas révolutionnaire ! »
Le ton est donné et cela illustre assez bien la haine absolue qu’ont pu concevoir à l’égard de cette région et de ses habitants une grande part des autorités Conventionnelles.
Durant l’été 1790 se déclenche une réaction presque unanime contre la prétention des autorités révolutionnaires de réglementer le culte catholique (Constitution civile du clergé). Elle est suivie trois ans plus tard par le refus de la conscription au service d’une armée jugée impie. En réponse à cette insurrection populaire, qui n’est pas comme on le verra, d’essence nobiliaire ou cléricale, la Convention a organisé l’extermination des Vendéens, à commencer par les femmes, ces « sillons reproducteurs », et les enfants, « de futurs brigands » et l’anéantissement de la Vendée. 770 communes deviennent hors-la-loi, et comme tels, condamnées à la « vindicte nationale » ; le nom même de Vendée cède la place au mot « Vengé »... Les bilans tant humains que matériels sont impressionnants, dramatiques. L’impensable y a été fait : tanneries de peaux humaines, fonte et récupération de graisse humaine, massacre de vieillards, de malades, d’enfants, de femmes enceintes, noyades collectives, fours crématoires, essai de mines anti personnels, etc. La Vendée a été un laboratoire grandeur nature du meurtre de masse et de l’horreur.
Ces guerres de Vendée figurent encore en 2006 parmi les tabous de notre histoire : en 1985 , un jeune historien chercheur d’origine Vendéenne, Reynald Secher, va jeter un énorme pavé dans la mare politiquement correcte de l’historiographie républicaine, et ce à la veille du bicentenaire de la révolution, en publiant un travail d’historien (thèse dont le directeur était Pierre Chaunu) nommé « Le génocide Franco-français ». Tout sera essayé pour le faire taire ou pour amoindrir la portée de ses travaux et l’atteinte faite au culte révolutionnaire (proposition d’argent, d’honneurs, de poste à l’université, puis calomnies et rumeurs devant sa détermination !). Son obstination lui coûtera sa carrière universitaire.
Reynald Secher est une voix d’historien, crédible, parmi d’autres historiens qui présentèrent souvent (Michelet en tête) ces événements tragiques en simple massacre ou bavure, ou même légitimèrent la terreur.
En 1789, la société Vendéenne accueille globalement favorablement les débuts de la révolution, qui représente alors, comme partout, un grand espoir. La constitution civile du clergé, faisant obligation aux prêtres de jurer fidélité à la Constitution, est rejetée par toute une partie du clergé et de la population, qualifiée d’« hérétique et de schismatique » par le Pape; Elle divise profondément les Vendéens. Nombre de prêtres non jureurs doivent se cacher pour éviter l’emprisonnement ou la déportation au bagne de Guyane. Par ailleurs, en de nombreux endroits, le nouveau clergé constitutionnel n’arrive pas à s’imposer. Le mécontentement est latent. Il se transforme en insurrection en mars 1793 quand la Convention ordonne une levée de 300000 hommes pour les guerres Républicaines.
Sans sous estimer l’attachement à la royauté et le refus de la condamnation de Louis XVI dans certaines couches de la population, le refus des nouveaux pouvoirs (l’administration Républicaines et ses impôts), et plus particulièrement le rejet de la bourgeoisie locale qui à bénéficié largement de la vente des biens Nationaux et qui lève les impôts, est sans doute une cause déterminante. Ou l’on perçoit que l’hypothèse d’un complot de la noblesse et du clergé ne tient guère du point de vue historique.La Vendée n’est d’ailleurs pas un cas isolé : nombre de provinces s’insurgent alors contre le nouvel ordre Républicain : la vallée du Rhône en particulier mais aussi Bordeaux, Toulouse, Nîmes, Lyon, etc. La France Révolutionnaire en 1793, alors en guerre contre de nombreux pays, et en proie donc à de nombreux soulèvements, paraît inventer un bouc émissaire intérieur qui sera la Vendée, avec une conjuration clérico nobiliaire contre-révolutionnaire. Cette conception, initiée par les Conventionnels puis reprise par les historiens républicains, est encore dominante actuellement, notamment dans les manuels scolaires. La répression fut à la mesure du danger encouru par le nouveau régime. Face à une révolte populaire, c’était toute sa légitimité « populaire » qui se trouvait mise en cause.
