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28/07/2015

épuisement du sens

richard millet,gainsbourg

 

 

« J’ai quitté l’enseignement public non seulement parce que je m’y ennuyais à mourir, mais parce que je n’y supportais plus d’y voir la langue française piétinée au point de n’être plus qu’un instrument de propagande de la pensée dominante. J’ai vu mourir une culture. J’ai dis, et je le maintiens, quoique cette affirmation m’ait naguère valu le pilori, que l’évacuation de la dimension littéraire de la langue au profit de sa démocratisation utilitaire a eu lieu en grande partie pour ne pas désespérer les enfants d’immigrés. Une langue sacrifiée à la paix civile, c’est la mort d’une culture millénaire. Je n’en rends nullement les immigrés responsables ; les semeurs de vent, ce sont les idéalistes post chrétiens et les marchands d’esclaves au pouvoir. Le reliquats hystériques du gauchisme ont fait le reste : évacuer la dimension spirituelle de la culture. On comprend dés lors que nous soyons méprisés par ces mêmes immigrés : comment l’Islam, quand bien même il n’en serait pas l’allié objectif, ne trouverait-il pas à se renforcer au contact du nihilisme à l’œuvre en Occident ? »

(…) « Là ou l’islam est soluble, c’est dans l’innombrable multiculturel des USA. Plaçons le dans une petite société fragile telle le Québec, il devient le vecteur même de sa destruction, révélant par là sa vérité : 300 000 musulmans sur quelques millions de Québécois déchristianisés et nous avons une problématique Libanaise. Si l’on excepte le moment dialectique de l’Empire ottoman, où, après son établissement, les autres religions ont été tolérées, force est de constater que depuis le VIIème siècle, l’islam ne fait que détruire les sociétés où il s’implante, et aujourd’hui plus que jamais, parce que, ayant digéré Mac Donald’s, Disney et Microsoft, il rencontre un vide spirituel sidéral. Il ne nous est acceptable que par ses femmes et ses mystiques - transactions qui ont lieu dans le secret des chambres ou de l’esprit, et qui m’empêchent de voir cet autre comme l’ennemi absolu. »

(…) « Quelle insanité ais-je proférée en constatant que ce pays n’est pas encore le Brésil ou Cuba mais une nation de race blanche avec des minorités étrangères ! Que l’émigration africaine soit, par exemple, un drame pour les immigrés comme pour les français de souche, qu’une immigration chrétienne soit préférable à une immigration musulmane, voilà qui ma parait relever du bon sens, tout comme le fait que la France ne doive pas se renier elle-même pour maintenir la paix civile menacée par ces minorités. Je me rappelle que le moment où j’ai compris que la France était morte (ou appelée à devenir tout autre chose que ce qu’on m’avait appris qu’elle était depuis des siècles) eut lieu lorsque, enseignant et évoquant tel épisode de l’histoire de France, j’ai cessé de pouvoir dire « nous », sans rien trouver qui remplaçât ce signe d’appartenance heureuse et, dès lors, entrant dans une sorte de déréliction que nul discours politique ne pouvait apaiser. La France que vous me proposez d’aimer, celle que vous me désignez comme la France de demain en me montrant ce groupe de jolies maghrébines et de jeunes noires habillées de manière provocante, cette France là m’est étrangère : pour reprendre votre langage pour le retourner contre vous qui me pensez « raciste », je dirais que j’y vis dans un apartheid mental, moi que le destin muséal et multiculturel de ce pays horrifie, qui ne crois nullement au repli sur soi, qui ait été élevé dans le cosmopolitisme Beyrouthin. Mais je suis bien obligé de reconnaître que tout ce que j’aime est piétiné quotidiennement au nom du consensus antiraciste et par peur de déplaire à l’islam. C’est vous qui avez fait mourir ce pays en moi, bâtisseurs d’empires boursiers, gauchistes apostats et technocrates si inconséquents que vous avez laissé ce déliter cette langue qui, à elle seule, disait Joseph de Maistre, , définit une nation. George Orwell, lui, pour me référer à un auteur moins compromettant, disait que la dégradation d’une langue va de pair avec la décomposition politique. Qu’est-ce qui agitait donc l’angélique prêcheur qui me vantait la créolisation de la France ? Moins la haine de la France que son désir de voir disparaître des types tels que moi qui errent comme un loup sur les terres du passé, prétendait-il, alors que j’ai toujours été à la lisière, à l’orée, prêt à bondir dans le futur. »

