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06/02/2010

Auschwitz 105- Ukraine zéro

J'écoutais ce matin d'une oreille distraite (Gros plan ou Muscadet bordel ?) la fin de Répliques, au moment où Finkielkraut s'interroge avec ses invités sur l'asymétrie dans la mémoire des deux totalitarisme du XXième siècle. Discussion éminemment intéressante mais trop courte..

Alain Besançon avait eu la curiosité, il y a quelques années de consulter le service de documentation du journal de révérence « Le Monde » et de calculer le nombre de références aux crimes Nazis et communistes entre 1990 et 1997 ; le thème du nazisme revint 480 fois, celui du « stalinisme », sept fois...Auschwitz faisait l'objet de 105 références, le génocide par la famine organisée en Ukraine (environ 6 millions de morts en 1933) zéro référence.

« Le nazisme, bien que disparu complètement depuis plus d'un demi-siècle, est à juste titre l'objet d'une exécration que le temps n'affaiblit nullement. Le communisme, en revanche, bien que tout frais et tout récemment déchu, bénéficie d'une amnésie et d'une amnistie qui recueille le consentement presque unanime, non seulement de ses partisans, mais de ses ennemis les plus déterminés et même de ses victimes. Ni les uns ni les autres ne trouvent séant de la tirer de l'oubli. » (1)

Relu récemment, et successivement, « Le malheur du siècle », « Le livre noir du communisme » (2), puis « Du passé, faisons table rase » (3).

Ce qui frappe le plus, comme le souligne Besançon, au delà de l'horreur des crimes commis au nom de cette idéologie totalitaire, c'est ce "contraste entre l'amnésie du communisme et l'hypermnésie du nazisme"(6), cette organisation de la non repentance, après celle de la dissimulation des crimes commis par tous les régimes communistes durant le XX ème siècle. Ce négationnisme communiste.

famineposter1.jpgIl faut se rappeler, lors de la sortie du « Livre noir du communisme », les injures et les menaces de la presse communiste en France, le travail de sape du Monde (des commissaires politiques Colombani et Plenel) pour discréditer les auteurs de cette somme inédite et pour atténuer l'onde de choc auprès d'un public encore largement ignorant de l'horreur collectiviste, la sortie pitoyable de Jospin à l'assemblée tentant de sauver le soldat communiste et dissociant (à dessein ?) stalinisme et communisme afin d'épargner ses amis trotskystes. Il faut revoir ce « bouillon de culture » historique ou Stéphane Courtois fut confronté à deux apparatchiks communistes (Roger Martelli et Roland Leroy).

La première synthèse historique de la dimension criminelle du communisme ne devait pas être connue ; Outre la recension des crimes de masses commis, les auteurs détaillaient également les méthodes utilisées pour assassiner des millions de personnes, notamment la famine organisée. La question de la nature totalitaire du communisme et sa comparaison avec le nazisme était également reprise par les auteurs, à la suite d' Ernst Nolte, François Furet ou Renzo de Felice.

Si le monstre est mort comme phénomène politique, il demeure bien vivant comme phénomène culturel : il faut admettre que décrire le communisme dans sa réalité (sa praxis), reste un délit d'opinion. Le négationnisme, définit comme un délit quand il porte sur le nazisme, ne l'est pas quand il dissimule les crimes communistes.

Soulignant la motivation idéologique des crimes nazis, le procureur général Français à Nuremberg, François de Menthon, disait : « Nous ne nous trouvons pas devant une criminalité accidentelle, occasionnelle, nous trouvons devant une criminalité systématique découlant directement et nécessairement d'une doctrine. » (4)

Cette description du totalitarisme brun s'applique mot pour mot au totalitarisme rouge...

Et pour s'en convaincre, il faut relire les premiers écrits de Lénine (Le Programme Militaire de la Révolution Prolétarienne, notamment (1916)) appellant à l'élimination physique, à grande échelle, de tous les ennemis du peuple, « poux », « insectes nuisibles », tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, sont censés constituer un obstacle à l'érection de la dictature du prolétariat.

De même que « lui convient parfaitement la définition du nouveau code pénal Français, adopté en 1992, selon laquelle, le crime contre l'humanité inclut la déportation, la réduction en esclavage, la pratique massive et systématique d'exactions sommaires, d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture, d'actes inhumains inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux, et organisés en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile. » (5)

Or, les massacres et déportations systématiques de groupes sociaux ou ethniques en raison de ce qu'ils sont et non de ce qu'ils font, jalonnent toute l'histoire du communisme.

Il est donc sans doute légitime de conclure à une nature intrinsèquement criminogène du communisme, tant il a produit de copies conformes dans les circonstances les plus diverses, sous toutes les latitudes et dans les sociétés culturellement les plus différentes (Cuba, Ethiopie, Angola, Afghanistan, Mozambique, Laos, Cambodge, Chine, Russie,...)

Devant pareil constat, pareille horreur, le front négationniste procommuniste, puissamment relayé par des média complaisants voire serviles et perdant une sérieuse occasion de faire un aggiornamento, ressasse l'éternel antienne : « le communisme se voulait dans son principe une doctrine de libération par la dictature du prolétariat, alors que le nazisme annonçait dés sa naissance un programme d'extermination... » ou bien « l'anéantissement de l'homme exprime non l'essence de cette doctrine de libération, mais sa perversion ..» (distinguo Léninisme/ Stalinisme).

Il est alors particulièrement étonnant que cette doctrine de libération n'ai jamais nulle part mis en œuvre autre chose que sa propre perversion.

Un aspect non moins important de ces ouvrages est d'établir le fait que Lénine et Trotky furent les initiateurs de ce système et aussi de la terreur organisée, et ce dés 1917 (premiers camps de concentration, premier rapport alarmant de la Ligue des Droits de l'Homme). Staline n'en fut que le continuateur appliqué et méthodique doublé d'un stratège militaire sans pareil, surclassant largement son alter ego Hitler, et les Churchill et Roosevelt.

Pourquoi, se demande alors Alain Besançon, une telle différence de traitement entre ces deux formes de totalitarisme (« ces deux jumeaux hétérozygotes » selon Pierre Chaunu) ?

Dans la plupart des pays sortis du communisme, il n'a pas été question de châtier les responsables qui avaient tué, privé de liberté, ruiné, abruti leurs sujets et cela pendant deux ou trois générations. Sauf en Allemagne de l'Est et en république Tchèque, les communistes ont été autorisés à rester dans le jeu politique, ce qui leur a permis de reprendre ça et la le pouvoir. En Russie et dans d'autres républiques, le personnel diplomatique et policier est resté en place. En Occident, cette amnistie de fait a été jugée favorablement. On a comparé la confirmation de la nomenklatura à l'évolution thermidorienne des anciens Jacobins. Depuis peu, nos média reparlent même de « l'épopée du communisme » et le passé kominternien du PCF ne l'empêche nullement, avec ses avatars alter mondialistes anti libéraux et autres, d'être accepté dans le sein de la démocratie Française (on peut même voir un ministre de l'intérieur ferrailler pour faire admettre dans le jeu politique une faction communiste ouvertement révolutionnaire et anti démocratique par nature...)

Besançon avance plusieurs explications :

- « le nazisme est mieux connu que le communisme, parce que le placard aux cadavres à été ouvert par les troupes alliées » et que plusieurs peuples européens en ont eu une expérience directe. Le crime nazi est repérable, flagrant, contrairement au goulag ou au laogaï qui restent enveloppés de brouillard et demeurent indirectement connus.

- « le peuple juif a pris en charge la mémoire de la shoah. C'était à la fois une obligation morale et religieuse. » Nul équivalent concernant les crimes communistes compte tenu, notamment , de la multitude de peuples victimes de l'idéologie communiste.

- « La guerre, en nouant une alliance militaire entre les démocraties et l'URSS, a affaibli les défenses immunitaires occidentales contre l'idée communiste, pourtant très fortes au moment du pacte Hitler Staline, et provoqué une sorte de blocage intellectuel. » L'héroïsme militaire soviétique prenait le pas sur l'idéologie communiste, mise en réserve. Plus encore, les soviétiques firent partie des vainqueurs et, à ce titre, figurèrent parmi les juges à Nuremberg. Et, à la différence de l'Europe orientale, l'Europe occidentale n'a pas eu l'expérience directe de l'arrivée de l'arrivée rouge, qui fut considérée comme libératrice au même titre que les autres armées alliées, ce que ne ressentaient bien sur ni les Baltes, ni les Polonais...

