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30/05/2011

le prix à payer

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Je repense à ce regard pathologique, à cet ethno-masochisme occidental, celui que j'illustrais tantôt avec Sartre ou Badiou appelant à tuer les siens ou à la disparition de sa propre culture.

Il y a bien sûr cette singularité de la civilisation Occidentale consistant à décentrer son regard pour se voir soi-même ou pour voir les autres. Ce qui ne signifie pas que d'autres hommes appartenant à d'autres civilisations n'aient pas eu la même approche, mais de façon contingente, contrairement aux européens dont il me semble que c'est une constante. Hérodote, dans son Enquête, dans ce premier travail d'historien voyageant en Méditerranée Orientale et contant les guerres Médiques ou son voyage en Cyrénaïque ou, plus tard, Thucydide relatant factuellement la lutte à mort entre cités rivales grecques, ont ce regard excentré, cette curiosité envers l'Autre, envers le barbare.

« Hérodote d'Halicarnasse présente ici les résultats de son Enquête afin que le temps n'abolisse pas le souvenir des actions des hommes et que les grands exploits accomplis soit par les Grecs, soit par les Barbares, ne tombent pas dans l'oubli ; il donne aussi la raison du conflit qui mit ces deux peuples aux prises. ». Hérodote, Enquête.

Mais Hérodote comme Thucydide, bien qu'acceptant de décentrer leur regard et leur être, ne versent pas dans l'ethno masochisme d'un Badiou, d'un Sartre ou du journaliste progressiste moyen en Occident. Pourquoi les occidentaux sont-ils les seuls à ressasser les crimes commis par leurs ancêtres ? Pourquoi aucun africain, n'écrivit-il jamais l'histoire des royaumes négriers d'Oyo ou d'Abomey ? Pourquoi l'histoire de la traite esclavagiste Orientale n'a jamais été écrite par un arabo-musulman ? Pourquoi aucun maghrébin ne demande-t-il réparation aux arabes pour les avoir colonisés depuis quatorze siècles, et pourquoi nul chef d'état Espagnol n'a-t-il jamais demandé réparation pour sept siècles de colonisation Maure ? Génocides, meurtres de masse, gestes coloniales, écrasement de minorités, déportations, ethnocides sont le lot commun de toutes les civilisations depuis les origines mais seuls les occidentaux s'en soucient. Pourquoi seuls des Britanniques sont-ils capables de s'enchaîner et de demander pardon aux descendants de victimes de la traite triangulaire alors qu'ils n'y sont strictement pour rien ?

Curieusement, l'Europe est sans doute une des aires civilisationnelles qui accueille le plus d'étrangers (« migrants » dans la novlangue moderne) sur son sol et qui se montre la plus accueillante et généreuse pour ceux qui choisissent d'y vivre, mais ça n'est pas le terme de xénophilie qui est sur toute les lèvres mais celui de xénophobie. Comme un paradoxe, à mon avis. Nombre de contempteurs d'une europe occidentale soi disant xénophobe faisant d'ailleurs souvent référence au terme d'Europe citadelle, sous entendant une volonté et une politique (à mon avis imaginaire) de fermeture inconditionnelle de nos territoires aux étrangers. J'aimerais être plus érudit pour voir les choses de plus haut mais j'ai l'impression, au contraire que, pour le meilleur comme pour le pire, les européens et l'Europe -au sens culturel, civilisationnel- se distinguent donc au contraire par une ouverture, une curiosité sans pareille vis-à-vis de l'altérité ; d'Hérodote visitant le monde barbare, les Jardins de Babylone, à Neil Armstrong en passant par Marco Polo et Colomb. En bon lecteur de Jared Diamond, j'ai -aussi- tendance à considérer que plus une civilisation est riche et puissante, plus elle a tendance à produire des hommes aventureux, des bateaux pour naviguer loin et des armes pour asseoir leur domination...Il n'empêche, c'est le destin, le fatum, des occidentaux.

