Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/02/2015

renoncements

badlieutcollz2029.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INFO LEPOINT.FR GRENOBLE – Un contrat sur les policiers de la BAC

Denis est policier à la Brigade anticriminalité (BAC). Il fait partie des hommes envoyés en renfort à Grenoble où des policiers sont menacés de mort par des caïds de cité. Il a accepté de témoigner pour Le Point.fr sous couvert d’anonymat. Édifiant.

« ON SE COUCHE DEVANT LES CAÏDS »« Nos collègues de Grenoble ont leur nom et prénom tagués sur les murs du quartier de la Villeneuve. Et la seule réponse du ministère, c’est de les mettre au repos ou de les muter. Je suis dans la BAC depuis 10 ans. Aujourd’hui, je suis écoeuré. Une fois encore, on se couche devant les caïds. On nous a donné l’ordre de ne plus patrouiller en civil, de remettre nos uniformes pour ne pas être identifiés comme un flic de la BAC. C’est désastreux pour l’image. Les petits caïds se disent dans leur tête que les flics ont peur, qu’ils reculent. Parmi les policiers exfiltrés, il y a un major à deux mois de la retraite avec 15 ans de BAC derrière lui. C’est la honte. »

« DE LA CHAIR À CANON »« On se fout de la gueule des flics, on nous prend pour de la chair à canon. Quand on pense que Sarko avait promis de karcheriser les cités ! La hiérarchie fait tout pour minimiser la gravité de la situation. Personne ne sait ce qu’est devenu l’agent de sécurité qui a failli prendre une balle. C’est l’omerta. Heureusement, l’info circule entre nous, via les portables. »

« GILETS PARE-BALLES PÉRIMÉS »« Le 22 juillet, je me suis pointé au travail à midi. J’ai appris qu’à 16 heures je devais être à Grenoble pour une mission de neuf jours. Si tu refuses, t’es muté dans un service de merde. Alors, tu pars risquer ta peau pour 1.800 euros par mois. Mon métier, c’est de protéger les biens et les personnes. Pas de me faire tirer comme un lapin par un crevard de cité. Notre véhicule affiche plus de 100.000 kilomètres au compteur, à l’intérieur, le chauffage est bloqué. Voilà l’état de la police aujourd’hui, en tout cas de la sécurité publique, dont je fais partie. Rien ne fonctionne normalement, ni les voitures, ni les ordinateurs. Certains ont des gilets pare-balles périmés. Même nos brassards de police sont usés jusqu’à la corde, j’ai un collègue qui a été obligé de repasser au marqueur la lettre P du mot police. »

« CE N’EST PAS LES CAÏDS QUI VONT FAIRE LA LOI »« J’entends certains dire il faut envoyer l’armée. Qu’on nous laisse agir, et ça ira très vite. Ce n’est pas une vingtaine de petits caïds qui vont faire la loi. Ces derniers jours, avec les renforts qui ont débarqué, les types se tiennent à carreau. Hormis quelques marioles qu’il faut savoir calmer. Hier, on est tombé sur un crevard de ce genre. Le type était au téléphone quand on s’est approché pour le contrôler. Je m’adresse à lui en le vouvoyant pour lui demander de mettre fin à sa conversation téléphonique, il me répond en me tutoyant : « Tu es qui toi pour me demander de m’arrêter de téléphoner. Personne ne me contrôle ici. » Il a pris direct deux pièces de cinq francs (des gifles). Après, il nous disait : « Bonjour, merci et au revoir. » Bien sûr que je me mets hors clous en agissant ainsi. Mais pourquoi devrait-on baisser la tête ? Si tous les flics agissaient ainsi, les problèmes seraient vite réglés. Pour moi, ça, ce n’est pas une bavure, c’est une démarche citoyenne. Il faut arrêter de verbaliser le citoyen lambda et s’attaquer aux caïds, aux dealers, aux braqueurs. Quand un jeune de 20 ans roule dans une X6 qui coûte 120.000 euros et qu’il ne travaille pas, c’est à lui qu’il faut confisquer la voiture sur le bord de la route. »