Richard Millet, L’opprobre, 2008

podcast

photo: anonyme, WWI. pauvre gars, tout ça pour ça.

25/07/2009

apartheid

18aff9120070514100109155.jpg(…) « Là ou l’islam est soluble, c’est dans l’innombrable multiculturel des USA. Plaçons le dans une petite société fragile telle le Québec, il devient le vecteur même de sa destruction, révélant par là sa vérité : 300 000 musulmans sur quelques millions de Québécois déchristianisés et nous avons une problématique Libanaise. Si l’on excepte le moment dialectique de l’Empire ottoman, où, après son établissement, les autres religions ont été tolérées, force est de constater que depuis le VIIème siècle, l’islam ne fait que détruire les sociétés où il s’implante, et aujourd’hui plus que jamais, parce que, ayant digéré Mac Donald’s, Disney et Microsoft, il rencontre un vide spirituel sidéral. Il ne nous est acceptable que par ses femmes et ses mystiques - transactions qui ont lieu dans le secret des chambres ou de l’esprit, et qui m’empêchent de voir cet autre comme l’ennemi absolu. »

(…) « Quelle insanité ais-je proférée en constatant que ce pays n’est pas encore le Brésil ou Cuba mais une nation de race blanche avec des minorités étrangères ! Que l’émigration africaine soit, par exemple, un drame pour les immigrés comme pour les français de souche, qu’une immigration chrétienne soit préférable à une immigration musulmane, voilà qui ma parait relever du bon sens, tout comme le fait que la France ne doive pas se renier elle-même pour maintenir la paix civile menacée par ces minorités. Je me rappelle que le moment où j’ai compris que la France était morte (ou appelée à devenir tout autre chose que ce qu’on m’avait appris qu’elle était depuis des siècles) eut lieu lorsque, enseignant et évoquant tel épisode de l’histoire de France, j’ai cessé de pouvoir dire « nous », sans rien trouver qui remplaçât ce signe d’appartenance heureuse et, dès lors, entrant dans une sorte de déréliction que nul discours politique ne pouvait apaiser. La France que vous me proposez d’aimer, celle que vous me désignez comme la France de demain en me montrant ce groupe de jolies maghrébines et de jeunes noires habillées de manière provocante, cette France là m’est étrangère : pour reprendre votre langage pour le retourner contre vous qui me pensez « raciste », , je dirais que j’y vis dans un apartheid mental, moi que le destin muséal et multiculturel de ce pays horrifie, qui ne crois nullement au repli sur soi, qui ait été élevé dans le cosmopolitisme Beyrouthin. Mais je suis bien obligé de reconnaître que tout ce que j’aime est piétiné quotidiennement au nom du consensus antiraciste et par peur de déplaire à l’islam. C’est vous qui avez fait mourir ce pays en moi, bâtisseurs d’empires boursiers, gauchistes apostats et technocrates si inconséquents que vous avez laissé ce déliter cette langue qui, à elle seule, disait Joseph de Maistre, , définit une nation. George Orwell, lui, pour me référer à un auteur moins compromettant, disait que la dégradation d’une langue va de pair avec la décomposition politique. Qu’est-ce qui agitait donc l’angélique prêcheur qui me vantait la créolisation de la France ? Moins la haine de la France que son désir de voir disparaître des types tels que moi qui errent comme un loup sur les terres du passé, prétendait-il, alors que j’ai toujours été à la lisière, à l’orée, prêt à bondir dans le futur. »

Richard Millet, L’opprobre, 2008

14/03/2009

opprobre

Pas grand chose à dire today...so, je vous fais partager ma lecture du jour.