Or, pas besoin de lire Lévi-Strauss (c'est mieux quand même) pour comprendre  que, pour survivre, c'est-à-dire se conserver dans le changement, une culture a toujours recours à une certaine xénophobie, tout au moins un certain ethnocentrisme.

« (...) Nulle inconséquence, pourtant, ne saurait être reprochée à Lévi-Strauss. On ne voit pas par quel enchantement des hommes enfoncés chacun dans sa culture seraient saisis d'une passion spontanée pour les genres de vie ou les formes de pensées éloignées de leur tradition. Si, d'autre part, la richesse de l'humanité réside exclusivement dans la multiplicité de ses modes d'existence, si l'honneur d'avoir crée les valeurs esthétiques et spirituelles qui donnent son prix à la vie, ainsi que l'écrit Lévi-Strauss et comme le disent en d'autres termes les grandes professions de foi de l'UNESCO, alors la mutuelle hostilité des cultures est non seulement normale mais indispensable. Elle représente le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent et trouvent dans leurs propres fonds, les ressources nécessaires à leur renouvellement. » (La défaite de la pensée, A Finkielkraut, 1987.).

« Le prix à payer »...Comment les européens ont-ils oublié cela ? Mystère.

Cette xénophilie européenne alliée à un certain ethno masochisme, me parait, avant tout, être le propre d'un ethno centrisme dévoyé, d'une croyance irrationnelle en la singularité -cette fois au sens de supériorité- de la culture occidentale Européenne; je m'explique : pétris d'universalisme, les européens sont sans doute les seuls au monde à considérer que mettre leur propre culture en retrait et survaloriser celle de l'étranger est la meilleur façon de transmettre (si cela est encore possible) et de faire vivre une tradition culturelle millénaire. Ils sont sans doute seuls au monde à considérer que faire venir sur leur sol des millions d'étrangers en leur enjoignant de ne point abandonner leur culture et de « vivre chez nous comme chez eux » et que, dans le même mouvement, stigmatiser toute manifestation d'une culture autochtone européenne, tout enracinement européen, puisse se terminer autrement qu'en guerre de tous contre tous. Mais peut-être est-ce une ruse de l'Histoire:

« C'est Nietzsche qui écrit dans La volonté de puissance que l'Europe malade trouve un soulagement dans la calomnie. Mais il se pourrait bien que le masochisme européen ne soit qu'une ruse de l'orgueil occidental. Blâmer sa propre histoire, fustiger son identité, c'est encore affirmer sa supériorité dans le Bien. Jadis l'occidental assurait sa superbe au nom de son dieu ou au nom du progrès. Aujourd'hui il veut faire honte aux autres de leur fermeture, de leur intégrisme, de leur enracinement coupable et il exhibe sa contrition insolente comme preuve de sa bonne foi. Ce ne serait pas seulement la fatigue d'être soi que trahirait ce nihilisme contempteur mais plus certainement la volonté de demeurer le précepteur de l'humanité en payant d'abord de sa personne. Demeurer toujours exemplaire, s'affirmer comme l'unique producteur des normes, tel est son atavisme. Cette mélodie du métissage qu'il entonne incessamment, ce ne serait pas tant une complainte exténuée qu'un péan héroïque. La preuve ultime de sa supériorité quand, en effet, partout ailleurs, les autres érigent des barrières et renforcent les clôtures. L'occidental, lui, s'ouvre, se mélange, s'hybride dans l'euphorie et en tire l'argument de son règne sur ceux qui restent rivés à l'idolâtrie des origines. Ce ne serait ni par abnégation, ni même par résignation qu'il précipiterait sa propre déchéance mais pour se confondre enfin intégralement avec ce concept d'humanité qui a toujours été le motif privilégié de sa domination... Il y a beaucoup de cabotinage dans cet altruisme dévergondé et dominateur et c'est pourquoi le monde du spectacle y tient le premier rôle... » (Pierre Bérard, entretien avec Julien Freund)