- « un des grands succès du régime soviétique est d'avoir diffusé et imposé sa propre classification idéologique des régimes politiques modernes : Lénine les ramenait à l'opposition entre socialisme et capitalisme. Encore actuellement dans les livres d'histoire scolaire, on trouve le classement suivant : régime soviétique, démocraties libérales, fascismes (nazisme, fascisme italien stricto sensu  et franquisme), distinct du classement correct développé par Anna Arendt dés 1951, c'est à dire : ensembles, les deux seuls régimes totalitaires (communisme et nazisme), les régimes libéraux, les régimes autoritaires (Italie, Espagne, Hongrie, Amérique latine) qui relèvent des catégories classiques de la dictature et de la tyrannie, répertoriées depuis Aristote. »

- "la faiblesse des groupes capables de conserver la mémoire du communisme : le nazisme à duré douze ans, le communisme européen, selon les pays entre 50 et 70 ans. La durée ayant un effet auto amnistiant. Durant ce temps immense, la société civile a été atomisée, les élites ont été successivement détruites en profondeur, remplacées, rééduquées. La plupart de ceux qui auraient été en mesure de penser, et donc de dresser le bilan de cette expérience tragique, ont été privés de connaître leur histoire et ont perdu leurs capacités d'analyse. « Rien n'est si problématique, après la dissolution d'un régime totalitaire, que la reconstitution dans le peuple d'une conscience morale et d'une capacité intellectuelle normale. » (7)

(1)   Alain Besançon, Le malheur du siècle, Fayard 1998, p.10.

(2)   Stéphane courtois, Robert Laffont, 1997.

(3)   Stéphane Courtois, Robert Laffont, 2002.

(4)   François de Fontette, Le procès de Nuremberg, coll. « Que sais-je ? », PUF, 1996, p.48

(5)  Jean François Revel, Le siècle des ombres, Fayard 199, p.602.

(6) Alain Besançon, Le malheur du siècle, p.9.

(7) ibid.

09/11/2009

mur rouge (rediff)

1961.jpgPar hasard, j’ai écouté ce jour la fin d’une émission de France Culture, « Du grain à moudre », souvent intéressante d’ailleurs, et consacrée à JF Revel récemment disparu, à travers le livre hommage qu’ a écrit Pierre Boncenne (Pour JF Revel, 2006).

J’ai suivi avec plaisir la discussion entre Besançon, Sirinelli et Boncenne, malheureusement parasitée par les péroraisons de Julliard. Revel, présenté à tort par la clique progressiste médiatico politique comme anticommuniste primaire (parlerait-on d'"anti fascisme primaire"?), était un érudit et un intellectuel de premier plan dont la constance de l’engagement antitotalitaire, dans la lignée de Raymond Aron, mérite le respect.

J’ai repensé à ce petit livre indispensable retraçant la correspondance entre Furet et Nolte (Fascisme et communisme, 1997) au sujet de la proximité idéologique des deux phénomènes totalitaires. Cette proximité, défendue par Revel dans nombre de ses ouvrages, mais aussi par Alain Besançon (Le malheur du siècle) constitue toujours un tabou en France et explique sans doute en partie la haine tenace et l’ostracisme dont il fut l’objet, sa vie durant et même après sa mort.

Sans doute parce qu’il existe un négationnisme procommuniste beaucoup plus hypocrite, plus efficace et plus diffus que le négationnisme pronazi, sommaire et groupusculaire, mais dont le comité de vigilance citoyen anti fasciste nous rebat les oreilles à longueur de journée, la danger étant bien sur majeur.

L’organisation de la non repentance à l’égard du communisme aura été la principale activité politique de l’ultime décennie du siècle, comme l’organisation de sa non connaissance aura été celle des sept décennies antérieures.

Le succès périodique du négationnisme procommuniste donne à tout nouveau livre rétablissant certaines vérités, et en particulier esquissant le parallèle sacrilège entre communisme et nazisme, l’apparence de la découverte (Qu’on se rappelle le tollé de la gauche, y compris la gauche non communiste, après la sortie du « Livre noir du Communisme » et la sortie grotesque de Jospin à l’Assemblée...). Or on n’en finirait pas d’aligner les citations dés 1918 pour l’appréciation exacte du bolchevisme, et dés 1933 pour la comparaison entre les totalitarismes, ou figurent déjà des constats et des arguments sans appels, mais aussi sans grands résultats sur la reconnaissance des crimes communistes.

Dans son « Passé d’une illusion » (Robert Laffon, 1995), François Furet (ancien communiste lui même) consacre un long passage à l’historien Allemand Ernst Nolte, qui avait fait l’objet avant lui d’une condamnation sommaire en Allemagne et en Occident pour avoir théorisé cette comparaison interdite.

On se rappelle pourtant d’André Gide, écrivant dans son retentissant « Retour de l’URSS » : « Je doute qu’en aucun autre pays aujourd’hui, fut-ce l’Allemagne de Hitler, l’esprit sois moins libre, plus courbé, plus craintif, terrorisé qu ‘en URSS». Et le doyen respecté des historiens du fascisme, Renzo de Felice (plutôt de sensibilité socialiste d’ailleurs), déclarant en 1988 comparant Hitlérisme et communisme : « La vérité en conclusion est qu’il s’agit de phénomènes identiques ; Le totalitarisme caractérise et définit le Nazisme comme le communisme, sans aucune différence réelle ; peut-être l’ais-je dis avec brutalité, mais j’estime que le moment est venu de s’en tenir aux faits et de briser les mythes faux et inutiles. » (Actes du colloque « Le stalinisme dans la gauche Italienne », mars 1988)

Furet et Nolte évoquaient à la fin de leur correspondance la thèse de « l’inutilité du vrai », dont s’était déjà emparé Revel dans « La connaissance inutile » (Grasset, 1988). Alain Besançon dans son « Malheur du siècle », en s’interrogeant à son tour sur les raisons de « l’amnésie du communisme et de l’hypermnésie du nazisme », et s’il reconnaissait le caractère unique et incomparable de la Shoah, concluait que les différences entre les deux totalitarismes sont dans la nature des motivations et non dans le degré du mal.

Pour Revel, « Ce qui distingue le communisme du Nazisme, ce n’est pas le système du pouvoir, il est identique dans les deux cas. C’est que le premier est une utopie et non le second ; Lorsqu’ Hitler supprime la démocratie et crée des camps d’extermination, il réalise ses idées et tient ses promesses. Lorsque c’est Lénine qui le fait, il réalise le contraire de ses idées et trahit ses promesses. Mais il le nie au nom de l’avenir qu’il prétend radieux. L’utopie rend légitime la déconnexion entre les intentions et les actes » (Fin du siècle des ombres, Fayard)

C’est la le paradoxe de l’après communisme : pourquoi y a-t-il encore tant de « compagnons de route », alors qu’il n’y a plus de route ?

11/06/2008

Convergence des Internationalismes

Il faut lire ce post de l'ami Ivane, toujours perspicace...

Il est étonnant, en apparence, de constater l'alliance tactique de communistes et de chrétiens. 

Logiquement, ces deux doctrines sont antithétiques: autant le christianisme déteste le matérialisme athée et la lutte des classes, autant le marxisme abhorre la doctrine chrétienne et l’espérance du salut.

Or, sur quoi se retrouvent ces hommes ? Sur la lutte contre le projet de durcissement des conditions de rétention et d’expulsion des clandestins en Europe.

_050409_10_18_23_39_050409_10_18_23_39_384x288.jpg Sur le fond, quelles sont leurs motivations ?

Concernant les communistes, et au delà du discours compassionnel habituel, la ligne politique internationaliste : destruction du capitalisme bourgeois par l’intégration d’un nouveau prolétariat issu de l’immigration (légale ou non). Le fer de lance de cette stratégie subversive est constituée par une série d’organisations qui exploitent la misère de clandestins pour infléchir les politiques publiques, civiques (et non « citoyennes »), notamment migratoires.

