Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/09/2014

what else?

 powerful-photos-28.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(...) A quoi ressemble le monde qui vient, produit du choc entre un monde idéal du droit universel, et un monde réel des passions, des intérêts et de la confrontation pour l’accès aux biens rares ?

1 - Monde du retour au physique et au réel. Les automobiles ont des carrosseries de métal, les plastiques sont fabriqués à partir de pétrole, et les maisons comme les immeubles demandent de la pierre, du bois et du verre. Et le feu tue. Le retour des biens réels est écrit. La question n’est pas celle des connections Internet et du haut débit, du monde virtuel et des avatars, c’est celle de l’eau, du riz, du bois, de l’air. Le changement climatique n’est pas un problème de plus, c’est un changement d’agenda mondial. Et c’est aussi la condition de tout le reste ; Nous en revenons au monde de la première mondialisation, quand l’essentiel des échanges concernait des matières premières, des métaux précieux, de l’énergie, du bois, des tissus, ce qui se compte, se pèse et se mesure ; et les statistiques du commerce extérieur étaient tenues, voici trente ans encore, en tonnes, en mètres et en tête de bétail....

Nous allons devoir produire l’eau, l’air, l’espace, ce qu’aucun homme n’a jamais produit, et nous allons devoir gérer les accès à l’eau, à l’alimentation, à l’espace ; la gouvernance des biens vitaux est le sujet politique de demain. Il n’y aura pas de politique qui ne soit pas une politique de la vie. La réduction de l’espace vital de chaque être humain est une donnée des cinquante prochaines années, essentiellement due au réchauffement climatique et à l’urbanisation. Il faut avoir vécu dans les fourmilières asiatiques, dans l’entassement des métropoles africaines, pour mesurer ce que signifie un monde plein. La terre, la forêt, l’espace, n’auront plus de prix. Attention ! Le pire serait de croire au retour à la terre, au réel. Il n’y a jamais de retour. Et les liens qui se refondent seront nouveaux, les dépendances qui s’annoncent seront nouvelles, et nous allons redécouvrir les conditions de la vie.

Ce retour au physique et au réel est aussi vrai, et combien, dans le domaine des affaires militaires. L’étonnante révélation que les combats se gagnent sur le terrain, que les avantages conférés par la supériorité du renseignement, des systèmes et même des armes, ne préjugent jamais du déroulement effectif du combat, et qu’à préparer la guerre du futur, on peut perdre celle de demain matin, dessine déjà les contours d’une nouvelle révolution des affaires militaires. Faut-il dire que l’aversion de l’Europe pour la peine de mort, pour les armes et pour l’engagement armé, la complaisance des dirigeants politiques pour l’émotion et les sentiments, la diplomatie de la compassion qui tend à remplacer celle de l’intérêt national, outre qu’elles rendent l’armée étrangère, la guerre impensable et le soldat presque suspect, vont rendre délicate l’appréciation rationnelle des situations, des opérations et des faits ?

2 - Monde compté, petit, limité ; il n’y a en aura pas pour tous. Les promesses de l’Occident aux pays en voie de développement vont se révéler pour ce qu’elles sont, un mensonge. Tous n’auront pas le mode de vie californien. Dans un monde fini, ce qui est pris par l’un est enlevé à l’autre. Ce changement est de conséquences immenses pour les rapports entre individus, entre communautés, entre Etats ; nul ne se hasardera à anticiper ce qui peut se passer si réellement, il n’y en pas pour tout le monde – de l’air, de l’eau, de l’espace, de l’alimentation. Malgré l’avertissement de Paul Valéry, nous en sommes encore inconscients, habitués que nous sommes à une nature gratuite, inépuisable et dont la vitalité effaçait tous les crimes ; c’est fini. Et nous ne mesurons pas ce que signifie l’entrée de 6,5 milliards d’hommes et de femmes dans un désir unique ; plus de la moitié auront l’an prochain un téléphone portable !

