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06/02/2010

Auschwitz 105- Ukraine zéro

J'écoutais ce matin d'une oreille distraite (Gros plan ou Muscadet bordel ?) la fin de Répliques, au moment où Finkielkraut s'interroge avec ses invités sur l'asymétrie dans la mémoire des deux totalitarisme du XXième siècle. Discussion éminemment intéressante mais trop courte..

Alain Besançon avait eu la curiosité, il y a quelques années de consulter le service de documentation du journal de révérence « Le Monde » et de calculer le nombre de références aux crimes Nazis et communistes entre 1990 et 1997 ; le thème du nazisme revint 480 fois, celui du « stalinisme », sept fois...Auschwitz faisait l'objet de 105 références, le génocide par la famine organisée en Ukraine (environ 6 millions de morts en 1933) zéro référence.

« Le nazisme, bien que disparu complètement depuis plus d'un demi-siècle, est à juste titre l'objet d'une exécration que le temps n'affaiblit nullement. Le communisme, en revanche, bien que tout frais et tout récemment déchu, bénéficie d'une amnésie et d'une amnistie qui recueille le consentement presque unanime, non seulement de ses partisans, mais de ses ennemis les plus déterminés et même de ses victimes. Ni les uns ni les autres ne trouvent séant de la tirer de l'oubli. » (1)

Relu récemment, et successivement, « Le malheur du siècle », « Le livre noir du communisme » (2), puis « Du passé, faisons table rase » (3).

Ce qui frappe le plus, comme le souligne Besançon, au delà de l'horreur des crimes commis au nom de cette idéologie totalitaire, c'est ce "contraste entre l'amnésie du communisme et l'hypermnésie du nazisme"(6), cette organisation de la non repentance, après celle de la dissimulation des crimes commis par tous les régimes communistes durant le XX ème siècle. Ce négationnisme communiste.

famineposter1.jpgIl faut se rappeler, lors de la sortie du « Livre noir du communisme », les injures et les menaces de la presse communiste en France, le travail de sape du Monde (des commissaires politiques Colombani et Plenel) pour discréditer les auteurs de cette somme inédite et pour atténuer l'onde de choc auprès d'un public encore largement ignorant de l'horreur collectiviste, la sortie pitoyable de Jospin à l'assemblée tentant de sauver le soldat communiste et dissociant (à dessein ?) stalinisme et communisme afin d'épargner ses amis trotskystes. Il faut revoir ce « bouillon de culture » historique ou Stéphane Courtois fut confronté à deux apparatchiks communistes (Roger Martelli et Roland Leroy).

La première synthèse historique de la dimension criminelle du communisme ne devait pas être connue ; Outre la recension des crimes de masses commis, les auteurs détaillaient également les méthodes utilisées pour assassiner des millions de personnes, notamment la famine organisée. La question de la nature totalitaire du communisme et sa comparaison avec le nazisme était également reprise par les auteurs, à la suite d' Ernst Nolte, François Furet ou Renzo de Felice.

Si le monstre est mort comme phénomène politique, il demeure bien vivant comme phénomène culturel : il faut admettre que décrire le communisme dans sa réalité (sa praxis), reste un délit d'opinion. Le négationnisme, définit comme un délit quand il porte sur le nazisme, ne l'est pas quand il dissimule les crimes communistes.

Soulignant la motivation idéologique des crimes nazis, le procureur général Français à Nuremberg, François de Menthon, disait : « Nous ne nous trouvons pas devant une criminalité accidentelle, occasionnelle, nous trouvons devant une criminalité systématique découlant directement et nécessairement d'une doctrine. » (4)

Cette description du totalitarisme brun s'applique mot pour mot au totalitarisme rouge...

Et pour s'en convaincre, il faut relire les premiers écrits de Lénine (Le Programme Militaire de la Révolution Prolétarienne, notamment (1916)) appellant à l'élimination physique, à grande échelle, de tous les ennemis du peuple, « poux », « insectes nuisibles », tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, sont censés constituer un obstacle à l'érection de la dictature du prolétariat.

De même que « lui convient parfaitement la définition du nouveau code pénal Français, adopté en 1992, selon laquelle, le crime contre l'humanité inclut la déportation, la réduction en esclavage, la pratique massive et systématique d'exactions sommaires, d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture, d'actes inhumains inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux, et organisés en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile. » (5)

Or, les massacres et déportations systématiques de groupes sociaux ou ethniques en raison de ce qu'ils sont et non de ce qu'ils font, jalonnent toute l'histoire du communisme.