La lutte contre l’expulsion des clandestins, le combat pour la régularisation inconditionnelle des clandestins, pour la poursuite du regroupement familial, pour le vote des étrangers aux élections, pour la priorité donnée aux étrangers en situation légale ou non en sont de bons exemples. Ces organisations, ultra minoritaires, ont développé depuis longtemps des méthodes très efficaces d’entrisme dans tous les milieux sensibles, c'est-à-dire pouvant être utilisés pour faire avancer leur programme politique, sous une apparence compassionnelle et humaniste propre à convaincre relais d’opinions et crédules.

 La justification de la posture chrétienne est dans l’amour inconditionnel de l’Autre prôné par les Evangiles, même si l’Autre n’est pas chrétien, comme c’est le cas pour l’essentiel des clandestins en Europe.

Le christianisme présente également une particularité, en l’occurrence décisive, qui est l’amour de la Victime : j’entends par la qu’il me semble qu’il fut la première religion à ne pas prôner la haine de la victime, du bouc émissaire, qui jusqu’alors représentait la victime expiatoire de tous les cultes antérieurs. René Girard nous explique, qu’avec la figure de Jésus, victime innocente par excellence, le christianisme a essayé pour la première fois de résoudre le problème de la violence interne à chaque société (les pulsions de violence mimétique répondant aux pulsions de violence issue de la vie en communauté) sans recourir au supplice expiatoire de la victime. Or le clandestin résume cette double identité : il est à la fois l’Autre et la Victime de ce monde. Double justification donc à mériter l’élan compassionnel du chrétien.

 
On peut donc considérer qu’Internationalisme athée et Internationalisme chrétien convergent ainsi dans la défense de cette nouvelle figure christique qu’est le « sans papiers », superbe invention sémantique de la novlangue ambiante, dont on a vu qu’elle n’est pas innocente, qui implicitement suggère l’anormalité, l’injustice de la non possession de titre de séjour pour un immigrant clandestin qui, partout ailleurs dans la monde est simplement considéré comme ce qu’il est c'est-à-dire un homme ayant transgressé la Loi.

Le christianisme en Europe est confonté à une situation totalement inédite au regard de l'histoire de ce continent avec une immigration esssentiellement musulmane qui s'implante durablement, sans espoir de retour. Le chrétien est piégé par cette doctrine d'accueil inconditionnel de l'Autre.

Je n’ai pas une approche compassionnelle de la question. L’immigration de masse que subit l’Europe depuis plus de trente ans, inédite dans l’histoire de ce continent, pose des questions tout à fait cruciales quand au devenir de notre civilisation. Je pense, comme Bernard Lewis que nous sous-estimons la transformation rapide du visage démographique de l’Europe occidentale et qu’il n’est pas certain que nous ayons les ressources pour résister, c'est-à-dire exister, face à ce nouvel assaut de l’Islam.

D'autres croient voir dans ces postures convergentes du PCF et de l'Eglise, la volonté de survivre, d'exister encore dans un monde globalisé soumis au marché, en entonnant leur refrain habituel, mais conscient de n'être que les supplétifs ou les fourriers du nouvel ordre mondial. 

A suivre donc. 

06/06/2008

A l'Ouest, rien de nouveau

« Un premier ministre socialiste a dit, au début des années quatre-vingt, se faisant le porte-voix civilisé de Le Pen : « Les immigrés sont un problème.» Nous devons renverser ce jugement et dire : « Les étrangers sont une chance ! » La masse des ouvriers étrangers et de leurs enfants témoigne, dans nos vieux pays fatigués, de la jeunesse du monde, de son étendue, de son infinie variété. C’est avec eux que s’invente la politique à venir. Sans eux, nous sombrerons dans la consommation nihiliste et l’ordre policier.

Que les étrangers nous apprennent au moins à devenir étranger à nous-mêmes, à nous projeter hors de nous-mêmes, assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s’achève, et dont nous n’avons plus rien à attendre que la stérilité et la guerre. Contre cette attente catastrophique, sécuritaire et nihiliste, saluons l’étrangeté du matin.(…)

 

Le monde du capitalisme déchaîné et des démocraties riches est un faux monde. Ne reconnaissant l’unité que des produits et des signes monétaires, il rejette la majorité de l’humanité dans un autre monde dévalué, dont il se sépare par des murailles et par la guerre. En ce sens aujourd’hui, il n’y a pas de monde. (…)

 

En ce qui concerne l’existence dans notre pays de milliers d’étrangers, il y a trois objectifs : s’opposer à l’intégration persécutoire, limiter la fermeture communautaire et les tendances nihilistes qu’elle véhicule, développer les virtualités universelles des identités. (…)

 

Il y a une tradition nationale du pétainisme qui est bien antérieure à Pétain. Le pétainisme commence en réalité en France avec la Restauration de 1815. Un gouvernement post-révolutionnaire se réinstalle dans les fourgons de l’étranger, avec l’appui vigoureux des émigrés, des classes renversées, des traîtres et opportunistes de tout acabit, et le consentement d’un peuple fatigué. Il déclare qu’il restaure l’ordre et la moralité publics, contre l’anarchie sanglante des révolutions. Cette matrice, typiquement française, insiste dans notre histoire. En 1940, on retrouve la figure catastrophique de la défaite militaire, comme prétexte pour une désorientation majeure : comme, par exemple, un gouvernement qui n’a à la bouche que la nation, mais qui est installé par l’étranger ; des oligarques corrompus jusqu’à l’os qui se présentent comme ceux qui vont sortir le pays d’une grande crise morale ; un aventurier, roi cacochyme, vieux militaire ou politicien retors, toujours homme de main des grandes fortunes, qui se présente comme le vrai détenteur de l’énergie nationale.

N’avons-nous pas aujourd’hui, comme une répétition misérable de ces graves dépressions historique que la France s’inflige à elle-même, de nombreux traits de ce genre ? (…)

 

Depuis la révolution Française et son écho progressivement universel, depuis les développements les plus radicalement égalitaires de cette révolution, nous savons que le communisme est la bonne hypothèse. En vérité il n’y en a pas d’autres, en tous cas, je n’en connais pas d’autres. Quiconque abandonne cette hypothèse se résigne à la minute même à l’économie de marché, à la démocratie parlementaire (qui est la forme d’Etat appropriée au capitalisme), et au caractère inévitable, « naturel » des inégalités les plus monstrueuses. (…)

S’il est toujours vrai, comme l’a dit Sartre, que « tout anticommuniste est un chien », c’est que toute séquence politique qui, dans ses principes ou son absence de tout principe, apparaît formellement contradictoire avec l’hypothèse communiste en son sens générique, doit être jugée comme s’opposant à l’émancipation de l’humanité toute entière, et donc au destin proprement humain de l’humanité.(...)

L'hypothèse communiste est qu'une autre organisation collective est praticable, qui éliminera l'inégalité des richesses et même la division du travail: tout un chacun sera un travailleur polyvalent, et, en particulier, les gens circuleront entre le travail manuel et le travail intellectuel, comme du reste netre la ville et la campagne. L'apropriation privée de richesses monstrueuses et leur transmission familiale par héritage disparaitra. L'existence d'un appareil d'Etat coercitif, militaire et policier, séparé de la société civile, n'apparaitra plus comme une nécessité évidente. Il y aura, nous dit Marx, tenant ce point pour son apport majeur, après une brève séquence de dictature du prolétariat chargée de détruire les restes du vieux monde, une longue séquence de réorganisation, sur la base d'une libre association des productuers et créateurs, laquelle supportera un dépérissement de l'Etat." 

 

Alain Badiou, De quoi Sarkosy est-il le nom ? Lignes, 2007.

26/02/2008

L’affaire Fleury ou le regard hémiplégique du milieu enseignant.

Université de Poitiers : tollé contre l'arrivée d'un ex-dirigeant du GUD.

