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17/04/2010

bordel

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« J'habite Villa Borghèse. Il n'y a pas une miette de saleté nulle part, ni une chaise déplacée. Nous y sommes tout seuls, et nous sommes morts. ... »

«  ... Il vaut mieux garder l'Amérique ainsi, toujours à l'arrière-plan, une sorte de gravure carte postale, que l'on regarde dans ses moments de faiblesse. Comme ça, on imagine qu'elle est toujours là, à vous attendre, inchangée, intacte, vaste espace patriotique avec des vaches, des moutons et des hommes au coeur tendre, prêts à enculer tout ce qui se présente, homme, femme ou bête ! Ca n'existe pas, l'Amérique ! C'est un nom qu'on donne à une idée abstraite... »

« Quand Fillmore revint avec sa négresse, elle avait les yeux de braise. Je compris à la façon dont Fillmore la regardait qu'elle avait dû en mettre un sacré coup, et je commençais à me sentir en appétit moi aussi. Fillmore dût se rendre compte de mes sentiments, et quelle épreuve ce devait être pour un homme de rester la, rien qu'à regarder tout le temps, car brusquement il tira un billet de cent francs de sa poche et, le faisant claquer sur la table, il dit : « Ecoute, vieux, tu as probablement plus besoin de tirer un coup que nous tous. Prends ça et choisis celle que tu veux ! » Je ne sais pourquoi ce geste me le rendit plus cher que tout ce qu'il avait jamais pu faire pour moi, et il avait fait beaucoup ! J'acceptais l'argent dans l'esprit ou il m'était donné, et je fis promptement signe à la négresse de se préparer pour une autre passe. Cela mit la princesse encore plus en rage que n'importe quoi, sembla-t-il. Elle voulait savoir s'il n'y avait personne dans ce bordel d'assez bon pour nous, hormis la négresse ! Je lui répondis brutalement : « Non » Et c'était vrai -la négresse était la reine du harem. Il suffisait de la regarder pour se mettre à bander. Ses yeux semblaient nager dans le sperme. Elle était saoule de toutes les demandes qu'on lui faisait. Elle ne pouvait plus se tenir droite, du moins me le semblait-il. En montant l'étroit petit escalier tournant derrière elle, je ne pus résister à la tentation de lui glisser ma main entre les jambes : et ainsi, nous continuâmes à monter, elle se retournant pour me regarder avec un sourire joyeux, et tortillant un peu le cul lorsque cela la chatouillait trop fort. »

H Miller, Tropique du cancer, 1934.

Commentaires

On lit et on relit H. Miller - et je peux dire en connaître la mesure - pour se rendre compte à chaque fois que rien dans sa prose ne s'use ou se diminue. Au contraire, aux nouvelles lectures, se révèlent d'autres niveaux de compréhension, quand ce ne sont pas de vieilles vérités enfouient qu'on avait oubliées.

Écrit par : Trader | 17/04/2010

Beurque. En même temps, voilà, je dis ça et je n'ai jamais tâté de la viande brune. Ceci explique sans doute cela. Dans une vie ultérieure encore plus déprimante, je m'engage à essayer au moins une fois, pour me vanter de l'avoir fait. Cela supposera de me faire préalablement embaucher chez les Hells Angels, histoire de mériter mes ailes noires sur le gilet. Que ça serve au moins à quelque chose.

Écrit par : Stag | 17/04/2010

un témoignage d'Orwell sur Miller :

Je rencontrai pour la première fois Miller à la fin de l'année 1936, à Paris alors que je me rendais en Espagne. Ce qui me surprit le plus, ce fut de découvrir qu'il n'éprouvait pas le moindre intérêt pour la guerre civile. Il me dit simplement, sans mâcher ses mots, qu'il fallait être un crétin pour se rendre en Espagne en un moment pareil. Il comprenait qu'on y aille pour des raisons purement égoïstes - par curiosité, par exemple -, mais aller se fourrer dans ce genre d'histoire parce qu'on s'en "sentait le devoir" était pure imbécilité. De toute façon, mes idées sur la nécessité de de combattre le fascisme, de défendre la démocratie, tout ça c'était de la foutaise. Notre civilisation allait être balayée et remplacée par quelque chose de tellement différent qu'il n'y aurait même plus lieu de parler de société "humaine" - perspective, qui, me dit-il ne l'empêchait pas de dormir.

Écrit par : Edgar_Detriach | 18/04/2010

Oui, je l'ai lu dans la bio d'Orwell par Bernard Crick.

Miller, par sympathie pour Orwell, lui donna son veston avant son départ pour l'Espagne.

Écrit par : Trader | 18/04/2010

je connaissais aussi ces lignes. pourtant, malgré les apparences, je crois que les deux hommes ont en commun d'être des révoltés. le monde tel qu'il va (c'est-à-dire à l'abime, dans ces années là) les révulse mais si Orwell, qui ne rêvait que de biquettes et de jardinages (et qui avait la politique en horreur) s'engage pour combattre les totalitarismes, au péril de sa vie, Miller pense d'emblée que tout cela est vain et qu'il importe de vivre pour soi avant tout.
mais ils sont de la même trempe et auraient pu se retrouver à la plonge et dans la dèche à Paris ou à Londres ou dans quelques tranchées, malgré ce que dit Miller.

et sans doute tous deux pressentent-ils l'avènement de ce "quelque chose de tellement différent" que nous vivons aujourd'hui et que Miller décrit bien dans son "cauchemar climatisé"..

Écrit par : hoplite | 18/04/2010

Je ne mettrais pas tout sur le compte de l'individualisme forcené de Miller pour expliquer son indifférence à la politique. Peut-être était-il convaincu que la lutte pour le pouvoir est vaine et, à cet égard, je le rejoins très bien.

Oui, tous les deux étaient des protestataires (avant d'être des révoltés) mais la révolution politique de l'un équivalait certainement la révolution intérieure de l'autre et vice-versa.

Quand un homme accepte de se remettre en question - avant de retourner le monde à son image - cet homme effectue une révolution encore plus foudroyante, à mon humble avis.

La politique, c'est le miroir aux alouettes par excellence.

Écrit par : Trader | 19/04/2010

Les commentaires sont fermés.