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12/06/2013

propagande ordinaire

 

"Le reality building, la science de la construction de la réalité, n'a aucune existence officielle comme théorie ou pratique constituée. Mais, un peu à l'image de ces singularités cosmiques que sont les trous noirs, il est possible d'en inférer l'existence à partir des effets qu'il produit. Les analyse que Christian Salmon rassemble dans Storyrelling nous mettent sur la piste. En effet, le politique, en management et en marketing, assume déjà pleinement que le leadership et la direction de groupe soient fondés sur le fait de "raconter des histoires". Ces histoires que l'on raconte peuvent être indexées sur le réel, s'appuyer sur des faits objectifs, mais pas forcément.. Ici, la vérité et les faits réels sont secondaires. Le storytelling repose essentiellement  sur l'élaboration d'une bonne fiction, une fiction enthousiasmante, qui parle au cœur et à l'émotion et qui applique des schémas narratifs et des structures scénaristiques ayant déjà fait leurs preuves dans la littérature ou le cinéma. L'imagerie et les mises en scène spectaculaires visent à faire rêver et à produire à la demande de tel ou tel type d'émotion dans le public, de manière à s'assurer la prévisibilité de son comportement et à garder le contrôle du système. Non pas répondre aux réactions du peuple, mais les créer carrément, afin d'avoir toujours un coup d'avance sur lui.

(...) Sans doute conforté par les progrès des technologies audiovisuelles et informatiques, il semble que le marketing politique fasse un usage toujours croissant de la fiction. En ce sens, le reality-building, qui vise à prendre la plus grande liberté possible à l'égard du réel, n'est que le concept radicalisé, désinhibé, poussé à son terme de la propagande et du storytelling: on ne se contente plus de raconter une histoire, on projette de faire entrer complètement autrui dans une réalité virtuelle que l'on aura construite de A à Z. Le journaliste politique Ron Suskind rapportait en 2004 la conversation qu'il avait eu un jour avec un conseiller de Georges W Bush: "Pendant l'été 2002, après que j'eus écrit un article dans Esquire que la Maison Blanche n'aima pas au sujet de l'ancienne directrice de la communication de Bush, Karen Hugues, j'ai eu une discussion avec un conseiller senior de Bush. Il m'exprima le déplaisir de la Maison Blanche, puis il me dit quelque chose que je n'ai pas entièrement compris à ce moment-là -mais qui, je le crois maintenant, concerne le cœur même de la présidence de Bush". Le conseiller me déclara que les types comme moi étaient "dans ce que nous appelons la communauté fondée sur le réel", qu'il définissait comme les personnes qui "croient que les solutions émergent de l'étude judicieuse de la réalité discernable". J'acquiesçais et murmurais quelque chose sur les principes de la raison et de l'empirisme. Il me coupa net. "Ce n'est plus la façon dont fonctionne le monde désormais", continua-t-il. "Nous sommes désormais un empire, et quand nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudierez cette réalité -de manière judicieuse, sans aucun doute- nous agirons de nouveau, créant d'autres nouvelles réalités, que vous pouvez étudier également, et c'est comme ça que les choses se règleront. Nous sommes les acteurs de l'Histoire...et vous, vous tous, il ne vous restera qu'a tout simplement étudier ce que nous faisons".

Gouverner par le chaos, Kontre Kulture 2013.

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