Des étudiants de l'université de Poitiers, soutenus par la présidence, par des enseignants et des élus locaux, se mobilisent pour refuser l'affectation d'un professeur, Benoît Fleury, en raison de son passé au sein du mouvement d'extrême droite GUD (Groupe union droit). Une pétition a été lancée et a recueilli plus de 250 signatures, dont celles de trois députés socialistes de la Vienne et du doyen de l'UFR de sciences humaines et arts. Reçu major à l'agrégation d'histoire du droit, M. Fleury a pu choisir l'université où il voulait enseigner et son choix s'est porté sur Poitiers. Selon le président de l'université, Jean-Pierre Gesson, "les affectations ne posent pas de problème la plupart du temps", mais la venue de M. Fleury "est une source de trouble". Dans un communiqué publié lundi 25 février, le conseil d'administration de l'université "prend acte avec la plus vive inquiétude de l'éventuelle nomination de Benoît Fleury et regrette que la procédure d'affectation des agrégés du supérieur ne laisse aucun droit aux instances de l'université, ni à son président, de s'opposer au recrutement d'un ancien dirigeant d'un groupuscule violent d'extrême droite". Le conseil demande au président de la République de ne pas procéder à la nomination à Poitiers de M. Fleury. De leur côté, des étudiants de l'université ont annoncé leur intention de perturber ses cours s'il était nommé et de "lui rappeler à chaque fois son passé". M. Fleury a présidé le GUD de 1995 à 2000. "Il incarne, dit la pétition hostile à sa venue, une droite extrême et nauséabonde." Dans un entretien à L'Echo des Savanes paru en mars 1999, M. Fleury, surnommé "Lord", déclarait notamment : "Nous, partout où il peut y avoir de la baston, on y va." Il se réclamait du national-socialiste belge Léon Degrelle, et estimait qu'il "faut rayer de la carte Israël".

(Source : http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/02/26/universi...)

Quel est le problème exactement ?

Que ce juriste brillant ait eu un engagement politique militant à l’extrême droite et non à l’extrême gauche ou simplement à gauche…

Quel rapport avec sa compétence professionnelle et la qualité de son enseignement de l’histoire du droit ?  Aucune…

Que les choses soient claires : je ne prends pas ici la défense de cet homme que je ne connais pas et dont les opinions antisémites et l’apologie du national-socialisme, si elles sont avérées, me répugnent.

Ce qui m’insupporte dans cette affaire, c’est la tartuferie habituelle des milieux enseignants, qui sous le masque de la tolérance et de la vertu se montrent les plus sectaires qui soient.

Cette affaire en rappelle une autre : l’affaire Boudarel. Cet enseignant catholique Français et marxiste en poste à Sai¨gon, qui déserte l’armée Française pendant la guerre d’Indochine, trahit son pays en devenant commissaire politique d’un camp de prisonnier Français, le camp 113, ou les conditions de détention, la torture physique et psychologique, et la mortalité sont dramatiques. Boudarel est chargé de la rééducation politique de ses compatriotes, à la différence des camps nazis ou du goulag soviétique ou les détenus n’avaient pas à subir ce lavage de cerveau. Inculpé de trahison, Boudarel est condamné à mort par contumace en juin 1953. En 1970, après la loi d’amnistie couvrant les crimes commis en Algérie ou enn Indochine, votée par les communistes et les Gaullistes, Boudarel rentre en France, intégre le CNRS et l’Université de Paris VII comme maître-assistant d’histoire, spécialiste du Viêt-Nam…En 1991 éclate l’affaire Boudarel lorsque celui-ci est reconnu et dénoncé publiquement, lors d’un colloque organisé au Sénat, par un ancien détenu du Vietminh Jean-jacques Beucler, alors secrétaire d'État aux Anciens combattants. Une association d’anciens combattants et anciens prisonniers/ rescapés du camp 113 essaie alors de faire condamner cet homme pour crime contre l’humanité, les crimes de guerre étant amnistiés. Ils sont déboutés en 1993 par la cour de cassation qui fait valoir que seuls les crimes nazis relèvent de crimes contre l’humanité…

Ou encore l'affaire Pascal Salin: comment un économiste libéral de renom nommé à la tête du jury d'agrégation d'économie 2004 a du afronter une fronde des milieux enseignants, SNESUP en tête et autres syndicats d'extrême gauche, relayés par les commissaires politiques (illustration ci-dessous de Thomas Piketty en grand uniforme) de Libération, du Monde et de France culture... Pourquoi un tel scandale?

1830418110.jpgParceque depuis des lustres, ce même jury d'agrégation était trusté par des économistes au mieux Keynésiens au pire marxistes, sans que cela trouble le moins du monde nos belles âmes vigilantes...Ou le sectarisme ordinaire du camp progressiste maniant à la perfection la réduction ad Hitlerum, chère à Léo Strauss: libéral = fasciste. La vie est tellement simple quand on appartient au camp du Bien.

Plusieurs remarques.

-Boudarel, traître, déserteur et criminel, a donc pu enseigner pendant plus de vingt ans au sein de l’université Française sans que cela pose le moindre scrupule à la communauté enseignante. On comprend effectivement que la récupération par l'université Française, en tant qu'enseignant, d'un tortionnaire condamné à mort par contumace par la justice Française ne puisse pas "être cause de troubles" au sein du corps professoral et estudiantin...

-Contrairement à Fleury, il ne s’agit pas seulement dans l’affaire Boudarel d’engagement politique, d’idées, aussi condamnables soient-elles, mais de désertion devant l’ennemi, de trahison et de complicité de crime de guerre ou de crimes contre l’humanité, excusez du peu ! A-t-on entendu à cette époque la moindre réticence de la communauté enseignante ? Non. Pourquoi ?

-Faire le procès de Boudarel, c’eut été instruire le procès du communisme, cet autre totalitarisme, coupable de plus de cent millions de mort durant le XXIème siècle, la plus vaste entreprise de terreur organisée, d’esclavage et de misère de masse. C’eut été se poser la question de la complaisance coupable de ces milieux enseignants qui hurlent à l’ogre fasciste dés qu’un enseignant promu ne fait pas partie du sérail collectiviste, mais qui ne voient pas ou ne dénonce pas l’engagement radical, totalitaire, à gauche d'une majorité du corps enseignant Français…C’eut été faire le procès de toute une intelligentsia complaisante à l’égard du communisme et que dénonçait Aron dans L’opium des intellectuels.

29/05/2007

La guerre civile européenne.

Dans un post précédent je faisais référence à la notion de « guerre civile Européenne » pour qualifier les deux guerres mondiales. C’est une référence qui peut effectivement paraître surprenante au premier abord ; Mais il y a un moment déjà, qu’après avoir lu Ernst Nolte et Dominique Venner, j’ai fait mien ce concept, tant il me paraît juste. Et je vais essayer de le clarifier.

« Il y avait déjà longtemps, écrit Voltaire en 1751, que l’on pouvait regarder l’Europe comme une espèce de Grande République, partagée en plusieurs états, les uns monarchiques les autres mixtes, mais tous ayant un même fond de religion, tous ayant les mêmes principes de droit public et de politique inconnus dans les autres parties du monde. Ces par ces principes que les nations Européennes ne font point esclaves les prisonniers, qu’elles respectent les ambassadeurs de leurs ennemis et qu’elles s’accordent surtout dans la sage politique de tenir entre elles une balance égale de pouvoir. » (cité par Dominique Venner, Le siècle de 1914, p ;9)

Au lendemain des deux guerres, il ne restait plus en Europe que les ruines de son ancienne civilisation, tandis que s’imposait la domination sans partage de puissances étrangères, le démocratisme libéral Anglo-saxon et le communisme Soviétique (l’Europe gouvernée ici par des sénateurs américains, là par des commissaires soviétiques, selon le mot célèbre de Raymond Aron) ; La première guerre mondiale ayant sonné le glas des trois empires (Allemand, Austro-Hongrois, Russe) et des aristocraties qui charpentaient l’Europe, la seconde celui des mouvements révolutionnaires fasciste et national-socialiste.

Voltaire lorsqu’il évoque cette « Grande République » illustre bien la conscience que des hommes éclairés avaient déjà à cette époque d’une appartenance européenne, très antérieure au concept moderne d’Europe, d’une identité commune, d’une communauté de culture grecque, celte, romaine, franque et chrétienne.