C’est la rançon du bûcher de la diversité que nous faisons brûler à grands feux. Nous adressons des désirs infinis à un monde fini. La question des accès aux biens vitaux va dominer le monde qui vient, avec la perspective raisonnable de biens réels rationnés, et d’une explosion du prix de la vie. La pénurie alimentaire est une donnée probable des dix prochaines années. Elle entraînera des mouvements migratoires d’une importance inouïe ; les hommes vont là où la terre les nourrit. Faut-il ajouter que la conflictualité est l’effet immédiat d’une telle situation ? Dans ce monde là, l’argent ne suffit pas ; il n’est plus cet équivalent universel qui rend comparables toutes les statistiques et toutes les données. Il s’agit de se nourrir, ensuite de nourrir les siens ; quelques révisions déchirantes des évidences acquises sur les vertus de la division du travail et de la délocalisation sont proches.

3 - Monde renversé. Ce renversement est de la plus haute importance stratégique ; démographie et géographie économique se rapprochent, après avoir divorcé. Seul, un ethnocentrisme invétéré nous a fait croire à une supériorité congénitale, qui garantirait l’aberrante situation voulant dans les années 1990 encore que 80 % de la richesse financière de l’humanité soit concentrée sur moins de 10 % de la population du globe. Il faut bien mesurer ce que signifie sur ce sujet d’abord le fait que lesséparations seront horizontales, distinguant des niveaux de revenu et de capital, ce qu’il faudra bien se résoudre à nommer des classes sociales, à l’intérieur des mêmes territoires partout dans le monde, et non verticales, distinguant des Nations riches ou pauvres, ensuite la déliaison à laquelle a conduit le projet libéral ; les pays les plus pauvres connaîtront, ils connaissent déjà la naissance d’une classe de super riches, faisant jeu égal au niveau mondial avec leurs homologues nord-américains et européens, mais les pays riches connaissent eux aussi l’émergence d’une classe de super-pauvres, dans une situation de quasi-esclavage.

Rien n’a changé depuis que, le lundi 31 mars 2008, dans The Globalist, Marc Cohen ouvrait son éditorial sur ; « The end of the white man », effet conjugué de la disparition démographique de la race caucasienne, bientôt minoritaire sur tous les continents, de la perte d’autorité des experts, savants et ingénieurs occidentaux, incapables de prévenir les crises qui ébranlent le système ( même s’ils lui permettent aussi de se régénérer ), enfin de la diminution permanente de leur capacité stratégique. C’est le point où nous sommes toujours. Ce n’est pas pour rien que l’archevêque de Cantorbery prévoit l’instauration de la Chariah, la loi islamique, en Grande-Bretagne, pas pour rien non plus que l’un des thèmes dominants dans la pensée géostratégique américaine actuelle est cette question ; « l’Europe est-elle en train de devenir une Eurabie ? » (voir Commentary, juin 2007), avec cette réponse tranchée ; la puissance montante des minorités musulmanes ne peut plus faire de l’Europe l’allié inconditionnel que nous voulons (voir, par exemple, « America alone », de Mark Steyn, 2008, New-York). La fiction d’une unité occidentale persistante est requise par l’incapacité européenne (et française) à consacrer à la défense les budgets qui la dispenseraient du parapluie américain, sa consistance va devenir de plus en plus problématique si l’unilatéralisme américain continue d’alimenter la perte d’autorité, de légitimité, et de capacité à agir, des Etats-Unis dans le monde, tandis que le fondamentalisme simpliste agite à tort et à travers la bannière étoilée, comme une flamme rouge devant le taureau de l’arène