In fine, l’insurrection Vendéenne ne naît pas d’une cause unique, mais de multiples facteurs, tous liés à un mécontentement populaire grandissant, et non pas seulement d'une quelconque nostalgie de l’Ancien Régime. La conscription n’étant que l’étincelle finale mettant le feu aux poudres.
Le 18 brumaire an I, les conventionnels proposent même et votent l’effacement de la Vendée du tableau des départements et son remplacement par « département Vengé » ; par la suite certains lieux sont débaptisées (l’île Bouin devient l’île Marat, Noirmoutier, l’île de la Montagne, etc.) !
La pacification du pays et sa reconstruction sont l’œuvre quasi-exclusive de Hoche et de Bonaparte.
Le bilan humain est lourd : entre 120 000 (Bernet, Seycher) et 600 000 (Hoche, Chaunu) morts dans les deux camps.
Si la réalité des massacres Vendéens n’est contestée par personne, c’est le terme de génocide qui divise les historiens. Au delà de la question sémantique, c’est bien l’intention génocidaire supposée des Républicains qui fait débat.
En 1794, Gracchus Babeuf, sous la convention thermidorienne, publie un pamphlet dénonçant la terreur intitulé « Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier » évoquant un « populicide », néologisme permettant de désigner une forme de meurtre de masse manifestement inédite à l’époque. Babeuf attaque Montagnards et Jacobins et affirme que les membres du comité de salut public, autour de Robespierre, et au nom d’un idéal égalitaire auraient planifié la mort d’un grand nombre de Français (référence aux philosophes politiques du XVIII eme siècle comme Rousseau qui considéraient que l’établissement de l’égalité nécessitait une population moindre que celle de la France de l’époque).
Ecoutons Turreau : « On ferait beaucoup de chemin dans ces contrées avant de rencontrer un homme ou une chaumière. Nous n’avons laissé derrière nous que des cadavres ou des ruines », ou la Convention à l’armée de l’Ouest le premier octobre 1793 : « Soldats de la liberté, il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés ; le soldat de la patrie l’exige, l’impatience du peuple Français le commande, son courage doit l’accomplir », ou Francastel : « La Vendée sera dépeuplée, mais la république sera vengée et tranquille… Mes frères, que la terreur ne cesse d’être à l’ordre du jour et tout ira bien. Salut et fraternité. »
Pour autant, un décret de la convention nationale du 1er août 1793 stipule que : « Les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits dans l’intérieur. Il sera pourvu à leur subsistance et leur sûreté avec tous les égards dus à l’humanité. »
Pour certains historiens comme Michel Ragon, Carrier et Turreau ne sont que des exécutants zélés des ordres de la Convention.
Pour Alain Besançon (Le malheur du siècle, Tempus, p.126), " je propose d'accepter par convention qu'un génocide au sens propre, relativement au simple massacre, réclame le critére suivant: il faut que la tuerie ait été préméditée dans le cadre d'une idéologie se donnant pour but d'anéantir une partie de l'humanité afin de faire advenir sa conception du bien. Le plan de destruction doit englober la totalité du groupe visé, même s'il n'est pas conduit jusqu'au bout pour des raisons d'impossibilité matérielle ou de revirement politique. Le seul précédent connu pourrait bien être la Vendée, qui selon les ordres donnés par la Convention devait être "détruite" dans sa totalité. Carrier écrivait: "c'est par principe d'humanité que je purge la terre de la liberté de ces monstres." De fait, dans la zone de destruction, on purgea un bon quart de la population, ce qui est proche des performances du XXème siècle."
Au fond la question reste : comment un pays, une région, un peuple, satisfait en 1789 de voir s’écrouler l'ordre ancien, est-il si vite passé de l’autre bord ?
Quelques livres indispensables :
- JC MARTIN ; La Vendée et la France 189-1799 Seuil 1987.
- GERARD ; La Vendée 1789-1793 Champs vallon 1992
- R SECHER ; le génocide franco-français, Perrin 2006.
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