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14/07/2009

bastingage

malaparte.jpg« Une catastrophe ». Si je devais retenir un mot, une expression utilisée par tous ceux qui me décrivent leur métier, leurs milieux professionnels, leur vie depuis 30 ou 40 ans, ce serait celle-là : une catastrophe. J’aime bien causer avec mes patients, leur faire raconter leur vie, leur métier, chaque fois des trajectoires singulières, uniques, parfois banales mais souvent émouvantes voire tragiques. Telle femme au parler germanisant née en avril 1945 à Berlin ( !) qui raconte avec difficultés les horreurs vécues par ce peuple condamné par l’histoire et qui m’évoquent immédiatement ce Journal d’une femme à berlin. Telle autre, née pendant la guerre aussi en Ukraine, traversant, seule avec sa mère, l’europe Orientale en feu, embarquant par miracle avec quelques milliers d’autres civils dans l’enfer de Memel, sous le feu des Soviétiques, et faisant surgir Grossman et ses Carnets de guerre ou Guy Sajer devant mes yeux; aujourd’hui grand-mère tranquille et douce élevant ses petits-enfants dans le sud de la France. Tel autre, rescapé des combats de la RC4, prisonniers des viets et trimbalé dans la jungle, blessures ouvertes nettoyées par les vers ( !), échangés en 1955 contre d’autres prisonniers et rapatrié en métropole, débarquant dans le port de Sète sous les insultes et les crachats de militants communistes…aujourd’hui bon pied bon œil, me donnant des conseils sur la culture du géranium. Je n’invente rien, il suffit de gratter un peu, de montrer qu’on s’intéresse à leur histoire. Et il y a de quoi, bien souvent.

Et donc, une catastrophe. Les enseignants notamment ceux qui partent bientôt en retraite ou déjà retraités qui ont vu monter les nouvelles générations d’élèves et de collègues. Pas question de généraliser ou de jouer au sociologue de bistrot mais le consensus est écrasant : des élèves de plus en plus incultes, irrespectueux, arrogants et violents et des profs également incultes ou faisant le minimum, ayant intériorisé la faillite du système éducatif mais ne rechignant pas à accompagner les fossoyeurs du système dans les cortèges syndicaux… Récemment une femme magistrate, me décrivant la lente démission des autorités judiciaires montantes et leur indigence quotidienne, relachant à tours de bras quantités de chances pour la France, multirécidivistes et toujours plus haineuses, au grand dam de flics castrés et sommés d’écrire un rapport en 12 exemplaires dés qu’ils sortent leurs flingue. Plus prés de moi, mes collègues médecins, jeunes ou moins jeunes. Moi-même, certainement. (Comment y échapper ?)

Partout ce sentiment de déclassement, de décivilisation, d’ensauvagement de classes professionnelles et sociales, véritables élites d’une nation (rien à voir avec les « élites » au sens progressiste ou Sarkosyste du terme, cette ploutocratie arrogante arrimée aux valeurs les plus vulgaires de la bourgeoisie triomphante).

Entendons-nous, je ne suis pas décliniste (n’étant pas progressiste), je ne crois pas que cela ait été forcément ou systématiquement mieux auparavant. Ni demain... Il n’y a pas de sens de l’histoire, seulement des cycles.

Mystérieux, tout ça ! Faut des antennes pour percevoir ces petits signes qui disent une époque.

Hier encore, bonne discussion avec un copain perdu de vue depuis des années, Franciscain, vivant avec des clodos dans la ville rose, passionné de sports de combats dans sa jeunesse et encore capable d’estourbir n’importe quelle pépite de la nation en deux mouvements : proche de la théologie de la libération (ce mariage de la carpe et du lapin), il me racontait, Davidoff au bec, la vague sans précédent (lui qui connaît le terrain depuis plus de 20 ans) de conversion de jeunes européens à l’Islam dans les banlieues populaires…question de survie, dis-je ? Oui, question de survie, essentiellement.

