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05/12/2011

low cost

alain de benoist
























"En 1973, peu de temps avant sa mort, le président Pompidou reconnaissait avoir ouvert les vannes de l’immigration à la demande d’un certain nombre de grands patrons, tel Francis Bouygues, désireux de bénéficier d’une main-d’oeuvre docile, bon marché, dépourvue de conscience de classe et de toute tradition de luttes sociales, afin d’exercer une pression à la baisse sur les salaires des travailleurs français, de réduire leurs ardeurs revendicatrices, et subsidiairement de briser l’unité du mouvement ouvrier. Ces grands patrons, soulignait-il, en « veulent toujours plus ». Quarante ans plus tard, rien n’a changé. A un moment où plus aucun parti de gouvernement ne se risquerait à demander qu’on accélère encore le rythme de l’immigration, seul le patronat se prononce en ce sens, tout simplement parce que c’est toujours son intérêt. La seule différence est que les secteurs économiques concernés sont désormais plus nombreux, dépassant le secteur industriel ou la restauration pour s’étendre à des professions autrefois épargnées, telles que les ingénieurs ou les informaticiens.


La France, on le sait, a fait massivement appel à l’immigration dès le XIXe siècle. La population immigrée représentait déjà 800 000 personnes en 1876, 1,2 million de personnes en 1911. D’abord centre d’attraction des émigrations italienne et belge, l’industrie française a par la suite attiré les Polonais, puis les Espagnols et les Portugais. « Cette immigration, peu qualifiée et non syndiquée, va permettre à l’employeur de se soustraire aux contraintes croissantes du droit du travail ». En 1924, une Société générale d’immigration (SGI) est même créée à l’initiative du Comité des houillères et des gros exploitants agricoles du Nord- Est. Elle ouvre des bureaux de placement en Europe, qui fonctionnent comme une pompe aspirante. En 1931, on comptera 2,7 millions d’étrangers en France, soit 6,6 % de la population totale. La France affiche alors le plus fort taux d’immigration du monde (515 pour 100 00 habitants). « Un bon moyen pour toute une partie du patronat de faire pression à la baisse sur les salaires […] Dès cette époque, le capitalisme cherche à mettre en concurrence la force de travail en faisant appel à des armées de réserve salariales ».


Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les immigrés vont de plus en plus fréquemment venir des pays du Maghreb, Algérie d’abord, puis Maroc. Des camions affrétés par les grandes entreprises (surtout dans le secteur automobile et le bâtiment) viennent par centaines les recruter sur place. De 1962 à 1974, près de deux millions d’immigrés supplémentaires vont ainsi gagner la France, dont 550 000 recrutés par l’Office national d’immigration (ONI), organisme géré par l’Etat, mais contrôlé en sous-main par le patronat. Depuis lors, la vague n’a cessé de s’amplifier. « Quand il y a pénurie de main-d’oeuvre dans un secteur, explique François-Laurent Balssa, de deux choses l’une, soit on augmente les salaires, soit on fait appel à la maind’oeuvre étrangère. C’est généralement la seconde option qui restera privilégiée par le Conseil national du patronat français (CNPF), puis, à partir de 1998, par le Mouvement des entreprises (Medef) qui prend sa succession. Choix témoignant d’une volonté de profits à court terme, qui devait retarder d’autant l’amélioration des outils de production et l’innovation en matière industrielle. Dans le même temps, en effet, l’exemple du Japon montre que le refus de l’immigration au profit de l’emploi autochtone a permis à ce pays d’accomplir sa révolution technologique avant la plupart de ses concurrents occidentaux».


L’immigration a donc au départ été un phénomène patronal. Elle continue de l’être aujourd’hui. Ceux qui veulent toujours plus d’immigration, ce sont les grandes entreprises. Cette immigration est conforme à l’esprit même du capitalisme, qui tend à l’abolition des frontières (« laissez faire, laissez passer »). « Obéissant à la logique du dumping social, poursuit François-Laurent Balssa, un marché du travail “low cost” s’est ainsi créé avec des “sans-papiers” peu qualifiés faisant office de bouche-trou. Comme si les grands patrons et l’extrême gauche s’étaient donné la main, les uns pour démanteler l’Etat-social, à leurs yeux trop coûteux, les autres pour abattre l’Etat-nation, trop archaïque ». C’est la raison pour laquelle le parti communiste et la CGT – qui ont radicalement changé d’orientation depuis – ont combattu jusqu’en 1981 le principe libéral de l’ouverture des frontières, au nom de la défense des intérêts de la classe ouvrière. (...)" suite

Alain de Benoist, 2011

Commentaires

Quelques petites remarques sur le très bon texte d'AdB :

L'immigration avant 1914 est relativement faible : 800 000 à 1 200 000 personnes ne sont que 2 à 3% de la population française d'alors, mais c'est vrai que la France est alors le seul pays européen d'immigration. Cela ne s'explique pas par une quelconque volonté patronale (sauf exception), mais par le malthusianisme désespérant de la population française qui n'augmente pratiquement plus après 1880. Rappelons que les populations française et allemande, égales en 1870 (environ 38 millions) s'élèvent en 1914 à 65 millions contre 41 (et j'ai inclus l'Alsace-Lorraine dans la population française)... A cette époque, le nombre limité d'étrangers et leur origine permettent leur assimilation rapide à la population française : en 1900 un tiers étaient belges, 40% italiens, le reste étant suisse, allemand et espagnol... Autre facteur d'assimilation : il s'agissait très majoritairement d'hommes, qui se sont mariés sur place.

Cela est vrai aussi de 1919 à 1939 : on a facilité l'arrivée de nombreux immigrants surtout dans les années 1920 (Polonais notamment) car l'économie était alors très dynamique, mais surtout pour combler les vides effrayants dus à la guerre dans une population masculine déjà peu nombreuse avant 1914... Il est certain que là, le patronat a joué un rôle important dans la politique d'immigration.

Pour en finir avec le patronat, rappelons que celui-ci était plutôt réticent, malgré les demandes pressantes des gouvernements, à employer de la main d'oeuvre exotique, en particulier d'Afrique du Nord (cf Daniel LEFEUVRE). C'est vers 1970 que les patrons ont changé d'avis... Contrecoup de mai 68?

Écrit par : Aramis | 05/12/2011

Ami lecteur
Une constante importante de l'équation a été (volontairement) occulté dans ce texte d'AdB. Sauras-tu l'identifier ?

pour t'aider voici une petite vidéo :

http://www.dailymotion.com/video/xdw07o_qui-a-encourage-l-immigration_lifestyle

Écrit par : Mistersmith | 05/12/2011

ce qu'il oublie de dire, mr de Benoist, c'est que les Japonais ne sont pas syndiqués et sont un peu plus dociles que les Français. Deja c'est une donne qui explique la fulgurance du developpement nippon.
ensuite, le probleme du profit est encore la souris qui cache l'éléphant: une autre tete de l'hydre au service du N.O.M

Écrit par : sonia | 05/12/2011

Mais d'où sort cette photo ?
Géniale, en tout cas.

Écrit par : Carine | 05/12/2011

une photo de dorotea Lange.

Écrit par : hoplite | 05/12/2011

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