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29/10/2008

Bordel, bulle idéologique et obscurantisme moderne

« Quand Fillmore revint avec sa négresse, elle avait les yeux de braise. Je compris à la Noemie Lenoir 18.jpgfaçon dont Fillmore la regardait qu’elle avait dû en mettre un sacré coup, et je commençais à me sentir en appétit moi aussi. Fillmore dût se rendre compte de mes sentiments, et quelle épreuve ce devait être pour un homme de rester la, rien qu’à regarder tout le temps, car brusquement il tira un billet de cent francs de sa poche et, le faisant claquer sur la table, il dit : « Ecoute, vieux, tu as probablement plus besoin de tirer un coup que nous tous. Prends ça et choisis celle que tu veux ! » Je ne sais pourquoi ce geste me le rendit plus cher que tout ce qu’il avait jamais pu faire pour moi, et il avait fait beaucoup ! J’acceptais l’argent dans l’esprit ou il m’était donné, et je fis promptement signe à la négresse de se préparer pour une autre passe. Cela mit la princesse encore plus en rage que n’importe quoi, sembla-t-il. Elle voulait savoir s’il n’y avait personne dans ce bordel d’assez bon pour nous, hormis la négresse ! Je lui répondis brutalement : « Non » Et c’était vrai –la négresse était la reine du harem. Il suffisait de la regarder pour se mettre à bander. Ses yeux semblaient nager dans le sperme. Elle était saoule de toutes les demandes qu’on lui faisait. Elle ne pouvait plus se tenir droite, du moins me le semblait-il. En montant l’étroit petit escalier tournant derrière elle, je ne pus résister à la tentation de lui glisser ma main entre les jambes : et ainsi, nous continuâmes à monter, elle se retournant pour me regarder avec un sourire joyeux, et tortillant un peu le cul lorsque cela la chatouillait trop fort. »

 

H Miller, Tropique du cancer, 1934.



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« Cette bulle idéologique, la religion du marché tout puissant, a de grandes ressemblances avec ce que fût l’idéologie du communisme (…). Le rouleau compresseur idéologique libéral a tout balayé sur son passage. Un grand nombre de chefs d’entreprise, d’universitaires, d’éditorialistes, de responsables politiques ne juraient plus que par le souverain marché. » Les Echos, Paris, 7 octobre 2008.

Si même l’illustre éditorialiste des Echos, le sieur Favilla, nous le dit…Amen.

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Suis souvent surpris par le grand écart idéologique que font les plus fervents promoteurs des théories pédagogistes et novatrices au sein de l’Education Nationale –nos amis du désastre scolaire que Brighelli dans son blog épingle si bien, en patient entomologiste du monde scolaire

qu’il est. Il y a peu j’avais écrit –gerbé plutôt- ce que m’inspirait cet éloge absurde du film Entre les murs de l’idéologue invertébré Bégaudeau. Camille, du gang 5YL, a écrit un post qu’il faut lire également, pour entrevoir l’étendue du désastre.

Je dis grand écart idéologique car, sur le fond, il me semble que la plupart des bonnes consciences progressistes –de gauche comme de droite- ne voient pas la contradiction fondamentale qu’il y a à vomir quotidiennement le libéralisme économique d’un côté tout en adoubant, de l’autre, des théories éducatives et des principes anthropologiques qui ressortent directement de l’individualisme le plus libéral.

Je m’explique. Le contraste entre les moyens énormes mis au service de l’institution scolaire et les résultats dramatiques de la même institution montent assez bien à quel point –et contrairement à la rhétorique pavlovienne des syndicats d’enseignants sur le manque de postes et de moyens- il s’agit plus d’une crise civilisationnelle que d’une simple histoire de budget.

Au sens ou si l’école a changé, en mal, sous les coups des Lang, Meirieu, Langevin, Wallon et autres Bourdieu, adeptes de l’élitisme pour tous et de la massification de la culture, la société aussi.

La famille moyenne qui envoyait ses gamins les yeux fermés à l’école publique du quartier dans les années 50 ou 60 pour y acquérir, non pas une éducation qui était assurée par les parents, mais une instruction, n’est plus la famille d’aujourd’hui qui se décharge largement de son rôle éducatif sur l’institution qui, parallèlement, est de moins en moins à même d’assurer son devoir d’instruction.

