02/06/2013
dissidence?
"Le pouvoir juif, c’est la capacité unique de nous empêcher de discuter ou même de contempler sa puissance. C’est la capacité de déterminer les limites du discours politique et de la critique en particulier.
Dans son nouveau livre, Comment la terre d’Isräel fut inventée, l’universitaire israélien Shlomo Sand réussit à présenter une preuve convaincante de la nature fantaisiste du récit historique sioniste – l’exil juif est un mythe comme l’est le peuple juif ainsi que la terre d’Israël. Pourtant Shlomo Sand, comme de nombreux autres, ne parvient pas à répondre à la question la plus importante : si le sionisme est basé sur un mythe, comment les sionistes parviennent-ils à s’en sortir avec leurs mensonges depuis si longtemps ? Si le « retour au foyer juif » et la demande d’un foyer national juif ne peut pas être historiquement démontré, pourquoi celui-ci a-t-il été soutenu à la fois par les juifs et l’Occident pendant si longtemps ? Comment l’État juif a-t-il depuis si longtemps réussi à célébrer son idéologie raciste et expansionniste aux dépens des peuples palestiniens et arabes ?
Le pouvoir juif est évidemment une réponse, mais, qu’est ce que le pouvoir juif ? Peut-on poser cette question sans être accusé d’être un antisémite ? Pouvons-nous discuter de sa signification et examiner minutieusement sa politique ? Est-ce que la puissance juive est une force obscure, gérée et manœuvrée par une puissance conspiratrice ? Est-ce quelque chose qui intimide les Juifs eux-mêmes ? Bien au contraire – le pouvoir juif, dans la plupart des cas, est célébré juste en face de nos yeux. Comme nous le savons, l’AIPAC est loin d’être discret à propos de son programme, de ses pratiques ou de ses prouesses. L’AIPAC, le FCI au Royaume-Uni ainsi que le CRIF en France fonctionnent de la manière la plus ouverte et se vantent souvent ouvertement de leurs succès.
De plus, nous sommes maintenant habitués à voir nos dirigeants élus démocratiquement impudemment faire la queue pour s’agenouiller devant leurs trésoriers. Les néoconservateurs ne ressentent certainement pas le besoin de cacher leurs proches affiliations sionistes. Abe Foxman, de la Ligue antidiffamation (ADL), travaille ouvertement à la judaïsation du discours de l’Occident, poursuivant et harcelant toute personne qui ose exprimer une critique d’Israël ou même de la « notion d’élection » juive. Et bien sûr, la même chose s’applique aux médias, aux banques et à Hollywood. Nous connaissons de nombreux juifs puissants qui ne sont pas le moins du monde discrets au sujet de leur lien avec Israël et de leur engagement envers la sécurité d’Israël, de l’idéologie sioniste, de la primauté de la souffrance juive, de l’expansionnisme israélien et même carrément de l’exception juive.
Mais aussi omniprésent que peuvent être l’AIPAC, le CFI, l’ADL, Bernie Madoff, le « libérateur » Bernard-Henri Lévy, le prêcheur de guerre David Aaronovitch, le prophète du marché libre Milton Friedman, Steven Spielberg, Haim Saban, lord Levy et beaucoup d’autres passionnés sionistes et défenseurs de la hasbara, ils ne sont pas nécessairement l’âme ou la force motrice de la puissance juive, mais simplement des symptômes. Le pouvoir juif est en réalité beaucoup plus complexe qu’une simple liste de lobbies juifs ou de personnes exerçant des compétences hautement développées de manipulation. Le pouvoir juif c’est la capacité unique de nous empêcher de discuter ou même de contempler la puissance juive. C’est la capacité de déterminer les limites du discours politique et de la critique en particulier.
Contrairement à la croyance populaire, ce ne sont pas les sionistes de droite qui facilitent la puissance juive, c’est en fait le « bon », « l’éclairé » et le « progressiste » qui fait de la puissance juive la puissance la plus efficace et la plus énergique du pays. Ce sont les « progressistes » qui contrecarrent notre capacité à identifier la politique judéocentrique tribale au cœur du néo-conservatisme, de l’impérialisme américain contemporain et de la politique étrangère. Ce sont les soi-disant « antisionistes » qui font tout leur possible pour détourner notre attention du fait qu’Israël se définit comme un État juif et qui nous empêchent de voir que ses tanks sont décorés avec des symboles juifs. Ce sont les intellectuels juifs de gauche qui se sont précipités pour dénoncer les professeurs Mearsheimer et Walt, Jeff Blankfort ainsi que le travail de James Petras sur le lobby juif. Et ce n’est pas un secret qu’Occupy AIPAC, la campagne contre le lobby politique le plus dangereux en Amérique, est dominée par quelques membres de la tribu des élus. Nous devons faire face au fait que notre voix dissidente est loin d’être libre. Bien au contraire, nous avons affaire ici à un cas d’opposition institutionnelle contrôlée.