« Il faut que la population sache que les policiers n’ont pas peur d’entrer dans les cités. Si nous n’y allons pas, c’est que nous avons ordre de ne pas y aller. Aujourd’hui, la hantise des autorités, c’est la bavure, l’émeute, l’embrasement. Mais à force de reculer, de renoncer, on arrive à des situations comme aujourd’hui. Un jour, on se réveille, c’est trop tard, c’est l’effet boomerang. Je ne crois pas que les conseillers de Sarko lui disent la vérité sur ce qui se passe. Il faudrait que tous ces délégués à la sécurité, préfets ou autres viennent tourner une nuit avec la BAC pour voir l’étendue des dégâts. On dit ici qu’un flic du Raid a eu dans la jumelle de son fusil un voyou perché sur un toit avec un lance-roquettes. Et qu’il n’aurait pas reçu l’ordre de tirer. Si j’avais été à sa place, j’aurais appuyé sur la détente. Et cela ne m’aurait pas empêché d’aller manger une pizza après. Est-ce qu’on attend qu’il pulvérise un fourgon de flics ? »

« LA PAROLE D’UN FLIC NE VAUT RIEN »« Les flics vont se mettre à tirer. S’ils ne l’ont pas encore fait, c’est parce que la peur de perdre leur boulot est plus forte. Mais les flics en ont ras le bol. Après 15 ans de police, sans le moindre problème, je me suis retrouvé du jour au lendemain mis en garde à vue, perquisitionné à mon domicile parce qu’un crevard de cité, multirécidiviste, m’avait accusé de l’avoir agressé. Ce qui était faux. Mon service de nuit à peine terminé, je me suis retrouvé en garde à vue, puis mis en examen par le doyen des juges d’instruction. Pourtant, je suis un des flics les plus décorés de ma génération. Le doyen en question qui n’avait jamais mis les pieds dans un commissariat, ni même dans une voiture de flic m’expliquait comment il fallait que j’intervienne sur la voie publique. J’ai été suspendu durant neuf mois, privé de salaire. Je vivais avec 300 euros par mois. Si je ne suis pas mis une bastos dans la tête, c’est parce que mes proches m’ont soutenu. Au bout du compte, j’ai été relaxé par le tribunal. La parole d’un flic aujourd’hui ne vaut rien. Ni devant un jeune de cité, ni devant un juge, ni devant un élu. Le flic est un sous-citoyen. »

Source : Publié le 28/07/2010 à 14 :17 – Modifié le 28/07/2010 à 21 :42 Le Point.fr 402

Un peu long pour le format blog mais à lire jusqu'au bout car édifiant+++

A l'entraînement* et dans le boulot, je croise souvent des flics de terrain (BAC en particulier, CRS) et TOUS racontent ce genre de choses. La démission, le "pas de vagues", les consignes pour ne pas intervenir dans les « quartiers sensibles », ie les quartiers africains de nos villes, les rapports en 12 ex qu’ils sortent à la moindre embrouille avec une racaille multirécidiviste choppée en flag dans son R8 au milieu d’une meute hurlante de coreligionnaires…

Aujourd’hui, je vois un sous-officier, chef de poste dans un gros village de l’Hérault, à un an de la retraite. Trente ans d’armée puis de gendarmerie, engagé volontaire au Tchad (« on tirait à l’arme lourde sur les rebelles pendant des heures, docteur ! ») puis au Liban au moment de l’attentat du Drakkar (1983) et de l’assassinat de louis Delamarre (1981), ambassadeur de France, par les services secrets Syriens…Puis 15 ans de BAC dans la banlieue Lyonnaise…(« Grenoble à côté, c’est du pipeau ! ») Des choses qu’on oublie pas…et qui permettent de relativiser l’arrogance dérisoire de ce lumpen prolétariat maghrébin et sub-saharien encensé par la clique Woltoneuse. Dégoûté, le gars ! Impuissance totale à tous les niveaux, des supérieurs carriéristes et poltrons, des recrues qui sortent les bouteilles à 14heures pour l’apéro et qui couinent à la discrimination au moindre rappel à l’ordre…Le gars a compris qu’il pouvait causer tranquille : « Docteur, j’ai connu le Liban pendant la guerre et c’était pas beau ! c’est devant nous, à force de renoncements. »

Un peu cassé, l’hoplite, par des nuits sans sommeil mais je le regardais en me disant que je préférais mille fois sa compagnie éclairée et ses souvenirs martiaux de vieux soldat acoolo que la clique d’autruches progressistes et « padamalgamesque » qui m’entoure. C’est comme ça. J’aimerais bien théoriser sur l’abolition de ce principe d’autorité dans nos sociétés modernes –occidentales, sur cette montée de l’insignifiance dont parle Castoriadis, sur cette indifférenciation galopante, ce relativisme total qui fait dire à un cloporte : « Tu es qui toi pour me demander de m’arrêter de téléphoner. Personne ne me contrôle ici. », sur cette anomie marchande et violente qui nous tend les bras…

Il y a quelques siècles, le moindre de ces gueux aurait été pendu à la façade du palais de Laurent de Médicis, à titre d’exemple ou demembre sans procès dans un sentiment d’évidence partage par tous les gens ordniaises...(un peu comme la pub de Ménard sur le fait d'armer sa police municipale contre les malfrats, une évidence sauf pour l'hyperclasse et ses relais mediatiques et sociologiques).