4 - Monde de décomposition-recomposition du commun – le commun étant entendu comme ce qui différencie les membres d’un groupe humain qui s’autodétermine.Ce qui fait tenir nos sociétés libérales est l’inverse du libéralisme. C’est ce que s’acharnent à détruire ceux qui dénoncent le populisme, le moralisme, le conformisme supposés des sociétés traditionnelles, et d’abord la « common decency », si bien analysée par Christopher Lasch comme la vraie richesse non- économique des classes populaires, ce capital structurel, relationnel et comportemental qui rend par exemple le monde ouvrier ou celui des petits fonctionnaires si rebelle aux dogmes de l’ultragauche et à l’arrachement à la terre et aux racines. C’est parce que les hommes ne sont pas des idiots rationnels que ça fonctionne, quand ils le deviennent, par exemple chez Lehman Brothers, Citigroup ou Merryl Lynch, que la finance explose.

C’est parce que certains conservent des notions aussi dépassées que l’intérêt collectif, l’honnêteté dans l’échange, la sincérité, l’amour du travail bien fait, notions totalement étrangères au monde du marché, de la concurrence et de la privatisation, que le minimum de confiance, de tolérance et de souplesse indispensable peut être assuré au marché. Ils assument la part non contractuelle du fonctionnement collectif ; ils sont les dépositaires de l’implicite sans lequel une société se bloque ; ils trouvent leur compte dans la gratuité des systèmes coopératifs, indispensable contrepartie à l’intensité concurrentielle des systèmes de marché. D’où ces phénomènes étonnants, qu’au moment où la sortie de la religion paraît consommée, la religion reste tellement structurante dans le débat public. D’où le caractère confondant des appels à la morale, à l’éthique, dans des sociétés où précisément seul l’intérêt individuel est supposé compter.

D’où l’appel permanent à la solidarité dans des sociétés qui ont évacué tout lien, toute appartenance, de la place commune. D’où l’ambigüité essentielle des Etats- Unis, à tort identifiés avec le libéralisme, alors que c’est le fonds vivace de vertus individuelles et le maillage serré d’engagements collectifs qui fait tenir une société américaine vivante face à un niveau de concurrence et de compétition ailleurs inconnu.

L’effet est visible ; sous la couche idéologique diversement épaisse du libéralisme, un courant remonte des grandes profondeurs, qui a moins à voir avec la nature qu’avec la préoccupation de toujours ; survivre. La première insécurité à venir, directement,ou indirectement par ses effets sur les comportements collectifs ou individuels, sera celle du milieu de vie ; et elle procède très simplement des incertitudes sur la capacité de survie des êtres humains dans leur milieu.

Le point de recouvrement se trouve exactement là, à ce point précis où la peur de mourir crie plus fort que les promesses de l’abondance ; ce point où une morale du milieu de vie va s’inscrire parmi, et peut-être prendre le pas sur la moral des relations avec soi-même et avec les autres. Ce point est déjà venu pour des millions d’hommes, il va nous toucher aussi. Et c’est le point où le projet libéral peut être recouvert et étouffé sous cette nappe plus profonde qu’est la peur de mourir. Toute politique, au XXIe siècle, sera une politique de la vie.

Sous l’égide de la survie, au nom de la politique de la vie, un mouvement bien différent du mouvement libéral se fait jour :

1- Dépassement de l’économie traditionnelle, celle sur laquelle sont fondées les comparaisons internationales, les mesures de développement, celle surtout qui a pris de fait la direction de nos sociétés depuis que le libéralisme a fait de la croissance une obligation absolue. Nous allons réapprendre que le marché est une institution, c’est-à-dire une personne morale dotée d’un pouvoir collectivement convenu, et que notre économie de marché est morte sous la forme que la première révolution industrielle lui a donnée. Elle postulait la gratuité de la nature et des ressources naturelles. Non seulement elles sont épuisables mais en voie d’être épuisées, la question de la survie est première, la seconde est celle des assurances données. La course aux biens réels est engagée. Elle aura des conséquences inouïes :

- accès payant au monde, aux forêts, aux sentiers, aux espaces réels et disparition accélérée des gratuités sous l’effet de la rareté, accéléré par celui de la privatisation des ressources, de leur usage, et par la massification des mouvements de population. S’éloigner, se séparer, être seul, va devenir un luxe.