Mais c’est Ernst Nolte (La guerre civile Européenne, 1917-1945) qui développe le premier ce concept de « guerre civile Européenne », en partant du constat que la prise du pouvoir par les bolcheviks en 1917 en créant une situation totalement inédite (un parti/ état minoritaire animé d’une puissante idéologie prenant seul le pouvoir dans un grand pays et prêchant une guerre civile à l’échelle nationale et internationale), en exprimant l’intention, crédible, de bouleverser radicalement le monde entier, a provoqué une réaction en chaîne dont est, en partie, sorti le nazisme. Pour Nolte, c’est cette peur de la révolution communiste- perçue comme révolution antinationale- qui a provoqué l’émergence d’un vaste mouvement contre-révolutionnaire et antibolchevique, dont les nationaux-socialistes étaient un des groupes les plus radicaux. Nolte, qui fut diabolisé et ostracisé en Allemagne par une certaine gauche et extrême gauche pour cette théorie dite du « nœud causal », mais aussi parce qu’il osa comparer communisme et fascisme (normal  Italien ou radical Allemand, selon sa distinction) en arguant de leur nature totalitaire commune, fut rejoint secondairement par François Furet : « ce type d’interprétation comporte une part de vérité, dans la mesure ou la peur du communisme a nourri les partis fascistes, mais à mon sens seulement une part : car elle a l’inconvénient de masquer ce que chacun des régimes fascistes a d’endogène et de particulier au bénéfice de ce qu’ils combattent en commun. » (Fascisme et communisme, commentaire/Plon, P.45)

En déclarant la guerre civile mondiale, Lénine a inauguré un processus incontrôlable, lui même induit en partie par la première guerre mondiale et le gigantesque traumatisme -ensauvagement- qu’elle a provoqué au cœur de cette société Européenne.

C’est cet enchaînement funeste –première guerre mondiale, naissance de ce parti/ état bolchevique de la guerre civile, émergence des mouvements contre révolutionnaires fascistes devenant à leur tour des partis/ états de guerre civile et internationale- qui constitue cette guerre civile Européenne qui prend fin en 1943 et 1945 avec l’écrasement du fascisme Italien et du fascisme Allemand. Cette guerre civile européenne, décrite et analysée par Nolte, est devenue après 1945, une guerre civile mondiale qui n’a pris fin qu’en 1991 avec l’implosion du système soviétique.

 

20/04/2007

L'anti racisme, communisme du XXI ème siècle.

«  Je ne crois pas pour ma part à une conspiration. Je ne crois pas, par exemple, que d’aucuns, à seule fin d’instaurer ou de laisser s’instaurer la société anti raciste, aient voulu consciemment la mort de la culture, et organisé délibérément son trépas -par exemple en détruisant le système éducatif, et en abandonnant à la télévision la bien nommée in-formation des cerveaux, avec son camembert de parts de marché disponibles. Non je ne crois pas cela. Je ne crois à rien d’aussi soigneusement arrêté. Je crois plutôt, hélas, à d’obscurs mouvements aux tréfonds de l’espèce, soumis aux lois mêmes de la tragédie, à commencer par la première d’entre elles, qui veut que soient exaucés les civilisations et les hommes dont la perte est écrite- ainsi on a voulu que l’éducation soit égalitaire : c’est fait, personne n’apprend plus rien, le ré ensauvagement du monde est en marche.

Ce que je sais en revanche, mais avec certitude, c’est qu’une culture vivante, au sens plein du terme, ne se serait jamais accommodée du triomphe de l’antiracisme, au sens et dans la consistance qu’il a revêtu parmi nous. Un peuple qui sait ce qu’il est- disons qui connaît ses classiques pour aller vite- un tel peuple n’accepte pas de mourir parce qu’on le lui demande, ne consent pas à disparaître pour renaître vidé de lui-même, ne se résigne pas sans résistance à se fondre dans une masse violente, certes, mais officiellement indifférenciée, qui de lui ne conserve un moment que le nom, et ce n’est qu’une humiliation de plus. Un peuple qui sait sa langue, qui connaît sa littérature, qui se souvient de sa civilisation et qui garde en son sein une classe cultivée, des élites (mais certes pas dans la nouvelle acception que les nouveaux maîtres ont donné à ce mot), un tel peuple ne se laisse pas mener à l’abattoir sans se révolter, ni pousser vers les poubelles de l’histoire en remerciant les éboueurs ; ni même ne se laisse-t-il expliquer sans broncher qu’il n’est pas un peuple, et qu’il n’en a jamais été.

L’organisation de l’ignorance, l’enseignement de l’oubli, l’ensauvagement scolaire, l’imbécillisation cathodique étaient absolument indispensables, une condition préalable sine qua non, à l’instauration de la société anti raciste telle que nous la voyons prospérer tristement sous nos yeux. (…)

Entre culture nationale et société anti raciste, il y avait certes incompatibilité radicale, assez soulignée je pense à titre emblématique, par le renversement de sens que subit d’un pôle à l’autre un mot comme discrimination : lequel, dans le langage de la culture désigne la plus grande des vertus intellectuelles, l’exercice même de l’intelligence, la qualité par excellence de la pensée ; et dans celui de l’anti racisme, le premier d’entre les péchés. »

Renaud Camus, Le communisme du XXI éme siècle, Xénia 2007.

05/04/2007

Propagande "anti fasciste" sur Arte.

Grand moment de désinformation et de falsification historique hier soir sur Arte. Une émission, « L’Europe des fronts populaires », prétendait retracer l’histoire du mouvement « antifasciste » européen, à la veille de la seconde guerre mondiale.

Je tombais dessus par hasard, et la perspective de revoir quelques documents émouvants de cette période critique me retint, malgré la certitude de devoir subir la propagande progressiste habituelle…Et avec Arte, on n’est jamais déçu !

La démonstration était implacable : le camp du Bien , progressiste, c’est-à-dire socialo communiste, bénéficiant de l’aide désintéressée de l’URSS, dans une lutte à mort contre le Mal absolu, c’est-à-dire tout le reste (droite parlementaire classique, Action Française, Croix de feu, mouvements fascistes Européens) étiqueté « ligues factieuses fascistes » ; Un sommet de pensée manichéenne exploitant sans vergogne contre vérités historiques, amalgames et mauvaise foi stratosphérique.

Pas un mot sur l’influence déterminante du Komintern en Europe ou sur la servilité de tous les partis communistes d’Europe à l’égard du PCUS, pas une référence à l’instrumentalisation de cette fameuse « lutte anti fasciste » par une puissance totalitaire désireuse d’étendre la révolution bolchevique sur tout le continent. Que l’on présente les émeutes de février 1934 et ses quelques (malheureuses) victimes comme une menace de subversion fasciste du pouvoir républicain serait risible si le téléspectateur savait qu’au même moment six millions de femmes, d’hommes et d’enfants étaient victimes d’une famine organisée par les soviétiques en Ukraine, et qu’en Asturie, quelques malheureux mineurs misérables manipulés par l’ultra gauche Ibérique se faisaient massacrer par le très efficace (déjà) Francisco Franco.

Je passe sur le beau discours de Maurice Thorez, leader historique du PCF, alors totalement sous la coupe du PCUS, pérorant sur la résistance populaire à la menace fasciste, le même homme qui déserta en 1940 son unité combattante pour fuir à Moscou et revenir comme une fleur en 1944, en pleine épuration (10.000 personnes fusillées à la libération en deux ans versus 20.000 par les Allemands en quatre ans….) et devenir ministre d’état du général…Ca donne mieux que tout une idée de la puissance du PCF à cette époque. Mais ça, il ne fallait pas compter sur Arte pour nous le rappeler !

Un sommet fut atteint avec la guerre civile Espagnole et la légende dorée des brigades internationales versus l’Espagne Franquiste fasciste. Or il n’y a pas de bon côté dans une guerre civile, il n’y a qu’un même peuple qui se déchire ; comment peut-on en 2007 présenter cette tragédie de façon aussi binaire et manichéenne, sans rappeler que toute une Espagne de patriotes non moins sincères prit les armes contre la menace bien réelle d’une dictature bolchevique ? Franco n’était pas un fasciste. Franco était un militaire conservateur croyant, qui méprisait le matérialisme bolchevique et bourgeois, et qui s’appuya tantôt sur la Phalange de Primera (un véritable mouvement fasciste), tantôt sur l’armée, tantôt sur l’Eglise pour consolider son pouvoir. Présenter cette Espagne là comme fasciste dans sa globalité est une imposture.

