26/09/2008
Jardins et routes
Quelques jours à Bordeaux. Voyage en train, paysages ruraux magnifiques. Villages endormis, fermes aux briques rouges, champs de tournesols grillés, noirs. Café de la gare à Lézignan, étangs qui fument, phares dans la nuit, premières fenêtres allumées, gare de Bram, bribes de conversations, Quartier d’Anjou la légion, l'étranger proche. Animaux serrés les uns contre les autres, silhouettes à casquettes sur un quai puis la Garonne sur la quelle se penchent encore quelques grues titanesques et rouillées, témoins silencieux d'un Bordeaux industrieux. Hangars désaffectés, docks abandonnés, entrepots promis à la destruction...Tout un monde traditionnel, coutumier, c'est-à-dire qui parle encore à chacun, refusant d'obtempérer aux commandements de bouger de notre expertocratie Attalinoïde et de son nouvel ordre festif.
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Réflexions sur la common decency d’Orwell, si bien cernée par Michéa et Crick. Cette manière instinctive d’être, d’agir, de penser, de la classe ouvrière d’antan. Sorte de dignité, de loyauté, d’honneur, de respect de soi-même, des autres et du monde. Un code moral. Sur l’âme de ce socialisme ouvrier –éminemment respectable- et si loin de ce socialisme émétique moderne de pouvoir et de salons , promu par la cléricature du Progrès, soumise, corps et âme, au culte de l’argent.
Ou l’impossibilité d’être à la fois socialiste et « de gauche », faisant référence à une matrice idéologique commune au libéralisme et au progressisme. J’y reviendrai.
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Excellent article dans la NRH sur le vocabulaire usuel de nos figures politiques; alors que De Gaulle ou Mitterrand utilisaient un répertoire de prés de 4000 mots ou locutions, Giscard, dans un souci démagogique puis Chirac, Sarkosy et Royal par obligation, usent d'un répertoire de 300 à 500 mots. Avec la vulgarité de Sarko et l'approximation syntaxique de Ségo en plus. Sarko, Ségo, Mc Cain, Obama même combat de nains médiocres.
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Relecture de « Jardins et routes », première partie du journal de guerre d’Ernst Jünger, oû se mêlent, considérations philosophiques, botaniques, entomologiques, oniriques et guerrières…Mélange étonnant et fascinant. Impression de sérénité et de tranquille assurance malgré la description clinique des horreurs de la guerre. Un bonheur. D’abord l’attente, les promenades sur la ligne de front, la contemplation des insectes, des animaux ou des hommes, puis la campagne de Belgique et de France, le nihilisme brutal du Grand Forestier, si bien saisi dans les Falaises de marbre, dont on apprend que le titre originel était La reine des serpents…
« Les cathédrales considérées comme des fossiles endormis dans nos villes comme sous des sédiments tardifs. Mais nous sommes fort loin de déduire de ces proportions la vitalité qui se conjuguait avec elles et qui les a formées. Ce qui a vécu sous des apparences multicolores et ce qui les a crées, est plus loin de nous que les ammonites de la période crétacée ; et nous avons moins de peine à nous représenter un saurien d’après un os trouvé dans une carrière schisteuse. On pourrait également dire que les hommes d’aujourd’hui regardent ces œuvres comme un sourd voit les formes de violons ou de trompettes. »
« Logement à Wellschbillig. Je fus cantonné ici chez un paysan, dans une maison qui repose sur ses fondations depuis l’époque romaine. Après que j’eu un peu dormi, mon hôte m’envoya par Rehm une gamelle de pommes de terre rôties, avec du confit de bœuf, de quoi rassasier trois bûcherons. Les rapports de l’hôte avec le soldat sont particuliers en ce que, à l’instar du droit sacré d’asile, ils relèvent encore des formes de l’antique hospitalité que l’on accorde sans considération de personnes. Le guerrier a le droit d’être l’hôte dans toutes les maisons et ce privilège est un des plus beaux que lui confère l’uniforme. Il ne le partage qu’avec l’homme persécuté et souffrant. »
« Comme lecture du chemin de fer, le livre de Brousson sur France. Page 16, la fameuse citation de La Bruyère : « Un peu plus de sucre dans les urines, et le libre penseur va à la messe. » En effet, nous commençons à croire lorsque les choses vont plus mal pour nous. C’est alors aussi que nous accueillons des rumeurs, des couleurs, des sons, qui nous sont habituellement inaccessibles. »
« Je remarquais un peu plus tard que la présence des sept cent Français [prisonniers de la compagnie de Jünger après la campagne éclair de mai 1940] ne m'avait pas inquiété le moins du monde, quoique je ne fusse accompagné que d'une seule sentinelle, plutôt symbolique. Combien plus terrible avait été cet unique Français, au bois Le Prêtre, en 1917, dans le brouillard matinal, qui lançait sur moi sa grenade à main. Cette réflexion me fut un enseignement et me confirma dans ma résolution de ne jamais me rendre, résolution à laquelle j'étais demeuré fidèle pendant l'autre guerre. Toute reddition des armes implique un acte irrévocable qui atteint le combattant à la source même de sa force. Je suis convaincu que la langue elle-même en est atteinte. On s'en rend surtout compte dans la guerre civile, ou la prose du parti battu perd aussitôt de sa vigueur. Je m'en tiens là-dessus au "Qu'on se fasse tuer" de Napoléon. Cela ne vaut naturellement que pour des hommes qui savent quel est notre enjeu sur cette terre. »
E Jünger, Jardins et routes, Bourgeois éditeur, 1995.
23:24 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ernst jünger, michéa, orwell
Commentaires
Beau texte, belle citation : merci.
Écrit par : Didier Goux | 27/09/2008
de rien, ami
Écrit par : hoplite | 27/09/2008
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