- déport des pauvres dans le virtuel, devenu leur seule extériorité, à partir du moment où voyager, sortir, avoir accès à la nature, va devenir hors de prix et hors d’atteinte pour la plupart. L’exemple des addictions aux services de rencontre par Internet,comme Meetic, ou des mondes virtuels, comme Second Life ou My Space, est significatif d’un mouvement qui n’en est qu’à ses débuts.

- relocalisation massive des activités ; on produit une voiture là où on va l’utiliser. C’en est fini de la séparation entre des populations qui produisent pour que d’autres consomment. La hausse des coûts de l’énergie y contribue, comme les écarts culturels.

Convergente avec le retour des Etats, des puissances et des séparations, la sortie du marché est manifeste. Au début de l’année 2008, l’exemple était donné par la fermeture du marché du riz ; parmi les principaux producteurs, l’Inde et le Vietnam gardent leurs réserves avant d’approvisionner le marché mondial (mars 2008). Plus tard, l’échec des négociations engagées par l’OMC pour une nouvelle libéralisation des échanges prenait tout son sens au moment où l’indépendance du Kosovo, de l’Abkhazie et de l’Ossétie plaçaient au premier plan de l’actualité mondiale la question des nationalités. Sous le voile des intérêts, les passions n’ont rien perdu de leur vigueur.

2 - Retour des territoires ; là où les hommes vivent, respirent, s’abritent, mangent, se rencontrent, c’est là ce qui compte. La politique de la survie ne sera rien d’autre qu’une politique de la ville et des autorités territoriales. Nous découvrons ce paradoxe. Pour traiter des phénomènes universels et mondiaux de l’environnement, il faut moins d’instances internationales que d’Etats en pleine possession de leur territoire. C’est tout le thème du « State’s building », qui prend place parmi les nouveaux principes majeurs de la Défense américaine ; il s’agit en quelque sorte de déléguer la fonction de la CIA ou, in fine, des Marines, à des Etats locaux, jugés responsables, éventuellement assistés de sociétés mercenaires, et tenus aux résultats en matière de conformité au droit qui leur est imposé. Il est plaisant d’affirmer que les notions d’ennemi ou d’adversaire n’ont plus cours ; la réalité est que tout Etat adversaire ou ennemi des Etats-Unis ou de ses alliés essentiels s’expose à être vitrifié, comme l’a été l’Irak, comme est menacé de l’être

l’Iran demain ; la haine se renforce de ne pouvoir s’exprimer. Une forme de bouclage juridico-politique est ainsi réalisée, au service d’une meilleure économie de la puissance de l’Empire.La posture des Etats-Unis qui ne reconnaissent aucune instance judiciaire extérieure (ni le Tribunal pénal international, ni aucune juridiction étrangère), qui font valoir fermement le privilège du souverain, seul habilité à juger ses citoyens selon ses propres règles, et qui imposent sans douceur l’extraterritorialité de leurs décisions, par exemple en matière de commerce ou de financements internationaux, est consistante. Les Etats-Unis savent ce que signifie une Nation, ce que veut dire souveraineté, et ils savent compter et nommer leur population. Qui le sait en Europe ?

3 - Retour des Etats. Après la religion, l’Etat est ce qui a permis la survie collective en garantissant la terre, et en détournant la violence. Cette fonction redevient majeure. La montée des fonds souverains, la sortie du marché des matières premières, des ressources énergétiques, récemment du riz, la reprise du contrôle par les Etats de leurs ressources ultimes, marquent ce grand retour. Nous n’en avons pas fini avec la souveraineté et la légitimité. Les Etats-Unis, les premiers, semblent mesurer tardivement, mais enfin, qu’en la matière, une injustice vaut mieux qu’un désordre, et que la diplomatie des Droits de l’Homme y trouve son évidente limite. Que ceux qui souhaitent, au nom des Droits de l’Homme, l’explosion de la Chine, mesurent bien ce qu’ils déchaînent ! Sur les 141 pays en développement, une trentaine, selon Xavier Raufer, ne contrôlent à peu près rien sur leur territoire – dont une vingtaine en Afrique seule. Une convention mondiale sous l’égide de l’ONU est- elle la réponse ?