Ne pas dire un mot de l’aide militaire massive et précoce des Soviétiques, ni de la prise en main des Brigades Internationales par le Komintern évoque soit une inculture dramatique, soit une volonté délibérée de tromper le spectateur.

Au delà de cette œuvre de propagande ordinaire au « Pays des Lumières ™ », je repensais à ce court dialogue entre Zeev Sternhell et René Rémond dans l’excellente émission de Finkielkraut sur France Kultur...(un autre bras de l’hydre propagandiste progressiste). (1)

Sternhell y défendait l’existence d’une tradition fasciste Française, arguant de la présence, à coté de la geste humaniste rationaliste et universaliste issue des Lumières, d’une tradition alternative reposant sur une vision organique de la société, vomissant les droits de l’homme, l’individualisme, l’hédonisme et l’égalité, et se définissant en termes historiques, culturels, raciaux et ethniques…incarnée en 2007 par le FN. Une vision quelque peu binaire que René Rémond réfute en niant l’existence d’une tradition fasciste Française et en dissociant une droite traditionaliste de mouvances fascistes inconstantes sans prise réelle sur la société. Manquerait à cette droite traditionaliste ce caractère révolutionnaire et cette philosophie politique qui fait de l’Etat un absolu, qui sont distinctifs du fascisme. Et Rémond de distinguer cette mouvance intellectuelle fasciste en France (Francisme, Georges Valois, Doriot, PPF), d’une droite réactionnaire (Maurrassienne), conservatrice, hostile aux idéaux des Lumières, et attachée à des valeurs de l’ancien régime, mais sans cette composante révolutionnaire, de subversion d’un ordre existant pour lui en substituer un autre, du mouvement fasciste.

Je pense qu’il serait aussi possible de distinguer une droite libérale (au sens philosophique et politique du terme, surtout), dans la lignée de Tocqueville, qui concilie des valeurs de l’ancien régime et certains des acquits des Lumières, sans lien aucun avec l’idéologie fasciste, bien qu’hostile à certains égards au matérialisme (qu’il soit communiste ou bourgeois).

Je termine avec françois Furet pour qui, « le fascisme est la solution enfin disponible aux impasses de l’idée contre-révolutionnaire ; il permet de récupérer le charme de la révolution au service d’une critique radicale des principes de 1789. » (2)

(1)   Qu’est ce-que la France? Stock Panama 2007.

(2)   Fascisme et communisme, Furet, Nolte. Pluriel, p.66.

06/03/2007

national-socialisme et socialisme, un regard hémiplégique

Pourquoi, se demande alors Alain Besançon, une telle différence de traitement entre ces deux formes de totalitarisme (« ces deux jumeaux hétérozygotes » selon Pierre Chaunu) ?

Dans la plupart des pays sortis du communisme, il n’a pas été question de châtier les responsables qui avaient tué, privé de liberté, ruiné, abruti leurs sujets et cela pendant deux ou trois générations. Sauf en Allemagne de l’Est et en république Tchèque, les communistes ont été autorisés à rester dans le jeu politique, ce qui leur a permis de reprendre ça et la le pouvoir. En Russie et dans d’autres républiques, le personnel diplomatique et policier est resté en place. En Occident, cette amnistie de fait a été jugée favorablement. On a comparé la confirmation de la nomenklatura à l’évolution thermidorienne des anciens Jacobins. Depuis peu, nos média reparlent même de « l’épopée du communisme » et le passé kominternien du PCF ne l’empêche nullement, avec ses avatars alter mondialistes anti libéraux et autres, d’être accepté dans le sein de la démocratie Française (on peut même voir un ministre de l’intérieur ferrailler pour faire admettre dans le jeu politique une faction communiste ouvertement révolutionnaire et anti démocratique par nature…)

Besançon avance plusieurs explications :

-         « le nazisme est mieux connu que le communisme, parce que le placard aux cadavres à été ouvert par les troupes alliées » et que plusieurs peuples européens en ont eu une expérience directe. Le crime nazi est repérable, flagrant, contrairement au goulag ou au laogaï qui restent enveloppés de brouillard et demeurent indirectement connus.

-         « le peuple juif a pris en charge la mémoire de la shoah. C’était à la fois une obligation morale et religieuse. » Nul équivalent concernant les crimes communistes compte tenu, notamment , de la multitude de peuples victimes de l’idéologie communiste.

-         « La guerre, en nouant une alliance militaire entre les démocraties et l’URSS, a affaibli les défenses immunitaires occidentales contre l’idée communiste , pourtant très fortes au moment du pacte Hitler Staline, et provoqué une sorte de blocage intellectuel. » L’héroïsme militaire soviétique prenait le pas sur l’idéologie communiste, mise en réserve. Plus encore, les soviétiques firent partie des vainqueurs et, à ce titre, figurèrent parmi les juges à Nuremberg. Et, à la différence de l’Europe orientale, l’Europe occidentale n’a pas eu l’expérience directe de l’arrivée de l’arrivée rouge, qui fut considérée comme libératrice au même titre que les autres armées alliées, ce que ne ressentaient bien sur ni les Baltes, ni les Polonais…

-         « un des grands succès du régime soviétique est d’avoir diffusé et imposé sa propre classification idéologique des régimes politiques modernes : Lénine les ramenait à l’opposition entre socialisme et capitalisme. Encore actuellement dans les livres d’histoire scolaire, on trouve le classement suivant : régime soviétique, démocraties libérales, fascismes (nazisme, fascisme italien stricto sensu  et franquisme), distinct du classement correct développé par Anna Arendt dés 1951, c’est à dire : ensembles, les deux seuls régimes totalitaires (communisme et nazisme), les régimes libéraux, les régimes autoritaires (Italie, Espagne, Hongrie, Amérique latine) qui relèvent des catégories classiques de la dictature et de la tyrannie, répertoriées depuis Aristote. »

-         la faiblesse des groupes capables de conserver la mémoire du communisme : le nazisme à duré douze ans, le communisme européen, selon les pays entre 50 et 70 ans. La durée ayant un effet auto amnistiant. Durant ce temps immense, la société civile a été atomisée, les élites ont été successivement détruites en profondeur, remplacées, rééduquées. La plupart de ceux qui auraient été en mesure de penser, et donc de dresser le bilan de cette expérience tragique, ont été privés de connaître leur histoire et ont perdu leurs capacités d’analyse. « Rien n’est si problématique, après la dissolution d’un régime totalitaire, que la reconstitution dans le peuple d’une conscience morale et d’une capacité intellectuelle normale. »

Toutes citations extraites de « Le malheur du siècle », d’Alain Besançon, Perrin 1998.

01/03/2007

Auschwitz 105- Ukraine zéro.

Alain Besançon avait eu la curiosité, il y a quelques années de consulter le service de documentation du journal de révérence « Le Monde » et de calculer le nombre de références aux crimes Nazis et communistes entre 1990 et 1997 ; le thème du nazisme revint 480 fois, celui du « stalinisme », sept fois…Auschwitz faisait l’objet de 105 références, le génocide par la famine organisée en Ukraine (environ 6 millions de morts en 1933) zéro référence.

« Le nazisme, bien que disparu complètement depuis plus d’un demi-siècle, est à juste titre l’objet d’une exécration que le temps n’affaiblit nullement. Le communisme, en revanche, bien que tout frais et tout récemment déchu, bénéficie d’une amnésie et d’une amnistie qui recueille le consentement presque unanime, non seulement de ses partisans, mais de ses ennemis les plus déterminés et même de ses victimes. Ni les uns ni les autres ne trouvent séant de la tirer de l’oubli. » (1)

J’ai relu récemment, et successivement, « Le malheur du siècle », « Le livre noir du communisme » (2), puis « Du passé, faisons table rase » (3).

On ne sort pas intact de ce genre de lecture, aussi averti que l’on puisse l’être auparavant.

Mais ce qui frappe le plus, comme le souligne Besançon, au delà de l’horreur des crimes commis au nom de cette idéologie totalitaire, c’est ce "contraste entre l'amnésie du communisme et l'hypermnésie du nazisme"(6), cette organisation de la non repentance, après celle de la dissimulation des crimes commis par tous les régimes communistes durant le XX ème siècle. Ce négationnisme communiste.

