25/04/2009
la nuit européenne
L'Europe que je vois s'édifier depuis un demi siècle est un cauchemar bureaucratique, une entité (un "objet non identifié", disait Delors) fondée sur l'économie et la finance, de la quelle est exclue toute dimension politique et identitaire, sans légitimité démocratique, malgré les apparences, et aux frontières sans cesse mouvantes. Résultat, les européens s'en défient car ils ont compris que ce projet se construit sans eux, voire contre eux (refus des verdicts populaires au nom d'une pseudo rationalité qui exclue l'"irrationalité populiste"), et ne votent pas ou plus ou aux extrêmes pour montrer leur manque de confiance. Résultat aussi, des élites politiques qui ne se donnent même plus la peine de faire campagne, ayant intégré le désintérèt des peuples et leur désaffection.
L'Europe est pourtant une très ancienne réalité spirituelle et civilisationnelle provisoirement masquée et défigurée par un projet mercantile, certes utile mais insuffisant et inopérant, piloté par des bureaucrates et des politiciens frileux écrasés par le poids de ce projet formidable et par celui de leur propre médiocrité.
Mais l'histoire n'est pas écrite et faire l'économie de cette dimension civilisationnelle au profit d'une vision étriquée marchande et morale (culte dérisoire des droits de l'homme et de l'antiracisme réflexe sorte de soupe universaliste et de religion humanitaire), faire allégeance à l'impérialisme Américain (celui qui bombarde un pays européen -la Serbie- en 1999) et à son bras armé l'OTAN (qui aurait du disparaitre en 1991 à l'effondrement de l'URSS) en oubliant cette réalité historique et géopolitique (qui s'identifie pour l'essentiel à l'ancien espace carolingien), c'est se préparer un réveil brutal dans un monde désormais multipolaire, dangereux, qui reste régi par des rapports de force, par un antagonisme identitaire séculaire.
Le parrallèle avec la Russie, certes autocratique, est édifiant en ce sens que malgré des années d'oppression totalitaire, ce pays a su garder une identité, orthodoxe et Slave, et une capacité à penser le monde dans sa globalité qui fait gravement défaut à nos commissaires politiques européens, dévoués, corps et âmes au culte de la croissance et à celui du "plus d'Europe". Aprés un siècle de guerres meurtrières, de désastres démographiques et totalitaires, l'Europe est entrée en dormition et semble ne plus pouvoir -ne plus vouloir?- se projeter en tant que puissance géopolitique portée par un dessein civilisationnel.
Quoi d'étonnant, finalement, à voir des bourgeois et des marchands ayant fait le choix d'une Europe-espace au détriment d'une Europe-puissance mener une politique continentale de marchands et dont le seul horizon est un vaste marché climatisé, ce cauchemar climatisé dont parlait H Miller (pour l'Amérique certes, mais le concept me parait adapté ici)?
"Tous ces hommes profonds et d'esprit large qu'a vu ce siècle ont tendu vers ce but le travail secret de leur pensée. Tous ont en commun la même aspiration, à savoir l'âme de l'Europe unie qui, sous la prodigieuse diversité des formules, fait effort vers autre chose, vers une chose d'avenir et plus élevée." Frederic Nietzsche.
"Nous avons besoin de vous, vous avez besoin de nous pour la grandeur de notre esprit et de nos races. Nous sommes les deux ailes de l'Occcident. Qui brise l'une, le vol de l'autre est brisé." Romain Rolland, écrivant aux Européens d'outre Rhin.
Du même homme de gauche: "Je trouve criminel de faire appel, pour cette guerre, à tous les Barbares de l'univers, Soudanais, Sénégalais, Marocains, Japonais, Cosaques, Indous, Sikhs, Cipayes...L'aspect d'un grand peuple d'Europe acculé, faisant tête à ces hordes sauvages, me serait impossible à supporter sans révolte. Tous les peuples d'Europe appartiennent à la même famille." Journal de Genève.