Il est donc sans doute légitime de conclure à une nature intrinsèquement criminogène du communisme, tant il a produit de copies conformes dans les circonstances les plus diverses, sous toutes les latitudes et dans les sociétés culturellement les plus différentes (Cuba, Ethiopie, Angola, Afghanistan, Mozambique, Laos, Cambodge, Chine, Russie,...)

Devant pareil constat, pareille horreur, le front négationniste procommuniste, puissamment relayé par des média complaisants voire serviles et perdant une sérieuse occasion de faire un aggiornamento, ressasse l'éternel antienne : « le communisme se voulait dans son principe une doctrine de libération par la dictature du prolétariat, alors que le nazisme annonçait dés sa naissance un programme d'extermination... » ou bien « l'anéantissement de l'homme exprime non l'essence de cette doctrine de libération, mais sa perversion ..» (distinguo Léninisme/ Stalinisme).

Il est alors particulièrement étonnant que cette doctrine de libération n'ai jamais nulle part mis en œuvre autre chose que sa propre perversion.

Un aspect non moins important de ces ouvrages est d'établir le fait que Lénine et Trotky furent les initiateurs de ce système et aussi de la terreur organisée, et ce dés 1917 (premiers camps de concentration, premier rapport alarmant de la Ligue des Droits de l'Homme). Staline n'en fut que le continuateur appliqué et méthodique doublé d'un stratège militaire sans pareil, surclassant largement son alter ego Hitler, et les Churchill et Roosevelt.

Pourquoi, se demande alors Alain Besançon, une telle différence de traitement entre ces deux formes de totalitarisme (« ces deux jumeaux hétérozygotes » selon Pierre Chaunu) ?

Dans la plupart des pays sortis du communisme, il n'a pas été question de châtier les responsables qui avaient tué, privé de liberté, ruiné, abruti leurs sujets et cela pendant deux ou trois générations. Sauf en Allemagne de l'Est et en république Tchèque, les communistes ont été autorisés à rester dans le jeu politique, ce qui leur a permis de reprendre ça et la le pouvoir. En Russie et dans d'autres républiques, le personnel diplomatique et policier est resté en place. En Occident, cette amnistie de fait a été jugée favorablement. On a comparé la confirmation de la nomenklatura à l'évolution thermidorienne des anciens Jacobins. Depuis peu, nos média reparlent même de « l'épopée du communisme » et le passé kominternien du PCF ne l'empêche nullement, avec ses avatars alter mondialistes anti libéraux et autres, d'être accepté dans le sein de la démocratie Française (on peut même voir un ministre de l'intérieur ferrailler pour faire admettre dans le jeu politique une faction communiste ouvertement révolutionnaire et anti démocratique par nature...)

Besançon avance plusieurs explications :

- « le nazisme est mieux connu que le communisme, parce que le placard aux cadavres à été ouvert par les troupes alliées » et que plusieurs peuples européens en ont eu une expérience directe. Le crime nazi est repérable, flagrant, contrairement au goulag ou au laogaï qui restent enveloppés de brouillard et demeurent indirectement connus.

- « le peuple juif a pris en charge la mémoire de la shoah. C'était à la fois une obligation morale et religieuse. » Nul équivalent concernant les crimes communistes compte tenu, notamment , de la multitude de peuples victimes de l'idéologie communiste.

- « La guerre, en nouant une alliance militaire entre les démocraties et l'URSS, a affaibli les défenses immunitaires occidentales contre l'idée communiste, pourtant très fortes au moment du pacte Hitler Staline, et provoqué une sorte de blocage intellectuel. » L'héroïsme militaire soviétique prenait le pas sur l'idéologie communiste, mise en réserve. Plus encore, les soviétiques firent partie des vainqueurs et, à ce titre, figurèrent parmi les juges à Nuremberg. Et, à la différence de l'Europe orientale, l'Europe occidentale n'a pas eu l'expérience directe de l'arrivée de l'arrivée rouge, qui fut considérée comme libératrice au même titre que les autres armées alliées, ce que ne ressentaient bien sur ni les Baltes, ni les Polonais...