Dans le roman 1984 de George Orwell, c’est probablement Emmanuel Goldstein qui est le personnage central. Goldstein d’Orwell est un révolutionnaire juif, un Léon Trotski fictif. Il est dépeint comme étant le chef d’une mystérieuse organisation appelée « La Fraternité » et est également l’auteur de la plupart des textes subversifs révolutionnaires (Théorie et pratique du collectivisme oligarchique). Goldstein est la « voix dissidente », celui qui dit réellement la vérité. Pourtant, au fur et à mesure que nous nous plongeons dans le texte d’Orwell, nous découvrons par O’Brien, un proche du parti, que Goldstein a été inventé par Big Brother dans une tentative évidente de contrôler l’opposition et les limites possibles de la dissidence.
L’avis personnel d’Orwell sur la guerre civile espagnole, Hommage à la Catalogne, laisse clairement présager la création d’Emmanuel Goldstein. C’était ce qu’Orwell avait vu en Espagne qui, une décennie plus tard, allait devenir une compréhension profonde de la dissidence comme une forme d’opposition contrôlée. Je pense que vers la fin des années 1940, Orwell avait compris la profondeur de l’intolérance et des tendances tyranniques et conspiratrices qui sont au cœur de la politique et de la praxis de la gauche « Big Brother ».
De façon assez surprenante, une tentative d’examiner notre opposition contrôlée contemporaine au sein de la gauche et du Parti progressiste révèle qu’elle est loin d’être une conspiration. Comme dans le cas du lobby juif, la soi-disant « opposition » tente à peine de dissimuler ses intérêts tribaux ethnocentriques, son orientation spirituelle et idéologique et son affiliation.
Un bref examen de la liste des organisations fondées par l’Institut Open Society (OSI) de George Soros présente un tableau sombre – à peu près tout l’ensemble du réseau américain progressiste est financé, en partie ou entièrement, par un sioniste libéral, milliardaire philanthrope, qui prend en charge un très grand nombre de causes importantes qui sont aussi très bonnes pour les Juifs. Et pourtant, tout comme le fervent sioniste Haïm Saban, Soros n’agit pas dans la clandestinité. Son « Open Society Institute » offre fièrement toutes les informations nécessaires concernant la grande quantité de shekels qu’elle répand sur ses bonnes et importantes causes.
Donc, on ne peut pas accuser Soros ou l’Open Society Institute d’examiner le discours politique, d’entraver la liberté d’expression, voire de « contrôler l’opposition ». Tout ce que Soros fait c’est de soutenir une grande variété de « causes humanitaires » : droits de l’homme, droits des femmes, droits des homosexuels, l’égalité, la démocratie, les « Printemps arabes », l’hiver arabe, les opprimés, les oppresseurs, la tolérance, l’intolérance, la Palestine, Israël, les antiguerres, les pro-guerres (seulement lorsque c’est vraiment nécessaire), et ainsi de suite. Comme avec le Big Brother d’Orwell qui délimite les frontières de la dissidence par des moyens de contrôle de l’opposition, l’Open Society de Soros détermine également, que ce soit consciemment ou inconsciemment, les limites de la pensée critique. Pourtant, contrairement à 1984, où c’est le Parti qui invente sa propre opposition et écrit ses propres textes, au sein de notre discours « progressiste », ce sont nos propres voix de la dissidence, volontairement et consciemment, qui compromettent leurs principes.
Soros a surement lu Orwell – il croit manifestement son message – parce que de temps en temps, il soutient même des forces opposées. Par exemple, il finance le sioniste allégé J Street mais aussi des ONG palestiniennes. Et devinez quoi ? Ça ne prend jamais beaucoup de temps aux bénéficiaires palestiniens avant de compromettre leurs propres principes les plus précieux, afin de s’adapter à la vision du monde de leur trésorier. (...)
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