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20/07/2010

lumpenpride

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"Soit à déterminer, par exemple, la signification politique réelle des comportements de la Caillera . Doit-on y voir, conformément aux présentations médiatiques et sociologiques habituelles, un signe normal des difficultés liées au « problème de l'intégration » ? Formulée en ces termes, la question est, de toute évidence, mal posée, c'est-à-dire posée de façon ambiguë. Si l'on parle en, effet, de l'intégration à une société, c'est-à-dire de la capacité pour un sujet de s'inscrire aux différentes places que prescrit l'échange symbolique, il est clair que cette fraction modernisée du Lumpen n'est pas, « intégrée », quelles que soient, par ailleurs, les raisons concrètes (familiales et autres) qui expliquent ce défaut d'intégration.

S'il s'agit, en revanche, de l'intégration au système capitaliste, il est évident que la Caillera est infiniment mieux intégrée à celui-ci (elle a parfaitement assimilé les éloges que le Spectacle en propose quotidiennement) que ne le sont les populations, indigènes et immigrées, dont elle assure le contrôle et l'exploitation à l'intérieur de ces quartiers expérimentaux que l'État lui a laissés en gérance.

En assignant à toute activité humaine un objectif unique (la thune), un modèle unique (la transaction violente ou bizness) et un modèle anthropologique unique (être un vrai chacal), la Caillera se contente, en effet de recycler, à l'usage des périphéries du système, la pratique et l'imaginaire qui en définissent le Centre et le Sommet. L'ambition de ses membres n'a, certes, jamais été d'être la négation en acte de l'Économie régnante. Ils n'aspirent, tout au contraire, qu'à devenir les golden boys des bas-fonds. Calcul qui est tout sauf utopique. Comme l'observe J. de Maillard, « sous nos yeux, l'économie du crime est en train d'accomplir la dernière étape du processus : rendre enfin rentable la délinquance des pauvres et des laissés pour compte, qui jadis était la part d'ombre des sociétés modernes, qu'elles conservaient à leurs marges. La délinquance des pauvres, qu'on croyait improductive, est désormais reliée aux réseaux qui produisent le profit. Du dealer de banlieue jusqu'aux banques de Luxembourg, la boucle est bouclée. L'économie criminelle est devenue un sous-produit de l'économie globale, qui intègre à ses circuits la marginalité sociale. »

À la question posée, il convient donc de répondre clairement que si la Caillera est, visiblement, très peu disposée à s'intégrer à la société, c'est dans la mesure exacte où elle est déjà parfaitement intégrée au système qui détruit cette société. C'est évidemment à ce titre qu'elle ne manque pas de fasciner les intellectuels et les cinéastes de la classe dominante, dont la mauvaise conscience constitutive les dispose toujours à espérer qu'il existe une façon romantique d'extorquer la plus-value. Une telle fascination intellectuelle pour la « fièvre généreuse du délinquant » (Foucault) serait, cependant, difficile à légitimer sans le concours bienveillant de la sociologie d'Etat. Cette étrange sociologie, en effet, afin de conférer aux pratiques, légales et illégales, du système qui l'emploie cette couleur « rebelle » qui les rend à la fois politiquement correctes et économiquement rentables, recourt à deux procédés principaux qui, quand on y réfléchit, sont assez peu compatibles.

Tout d'abord, elle s'efforce d'inscrire ce qu'Orwell nommait « le crime moderne » dans la continuité des délits et des crimes d'autrefois. Or ce sont là deux univers très différents. Le bandit d'honneur des sociétés traditionnelles (le cas des pirates est plus complexe) puisait sa force et sa légitimité historique dans son appartenance à une communauté locale déterminée ; et, en général, il s'en prenait d'abord à l'État et aux divers possédants. Le délinquant moderne, au contraire, revendique avec cohérence la froide logique de l'économie pour « dépouiller » et achever de détruire les communautés et les quartiers dont il est issu . Définir sa pratique comme « rebelle », ou encore comme une « révolte morale » (Harlem Désir) voire, pour les plus imaginatifs, comme « un réveil, un appel, une réinvention de l'histoire » (Félix Guattari), revient, par conséquent, à parer du prestige de Robin des Bois les exactions commises par les hommes du Sheriff de Nottingham. Cette activité peu honorable définit, en somme, assez bien le champ d'opérations de la sociologie politiquement correcte.