Sans doute peut-on retrouver dans cette idéologie égalitaire universaliste et cette xénophilie inconditionnelle la trace de l'eschatologie chrétienne (Babel) sécularisée, devenue religion laïque. En ce sens nombreux sont ceux qui, « attachés dans leur Eglise à tout ce dont celle-ci ne veut plus entendre parler, auront du mal à faire croire que le meilleur moyen d'endiguer la « subversion » est de batailler dans une croyance qui les a déjà abandonnés pour passer à l'ennemi. ». (Alain de Benoist, Droite, l'ancienne et la nouvelle, 1979) Le christianisme en effet, « après avoir été, nolens volens, la religion de l'Occident, après avoir été portée par un esprit, une culture, un dynamisme européens, qui l'avaient précédé de quelques millénaires, le christianisme, opérant un retour aux sources, redécouvre aujourd'hui ses origines. Pour assumer sa vocation universaliste et devenir la religion du monde entier, il entend se « désoccidentaliser ». (...) Nulle idée n'est plus odieuse aux chrétiens que l'idée de patrie : comment pourrait-on servir à la fois la terre des pères et le Père des cieux ? Ce n'est pas de la naissance, ni de l'appartenance à la cité, ni de l'ancienneté de la lignée, que dépend le salut, mais de la seule conformité aux dogmes. Dés lors, il n'y a plus à distinguer que les croyants des incroyants, les autres frontières doivent disparaître. Hermas, qui jouit à Rome d'une grande autorité, condamne les convertis à être partout en exil : « Vous, les serviteurs de Dieu, vous habitez sur une terre étrangère. Votre cité est loin de cette cité. »» (ibid)

Le meilleur, c'est donc bien cette curiosité envers ce qui n'est pas nous, cette ouverture aux autres cultures, aux hommes comme aux idées, cette adaptation permanente qui est un enrichissement et un gage de la survie d'une civilisation. Le pire c'est la disparition de toute conscience identitaire, sinon ethnique, la dissolution dans l'Autre ou le Même et la haine de soi.

« Et le lecteur méditatif songera que la tentation est forte, pour l'Européen lucide de se réfugier dans la posture de l'anarque. Ayant été privé de son rôle d'acteur historique, il s'est replié sur la position du spectateur froid et distancié. L'allégorie est limpide. L'immense catastrophe des deux guerres mondiales a rejeté les Européens hors de l'histoire pour plusieurs générations. Les excès de la brutalité les ont brisés pour longtemps. Comme les Achéens après la guerre de Troie, un certain nihilisme de la volonté, grandeur et malédiction des Européens, les a fait entrer en dormition. A la façon d'Ulysse, il leur faudra longtemps naviguer, souffrir et beaucoup apprendre avant de reconquérir leur patrie perdue, celle de leur âme et de leur tradition. » (Dominique Venner, Ernst Jünger, Un autre destin européen, 2009).

Commentaires

Excuser l'Autre est la conséquence d'un complexe de supériorité.

"Tu ne peux être Moi, Moi qui suis si Grand, si Respectable, si Bon, et du haut de ma Grandeur je t'absous, je t'excuse et je te plains."

C'est tout le discours gauchiste en une phrase.

Le gros problème de ce discours c'est que ceux qui le disent ne sont pas ceux qui le subissent. Si d'un côté BHL excuse quiconque n'est pas français, de l'autre ce n'est pas lui qui au quotidien doit vivre la concrétisation d'un tel discours.

Faire la morale c'est tellement facile quand c'est les autres qui doivent l'appliquer.

Comme je l'ai déjà dit peut être ici, cette mégalomanie, ce narcissisme, ce complexe de supériorité n'est qu'une des multiples traduction de ce culte de l'enfance, surement issu entre autres de 68. Ce discours irresponsable est le discours d'un enfant.

Nous sommes dirigés par des gosses mal grandis.

Écrit par : Jean-Pierre | 31/05/2011

Excuser l'Autre est la conséquence d'un complexe de supériorité.

"Tu ne peux être Moi, Moi qui suis si Grand, si Respectable, si Bon, et du haut de ma Grandeur je t'absous, je t'excuse et je te plains."

C'est tout le discours gauchiste en une phrase.