Le devoir d’ingérence signifie-t-il la mise sous tutelle étrangère de populations rebelles à se donner un Etat ? Les opérations de maintien de la paix et de défense des populations civiles, au nom de l’ingérence humanitaire, apportent-elles une solution, alors qu’elles correspondent souvent aux situations de pire violence pour les troupes impliquées, dans la confusion et la contrainte de l’émotion et des bons sentiments – des situations de guerre sans but de guerre? Dans tous les cas, chacun sent l’écart croissant entre la demande exponentielle de sécurités, portée par toutes les composantes de la société, et à la fois l’offre de sécurité, en cours accéléré de privatisation, mais jusqu’où ?, et les modalités de cette offre, qui nécessairement signifie un certain rapport entre la force, la violence et l’exemplarité. L’une desperspectives résultant de la sensibilité accrue aux risques s’ouvre d’ailleurs sur un fascisme vert, c’est-à-dire sur le contrôle de plus en plus individualisé de tous les éléments de la conduite individuelle, avec pour juste raison la sauvegarde du milieu pour tous.

4 - Déstabilisation de l’ordre économique, voire régression accélérée de la croyance économique, provoquant une détresse morale et existentielle, elle-même de nature à susciter la quête éperdue du collectif et des identités. « Le travail est la meilleure des polices », disait Nietzsche ; que se passe-t-il quand il s’agit de limiter la guerre à la nature ? Nous ne mesurons pas à quel point, sous le signe de l’indétermination, plus que des individus, nous avons fabriqué des isolés, c’est-à-dire des êtres sans repères, sans structures, donc capables de tout, et de toutes les violences. C’est la rançon de la mondialisation, et de la violence avec laquelle, sous prétexte de tolérance et de respect, nous avons écrasé la diversité du monde, fermé les niches géographiques et écologiques où des hommes poursuivaient leur histoire à l’écart de la nôtre.

Nous les avons invité, forcé à entrer dans la nôtre, ou ils sont morts ; quel exemple que la tentative de réduire les dernières tribus libres de la frontière pakistano- afghane, ou de liquider les populations des hauts plateaux indochinois ou boliviens, au nom des drogués de Harlem ! Nous n’avons pas mesuré à quel point nous allions donner le départ à une course aux identités dont les premiers effets sont déjà là, illisibles dans nos critères économiques et juridiques. Le recours aux intermédiations collectives pour assurer la survie est déjà engagé ; nul ne se bat tout seul, nul ne dure longtemps seul.

5 - Recherche de puissance. Face à des menaces vitales, face à la pression du développement, à la violence du totalitarisme de l’économie, le retour ou l’accession à la puissance est une aspiration de peuples et d’individus en proie au déracinement et à l’isolement, dont la fierté est ou sera le premier motif d’agir. Qui dira ce que la fierté rendue aux Russes par Poutine après le pillage de leur terre dans les années 1990 signifie pour l’avenir de l’Europe ! Qui dira ce que la conscience d’en finir avec deux siècles de pillage et d’humiliation signifie pour la Chine et pour l’Inde ! Et qui mesure que l’Islam représente, pour quelques centaines de millions d’hommes et defemmes voués à la misère de l’individu consommateur, la seule voie ouverte vers la dignité ! Seules, des collectivités puissantes garantiront aux leurs les conditions de la survie, par la force au besoin. La puissance politique et militaire ne peut pas manquer d’apparaître comme la sauvegarde de ceux qui se sentiront démunis face au marché et aux règles de l’économie. Et la conjonction de la hausse des prix des biens réels, du développement et de la diffusion universelle des systèmes et des méthodes a cet effet ; la puissance se rapproche de la population, et le moment est proche où les deux pays les plus peuplés du monde seront aussi parmi les trois plus puissants.