Il faut se rappeler, lors de la sortie du « Livre noir du communisme », les injures et les menaces de la presse communiste en France, le travail de sape du Monde (des commissaires politiques Colombani et Plenel) pour discréditer les auteurs de cette somme inédite et pour atténuer l’onde de choc auprès d’un public encore largement ignorant de l’horreur collectiviste, la sortie pitoyable de Jospin à l’assemblée tentant de sauver le soldat communiste et dissociant (à dessein ?) stalinisme et communisme afin d’épargner ses amis trotskystes. Il faut revoir ce « bouillon de culture » historique ou Stéphane Courtois fut confronté à deux apparatchiks communistes (Roger Martelli et Roland Leroy).

La première synthèse historique de la dimension criminelle du communisme ne devait pas être connue ; Outre la recension des crimes de masses commis, les auteurs détaillaient également les méthodes utilisées pour assassiner des millions de personnes, notamment la famine organisée. La question de la nature totalitaire du communisme et sa comparaison avec le nazisme était également reprise par les auteurs, à la suite d’ Ernst Nolte, François Furet ou Renzo de Felice.

Si le monstre est mort comme phénomène politique, il demeure bien vivant comme phénomène culturel : il faut admettre que décrire le communisme dans sa réalité (sa praxis), reste un délit d’opinion. Le négationnisme, définit comme un délit quand il porte sur le nazisme, ne l’est pas quand il dissimule les crimes communistes.

Soulignant la motivation idéologique des crimes nazis, le procureur général Français à Nuremberg, François de Menthon, disait : « Nous ne nous trouvons pas devant une criminalité accidentelle, occasionnelle, nous trouvons devant une criminalité systématique découlant directement et nécessairement d’une doctrine. » (4)

Cette description de la criminalité brune s’applique mot pour mot à la criminalité rouge…

De même que « lui convient parfaitement la définition du nouveau code pénal Français, adopté en 1992, selon laquelle, le crime contre l’humanité inclut la déportation, la réduction en esclavage, la pratique massive et systématique d’exactions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture, d’actes inhumains inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux, et organisés en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile. » (5)

Or, les massacres et déportations systématiques de groupes sociaux ou ethniques en raison de ce qu’ils sont et non de ce qu’ils font, jalonnent toute l’histoire du communisme.

Il est donc sans doute légitime de conclure à une nature intrinsèquement criminogène du communisme, tant il a produit de copies conformes dans les circonstances les plus diverses, sous toutes les latitudes et dans les sociétés culturellement les plus différentes (Cuba, Ethiopie, Angola, Afghanistan, Mozambique, Laos, Cambodge, Chine, Russie,…)

Devant pareil constat, pareille horreur, le front négationniste procommuniste, puissamment relayé par des média complaisants voire serviles et perdant une sérieuse occasion de faire un aggiornamento, ressasse l’éternel antienne : « le communisme se voulait dans son principe une doctrine de libération par la dictature du prolétariat, alors que le nazisme annonçait dés sa naissance un programme d’extermination... » ou bien « l’anéantissement de l’homme exprime non l’essence de cette doctrine de libération, mais sa perversion ..» (distinguo Léninisme/ Stalinisme).

Il est alors particulièrement étonnant que cette doctrine de libération n’ai jamais nulle part mis en œuvre autre chose que sa propre perversion.

Un aspect non moins important de ces ouvrages est d’établir le fait que Lénine et Trotky furent les initiateurs de ce système et aussi de la terreur organisée, et ce dés 1917 (premiers camps de concentration, premier rapport alarmant de la Ligue des Droits de l’Homme). Staline n’en fut que le continuateur appliqué et méthodique doublé d’un stratège militaire sans pareil, surclassant largement son alter ego Hitler, et les Churchill et Roosevelt.

Reconnaître ceci c’est reconnaître la nature totalitaire et criminelle de l’idéologie véhiculée encore en 2007 par une bonne partie de la gauche radicale/ révolutionnaire Européenne, notamment Française.

Qu’ils le veuillent ou non, Trotskystes, communistes " orthodoxes ", "alter mondialistes" et autres "collectifs anti liberaux", sont les héritiers des plus grands criminels du XX ème siècle.

 

(1)   Alain Besançon, Le malheur du siècle, Fayard 1998, p.10.

(2)   Stéphane courtois, Robert Laffont, 1997.

(3)   Stéphane Courtois, Robert Laffont, 2002.

(4)   François de Fontette, Le procès de Nuremberg, coll. « Que sais-je ? », PUF, 1996, p.48

(5)   Jean François Revel, Le siècle des ombres, Fayard 199, p.602.

(6) Alain Besançon, Le malheur du siècle, p.9.

02/01/2007

Communisme et lassitude.

Par hasard, j’ai écouté ce jour la fin d’une émission de France Culture, « Du grain à moudre », souvent intéressante d’ailleurs, et consacrée –oh miracle- à JF Revel récemment disparu, à travers le livre hommage qu’ a écrit Pierre Boncenne (Pour JF Revel, Plon. 2006).

J’ai suivi avec plaisir la discussion entre Besançon, Sirinelli et Boncenne, malheureusement parasitée par les péroraisons de Julliard. Revel, présenté à tort par la clique gauchiste médiatico-intellectuelle comme anticommuniste primaire, était un érudit et un intellectuel de premier plan dont la constance de l’engagement antitotalitaire, dans la lignée de Raymond Aron, mérite le respect.

J’ai repensé à ce petit livre indispensable retraçant la correspondance entre Furet et Nolte (Fascisme et communisme, Plon. 1997) au sujet de la proximité idéologique des deux phénomènes totalitaires. Cette proximité, défendue par Revel dans nombre de ses ouvrages, mais aussi par Alain Besançon (Le malheur du siècle, Fayard) constitue toujours un tabou en France et explique sans doute en partie la haine tenace et l’ostracisme dont il fut l’objet, sa vie durant et même après sa mort.

Et c’est sans doute parce qu’il existe un négationnisme procommuniste beaucoup plus hypocrite, plus efficace et plus diffus que le négationnisme pronazi, sommaire et groupusculaire, mais dont le comité de vigilance citoyen anti fasciste nous rebat les oreilles à longueur de journée, la danger étant bien sur majeur.

L’organisation de la non repentance à l’égard du communisme aura été la principale activité politique de l’ultime décennie du siècle, comme l’organisation de sa non connaissance aura été celle des sept décennies antérieures.

Le succès périodique du négationnisme procommuniste donne à tout nouveau livre rétablissant certaines vérités, et en particulier esquissant le parallèle sacrilège entre communisme et nazisme, l’apparence de la découverte (Qu’on se rappelle le tollé de la gauche, y compris la gauche non communiste, après la sortie du « Livre noir du Communisme » et la sortie grotesque de Jospin à l’Assemblée...). Or on n’en finirait pas d’aligner les citations dés 1918 pour l’appréciation exacte du bolchevisme, et dés 1933 pour la comparaison entre les totalitarismes, ou figurent déjà des constats et des arguments sans appels, mais aussi sans grands résultats sur la reconnaissance des crimes communistes.

Dans son « Passé d’une illusion » (Robert Laffon, 1995), François Furet (ancien communiste lui même) consacre un long passage à l’historien Allemand Ernst Nolte, qui avait fait l’objet avant lui d’une condamnation sommaire en Allemagne et en Occident pour avoir théorisé cette comparaison interdite.

On se rappelle pourtant d’André Gide, écrivant dans son retentissant « Retour de l’URSS » : « Je doute qu’en aucun autre pays aujourd’hui, fut-ce l’Allemagne de Hitler, l’esprit sois moins libre, plus courbé, plus craintif, terrorisé qu ‘en URSS». Et le doyen respecté des historiens du fascisme, Renzo de Felice (plutôt de sensibilité socialiste d’ailleurs), déclarant en 1988 comparant Hitlérisme et communisme : « La vérité en conclusion est qu’il s’agit de phénomènes identiques ; Le totalitarisme caractérise et définit le Nazisme comme le communisme, sans aucune différence réelle ; peut-être l’ais-je dis avec brutalité, mais j’estime que le moment est venu de s’en tenir aux faits et de briser les mythes faux et inutiles. » (Actes du colloque « Le stalinisme dans la gauche Italienne », mars 1988)

Furet et Nolte évoquaient à la fin de leur correspondance la thèse de « l’inutilité du vrai », dont s’était déjà emparé Revel dans « La connaissance inutile » (Grasset, 1988). Alain Besançon dans son « Malheur du siècle », en s’interrogeant à son tour sur les raisons de « l’amnésie du communisme et de l’hypermnésie du nazisme », et s’il reconnaissait le caractère unique et incomparable de la Shoah, concluait que les différences entre les deux totalitarismes sont dans la nature des motivations et non dans le degré du mal.