Il y a bien sûr ces nouvelles invasions barbares en Europe, depuis deux générations, qui voit s’installer définitivement dans le Dar al arb, des populations africaines et asiatiques toujours plus nombreuses et essentiellement musulmanes. Et ce ne sont pas les lettrés, les érudits, les élites Maghrébines, Ottomanes ou sub sahariennes, épris de disputatio, qui viennent, mais des hommes et des femmes simples et archaïques bousculés par l’histoire, un peu comme ces Wisigoths et ces Germains bousculés par les terribles Huns de l’ascète Attila. Ou comme ces Perses balayés par Alexandre. La tectonique des peuples. Contrairement à nos amis progressistes et libéraux je ne crois pas que l’on change de culture comme on change de chemise : ces migrants restent des orientaux en europe, des africains en europe et participent par leur simple présence à cette déculturation et à cet ensauvagement des peuples européens.

Il y a aussi –et surtout- cette anomie européenne : les européens en majorité ne connaissent plus leur histoire, leur civilisation. Dominique Venner utilise le terme de dormition pour expliquer à quel point nous vivons aujourd’hui dans un monde étranger à notre culture. Un monde essentiellement technicien, matérialiste, consumériste, horizontal fait de démesure (l’hubris des anciens) et d’absence de toute transcendance. Egalitaire au mauvais sens du terme : des masses incultes et individualistes soumises à la doxa productiviste consumériste (homo oeconomicus) cornaquée par quelques élites nomades (Danny boon à San Francisco haranguant les habitants du Nord ou BHL pérorant de son loft New Yorkais sur un pseudo anti sémitisme ontologique Français!!! on croit rèver...) endogamiques et arrogantes méprisant toute souveraineté populaire (« populisme ») et tout enracinement, une apparence de démocratie (ce spectacle de Baudrillard), etc. Les européens sont soumis à un nomos étranger à leur culture, d’abord parce qu’ils l’ont oubliée et parce qu’ils ne la transmettent plus à leurs enfants. Trader posait récemment la question de savoir ce qu’était un Européen aujourd’hui : tout est là ! Y répondre c’est se donner les armes pour défendre et transmettre sa culture. Y répondre c’est aussi accepter sans peur l’altérité, voire refuser l’altérité si celle-ci est une menace.

Tout cela à l’apparence d’une tragédie antique : des Européens battus et culpabilisés comme jamais (anti racisme totalitaire, culte indépassable du génocide Juif, acceptation inconditionnelle de l’Autre, ethno masochisme, pseudo universalité de la culture Française, héritage délétère d’un christianisme moribond, etc..), pressés de disparaître et de se fondre dans l’Universel marchand. Le chœur mortifère de ces bonnes âmes globalisées, ces gentils clercs moralisateurs du haut de leur citadelle climatisée, des Dieux sourds ou hostiles laissant les Achéens brûler leurs navires… avant de prendre l’Ilion.

Un regard contemplatif, c'est tout. Stoïque, pourquoi pas.

 

"Ils s'accoudèrent dans l'ombre au bastingage"

Archiloque de Paros, Fragments.

Commentaires

joli texte

Écrit par : robespierre | 14/07/2009

Excellent.

Écrit par : Ivane | 14/07/2009

c'est le rosé, ça aide..

Écrit par : hoplite | 14/07/2009

Suc de la pensée de beaucoup d'occidentaux !

Écrit par : Nadiejda | 14/07/2009

je ne crois pas qu'il y ait une pensée occidentale. Y a-t-il une pensée orientale ou arabo musulmane? non à l'évidence.
nadiejda, je pense que nombre de ouigours, chinois hans, maliens, ou turcs raisonnent comme moi. En terme d'identité culturelle, de peuples aux cultures irréductibles et précieuses, en grand danger de disparition.

pourquoi les européens (ces occidentaux) seraient-ils les seuls à devoir se fondre dans l'universel?
Pourqoi, à votre avis, Erdogan pense-t-il que l'acculturation des Turcs en Occident est un crime?

Écrit par : hoplite | 14/07/2009

De la dynamite comme j'aime. Bravo!

Je retiens ceci:
"(...) ayant intériorisé la faillite du système éducatif mais ne rechignant pas à accompagner les fossoyeurs du système dans les cortèges syndicaux… (...)"