- « un des grands succès du régime soviétique est d'avoir diffusé et imposé sa propre classification idéologique des régimes politiques modernes : Lénine les ramenait à l'opposition entre socialisme et capitalisme. Encore actuellement dans les livres d'histoire scolaire, on trouve le classement suivant : régime soviétique, démocraties libérales, fascismes (nazisme, fascisme italien stricto sensu  et franquisme), distinct du classement correct développé par Anna Arendt dés 1951, c'est à dire : ensembles, les deux seuls régimes totalitaires (communisme et nazisme), les régimes libéraux, les régimes autoritaires (Italie, Espagne, Hongrie, Amérique latine) qui relèvent des catégories classiques de la dictature et de la tyrannie, répertoriées depuis Aristote. »

- "la faiblesse des groupes capables de conserver la mémoire du communisme : le nazisme à duré douze ans, le communisme européen, selon les pays entre 50 et 70 ans. La durée ayant un effet auto amnistiant. Durant ce temps immense, la société civile a été atomisée, les élites ont été successivement détruites en profondeur, remplacées, rééduquées. La plupart de ceux qui auraient été en mesure de penser, et donc de dresser le bilan de cette expérience tragique, ont été privés de connaître leur histoire et ont perdu leurs capacités d'analyse. « Rien n'est si problématique, après la dissolution d'un régime totalitaire, que la reconstitution dans le peuple d'une conscience morale et d'une capacité intellectuelle normale. » (7)

(1)   Alain Besançon, Le malheur du siècle, Fayard 1998, p.10.

(2)   Stéphane courtois, Robert Laffont, 1997.

(3)   Stéphane Courtois, Robert Laffont, 2002.

(4)   François de Fontette, Le procès de Nuremberg, coll. « Que sais-je ? », PUF, 1996, p.48

(5)  Jean François Revel, Le siècle des ombres, Fayard 199, p.602.

(6) Alain Besançon, Le malheur du siècle, p.9.

(7) ibid.

Commentaires

Tout récemment encore, nos petits amis blogueurs progressistes parlaient de "communisme dévoyé", pour évoquer le communisme. J'avais alors imaginé leurs têtes et entendu leurs piaulements si on s'était mis à parler de nazisme dévoyé...

On devrait suggéré au Mrap un rapport où seraient recensés tous les blogs faisant l'apologie du communisme.

Écrit par : Didier Goux | 06/02/2010

Opte pour le Muscadet!
Le gros plan, c'est pour faire la cuisine. Tssss

"Un aspect non moins important de ces ouvrages est d'établir le fait que Lénine et Trotky furent les initiateurs de ce système et aussi de la terreur organisée, et ce dès 1917 (premiers camps de concentration, premier rapport alarmant de la Ligue des Droits de l'Homme)".
On pense ce qu'on veut de leur combat.
Mais au moins, ils ont mis le paquet contre leurs ennemis "de classe".Quand Trotsky sait que les anarchistes menacent la révolution, il les combat.
Je ne suis pas devin mais je doute que nous soyions de cette trempe pour combattre les nôtres, d'ennemis. Nous faisons plutôt un boulevard à ceux qui veulent notre soumission. Enfin quand je dis "nous", je veux dire les occidentaux.

Écrit par : Marine | 06/02/2010

« On devrait suggéré au Mrap un rapport où seraient recensés tous les blogs faisant l'apologie du communisme. »

On y retrouverait Causeur, à cause de Jérôme Leroy. Causeur aurait donc le privilège unique d'être cité dans le rapport brun et dans le rapport rouge.

Écrit par : Yanka | 06/02/2010

Très bon billet. Cela reste pourtant incompréhensible.

Écrit par : ChristineB | 06/02/2010

Vladimir Volkoff, dans son superbe roman Le Montage (1982), explique une partie des raisons pour lesquelles Lénine et l'« idée communiste » ont toujours eu bonne presse en France.

Écrit par : Lorrain | 07/02/2010

Un autre exemple de l' amnésie en faveur des crimes du communisme : le massacre dans la Forêt de Katyn, en Biélorussie de quelque 23 000 officiers et sous officiers polonais exécutés d’une balle «progressiste» dans la nuque. Cela cadrait mal avec l' image du Mal exclusivement du côté nazi.

On peut ajouter aux causes évoquées par Alain Besançon la mainmise, dès la Libération, de l’information, de l’enseignement et de l’écriture de l’Histoire par les communistes aidés par leurs réseaux de «sympathisants», de «compagnons de route» soucieux de ménager un Parti Communiste au sommet de sa puissance et donc nécessaire pour constituer une coalition de la gauche au sein de l’Assemblée Nationale.

