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01/09/2014

sahib, sahib!

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« On oublie trop que le monde moderne, sous une autre face, est le monde bourgeois, le monde capitaliste. C’est même un spectacle amusant que de voir comment nos socialistes antichrétiens, particulièrement anticatholiques, insoucieux de la contradiction, encensent le même monde sous le nom de moderne et le flétrissent, le même, sous le nom de bourgeois et de capitaliste. »

Péguy, Textes choisis, Gallimard, 1973, p.50.

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« C’est cette nécessité de protéger la civilité et le langage traditionnels contre les effets de la domination de classe, qui est, vraisemblablement, à l’origine du besoin si souvent ressenti par Orwell de réhabiliter une certaine quantité de conservatisme. Aucune société décente, en effet, ne peut advenir ni même être imaginée, si nous persistons, dans la tradition apocalyptique ouverte par Saint Jean et Saint Augustin, à célébrer l’avènement de l’homme nouveau et à prêcher la nécessité permanente de faire du passé table rase. En réalité, on ne peut espérer changer la vie si nous n’acceptons pas de prendre les appuis appropriés sur un vaste héritage anthropologique, moral et linguistique, dont l’oubli et le refus ont toujours conduit les intellectuels révolutionnaires à édifier les systèmes politiques les plus pervers et les plus étouffants qui soient. C’est une autre manière de dire qu’aucune société digne des possibilités modernes de l’espèce humaine n’a la moindre chance de voir le jour si le mouvement radical demeure incapable d’assumer clairement un certain nombre d’exigences conservatrices. Telle est, de ce point de vue, la dernière et la plus fondamentale leçon de 1984 : le sens du passé, qui inclut forcément une certaine aptitude à la nostalgie, est une condition absolument décisive de toute entreprise révolutionnaire qui se propose d’être autre chose qu’une variante supplémentaire des erreurs et des crimes déjà commis.

« - A quoi devons nous boire cette fois [demanda O’Brien] ? A la confusion de la police de la pensée ? A la mort de Big Brother ? A l’humanité ? A l’avenir ?

- Au passé, répondit Winston.

- Le passé est plus important, consentit O’Brien gravement. » »

Orwell anarchist tory, JC Michéa, Climats, p 134.

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“Si quelqu’un laisse tomber une bombe sur votre mère, laissez tomber deux bombes sur la sienne. Il n’y a pas d’autre alternative : ou bien vous pulvérisez des maisons d’habitation, vous faites sauter les tripes des gens, vous brûlez des enfants – ou bien vous vous laissez réduire en esclavage par un adversaire qui est encore plus disposé que vous à commettre ce genre de choses. Jusqu’à présent, personne n’a encore suggéré de solution concrète pour échapper à ce dilemme. »

George Orwell, Œuvres complètes I, p 296.

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« Ecoutez maintenant une histoire vraie : c’est aux Indes que j’ai tué pour la première fois une femme…Oui oui, une femme…J’étais parti pour chasser le tigre quand en traversant la nuit un village perdu dans la jungle, un vieil indigène m’arrête :

- Sahib, sahib, un ours !

Et il me fait voir dans l’arbre une masse noire qui bougeait. J’épaule vivement, je tire, la masse s’abat dans un bruit de branches cassées, et je trouve une vieille femme que j’avais démolie pendant qu’elle cueillait des fruits. Un autre vieux moricaud, le mari, m’accable d’injures ; on va chercher le policeman indigène. Je dus indemniser la famille : cela me coûta des sommes folles, au moins deux livres.

L’histoire fut vite connue à vingt milles à la ronde. Et pendant plusieurs semaines, je ne pus traverser un village sans que deux ou trois vieux se précipitent :

- Sahib, sahib, un ours dans l’arbre !

Je n’ai pas besoin de vous dire qu’ils venaient d’y faire monter leurs femmes. »

Les silences du colonel Bramble, André Maurois.

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« De nombreux militants de gauche s’insurgent encore contre la famille autoritaire, le moralisme anti sexuel, la censure littéraire, la morale du travail et autres piliers de l’ordre bourgeois, alors que ceux-ci ont déjà été sapés ou détruits par le capitalisme avancé. Ces radicaux ne voient pas que la personnalité autoritaire n’est plus le prototype de l’homme économique. Ce dernier a lui-même cédé la place à l’homme psychologique de notre temps -dernier avatar de l’individualisme bourgeois. »

(C. Lasch, La culture du narcissisme, éd climats, 2000, p 24)


podcast


30/08/2008

Souvenir des Indes

« La vie du soldat est une vie très dure, parfois mêlée de réels dangers.. »

Les réactions extraordinaires, pour le moins excessivement compassionnelles, à la mort dramatique mais néanmoins peu surprenante de quelques soldats Français dans quelque pays exotique et dans la meilleure tradition coloniale, me rappellèrent instantanément cette assertion du pontifiant major Parker de l’état major du colonel Bramble durant la première guerre mondiale. Inutile d’en dire plus.

 

som1.jpgQuoique.

 

Du spirituel docteur O’Grady : « L’amour de l’humanité est un état pathologique d’origine sexuelle qui se produit fréquemment à l’époque de la puberté chez les intellectuels timides : le phosphore en excès dans l’organisme doit s’évacuer d’une façon quelconque. »

 

Le même major Parker décrivant la chasse à dos d’éléphant : « Vous êtes debout sur votre bête, solidement attaché par une jambe, et vous vous portez dans le vide tandis que l’éléphant galope : c’est vraiment très excitant.

-Je le crois sans peine, dit Aurelle.

-Oui, mais si vous l’essayez, dit le colonel à Aurelle avec sollicitude, n’oubliez pas de descendre par la queue aussi vite que vous pourrez si votre éléphant rencontre un terrain marécageux. Son mouvement instinctif, s’il sent le sol se dérober sous lui, est de vous saisir avec sa trompe et de vous déposer sur le sol devant lui pour s’agenouiller sur quelque chose de solide.

-J’y penserai, sir, dit Aurelle. »

 

Aurelle, le narrateur, dans son journal du 13 janvier 1917 : « Un petit téléphoniste anglais qui est venu réparer notre appareil me dit : « Les téléphones, Monsieur, c’est comme les femmes…au fond, personne n’y comprend rien…un beau jour, rien ne va plus…on cherche pourquoi, on ne trouve pas…puis on les secoue, on jure et tout va bien. » »

 

Le colonel Bramble lui-même, entre deux borborygmes : « Lorsque j’étais aux Indes, un vieux médecin militaire m’a donné pour toutes les maladies des remèdes dont je me suis bien trouvé : contre les battements de cœur, un grand verre de brandy ; contre les insomnies, trois ou quatre verres de porto après le dîner ; pour les maux d’estomac, une bouteille de champagne bien sec, à chaque repas. Et tant que l’on se porte bien, whisky and soda. »