Quant au second procédé, il consiste à présenter l'apparition du paradigme délinquant moderne - et notamment son rapport très spécifique à la violence et au plaisir qu'elle procure - comme l'effet mécanique de la misère et du chômage et donc, à ce titre, comme une réponse légitime des exclus à leur situation. Or s'il est évident que la misère et le chômage ne peuvent qu'accélérer en retour la généralisation du modèle délinquant moderne, aucun observateur sérieux - ou simplement honnête - ne peut ignorer que ce modèle a d'abord été célébré dans l'ordre culturel, en même temps qu'il trouvait ses bases pratiques dans la prospérité économique des « trente Glorieuses ». En France, par exemple, toutes les statistiques établissent que le décollage des pratiques délinquantes modernes (de même que la constitution des mythologies de la drogue) a lieu vers 1970, tandis qu'en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas il est perceptible dès 1964-1965. Expliquer le développement de la délinquance moderne (développement qui, dans un premier temps - on s'en souvient - avait été tenu par la sociologie officielle pour un pur « fantasme » des classes populaires) comme un effet conjoncturel du chômage est évidemment une procédure gagnante pour le système capitaliste. D'une part, elle conduit à présenter la « reprise économique » - c'est-à-dire l'aide accrue de l'État aux grandes firmes - comme la clé principale du problème ; de l'autre, elle dispense d'interroger ce qui, dans la logique même du capitalisme de consommation, et la culture libérale-libertaire qui lui correspond, détermine les conditions symboliques et imaginaires d'un nouveau rapport des sujets à la Loi." (JC Michéa, L'enseignement de l'ignorance)

" Non seulement, en effet, la pratique délinquante est, généralement, très productive (incendier quelques milliers de voitures chaque année, par exemple, ne demande qu’un apport humain et matériel très réduit et sans commune mesure avec les bénéfices ainsi dégagés pour l’industrie automobile). Mais, de plus, elle n’exige pas d’investissement éducatif particulier (sauf peut-être dans le cas de la criminalité informatique, de sorte que la participation du délinquant à la croissance du PIB est immédiatement rentable, même s’il commence très jeune (il n’y a pas ici, bien sur, de limite légale au travail des enfants). Naturellement, dans la mesure ou cette pratique est assez peu appréciée des classes populaires, sous le prétexte égoïste qu’elles en sont les premières victimes, il est indispensable d’en améliorer l’image en mettant en place toute une industrie de l’excuse, voire de la légitimation politique. C’est le travail habituel confié aux rappeurs, aux cinéastes « citoyens », et aux idiots utiles de la sociologie d’Etat. " (JC Michéa, L’empire du moindre mal, 2007)

et pour rigoler deux minutes...


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Commentaires

"QuanT au second procédé" (à partir de là, toute faute d'orthographe dans mon commentaire serait honteuse, je le ferai donc court...)

Déjà merci pour l'article. Notamment les quatre premiers paragraphes qui devraient être récités à bon nombre de personnes de mauvaise conscience délibérée ou de paresse intellectuelle.

D'autre part est-il possible d'avoir le nom de la musique?

Et pour finir: vous me devez deux minutes, j'ai vomi rien qu'en voyant l'assortiment titre/photo de votre lien.

Écrit par : M. Nice Guy | 21/07/2010

@niceguy,

désolé pour le quanT...j'écris un peu vite

le titre: marin marais, la sonnerie de sainte Geneviève

j'étaissûr que le lien ferait des heureux! ha ha!