Pas le courage ni les épaules ce soir. Tant pis. Libre à vous.

« Dans l’histoire de l’Occident, il y a une accumulation d’horreurs –contre les autres tout autant que contre lui-même. Ce n’est pas là le privilège de l’Occident : qu’il s’agisse de la Chine, de l’Inde, de l’Afrique avant la colonisation ou des Aztèques, les accumulations d’horreurs sont partout. L’histoire de l’humanité n’est pas l’histoire de la lutte des classes, c’est l’histoire des horreurs bien qu’elle ne soit pas que cela. Il y a , il est vrai, une question à débattre, celle du totalitarisme : est-ce, comme je le pense, l’aboutissement de cette folie de la maîtrise dans une civilisation qui fournissait les moyens d’extermination et d’endoctrinement à une échelle jamais auparavant connue dans l’histoire, est-ce un destin pervers immanent à la modernité comme telle avec toutes les ambiguïtés dont elle est porteuse, est-ce encore autre chose ? (…) Il y a quelque chose qui est la spécificité, la singularité et le lourd privilège de l’Occident : cette séquence social-historique qui commence avec la Grèce et reprend, à partir du XIème siècle, en Europe occidentale, est la seule dans laquelle on voit émerger un projet de liberté, d’autonomie individuelle et collective, de critique et d’autocritique : le discours de dénonciation de l’Occident en est la plus éclatante démonstration. Car on est capable en Occident, du moins certains d’entre nous, de dénoncer le totalitarisme, le colonialisme, la traite des Noirs ou l’extermination des Indiens d’Amérique. Mais je n’ai jamais vu les descendants des Aztèques, les Hindous ou les Chinois faire une autocritique analogue, et je vois encore aujourd’hui les Japonais nier les atrocités qu’ils ont commises pendant la seconde guerre mondiale. Les Arabes dénoncent ans arrêt leur colonisation par les Européens, lui imputant tous les maux dont ils souffrent –la misère, le manque de démocratie, l’arrêt du développement de la culture arable, etc. Mais la colonisation de certains pays arabes a duré, dans le pire des cas, cent trente ans : c’est le cas de l’Algérie de 1830 à 1962. Mais ces mêmes arabes ont été réduits à l’esclavage et colonisés par les Turcs pendant cinq siècles. La domination Turque sur le Proche et le Moyen Orient commence au XVIème siècle et se termine en 1918. Il se trouve que les Turcs étaient musulmans –donc les arabes n’en parlent pas. L’épanouissement de la culture arabe s’est arrêtée vers le XIème, au plus XIIième siècle, huit siècles avant qu’il soit question d’une conquête par l’Occident. Et cette même culture arabe s’était bâtie sur la conquête, l’extermination et/ou la conversion plus ou moins forcée des populations conquises. En Egypte, en 550 de notre ère, il n’y avait pas d’arabes –pas plus qu’el Libye, en Algérie, au Maroc ou en Irak. Ils sont là comme des descendants des conquérants venus coloniser ces pays et convertir, de gré ou de force, les populations locales. Mais je ne vois aucune critique de ces faits dans le cercle civilisationnel arabe. De même, on parle de la traite des Noirs par les Européens à partir du XVIème siècle, mais on ne dit jamais que la traite et la réduction systématique des Noirs en esclavage ont été introduites en Afrique par des marchands arabes à partir du XI-XIIième siècle (avec comme toujours la participation complice des rois et chefs de tribus noirs), que l’esclavage n’a jamais été aboli spontanément en pays islamique et qu’il subsiste toujours dans certains d’entre eux. Je ne dis pas que tout cela efface les crimes commis par les Occidentaux, je dis seulement ceci : que la spécificité de la civilisation Occidentale est cette capacité de se mettre en question et de s’auto-critiquer. Il y a dans l’histoire Occidentale, comme dans toutes les autres, des atrocités et des horreurs, mais il n’y a que l’Occident qui a crée cette capacité de contestation interne, de mise en cause de ses propres institutions et de ses propres idées, au nom d’une discussion raisonnable entre êtres humains qui reste indéfiniment ouverte et ne connaît pas de dogme ultime. »

Cornélius Castoriadis, La montée de l’insignifiance, 1996.


podcast

* Quand je faisais du krav...maintenant a mon fight club c'est beaucoup plus divers...ce post est de 2010.