Il faut éviter à ce stade les facilités qui consistent à déplorer la faiblesse des Etats et des démocraties. La science, promettant le dévoilement de la vérité, la rendant accessible à chacun, convainc plus efficacement que les révélations divines. Le droit de chacun de débattre librement de ses intérêts et de se prononcer parmi tous selon ses intérêts, assure un fonctionnement social plus efficace que l’autorité imposée d’en haut. Et il n’y a pas de doute à ce sujet ; ce n’est pas de l’extérieur que la démocratie est menacée, mais de l’intérieur, par des forces qui lui sont essentielles, celles du droit, celles de l’individu, celles du libéralisme, mais qui menacent de la dépasser et de faire naître autre chose, qui part de la démocratie, et qui n’est plus la démocratie.

La question n’est pas celle de la faiblesse de la démocratie, elle est celle du point imprévu où le libéralisme se tourne contre la démocratie, d’une part, d’autre part du point où le libéralisme déclenche des forces qui sont destructrices de cette clôture nationale qui permettait aux peuples d’agir. C’est peu de dire que sur les OGM, sur les migrations de masse, sur le principe de précaution, la démocratie est tenue en marge, notamment par les difficultés de l’expertise indépendante – si du moins par démocratie il faut entendre l’expression libre de la volonté majoritaire et du choix populaire.

Nous avançons dans la nuit et dans l’orage vers un monde westphalien ; le monde des Etats nations sorti du traité de 1648. Et nous avons assez déploré les excès de l’hyperpuissance pour nous effrayer déjà de l’ère des puissances relatives – du moment où plusieurs superpuissances vont se partager le monde, leur monde (non sans raisons ; car le passage au temps des puissances relatives, rien moinsqu’assuré compte tenu de la supériorité militaire écrasante des Etats-Unis, est aussi celui de tous les risques ; un empire ne rentre pas dans le rang sans vouloir éprouver jusqu’à la fin les vertiges de la puissance, et sans vouloir s’assurer des gages pour l’avenir). Cette avancée imprévue bouleverse le projet libéral, le contraint à se redéfinir, à mesurer ses limites, et peut-être à envisager qu’autre chose, un jour, puisse le recouvrir. Elle se traduit pour nous par ce défi ; produire le monde, ou sinon le perdre – être en danger réel et immédiat de nous trouver balayés par la nature. Elle se traduit moins par le retour annoncé du politique, que par cette redécouverte ; l’économie est le moyen d’autre chose, qui est plus qu’elle. Les guerres de l’eau, les grandes migrations de la faim et de la soif, les conflits naissants pour l’énergie, pour le climat et pour l’espace habitable, sont devant nous. Qui les affrontera ? Savons- nous même les concevoir, pour en anticiper le cours et pour essayer de peser sur lui, d’abord pour nous peser ? (...)

Hervé Juvin, 2014. (merci à pierre Bérard)

Lire la suite

13/10/2011

reconstruire


L'organisation des marchés au service de la... par realpolitiktv

13/04/2011

arrachement

Beaute-terminale-tentative - 92.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Nous ne sommes rien ; en effet, aux horreurs du XXième siècle, nos démocraties ont répondu par la religion de l'humanité, c'est-à-dire par l'universalisation de l'idée du semblable et la condamnation de tout ce qui divise ou sépare les hommes. (...) Cela signifiait que, pour ne plus exclure qui que ce soit, l'Europe devait se défaire d'elle-même, se « désoriginer », ne garder de son héritage que l'universalisme des droits de l'homme. Tel est le secret de l'Europe. Nous ne sommes rien. »

Alain Finkielkraut, entretien au Monde des 11 et 12/11/2007, cité par D Venner dans la NRH de février 2008.