Écrit par : hoplite | 21/07/2010

"Non seulement, en effet, la pratique délinquante est, généralement, très productive (incendier quelques milliers de voitures chaque année, par exemple, ne demande qu’un apport humain et matériel très réduit et sans commune mesure avec les bénéfices ainsi dégagés pour l’industrie automobile"
A se demander même s'ils ne touchent pas des commissions de la part des constructeurs automobiles. Je pousse le bouchon un peu loin, mais quel intérêt sinon? Peut-être un danger plus faible que celui encouru à agresser les commerçants du coin qui vont sûrement commencer à s'organiser. On voit que ça bouge déjà chez les Chinois. Pourquoi pas chez tous les autres?
Excellentes analyses de Michéa et très bonne illustration!

Écrit par : Carine | 21/07/2010

L'intérêt de cramer les bagnoles est triple : peu de risques, un joli effet pyrotechnique et un marquage de territoire "ghetto" éventuellement assorti les jours de fête d'un label "flambée de violence" de la part des médias.

C'est un peu comme un séjour à Fleury mais au niveau du quartier, très valorisant.

Écrit par : babouche | 21/07/2010

@carine,

"Pourquoi pas chez tous les autres?"

ca viendra. les autres, les "français caucasiens" ont perdu tout sentiment communautaire et identitaire. mais c'est devant le bordel et la haine de l'adversité -de la diversité pour les autochtones...que ça peut bouger.

@babouche,

"C'est un peu comme un séjour à Fleury mais au niveau du quartier, très valorisant."

c'est ça...

Écrit par : hoplite | 22/07/2010

J'ai peur que certains élites mal-attentionnés aient délibérément voulu faire venir ces animaux pour ensuite justifier un état policier(totalitaire) qui priverait les citoyens français de toute liberté "au nom de leur sécurité" pour mieux les asservir. le tout camoufler avec de la propagande, du divertissement télévisuelle et à bon coup de dosage de drogues pharmaceutiques qui priverait les français de toute réflexion vis-a-vis du système. Une sorte de prison dorée... Malheur aux esprits libres.

C'est vrai que ça peu sembler un peu gros mais quand je vois ce qu'est devenu les États-Unis après le 11/9, il y a de quoi s'interroger.

Mais bon, il se trouve qu'en France la dictature est déjà appliquée non pas sur le thème de la sécurité comme aux USA mais, pire encore, sur "la lutte contre les discriminations". Une Dictature qui ne touche qu'une population et qui permet a d'autres populations arrivistes de faire leur beurre.

Écrit par : Windir | 24/07/2010

@windir,

je crois moi que c'est l'esprit du temps, le zeitgeist, ie l'idéologie occcidentale de la mondialisation libérale qui ne déteste rien temps que l'enracinement, l'identité, l'exclusion, la différenciation, bref tous les obstacles à la circulation des hommes, des capitaux et des marchandises.

Toutes les entraves à cette vague du Même est démonisée comme il se doit. Je remarque que l'idéologie du métissage qui va avec est une lubie occidentale: les orientaux, les africains, les indiens n'en ont cure...

Écrit par : hoplite | 25/07/2010

Le raisonnement a été démonté il y a plus d'un siècle et demi : Sophisme de la vitre cassée

Non détruire des choses inutilement ne crée pas de richesse. Non la délinquance n'est pas productive, sinon Roubaix serait la ville la plus riche de France, et non les villes des Hauts-de-Seine.

Écrit par : Vae Victis | 27/07/2010

http://fr.wikipedia.org/wiki/Sophisme_de_la_vitre_cass%C3%A9e


Quant au raisonnement "plus les choses iront mal, plus les choses iront bien", on peut au minimum émettre des réserves. L'idée est que grâce à l'accroissement de la délinquance, à l'islamisation, à la colonisation, au déclin économique, les Français se réveilleraient enfin, et face à tous ces périls imminents adopteraient un comportement drastiquement opposé à celui qu'ils ont actuellement, qui en définitif sauverait le pays. Ainsi chaque progression de l'ennemi serait une nouvelle à fêter avec moult célébrations.

C'est une logique propre à l'extrême-droite. Déjà la débâcle de 1940 fut célébrée comme une "divine surprise". L'extrême-droite n'a jamais pu imaginer une autre façon de prendre le pouvoir que tirer profit du chaos. Aujourd'hui elle se félicite de la multiplication des métastases.