« J’ai quitté l’enseignement public non seulement parce que je m’y ennuyais à mourir, mais parce que je n’y supportais plus d’y voir la langue française piétinée au point de n’être plus qu’un instrument de propagande de la pensée dominante. J’ai vu mourir une culture. J’ai dis, et je le maintiens, quoique cette affirmation m’ait naguère valu le pilori, que l’évacuation de la dimension littéraire de la langue au profit de sa démocratisation utilitaire a eu lieu en grande partie pour ne pas désespérer les enfants d’immigrés. Une langue sacrifiée à la paix civile, c’est la mort d’une culture millénaire. Je n’en rends nullement les immigrés responsables ; les semeurs de vent, ce sont les idéalistes post chrétiens et les marchands d’esclaves au pouvoir. Le reliquats hystériques du gauchisme ont fait le reste : évacuer la dimension spirituelle de la culture. On comprend dés lors que nous soyons méprisés par ces mêmes immigrés : comment l’Islam, quand bien même il n’en serait pas l’allié objectif, ne trouverait-il pas à se renforcer au contact du nihilisme à l’œuvre en Occident ? »

(…) « Là ou l’islam est soluble, c’est dans l’innombrable multiculturel des USA. Plaçons le dans une petite société fragile telle le Québec, il devient le vecteur même de sa destruction, révélant par là sa vérité : 300 000 musulmans sur quelques millions de Québécois déchristianisés et nous avons une problématique Libanaise. Si l’on excepte le moment dialectique de l’Empire ottoman, où, après son établissement, les autres religions ont été tolérées, force est de constater que depuis le VIIème siècle, l’islam ne fait que détruire les sociétés où il s’implante, et aujourd’hui plus que jamais, parce que, ayant digéré Mac Donald’s, Disney et Microsoft, il rencontre un vide spirituel sidéral. Il ne nous est acceptable que par ses femmes et ses mystiques - transactions qui ont lieu dans le secret des chambres ou de l’esprit, et qui m’empêchent de voir cet autre comme l’ennemi absolu. »

(…) « Quelle insanité ais-je proférée en constatant que ce pays n’est pas encore le Brésil ou Cuba mais une nation de race blanche avec des minorités étrangères ! Que l’émigration africaine soit, par exemple, un drame pour les immigrés comme pour les français de souche, qu’une immigration chrétienne soit préférable à une immigration musulmane, voilà qui ma parait relever du bon sens, tout comme le fait que la France ne doive pas se renier elle-même pour maintenir la paix civile menacée par ces minorités. Je me rappelle que le moment où j’ai compris que la France était morte (ou appelée à devenir tout autre chose que ce qu’on m’avait appris qu’elle était depuis des siècles) eut lieu lorsque, enseignant et évoquant tel épisode de l’histoire de France, j’ai cessé de pouvoir dire « nous », sans rien trouver qui remplaçât ce signe d’appartenance heureuse et, dès lors, entrant dans une sorte de déréliction que nul discours politique ne pouvait apaiser. La France que vous me proposez d’aimer, celle que vous me désignez comme la France de demain en me montrant ce groupe de jolies maghrébines et de jeunes noires habillées de manière provocante, cette France là m’est étrangère : pour reprendre votre langage pour le retourner contre vous qui me pensez « raciste », , je dirais que j’y vis dans un apartheid mental, moi que le destin muséal et multiculturel de ce pays horrifie, qui ne crois nullement au repli sur soi, qui ait été élevé dans le cosmopolitisme Beyrouthin. Mais je suis bien obligé de reconnaître que tout ce que j’aime est piétiné quotidiennement au nom du consensus antiraciste et par peur de déplaire à l’islam. C’est vous qui avez fait mourir ce pays en moi, bâtisseurs d’empires boursiers, gauchistes apostats et technocrates si inconséquents que vous avez laissé ce déliter cette langue qui, à elle seule, disait Joseph de Maistre, , définit une nation. George Orwell, lui, pour me référer à un auteur moins compromettant, disait que la dégradation d’une langue va de pair avec la décomposition politique. Qu’est-ce qui agitait donc l’angélique prêcheur qui me vantait la créolisation de la France ? Moins la haine de la France que son désir de voir disparaître des types tels que moi qui errent comme un loup sur les terres du passé, prétendait-il, alors que j’ai toujours été à la lisière, à l’orée, prêt à bondir dans le futur. »