*********************************************************************************************************************

En septembre 1966, Martin Heidegger accorda un long entretien au Spiegel. Il fut publié dix ans plus tard au lendemain de la mort du philosophe. Alors qu'Heidegger évoquait les rapports entre les hommes et l'« être de la technique », ses interlocuteurs lui demandèrent :

Spiegel : « On pourrait vous opposer tout à fait naïvement ceci : qu'est-ce qu'il s'agit de maîtriser ici ? Car enfin tout fonctionne. On construit toujours davantage de centrales électriques. La production va son train ; Les hommes, dans la partie du monde ou la technique connaît un haut développement, ont leurs besoins bien pourvus. Nous vivons dans l'aisance. Qu'est-ce qu'il manque ici finalement ? »

Martin Heidegger : « Tout fonctionne, c'est bien cela l'inquiétant, que ça fonctionne, et que le fonctionnement entraîne toujours un nouveau fonctionnement, et que la technique arrache toujours davantage d'hommes à la Terre, l'en déracine ; Je ne sais pas si cela vous effraye ; moi, en tous cas, je suis effrayé de voir maintenant les photos envoyées de la lune sur la Terre. Nous n'avons plus besoin de bombe atomique ; Le déracinement de l'homme est déjà là. Nous ne vivons plus que des conditions purement techniques, ce n'est plus une Terre sur laquelle l'homme vit aujourd'hui... »

Spiegel : « Qui sait si c'est la destination de l'homme d'être sur cette Terre ? »

MH : « D'après notre expérience et notre histoire humaines, pour autant que je sois au courant, je sais que toute chose essentielle et grande a pu seulement naître du fait que l'homme avait une patrie et qu'il était enraciné dans une tradition... »

Martin Heidegger, Réponses et questions sur l'histoire et la politique, Mercure de France, 1988.


podcast

bonus: décryptage de cette quète d'indifférenciation par le sieur Juvin+++ (merci jean-pierre)




18/03/2011

reddition?

Le message disait RAPE RAPE RAPE YOUCAN DO IT IN FINLAND.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Le pire ennemi est toujours l'abandon idéologique ou le mépris de soi."

Hervé Juvin, Le renversement du monde, 2010.

"Toute reddition des armes implique un acte irrévocable qui atteint le combattant à la source même de sa force. Je suis convaincu que la langue elle-même en est atteinte. On s'en rend surtout compte dans la guerre civile, ou la prose du parti battu perd aussitôt de sa vigueur. Je m'en tiens là-dessus au "Qu'on se fasse tuer" de Napoléon. Cela ne vaut naturellement que pour des hommes qui savent quel est notre enjeu sur cette terre. "

Ernst Jünger, Jardins et routes, 1942.

************************************************************************************

Il y a d'autres façons de rendre les armes que de perdre une guerre.

Les occidentaux, les européens en particulier, liquidés par un pseudo-universalisme mortifère et une indifférenciation délirante qui leur font oublier ce qui leur est propre et singulier, ont perdu de vue ce qui fait sens et légitimité partout ailleurs que chez eux sur la planète: la religion, le fait culturel sinon ethnique, la tradition, la longue durée. Penser que la destinée manifeste d'un Nigérian, d'un Marocain ou d'un Turc est de DEVENIR un européen est une absurdité. L'émanation d'un ethno-centrisme délirant et destructeur.

Ne plus assurer le renouvellement des générations, oublier sa culture, refuser de la transmettre à ses enfants, abattre les frontières et toutes les possibilités de distinguer ce qui nous est propre et ce qui ne l'est pas, ce qui est ennemi de nous-même et ce qui ne l'est pas, reste le meilleur chemin vers la servitude.

Le monde tel que nous le connaissions est en train de s'écrouler. Peut-être est-il temps de se réveiller.