Pour Revel, « Ce qui distingue le communisme du Nazisme, ce n’est pas le système du pouvoir, il est identique dans les deux cas. C’est que le premier est une utopie et non le second ; Lorsqu’ Hitler supprime la démocratie et crée des camps d’extermination, il réalise ses idées et tient ses promesses. Lorsque c’est Lénine qui le fait, il réalise le contraire de ses idées et trahit ses promesses. Mais il le nie au nom de l’avenir qu’il prétend radieux. L’utopie rend légitime la déconnexion entre les intentions et les actes » (Fin du siècle des ombres, Fayard)

C’est la le paradoxe de l’après communisme : pourquoi y a-t-il encore tant de « compagnons de route », alors qu’il n’y a plus de route ?

19/11/2006

fasciste!

Y a t il un danger fasciste en France ?

Cette question, instrumentalisée avec ferveur par la gauche dans son ensemble, en digne héritière du Komintern a certains égards, est récurrente dans ce pays.

Chacun court le risque, à un moment ou un autre, de se faire qualifier de tel, et à propos de n’importe quoi : immigration, patriotisme, valeurs, éducation, régime parlementaire...

 

- Mais qu’est ce que , ou plutôt, qu’était le fascisme ?

Emilio Gentile, universitaire italien considéré comme un des meilleurs spécialiste de la question répond ainsi : « Le fascisme est un phénomène politique moderne, nationaliste et révolutionnaire,antilibéral et antimarxiste,organisé en un parti milice, avec une conception totalitaire de la politique et de l’Etat, avec une idéologie à fondement mythique, viril et anti-hédoniste, sacralisée comme religion laïque, qui affirme la primauté absolue de la nation, entendue comme communauté organique, ethniquement homogène, hiérarchiquement organisée dans un état corporatif, avec une vocation belliqueuse, une politique de grandeur, de puissance et de conquête, visant à la création d’un ordre nouveau et d’une nouvelle civilisation. » (E Gentile, Fascisme, histoire et interprétation. Gallimard 2002)

E. Gentile définit ensuite l’idéologie fasciste comme une « idéologie anti idéologique » , en raison de son activisme et de son aversion pour les élaborations intellectuelles et idéologiques.

Le mouvement fasciste est propre à l’Italie des années 20 comme le mouvement national-socialiste à l’Allemagne des années 30 ou le mouvement phalangiste espagnol à la même époque. Pourquoi dater ainsi ce mouvement intellectuel ? Parce qu’il est né au point de rencontre d’événements sans précédents et qui ne se retrouverons plus : en effet, le fascisme est né des traumatismes de la première guerre mondiale au sein de la jeune génération du front, qui connut l’horreur, mais aussi la camaraderie et la solidarité dans l’action. Il est né de la situation de détresse subie par des nations comme l’Italie ou l’Allemagne. Il est né aussi d’une réaction contre la menace bolchevique en Europe (bien réelle, il est de bon ton de l’oublier ou de la sous-estimer). Pourtant, comme le regretté F. Furet l’avait noté, « le fascisme n’est pas né seulement pour vaincre le bolchevisme, mais pour briser à jamais la division du monde bourgeois » (Furet, Le passé d’une illusion, Laffont, 1996).

Cette société libérale bourgeoise en crise au sortir des années 20 semble si obsolète face aux défis multiples de la modernité et des crises économiques, que les régimes autoritaires se répandent comme une épidémie en Europe : la Hongrie bascule des 1919, l’Espagne une première fois en 1923, la Pologne en 1926, , la Yougoslavie en 1929, le Portugal en 1932, l’Allemagne en 33, la Grèce et l’Espagne-une nouvelle fois- en 36, la Roumanie en 38, la France en 1940.

Tous sont établis sur le modèle classique des dictatures militaires conservatrices, mais sont distincts du fascisme Italien.

Le fascisme, alors n’est il qu’Italien ? Non répond encore E. Gentile (La voie Italienne du Totalitarisme, Le Rocher .2004), bien qu’il soit hostile à l’usage générique et aveugle du concept de fascisme en dehors de tout contexte temporel ou géographique. Le fascisme Italien a un fondement idéologique plus clair que le national-socialisme Allemand, reposant sur le mythe de la race supérieure. Il aurait-toujours d'après E. Gentile-une  structure idéologique plus complexe: celle de l'état totalitaire, solution unique pour toutes les nations civilisées d'Occident, contrairement au mythe de la race qui ne s'adresse qu'aux Allemands. Il est par ailleurs possible de considerer le fascisme, le nazisme et le bolchevisme comme trois arbres differents ayant des similitudes et non pas comme trois branches d'un même arbre.

Plus largement, le fascisme peut sans doute s’intégrer dans l’idéologie totalitaire, entendue au sens de mouvement révolutionnaire extrémiste aspirant au monopole du pouvoir. Le qualificatif "totalitaire" est original et apparait en Italie dans les années 1923-1925 pour désigner l'imposition du monopole du pouvoir politique par le parti fasciste qui se mettait alors en place. Le concept et le mot "totalitaire" s'appliquent donc historiquement seulement au fascisme Italien, alors qu'il recouvre actuellement des réalités differentes: fasisme, bolchevisme ou nazisme, faisant disparaitre les spécificités de chacun de ces phénomènes et pouvant par extension représenter tout ce qui s'oppose à la démocratie libérale (théocraties musulmanes, tyrannies exotiques, etc.); Le point commun entre les trois phénomènes étant peut-être la négation de l'individu, avec des distinctions: pour le marxisme, héritier de la table rase des Lumières, l'individu est sans racines autres que sociales (homo oeconomicus, semblable à celui du libéralisme), pour le fascisme, l'individu est porteur d'un héritage complexe qui se confond avec celui de la nation; Deux conceptions antagonistes donc, qui fondent des projets politiques et sociaux radicalements differents.

On voit donc qu’il est bien difficile de cerner une définition précise du mot « fasciste ». Et qu’aujourd’hui cela recouvre à peu prés tout et n’importe quoi .

 

- Quid en France, alors?

Y a-t-il une mouvance fasciste comme semblent le craindre nos amis progressistes? Le front national, Poujadiste, nationaliste et antisémite de Le Pen peut il être assimilé à un parti fasciste ? Au regard de l’acception d’E Gentile, on peut répondre facilement non, compte tenu de l’absence de caractère révolutionnaire ou totalitaire de son programme, somme toute légaliste et républicain, des valeurs de patriotisme, d’autorité, d'ordre, de préférence nationale n’étant certainement pas suffisantes pour définir une idéologie fasciste.

Mais il est intéressant de constater aussi que la gauche radicale actuelle (front anti libéral, PC, trotskystes, etc.) emprunte à l’idéologie fasciste certaine de ses caractéristiques, comme la haine du libéralisme ou de l’ordre bourgeois, l’athéisme militant, l’intolérance la plus sectaire, sous des postures naturellement généreuses dites "progressistes".

Contrairement à BH Levy et Zeev Sternhell qui soutiennent la thèse d’un fascisme idéologiquement élaboré sous une forme accomplie, en France notamment, et qui aurait existé avant même la naissance du fascisme italien, Renzo de Felice et Emilio Gentile constatent que la France n’a jamais vu l’émergence d’une mouvance fasciste organisée, sans pouvoir l’expliquer de façon évidente (rôle d’une tradition démocratique et républicaine plus ancienne et mieux ancrée, conditions économiques distinctes notamment au lendemain de la 1ere guerre mondiale, ou bien que ruinée, la France appartenait au camp des vainqueurs et pu se reconstruire plus rapidement grâce au traité de Versailles et à l’aide alliée).

 

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