Richard Millet, L’opprobre, 2008

08/02/2009

Qu'est-ce qui marche en ce moment?

 

 

1989538_d9ec25896d_m.jpegOh oh, si un regard pouvait tuer, celui du petit libraire savoyard que je rencontre 3 fois l’an dans ma vallée de Tarentaise, eut été fatal à ce cuistre fier de lui et sa face consternante, réincarnation du bourgeois Homais… « Qu’est-ce qui marche en ce moment ? » demanda-t-il à cet homme qui ne vit que pour la littérature… Pareille réflexion de marchand repus n’appelle que la mort. Hoplite fort occupé à trouver les confessions de Saint augustin, ce livre de chevet de l’Occident, croisa le regard éperdu de ce brave libraire qui luttait contre l’envie irrépressible de bouter hors de sa boutique ce nouvel infidèle…mais qui, se ressaisissant, trouva les mots pour interroger le pitre et s’enquérir –oh misère- de ses goûts littéraires…

Quelques minutes plus tard je posais avec componction sur la caisse de l’érudit fait marchand, les donc Confessions, ainsi que le Cauchemar climatisé de Miller (Henri, pas l’autre) et le manuel de campagne électorale de Quintus Cicéron, moins connu que son aîné Marcus Tullius, mais qui, cynique en diable, développe cet art de la démagogie qui lui permit d’être élu… et à d’autres encore…

Il y a quelques mois, j’avais eu, avec le même homme, une discussion sur Orwell, son engagement en Espagne durant la guerre civile, et surtout sur l’acception de sa « common decency » sur laquelle nous divergions, malgré l’intérêt que nous portions tous deux à l’auteur du Quai de Wigan.

Aujourd’hui ce fut Miller, son Sexus…ce cauchemar climatisé, cri de haine envers ce pays qu’il aimât, l’Amérique. Puis, malgré quelques fâcheux pressés de lire Gavalda ou je ne sais quel prix littéraire inepte donc médiatisé à outrance, nouvelle discussion sur Richard Millet, plus précisément sur son dernier opus, Confession négative, qui m’a secoué, tout hoplite –tendance anarque- que je sois.

Je m’interrogeais depuis un moment sur le sens de ce titre : Ma vie parmi les ombres, ou l’auteur relate son enfance paysanne sur le plateau de Millevaches et la disparition de ce monde traditionnel que je connais de prés. Je crois que j’ai compris ce que veut dire Millet en lisant cette confession dans laquelle l’auteur livre son engagement total et meurtrier dans une phalange chrétienne à Beyrouth dans les années 70. Parti sur un coup de tête, Millet devient un combattant, un tueur, un sniper, mais pas un assassin. Et comprend ce qu’il entrevoyait : il n’est pas de ce monde. Pas celui des vivants. J’ai compris, en regardant mon libraire toute l’horreur que lui inspire la confession de cet homme pieux qui part, tel un moins soldat en quête de la grâce littéraire, combattre la gangrène Palestinienne qui dévore le Liban, après septembre noir. Millet se met à nu car il n’est plus de ce monde –et peut-être ne le fût jamais.

 

« Je me demande ce qu’il y a encore à détruire, dans ce secteur, a-t-il ajouté en montrant l’immense terrain vague laissé par le déblaiement des taudis de la Quarantaine.