Le gros problème de ce discours c'est que ceux qui le disent ne sont pas ceux qui le subissent. Si d'un côté BHL excuse quiconque n'est pas français, de l'autre ce n'est pas lui qui au quotidien doit vivre la concrétisation d'un tel discours.

Faire la morale c'est tellement facile quand c'est les autres qui doivent l'appliquer.

Comme je l'ai déjà dit peut être ici, cette mégalomanie, ce narcissisme, ce complexe de supériorité n'est qu'une des multiples traduction de ce culte de l'enfance, surement issu entre autres de 68. Ce discours irresponsable est le discours d'un enfant.

Nous sommes dirigés par des gosses mal grandis.

Écrit par : Jean-Pierre | 31/05/2011

désolé pour le doublon !

Écrit par : Jean-Pierre | 31/05/2011

entièrement d'accord avec vous, jean-pierre. d'une part cette sensation d'appartenir à une civilisation forcément universelle vers laquelle devraient converger le monde entier...(l'universalisme béat et mortifère de nos progressistes) et d'un autre point de vue (comme le notent trés bien Lasch ou Freund, une immaturité affective et psychologique dramatique qui alimentent ce discours d'irresponsabilité individuelle et collective, notamment dans les milieux post 68 tards.

Quand il n'y a plus d'hommes, il n'y a plus que des "experts"...

le genre d'imposture fondamentale qui se paye un jour ou l'autre.

Écrit par : hoplite300 | 31/05/2011

A priori vous ne connaissez pas bien les enfants, je vous assure qu'ils sont plus simples et catégoriques quant à l'Autre et de façon naturelle rejettent ceux qui sont différents. Ils ont conservé un instinct que l'adulte contrecarre culturellement. C'est assez impressionnant ! je pense donc que les gauchistes ne sont pas des adultes attardés, cela n'a aucun rapport à mon avis.

Écrit par : Emile | 31/05/2011

Emile, je n'ai eu que 5 enfants mais on ne les connait jamais parfaitement, je vous l'accorde.

Quant je parle d'immaturité affective, pour moi emblèmatique de ces générations de babymoomers notamment les post 68tards, je fais référence, non pas à la xénophilie inconditionnelle qui tient lieu de codex à nos modernes, mais au narcissisme de ces derniers. Je vous conseille, sur ce point, la lecture de "La culture du narcissisme" de Lasch. Dont un Cohn Bandit est l'archétype.

Écrit par : hoplite | 31/05/2011

Emile,

Je comprends ce que vous dîtes, mais dans ma bouche "enfant" recouvre tout ce qui pour moi n'est pas "adulte", par exemple un adolescent est pour moi un enfant, or c'est plutôt ce à quoi je pensais lorsque j'écrivais ci dessus.

Donc "adolescent" si vous préférez.

Écrit par : Jean-Pierre | 31/05/2011

Excellent billet, comme souvent ici.

"J'aimerais être plus érudit pour voir les choses de plus haut", écrivez-vous, ce qui honore votre modestie car franchement, ce n'est pas la culture générale et même spécialisée qui vous fait défaut !

Pour ma part, je ne pense pas que l'érudition soit la clé de la hauteur de vues ("savoir quelque chose de tout, plutôt que tout de quelque chose", écrivait Pascal), même si évidemment, au plan intellectuel, il est difficile de traiter d'un sujet dont on ignore tout.

La lucidité me paraît plutôt d'ordre "spirituel" qu'intellectuel, un peu comme quand, dans le cadre de l'équilibre de "l'homme complet" (et c'est ce qui me frappe en lisant ce blog, ce souci que vous avez manifestement de la multidimensionnalité humaine au sens gréco-romain), a été pris le parti du nettoyage, plutôt que de l'accumulation.

Je peux difficilement mieux faire, pour développer mon point de vue, que de renvoyer à un ancien billet de mon propre blog :

http://verslarevolution.hautetfort.com/archive/2010/09/02/pourquoi-nous-vivons.html

Écrit par : Boreas | 08/06/2011

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