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22/09/2008

Orwell

« Nous étions dans un fossé, mais derrière nous s’étendaient cent cinquante mètres de terrain plat, si dénudé qu’un lapin aurait eu du mal à s’y cacher (…). Un homme sauta hors de la tranchée [ennemie] et courut le long du parapet, complètement à découvert. Il était à moitié vêtu et soutenait son pantalon à deux mains tout en courant. Je me retins de lui tirer dessus, en partie à cause de ce détail de pantalon. J’étais venu ici pour tirer sur des « fascistes »,mais un homme qui est en train de perdre son pantalon n’est pas un « fasciste », c’est manifestement une créature comme vous et moi, appartenant à la même espèce – et on ne se sent plus la moindre envie de l’abattre. »

G Orwell, Looking back on the spanish war, Œuvres complètes II, p. 254

13/01/2007

De Immundo.

Une exposition fit grand bruit ces dernières années, « Sensation », présentée à la Royale Académie de Londres, fin 1997, puis au Brooklyn Muséum de New York, en 199. Au vu des œuvres exposées, elle fut précédée en ce lieu par un avertissement apposé par le Département de la Santé Publique : « The contents of this exhibition may cause shock, vomiting, confusion, panic, euphoria and anxiety. If you suffer from high blood pressure, nervous disorder, or palpitations, you should consult your doctor before viewing this exhibition. »

En l’an 2000, le Turner Prize, le Grand Prix des Arts en Grande Bretagne, a été attribué à l’artiste Tracey Admin pour son propre lit maculé d’urine, couvert de capotes usagées, de tests de grossesse, de sous vêtements sales et de bouteilles de vodka, lit ou elle aurait passé une semaine dans un état de dépression consécutif à une rupture. L’œuvre fut saluée par les responsables de la Tate Gallery pour sa « valeur réaliste ».

Matériaux.

Robert Gober usait de cire d’abeilles et de poils humains. Andres Serrano, de sang et de sperme. Marc Quinn exécute son buste avec son propre sang congelé. Chris Ofili se sert d’excréments d’animaux. Gérard Gasiorowski utilisait ses propres selles, la part liquide pour en faire un jus brun, la part déshydratée pour en faire de petites galettes de bouses qu’il entassait sous sa tente. Gina Pane, à la fin des années 1970, gravissait les pieds nus une échelle dont les barreaux étaient faits d’épées aiguisées. Elle se laissait aussi recouvrir le visage du contenu d’un seau rempli d’asticots.

L’artiste Belge Wim Delevoye commit une œuvre intitulée « Cloaca », exposée au musée d’art contemporain de Lyon durant l’été 2003, qui consistait en une pompe et divers appareils de broyage qui recueillaient les déchets de cuisine produits par des restaurants Lyonnais pour en faire une pâte brune pareille à de la merde.

Au début des années 1950, l’artiste Italien Piero Manzoni proposa sa « Merda d’artista », conservée en boite en édition limitée et numérotée, valant à l’origine leur pouids en or. Ces excréments manufacturés se vendent aujourd’hui entre 25000 et 32000 dollars pièce…

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Marcel Duchamp exposa en 1917, au Salon des Indépendants, un simple urinoir baptisé « Foutain ». Plus tard en 1964, il réalisa sur le même modèle un objet en forme d’urinoir confectionné avec des photos de sa propre famille..

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Résistance.

En 1963, un certain Otto Muehl fonda un groupe Autrichien célèbre pour ses « Aktionnen », actions publiques et violemment provocatrices telles se flageller, boire de l’urine et du sang, manger des excréments, copuler avec des animaux, célébrer des messes noires avec immolation d’un animal, etc. « Tout mérite d’être exposé y compris le viol et le meurtre » dira cet homme qui fut condamné en 1990 à sept ans de prison pour "abus sexuel sur mineurs, viols et avortements forcés."

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Une fois libéré, il fut aussitôt célébré comme un héros de la « lutte anti fasciste » et contre la morale bourgeoise. Sa dernière apparition publique eut lieu en décembre 2001 au musée du Louvre à Paris, lors d’un colloque organisé à l’occasion de l’exposition « La peinture comme crime », qui prétendait dénoncer, selon ses organisateurs, le « fascisme quotidien de nos sociétés », la « répression de l’Etat », et discuter des moyens de s’opposer à la « rigueur de l’ordre et de la loi » par un art supposé « résistant ». Ceux qui tentèrent de dénoncer la violence de ces actions artistiques furent inévitablement , au nom de la liberté imprescriptible de l’art, qualifiés de « fascistes » et invités à se taire.

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Hier, er ist kein warum.

Le thème du camp de concentration nazi est devenu , depuis quelques années, l’un des plus trendy qui soient. Les frères Chapman proposent ainsi la maquette d’un camp avec de petits personnages de plastique, figurant les prisonniers et les gardes SS. Zbigniew Libera expose lui, en 1996, un « Lego Concentration Camp Set », en édition numérotée, fabriqué à partir des éléments du jeu d’enfants homonyme.medium_Fashton_nazi2.2.jpg

L’Américain Tom Sachs propose aussi en 1998 un coffret élégant de carton, qui ouvert, montre la délicate maquette d’un camp d’extermination. Le même auteur présenta une œuvre se présentant comme un cadeau à offrir, « Giftgaz Giftset », renfermant trois tubes de gaz Zyklon B, ou la marque du produit que l’on utilisait pour gazer les prisonniers est remplacée par les marques Chanel, Hermès et Tiffany…

medium_Fashton_nazi4.3.jpgToutes ces œuvres et bien d’autres du même esprit furent exposées sous le titre « Mirroring Evil . Nazi Art/ Recent Art » au Jewish Museum de New York en mars 2002. L’exposition, malgré les savants commentaires qui l’accompagnaient, souleva l’indignation d’une partie de la communauté juive de la ville, les anciens qui avaient connu la réalité et qui vinrent protester chaque jour devant l’entrée.  

« En bas dans la fosse/ je vis des gens plongés dans des excréments/ qui semblaient venir de latrines humaines/ et pendant que des yeux j’examinais le fond/ j’en vis un dont la tête était si chargée de merde/ qu’on ne pouvait voir s’il était laïque ou bien clerc. » Dante, Inferno, XVIII.

 

Pour une analyse décapante de cet art contemporain: De Immundo, Jean Clair, Galilée 2004.