Écrit par : mischka | 07/02/2010

Les chasses,
de Pompidou et brejnev,
dans le parc du chateau de Chambord ...
l'amitiée entre les peuples belle à en pleurer .
(des collabos, oui .)

Écrit par : ZEK | 07/02/2010

Tout à fait d'accord sur cette disproportion incroyable.

Néanmoins tout meurtre de masse n'est pas pour autant un génocide. C'est le cas de la famine de 1932-33 en Ukraine.

Comme le souligne l'historien Joel Kotek, Staline fait cesser la famine "lorsqu'il a cru que les Ukrainiens avaient compris". Kotek parle donc de "politicide" ou de "démocide".

Référence : http://www.scribd.com/doc/8671953/Conf-Kotek-Genocide

Écrit par : Francis Grunchard | 07/02/2010

« Le nazisme est mieux connu que le communisme, parce que le placard aux cadavres à été ouvert par les troupes alliées. » Certes, on n’est jamais mieux servi que par soi-même, mais, d’un autre point de vue, la justice instruite et rendue par une des parties est une drôle de justice, d’où sort une vérité historique parfois troublante. Bref, je ne suis pas sûr que, pour avoir été inventoriés par les adversaires de ceux à qui ils furent imputés, les crimes nazis soient mieux connus que ceux du communisme. Quelque chose me dit même que la présence à Nuremberg des spécialistes diligentés par Joseph Staline jette sur les conclusions de la cour une couleur un peu suspecte. On comptait parmi eux, par exemple, l’honorable juge Nikitchenko qui avait présidé avec tant de brio le procès de Moscou en 1936. On se demandera aussi de quel bois (de justice) étaient les collègues alliés de ces spécimens, pour avoir gardé leur sérieux à leurs côtés pendant un an. Bref, encore, Auschwitz, Treblinka etc... restent paradoxalement entourés de ténèbres peut-être plus épaisses que le silence entourant le Goulag.

Écrit par : L. Chéron | 07/02/2010

J'ai en mémoire l'incroyable campagne de dénigrement de S.Courtois après la sortie du Livre Noir du Communisme, et la minimisation systématique par les médias et "experts" zélotes des faits historiques rapportés, disséqués et analysés dans cet ouvrage historique !
Et la réalité de la mentalité française : jamais le PC n'est considéré comme parti extrémiste, et le facteur est un sympathique p'tit gars, bien sous tout rapport et parfaitement fréquentable.
Incompréhensible aveuglement dans ce domaine, comme dans tant d'autres...

Écrit par : Augustine | 08/02/2010

d'abord le muscadet et quand y en aura plus le gros plan (c'est très bien aussi)

Écrit par : paco | 09/02/2010

d'abord le muscadet et quand y en aura plus le gros plan (c'est très bien aussi)

Écrit par : paco | 09/02/2010

Pour l'asymétrie d'appréciation des 2 totalitarismes,ne pas oublier les Lumières et son usage immodéré de la raison,particulièrement en France avec les Ténèbres de la Révolution (Tribunal révolutionnaire,Terreur,Régicide et symboliquement Déicide,Génocide Vendéen,etc...).La Révolution Française a inspiré toutes les autres,particulièrement la Russe avec le résultat que l'on sait,de même que la Chinoise tiens...80 millions de morts pour les divers communismes.On peut envisager le nazisme comme le négatif du totalitarisme rouge,et sa crispation comme réaction à celui-ci (cf. E.Nolte).La seconde guerre mondiale:une guerre de civilisation.

D'où le black-out français,voire sa complaisance envers le communisme et ses effroyables crimes et ceci effectivement toute tendance politique confondue:si on encense la révolution et sa république (ce que la majorité de nos politiques font),on est piégé.

"Le bonheur est une idée neuve en Europe" de St Just,effectivement on voit ou mène ce genre d'affirmation avec son corollaire:créer un nouvel Homme.

Et cela continue plus que jamais,maintenant à une échelle carrément mondiale...

Écrit par : Aubin | 10/02/2010

P.S:Pour illustrer ma réaction à cette excellente synthèse d'hoplite et bien s'imprégner de cette folie que fut la révolution française voir le magistral Danton d'Andrzej Wajda.

Écrit par : Aubin | 10/02/2010

Encore que le totalitarisme est une notion assez flou à mon avis. Je ne ferai que la distinction entre démoccraties et dictatures.

Écrit par : Pharamond | 10/02/2010

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