Je pourrais transposer ce constat - l'intériorisation de la faillite du système - à toutes les classes de la société et voilà une manière d'expliquer un déclin presque irrémédiable.

Qd t'écris comme cela, hoplite, tu me fais penser à l'époque où, à mes frais, j'avais tenté d'écrire un recueil de nouvelles. Pendant une année complète! Seigneur que j'étais allumé, ou du moins le croyais-je...

Continue.

Écrit par : Trader | 14/07/2009

allumé, c'est bien ce qui me caractérise le mieux, ces jours ci...
merci, vieux

Écrit par : hoplite | 15/07/2009

@ Hoplite: Bien que je ne sois pas assez équipé intellectuellement pour étayer mon argument, je crois au contraire qu'il existe une pensée occidentale, puisque les blocs ou aires de civilisations sont marquées et fondées sur des idées et des pensées. La pensée occidentale, dirais-je, est marquée par les auteurs grecs, romains, le christianisme et du judaïsme. Des nuances et des lignes de fracture interne existent bien évidemment! Et je pense, je m'avance peut-être beaucoup, qu'il y a une pensée ou un bloc de pensée, un courant sera plus juste, typique à la civilisation arabo-musulmane.

Bien sûr, ce dont vous parlez, survie identitaire est assez universelle. C'est même d'ailleurs à la mode "N'oublies pas d'où tu viens!" sauf pour les Français. Ceux-ci semblent même en avoir honte. Et puis il y a des gens comme cet im****** de Ramadan qui demande aux jeunes Français d'origine maghrébine de ne pas oublier d'où ils viennent tout en s'attachant au pays où ils sont mais quand un Français de souche parle de ses origines, il répond peur de l'Autre et définition mythique, voire fantasmatique.

Écrit par : daredevil | 16/07/2009

salut daredevil. bonne réflexion, mais en fait je répondais (en vain) à nadiejda qui parlait de "suc de la pensée occidentale"...à la réflexion, je ne pense pas refléter le mainstream occidental, plutôt libéral et nomade qu'autre chose.

vous avez bien sûr raison sur l'existence d'une culture occidentale, fruit de penseurs et de textes fondateurs de l'occident.

juste encore quand vous pointez le juste combat de cultures exotiques pour leur survie et la négation de ce combat pour tout européen, alors accusé d'enfermement identitaire et de "peur de l'autre". en ce sens, les réflexions de levi-strauss me paraissent trés éclairantes et bien souvent à contre courant de la pensée politiquement correcte, c'est-à-dire globalisante, éradicatrice des distinctions culturelles, cette "culture du même" que dénoncent Freund et alain de benoist.
à+

Écrit par : hoplite | 16/07/2009

Texte lu un soir de déprime (récurrente) et enchantement de la connivence et culture commune , je vais mieux après avoir vu formulé magistralement, avec un soupçon de mélancolie,les sentiments profonds qui m'animent.
Bene tibi

Écrit par : amaury Hutt | 17/07/2009

salut amaury. il y a effectivement un soupçon de mélancolie...mais au fond, c'est plus un constat, un état des lieux: indispensable pour envisager un combat quel qu'il soit. sinon on se condamne à l'échec. qu'on porte un regard stoique ou engagé, l'important est de ne pas se tromper d'époque et de ne pas imaginer quelque retour en arrière.
ie le monde dans lequel vont vivre nos enfants ne ressemblera en rien au nôtre à leur âge et encore moins à celui de nos parents: l'important est de le comprendre pour sauver et transmettre ce qui nous parait important de l'être. le combat continue et rien n'est écrit.
tcho

Écrit par : hoplite | 18/07/2009

Merci H. pour cette réponse qui au plus près de moi ,stoïque ou engagé fait écho au "que va-t-il se passer?" de R. Camus. La réponse donné par G. Faye est plus délicate.
Ne pas se tromper d'époque , oui .
je m'abonne au fil de discussion.
Vobis

Écrit par : amaury Hutt | 18/07/2009

y a un bail que j'ai lu g faye et sa convergence des catastrophes...
surement déprimant...

Écrit par : hoplite | 18/07/2009

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