Écrit par : Vae Victis | 27/07/2010

@vaevictis,

ça n'est pas ma vision des choses...je ne réjouis nullement de la multiplication des métastases et du chaos ambiant (sinon par ses vertus de prise de conscience pour nombre de français). mais les temps de crises (les catastrophes) qui s'annoncent sont souvent des occasions de rensersements, de bouleversements -éventuellement favorables, impensables jusqu'àlors. et, encore une fois, nulle histoire n'est écrite. c'est mon espoir.

indépendamment de cela, je trouve la vision de Michéa assez convaincante.

Écrit par : hoplite | 27/07/2010

Tout n'est pas possible. Une société, c'est-à-dire un système socio-économique, politique et idéologique ne peut, comme le corps, adopter qu'un nombre de positions déterminé et limité.

Accroître la pression dans les conditions actuelles, qui ne sont pas - et de loin - celles de la Calabre, ne conduira pas à un retournement de situation, mais plus certainement à plus de concessions. Parce que nous y sommes habitués et que ce sera facile. Les décisions prises, dans la liste limitée des choix possibles, sont généralement celles qui demandent le moins d'efforts en terme de changement.

Tentez d'appuyer sur la tête d'une société fière, elle se rebellera naturellement, quand bien même sa cause serait désespérée, car pour sa mentalité c'est ce qui lui demande le moins d'effort. Il ne faut pas négliger la force d'inertie. Maintenant accroissez la pression sur une société habituée à baisser la tête et à regarder ses pieds, elle ploiera plus encore. Toutes deux suivront leur inclinaison.

Une prise de conscience ne renversera rien de tout cela. Plus les Français comprendront l'ampleur du désastre plus ils baisseront la tête. Se féliciter de nos défaites en attendant l'émeute qui vient, celle de plus qui permettra le grand soir, est on le voit franchement mortifère.

Écrit par : Vae Victis | 27/07/2010

Quand à Michéa, il nous explique tout même que l'Etat est aux mains des constructeurs automobiles et des fabricants de conteneurs poubelle.

Si on incendie votre voiture et que vous devez en acheter une autre, de fait vous ne pouvez pas consommer cet argent en écrans plats, en DVD, en sortie ciné, en placements bancaires, ect... On se demande ce qu'attendraient les autres industries pour réagir, si Michéa s'approchait un tant soit peu du vrai.

Quand j'ai lu la première ligne : "Soit à déterminer, par exemple, la signification politique réelle des comportements de la Caillera." J'ai lu "économique" à la place de "politique", tellement Michéa en marxiste explique toujours tout par le champ économique. Une partie de la gauche fait des racailles étrangères des victimes du capitalisme dont ils seraient exclus, lui en fait des alliés, dont seraient des victimes conjuguées les ouvriers français. Soral à l'inverse expliquera que les capitalistes empêchent la réconciliation entre prolétaires.

Écrit par : Vae Victis | 27/07/2010

@vae victis,

contrairement à vous -peut-être?- (et à bon nombre d'auteurs de la réacosphère), je n'ai pas perdu espoir que les choses puissent changer en bien et que ce peuple puiisse relever la tête.

Michéa est, c'est vrai, d'obédience marxiste et en tant que tel privilégie une grille de lecture marxiste (c'est-à-dire en termes de classes et de conditions de production) du monde tel qu'il va. et qui ne me parait évidement pas exclusive pour saisir la complexité de la situation. mais la plus grande partie des travailleurs clandestins ou non et des flux migratoires qui vont avec sont le fruit de flux migratoires organisés pour fournir une main d'œuvre servile et mal payée (alors même que l'UE connait depuis 40 ans un chômage de masse structurel qui délégitime l'argument d'une migration de travail: il n'ya pas de travail mais l'OCDE et nos élites européennes appellent quand même à toujours plus d'immigration)

je pense que nous pouvons nous rejoindre sur le fait que l'immigration de masse que connait notre continent n'est une chance pour personne. et d'abord pour les peuples européens, trahis par leurs élites.

Écrit par : hoplite | 27/07/2010

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