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18/07/2009

rebellitude et rebellion

the_art_of_rebellion_2_book.jpg« Sait-on qu’il y a deux querelles scolaires et que la plus célèbre –séparant l’école publique de l’école privée- n’est ni la plus vraie ni la plus acharnée ? Sait-on qu’une autre querelle, traversant l’école publique elle-même, y oppose les amis du savoir à ceux qui, sous couvert de gestion, de pédagogie ou de dévouement, en réalité les haïssent ? Sait-on qu’il n’ya depuis 1945, qu’une seule et même Réforme et que les gouvernements, qu’ils se réclament de la droite ou de la gauche, ont tous la même politique : mettre en place cette Réforme unique et tentaculaire ? Sait-on que cette dernière est radicalement hostile à toute école et à tout savoir ? »

(JC Milner, De l’école, 1984. (Linguiste, ancien mao de la gauche prolétarienne…))

« Penser aujourd’hui une dissidence possible consisterait d’abord à penser contre. Penser contre l’hubris qui s’est emparée des oligarchies libérales et mène la terre entière au fracas. Penser contre l’illimitation de la croissance qui devient criminelle dans un monde fini aux ressources restreintes. Penser contre l’illimitation du bougisme universel qui sacralise le nomadisme des hommes, des marchandises et des capitaux et qui fait droit au circulant contre la légitimité de l’habitant, mettant chacun en situation de concurrence totale au seul bénéfice d’une minorité de global leaders qui, depuis trente ans, a capitalisé à son seul profit la totalité des gains de productivité et qu’une existence off-shore protège par ailleurs des effets pervers de son activisme sans bornes. Penser contre l’illimitation territoriale qui rejette et détruit les anciens parapets protecteurs au nom d’un cosmopolitisme marchand destructeur de ce qui demeure encore des identités vivantes et des connivences sociétales. De ce point de vue, l’Union européenne, devenue un simple segment du marché mondial et une sorte d’agence humaine globale sans histoire et sans géographie, comme le déplore un esprit aussi raisonnable que Pierre Manent, ne peut que soulever la désapprobation des bons européens. »

(Pierre Bérard, Eléments juillet 2009)

« Vous savez comment ces rues gagnent les faubourgs, à la manière d’une gangrène. Ce sont d’interminables rangées de maisons jumelées –les numéros d’Ellesmore Road vont jusqu’au 212 et la nôtre est au 191- toutes les mêmes, comme dans les lotissements à bon marché, mais en plus laid. La façade en stuc, la barrière vernie, la haie des troènes, la porte d’entrée peinte en vert. Les Lauriers, Les Myrtes, Les Aubépines, Mon Abri, Mon Repos, Belle vue. Dans peut-être une maison sur cinquante un esprit libertaire, qui probablement finira à l’hospice, a peint sa porte d’entrée en bleu au lieu de la peindre en vert. »

(George Orwel, Un peu d’air frais, 1939)

13/05/2007

Un monde disharmonieux?

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En septembre 1966, Martin Heidegger accorda un long entretien au Spiegel. Il fut publié dix ans plus tard au lendemain de la mort du philosophe. (1) Alors qu’Heidegger évoquait les rapports entre les hommes et l’« être de la technique », ses interlocuteurs lui demandèrent :

« Spiegel : On pourrait vous opposer tout à fait naïvement ceci : qu’est-ce qu’il s’agit de maîtriser ici ? Car enfin tout fonctionne. On construit toujours davantage de centrales électriques. La production va son train ; Les hommes, dans la partie du monde ou la technique connaît un haut développement, ont leurs besoins bien pourvus. Nous vivons dans l’aisance. Qu’est-ce qu’il manque ici finalement ?

MH : Tout fonctionne, c’est bien cela l’inquiétant, que ça fonctionne, et que le fonctionnement entraîne toujours un nouveau fonctionnement, et que la technique arrache toujours davantage d’hommes à la Terre, l’en déracine ; Je ne sais pas si cela vous effraye ; moi, en tous cas, je suis effrayé de voir maintenant les photos envoyées de la lune sur la Terre. Nous n’avons plus besoin de bombe atomique ; Le déracinement de l’homme est déjà là. Nous ne vivons plus que des conditions purement techniques, ce n’est plus une Terre sur laquelle l’homme vit aujourd’hui…

Spiegel : Qui sait si c’est la destination de l’homme d’être sur cette Terre ?

MH : D’après notre expérience et notre histoire humaines, pour autant que je sois au courant, je sais que toute chose essentielle et grande a pu seulement naître du fait que l’homme avait une patrie et qu’il était enraciné dans une tradition… »

S’il fut un temps ou le savoir scientifique et le progrès étaient, au moins en occident, considérés par presque tous comme la garantie d’un monde, d’un avenir meilleurs, il faut accepter qu’ils puissent être considérés aujourd’hui comme des motifs d’inquiétude .A l’augmentation alarmante de la démographie mondiale, s’ajoutent la crainte du développement incontrôlé de la pollution de la planète, de la prolifération nucléaire, du gaspillage des ressources naturelles et la hantise de manipulations génétiques et de biotechnologies portant sur (ou touchant directement) les hommes eux-mêmes.Sans pour autant céder à l’utopie de la « décroissance », très tendance actuellement, et abondamment instrumentalisée par la mouvance communiste/ progressiste reconvertie habilement en un anti mondialisme de façade, il est difficile d’imaginer ce qui pourrait contrarier la course en avant de cette « société technicienne » qui inquiétait Heidegger. Nombreux sont ceux qui considèrent que les Hommes ne sont pas de taille et qu’un destin Faustien ou Prométhéen leur est promis…

« Dans la théogonie d’Hésiode, Prométhée est un titan que son orgueil conduit à braver les dieux et l’ordre du monde. Ayant dérobé le feu de l’Olympe, source de puissance, il offre aux hommes ce cadeau empoisonné ; En punition, il est enchaîné à un rocher alors qu’un aigle (l’oiseau de Zeus) lui dévore le foie. » (2)

 

La métaphore est limpide et illustre l’un des fondements de l’esprit Grec qui condamne la démesure (hubris ou hybris) comme faute suprême, celle qui met en péril l’ordre de l’univers. Etablir l’harmonie entre soi et le cosmos, tel est le maître mot de la sagesse antique d’Homère à Aristote. En conséquence, la mesure règne en toutes choses ; dans la structure de la cité, dans l’architecture des temples, les proportions des statues, à défaut d’être toujours présente dans la vie des individus. Car ceux-ci portent en eux une tendance innée à la démesure qui doit être combattue par l’éducation, l’enracinement dans une cité et de justes lois reflétant elles-mêmes l’ordre du cosmos. Ainsi, aux caprices des opinions subjectives et des emportements de la passion, les philosophes (amis de la sagesse) antiques ont voulu opposer le logos, le discours objectif, la raison, reflet de l’ordre cosmique.

Les Grecs, créateurs des formes supérieures de la civilisation européenne, savaient que la perfection réside dans l’approfondissement plus que dans l’expansion, car elle est inséparable des limites, du fini. Hésiode montre ainsi que le cosmos est devenu ordre et beauté parce que des limites ont été imposées par les Dieux aux débordements destructeurs des forces vitales.

(1)   Martin Heidegger, Réponses et questions sur l’histoire et la politique, Mercure de France, 1988, p.45,47.

(2)   Dominique Venner, Le siècle de 1914, p383 ; Pygmalion 2006 ;