08/02/2009

Qu'est-ce qui marche en ce moment?

 

 

1989538_d9ec25896d_m.jpegOh oh, si un regard pouvait tuer, celui du petit libraire savoyard que je rencontre 3 fois l’an dans ma vallée de Tarentaise, eut été fatal à ce cuistre fier de lui et sa face consternante, réincarnation du bourgeois Homais… « Qu’est-ce qui marche en ce moment ? » demanda-t-il à cet homme qui ne vit que pour la littérature… Pareille réflexion de marchand repus n’appelle que la mort. Hoplite fort occupé à trouver les confessions de Saint augustin, ce livre de chevet de l’Occident, croisa le regard éperdu de ce brave libraire qui luttait contre l’envie irrépressible de bouter hors de sa boutique ce nouvel infidèle…mais qui, se ressaisissant, trouva les mots pour interroger le pitre et s’enquérir –oh misère- de ses goûts littéraires…

Quelques minutes plus tard je posais avec componction sur la caisse de l’érudit fait marchand, les donc Confessions, ainsi que le Cauchemar climatisé de Miller (Henri, pas l’autre) et le manuel de campagne électorale de Quintus Cicéron, moins connu que son aîné Marcus Tullius, mais qui, cynique en diable, développe cet art de la démagogie qui lui permit d’être élu… et à d’autres encore…

Il y a quelques mois, j’avais eu, avec le même homme, une discussion sur Orwell, son engagement en Espagne durant la guerre civile, et surtout sur l’acception de sa « common decency » sur laquelle nous divergions, malgré l’intérêt que nous portions tous deux à l’auteur du Quai de Wigan.

Aujourd’hui ce fut Miller, son Sexus…ce cauchemar climatisé, cri de haine envers ce pays qu’il aimât, l’Amérique. Puis, malgré quelques fâcheux pressés de lire Gavalda ou je ne sais quel prix littéraire inepte donc médiatisé à outrance, nouvelle discussion sur Richard Millet, plus précisément sur son dernier opus, Confession négative, qui m’a secoué, tout hoplite –tendance anarque- que je sois.

Je m’interrogeais depuis un moment sur le sens de ce titre : Ma vie parmi les ombres, ou l’auteur relate son enfance paysanne sur le plateau de Millevaches et la disparition de ce monde traditionnel que je connais de prés. Je crois que j’ai compris ce que veut dire Millet en lisant cette confession dans laquelle l’auteur livre son engagement total et meurtrier dans une phalange chrétienne à Beyrouth dans les années 70. Parti sur un coup de tête, Millet devient un combattant, un tueur, un sniper, mais pas un assassin. Et comprend ce qu’il entrevoyait : il n’est pas de ce monde. Pas celui des vivants. J’ai compris, en regardant mon libraire toute l’horreur que lui inspire la confession de cet homme pieux qui part, tel un moins soldat en quête de la grâce littéraire, combattre la gangrène Palestinienne qui dévore le Liban, après septembre noir. Millet se met à nu car il n’est plus de ce monde –et peut-être ne le fût jamais.

 

« Je me demande ce qu’il y a encore à détruire, dans ce secteur, a-t-il ajouté en montrant l’immense terrain vague laissé par le déblaiement des taudis de la Quarantaine.

-Des hommes, ais-je cru bon de suggérer, souriant à mon tour pour ne pas avoir l’air trop niais.

-Des hommes ? Non, ils sont morts, même ceux qui combattent, en ce moment, et qui se croient vivants. A un certain degré d’horreur et de bruit, on ne se bat plus pour vivre, ni pour survivre, mais parce qu’on est mort, oui, passé à l’autre bout de la vallée de larmes, et que le combat se limite à tenter de remonter chez les vivants. »

J’aurais pu lui répondre que j’étais vivant, moi, mais je n’en étais pas tout à fait certain, et j’ai préféré continuer à sourire, tout en reconnaissant que j’appartenais aux ombres, que je méprisais même un peu les vivants, leur insouciance, leur incurie, leur cruauté, lezs morts, eux étant en paix les uns avec les autres, on n’y a jamais songé de cette façon, mais c’est ce qui les caractérise, outre leur invraisemblable mémoire.

Mais je n’ai rien dit. Je préférais rester un combattant simple et droit aux yeux du responsable phalangiste dont je continuais à trouver la cause noble, et la seule qui méritât d’être défendue. »

 

Richard Millet, La confession négative, Gallimard, p. 396.