Quels parents envoient aujourd’hui les yeux fermés leurs gamins à l’école du quartier ? Une minorité sans doute par aveuglement ou culte du métissage social…La majorité des parents n’ont plus confiance dans l’institution. Perte de légitimité et contestation du bien fondé de principes éducatifs impersonnels qui, jusqu’alors, paraissaient évidents à presque tous. Remise en cause du contenu et des méthodes. Pourquoi apprendre ? Quels savoirs ? Pour qui ? Les mêmes pour tous ? Ne faut il pas individualiser l’enseignement, mettre l’enfant au cœur du système ? L’aider à construire lui-même son savoir ? Respecter ses droits ? Rendre le savoir attractif ? Aller vers l’enfant ? Cesser de demander aux enfants de faire l’effort d’acquérir ce savoir ?

A bien considérer les choses, ce primat de l’individu –de l’élève- par rapport à la communauté, cette survalorisation de droits individuels ( apprendre, à construire son savoir, à bénéficier d’un enseignement individualisé et attractif, récusation de l’autorité, etc.) au détriment des devoirs de l'enfant (respect de l’autorité, de la figure du professeur, du savoir, humilité et reconnaissance devant ce travail d’individuation et de civilisation nécessaire voulu et organisé par la communauté), cette auto régulation des comportements (qui rappelle l'auto-régulation des marchés, la célèbre main invisible d'Adam Smith), ne sont que les manifestations les plus évidentes de cet individualisme libéral qui est aujourd’hui le credo de nos sociétés occidentales. Pour le meilleur, comme pour le pire.

Au delà de cette contradiction –féconde pour ceux qui veulent bien s’y arrêter- entre la lecture d’Alternatives économiques et le devoir de vigilance citoyen à l’égard des droits de l’élève dans l’institution scolaire, tout cela me semble traduire une confusion générale sur la nature de l’école et sur les rapports entre l’individu –enfant- et la société en tant que communauté.

Christopher Lasch dans les années soixante dix, se posant la question de la compatibilité d’une éducation de masse et du maintien d’un enseignement de qualité, avait démystifié ce chaos moderne en montrant la convergence de vue entre conservateurs partisans d’un enseignement élitiste et jugeant préjudiciable au maintien d’une excellence scolaire l’ouverture de l’école au plus grand nombre et radicaux qui justifient l’abaissement du niveau d’enseignement au nom de l’émancipation culturelle des opprimés.

Pour autant, Lasch faisait le constat d’un abaissement du niveau éducatif dans les lieux mêmes d’excellence (Yale, Princeton, Harvard), assez réfractaires par nature, au dogmes égalitaristes. Et faisait l’hypothèse que cette évolution inquiétante était propre aux sociétés industrielles avancées, celle-ci n’ayant plus nécessairement besoin d’individus brillants autonomes et critiques, mais plutôt de sujets moyens, relativement abrutis, capables d’effectuer un travail moyennement qualifié et de se comporter en bons consommateurs…Connivence des acteurs économiques et politiques pour laisser filer l’enseignement de la littérature, de l’histoire, des sciences politiques et da philosophie, peu nécessaires à l’accomplissement consumériste et festif de l’homme moderne.

Avec pour résultat que l’éducation de masse, qui se promettait de démocratiser la culture, jadis réservée aux classes privilégiées, avait fini par abrutir les privilégiés eux mêmes. On retrouve ce type d’analyse chez Renaud Camus lorsqu’il parle de la prolétarisation des classes moyennes et du corps professoral.

Ainsi, contrairement à l’esprit de l’institution qui était de former des citoyens éclairés capables de se diriger eux-mêmes, il semble que le système ne soit plus capable –hors quelques filières d’excellence soigneusement épargnées à dessein- que de produire des générations d’abrutis incultes et pour beaucoup analphabètes, tout juste aptes à obéir servilement aux campagnes promotionnelles, à opiner aux sommations d'une expertocratie auto proclamée et omni présente, et à célébrer comme il se doit l’avènement de cette société du Spectacle de masse dont parlait Debord.

Pourquoi, en effet, dans la perspective utilitariste d’efficacité et de rendement ou de retour sur investissement de nos modernes élites, perdre du temps et de l’argent à enseigner l’histoire ou la littérature à des individus massivement destinés à des emplois peu qualifiés et peu exigeants intellectuellement ? Pourquoi former de bons citoyens éclairés et autonomes lorsque des abrutis grégaires et festifs feront tourner la machine aussi bien –sinon mieux- et ferons de bons consommateurs ?

Et à cette prolétarisation globale des sociétés industrielles, la bureaucratie éducative progressiste à front de taureau répond en produisant à jet continu de nouveaux programmes scolaires (ou cycles) revus à la baisse, peu exigeants, axés sur la socialisation des enfants, les activités transversales ou extra scolaires destinées, non plus à les instruire, mais à les occuper.

Allez, stop.