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12/01/2014

J'écris et mes larmes coulent à flots

 

"Les troupes sont en marche. L'humeur est plus gaie. « Eh, si seulement on allait jusqu'à Kiev. » Un autre : « Eh, j'irais bien jusqu'à Berlin. » Pris sur le vif : un point d'appui défensif mis sens dessus dessous par un char. Un Roumain sur lequel et passé un char, aplati. Son visage est comme un bas-relief. A côté de lui, deux Allemands écrasés. Au même endroit, l'un des nôtres gît dans la tranchée, à demi écrasé.

Des boites de conserve, des grenades, des « citrons » (grenades à main), une couverture tachée de sang, des pages de magazines allemands. Nos soldats sont assis là, au milieu des cadavres, ils font bouillir dans un chaudron des morceaux de viande découpés sur un cheval tué et tendent vers le feu leurs mains gelées.

Sur le champ de bataille, côte à côte, un Roumain tué et un des nôtres, également mort. Le Roumain a sur lui une feuille de papier et un dessin d'enfant : un petit lapin et un bateau. Le nôtre a une lettre : « Bonjour et peut-être bonsoir. Coucou petit papa... » Et la fin de la lettre : « Revenez mon petit papa, parce que sans vous on rentre à la maison comme si c'était une autre maison. Sans vous je m'ennuie ferme. Venez, que je puisse vous voir, ne serait-ce qu'une heure. J'écris et mes larmes coulent à flots. (...) Signé : votre fille, Nina. »"

(Vassili Grossman, Carnets de guerre, Stalingrad, novembre 1942)

suite

28/05/2010

les hommes au milieu...

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Bon, vous aurez remarqué le diléttantisme croissant qui règne chez Hoplite depuis quelques semaines...podcasts et jolies grues deviennent envahissants, je vous l'accorde. Ca ne va pas s'arranger dans l'immédiat en raison de milliers de nuits sans sommeil (la phalange s'est agrandie et je suis un père progressiste..); mais, en bon lecteur des Carnets de guerre de Grossman et de Jünger ou des récits de la Kolyma de Chalamov (lectures certainement plus adéquates que les derniers opus d'Angot ou de Darrieuseq), je ne saurais me plaindre de mon sort...

« À ces mots vers son enfant se pencha l'illustre Hector ;
Mais l'enfant, contre le sein de sa nourrice à la belle ceinture,
Se rejeta en criant, épouvanté à la vue de son père,
Effrayé par le bronze et le panache en crins de cheval que,
Terrible, au sommet du casque, il voyait s'agiter
»
L'Iliade, VI, 467-470)

 

photo... des ruines..

14/07/2009

bastingage

malaparte.jpg« Une catastrophe ». Si je devais retenir un mot, une expression utilisée par tous ceux qui me décrivent leur métier, leurs milieux professionnels, leur vie depuis 30 ou 40 ans, ce serait celle-là : une catastrophe. J’aime bien causer avec mes patients, leur faire raconter leur vie, leur métier, chaque fois des trajectoires singulières, uniques, parfois banales mais souvent émouvantes voire tragiques. Telle femme au parler germanisant née en avril 1945 à Berlin ( !) qui raconte avec difficultés les horreurs vécues par ce peuple condamné par l’histoire et qui m’évoquent immédiatement ce Journal d’une femme à berlin. Telle autre, née pendant la guerre aussi en Ukraine, traversant, seule avec sa mère, l’europe Orientale en feu, embarquant par miracle avec quelques milliers d’autres civils dans l’enfer de Memel, sous le feu des Soviétiques, et faisant surgir Grossman et ses Carnets de guerre ou Guy Sajer devant mes yeux; aujourd’hui grand-mère tranquille et douce élevant ses petits-enfants dans le sud de la France. Tel autre, rescapé des combats de la RC4, prisonniers des viets et trimbalé dans la jungle, blessures ouvertes nettoyées par les vers ( !), échangés en 1955 contre d’autres prisonniers et rapatrié en métropole, débarquant dans le port de Sète sous les insultes et les crachats de militants communistes…aujourd’hui bon pied bon œil, me donnant des conseils sur la culture du géranium. Je n’invente rien, il suffit de gratter un peu, de montrer qu’on s’intéresse à leur histoire. Et il y a de quoi, bien souvent.

Et donc, une catastrophe. Les enseignants notamment ceux qui partent bientôt en retraite ou déjà retraités qui ont vu monter les nouvelles générations d’élèves et de collègues. Pas question de généraliser ou de jouer au sociologue de bistrot mais le consensus est écrasant : des élèves de plus en plus incultes, irrespectueux, arrogants et violents et des profs également incultes ou faisant le minimum, ayant intériorisé la faillite du système éducatif mais ne rechignant pas à accompagner les fossoyeurs du système dans les cortèges syndicaux… Récemment une femme magistrate, me décrivant la lente démission des autorités judiciaires montantes et leur indigence quotidienne, relachant à tours de bras quantités de chances pour la France, multirécidivistes et toujours plus haineuses, au grand dam de flics castrés et sommés d’écrire un rapport en 12 exemplaires dés qu’ils sortent leurs flingue. Plus prés de moi, mes collègues médecins, jeunes ou moins jeunes. Moi-même, certainement. (Comment y échapper ?)