"Toute race et toute terre qui a été successivement romanisée, christianisée et soumise, quant à l'esprit, à la discipline des Grecs est absolument européenne." Paul Valéry.
"Pauvre Europe, déchirée, perdue? Tu as appelé les Américains d'un côté, les Russes de l'autre. Et maintenant tu es foulée, vouée aux pires destructions, aux pires arrachements irrémédiables. Europe= Grèce." Pierre Drieu la Rochelle, janvier 1945.
"Chaque geste que vous ferez vers une Europe unifiée protègera un peu plus le trésor du monde. Le trésor du monde, c'est une infante de Velasquez, un opéra de Wagner ou une cathédrale gothique. C'est le sang de Budapest ou le quadrige orgueilleux de la porte de Brandebourg, devenu le poste frontière de l'Europe mutilée." Jean de Brem, 1964.
10:46 | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : europe, bureaucrate, civilisation, otan, h miller, amérique, valery, jean de brem, romain rolland, drieu la rochelle
13/01/2009
Jünger
Manifestement nombreux sont ceux que la vue d’Ernst Jünger en uniforme de l’armée Allemande défrise. Peut-être plus nombreux encore sont ceux qui ne l’ont pas reconnu et qui dans un élan d’ « antifascisme » citoyen, bien que tardif, continue à croire que la peste brune ravage encore nos contrées et qu’il est urgent de se mobiliser contre une menace totalitaire disparue en 1945…
Les commentaires ou appréciations sur Jünger me rappellent un peu ceux que l’on rencontre concernant Huntington, Freund ou Nolte ; les plus virulents émanent en général de personnes n’en ayant lu aucun, se contentant de vagues recensions indigentes parues dans leur journal de révérence habituel et vespéral…
Je n’aurai pas le ridicule de faire l’apologie de l’œuvre d’Ernst Jünger, fait-on celle de Spengler ou de Chateaubriand ? Il faut lire Jünger, ce témoin irremplaçable du siècle écoulé, dont les vies successives, le guerrier d'Orages d'acier ou de Jardins et routes, le théoricien de la révolution conservatrice du Travailleur, l’entomologiste des Chasses subtiles, le romancier des Falaises de marbre, l’Anarque d’Eumeswill, l'explorateur d'ivresses illustrent toute la complexité d’un homme hors du commun à bien des égards.
Innombrables sont, malgré tout, les Fouquier-Tinville en peau de lapin qui, en France et en Allemagne principalement, croient savoir que Jünger fut un fasciste, horresco referens ! Jünger fut nationaliste, révolutionnaire au sortir de la guerre, comme beaucoup de ces hommes qui avaient vécu l’horreur de la guerre totale et qui furent incapables de s’adapter à une vie civile et à des régimes politiques bourgeois corrompus…
Qu’il fut authentiquement fasciste ou pas peu importe en fait. Il fut par contre un adversaire déclaré des nazis et ne dut son salut en 1939 à la sortie des Falaises de marbre qu’à son passé de héros de la première guerre mondiale. S’il fallait se priver de la lecture des Deux étendards ou de L’homme à cheval sous prétexte que leurs auteurs furent fascistes ou irait-on ? Autant ne plus lire le Journal de Bolivie de Guevara, le Que faire ? de Lénine ou le petit livre rouge de Mao sous prétexte que leurs auteurs firent l’apologie du totalitarisme communiste et furent d’exemplaires meurtriers longtemps encensés par l’intelligentsia germanopratine…
Voila. J’admire l’homme, le soldat, l’écrivain, le philosophe, l’esthète, l’anarque…et j’eus aimé avoir ce destin hors du commun.
Et j’emmerde les cloportes vigilants de l’antifascisme en carton. Qu’on se le dise.
19:29 | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : ernst junger, mao, che guevara, rebatet, drieu la rochelle