Partout ce sentiment de déclassement, de décivilisation, d’ensauvagement de classes professionnelles et sociales, véritables élites d’une nation (rien à voir avec les « élites » au sens progressiste ou Sarkosyste du terme, cette ploutocratie arrogante arrimée aux valeurs les plus vulgaires de la bourgeoisie triomphante).

Entendons-nous, je ne suis pas décliniste (n’étant pas progressiste), je ne crois pas que cela ait été forcément ou systématiquement mieux auparavant. Ni demain... Il n’y a pas de sens de l’histoire, seulement des cycles.

Mystérieux, tout ça ! Faut des antennes pour percevoir ces petits signes qui disent une époque.

Hier encore, bonne discussion avec un copain perdu de vue depuis des années, Franciscain, vivant avec des clodos dans la ville rose, passionné de sports de combats dans sa jeunesse et encore capable d’estourbir n’importe quelle pépite de la nation en deux mouvements : proche de la théologie de la libération (ce mariage de la carpe et du lapin), il me racontait, Davidoff au bec, la vague sans précédent (lui qui connaît le terrain depuis plus de 20 ans) de conversion de jeunes européens à l’Islam dans les banlieues populaires…question de survie, dis-je ? Oui, question de survie, essentiellement.

Il y a bien sûr ces nouvelles invasions barbares en Europe, depuis deux générations, qui voit s’installer définitivement dans le Dar al arb, des populations africaines et asiatiques toujours plus nombreuses et essentiellement musulmanes. Et ce ne sont pas les lettrés, les érudits, les élites Maghrébines, Ottomanes ou sub sahariennes, épris de disputatio, qui viennent, mais des hommes et des femmes simples et archaïques bousculés par l’histoire, un peu comme ces Wisigoths et ces Germains bousculés par les terribles Huns de l’ascète Attila. Ou comme ces Perses balayés par Alexandre. La tectonique des peuples. Contrairement à nos amis progressistes et libéraux je ne crois pas que l’on change de culture comme on change de chemise : ces migrants restent des orientaux en europe, des africains en europe et participent par leur simple présence à cette déculturation et à cet ensauvagement des peuples européens.

Il y a aussi –et surtout- cette anomie européenne : les européens en majorité ne connaissent plus leur histoire, leur civilisation. Dominique Venner utilise le terme de dormition pour expliquer à quel point nous vivons aujourd’hui dans un monde étranger à notre culture. Un monde essentiellement technicien, matérialiste, consumériste, horizontal fait de démesure (l’hubris des anciens) et d’absence de toute transcendance. Egalitaire au mauvais sens du terme : des masses incultes et individualistes soumises à la doxa productiviste consumériste (homo oeconomicus) cornaquée par quelques élites nomades (Danny boon à San Francisco haranguant les habitants du Nord ou BHL pérorant de son loft New Yorkais sur un pseudo anti sémitisme ontologique Français!!! on croit rèver...) endogamiques et arrogantes méprisant toute souveraineté populaire (« populisme ») et tout enracinement, une apparence de démocratie (ce spectacle de Baudrillard), etc. Les européens sont soumis à un nomos étranger à leur culture, d’abord parce qu’ils l’ont oubliée et parce qu’ils ne la transmettent plus à leurs enfants. Trader posait récemment la question de savoir ce qu’était un Européen aujourd’hui : tout est là ! Y répondre c’est se donner les armes pour défendre et transmettre sa culture. Y répondre c’est aussi accepter sans peur l’altérité, voire refuser l’altérité si celle-ci est une menace.

Tout cela à l’apparence d’une tragédie antique : des Européens battus et culpabilisés comme jamais (anti racisme totalitaire, culte indépassable du génocide Juif, acceptation inconditionnelle de l’Autre, ethno masochisme, pseudo universalité de la culture Française, héritage délétère d’un christianisme moribond, etc..), pressés de disparaître et de se fondre dans l’Universel marchand. Le chœur mortifère de ces bonnes âmes globalisées, ces gentils clercs moralisateurs du haut de leur citadelle climatisée, des Dieux sourds ou hostiles laissant les Achéens brûler leurs navires… avant de prendre l’Ilion.

Un regard contemplatif, c'est tout. Stoïque, pourquoi pas.

 

"Ils s'accoudèrent dans l'ombre au bastingage"

Archiloque de Paros, Fragments.