-Des hommes, ais-je cru bon de suggérer, souriant à mon tour pour ne pas avoir l’air trop niais.

-Des hommes ? Non, ils sont morts, même ceux qui combattent, en ce moment, et qui se croient vivants. A un certain degré d’horreur et de bruit, on ne se bat plus pour vivre, ni pour survivre, mais parce qu’on est mort, oui, passé à l’autre bout de la vallée de larmes, et que le combat se limite à tenter de remonter chez les vivants. »

J’aurais pu lui répondre que j’étais vivant, moi, mais je n’en étais pas tout à fait certain, et j’ai préféré continuer à sourire, tout en reconnaissant que j’appartenais aux ombres, que je méprisais même un peu les vivants, leur insouciance, leur incurie, leur cruauté, lezs morts, eux étant en paix les uns avec les autres, on n’y a jamais songé de cette façon, mais c’est ce qui les caractérise, outre leur invraisemblable mémoire.

Mais je n’ai rien dit. Je préférais rester un combattant simple et droit aux yeux du responsable phalangiste dont je continuais à trouver la cause noble, et la seule qui méritât d’être défendue. »

 

Richard Millet, La confession négative, Gallimard, p. 396.

30/11/2008

Nostalgie

J’ai relu récemment Pays perdu de Pierre Jourde, ou l’auteur originaire d’un petit village du Cantal décrit avec amour et nostalgie mais aussi dureté un monde paysan en voie de disparition. Dans la même veine on lira avec bonheur Ma vie parmi les ombres de Richard Millet ou celui-ci évoque son enfance au milieu du plateau de Millevaches (qui en fait évoque mille sources...) et ce monde traditionnel appelé à disparaître.

 

Nostalgie, ce « mal du retour ». La faute d'inukshuk.


Vendanges. Les voisins, d’abord. Tout le monde est là, personne ne manque. Tout le monde se connaît. Moi, personne, mais ça ne dure pas. Café pour ceux qui veulent puis on y va. La vigne, toujours en pente, chacun une rangée, chacun son sécateur, son seau, on coupe les grappes, on remplit les seaux qu’on vide dans la benne. Une autre rangée, ça cause, ça rigole. Un coup de rouge pour les plus vieux, de l’eau pour les autres ou les gamins. La benne est pleine, hop, à la cave, et on revient. Faut aller vite, parler d’accord mais si on travaille comme les autres. L’odeur du raisin, les doigts qui collent, la chaleur et la fatigue. Onze heures et demi, on rentre et on mange. Comme il faut, du solide, pas des sushis...Du lourd. Les femmes servent. Soupe, jambon, pâté, saucisson, daube, fromage, pain, vin, café pousse café, cigarette. Tout le monde se connaît maintenant. On repart, une autre vigne, une autre parcelle, un autre raisin, les mêmes, le même entrain, la même efficacité dans le travail. Voila c’est fini, on range les outils, dernière benne à la cave, ivre de fatigue et heureux. Presque adulte.

 

Hiver. Tous les soirs on allait à la ferme de mon grand-père, à pieds, pour chercher le lait pour le lendemain matin. On savait que c’était l’heure en entendant les vaches rentrer à l’étable, leurs cloches, parfois un bruit de galop quand les chiens étaient pressants, parfois les appels du fermier, rarement en fait. L’odeur de l’étable, cette odeur de merde partout, de fumier, que j’aime retrouver et que déteste mon fils aîné. Ces vaches brunes alignées pour la traite, cette chaleur animale, cette odeur de lait frais dans le pot en alu, la proximité de ces animaux énormes pour lesquels on faisait descendre quelques bottes de paille. Souvent quand on arrivait pour les vacances ou que l’on repartait, on picolait. Scénario immuable : après la traite, cuisine de la ferme, pièce assombrie par la fumée sur les murs, un feu qui couve, été comme hiver, l’horloge, le vieux entre la fenêtre et le radiateur en salopette bleue et charentaises qui te donne du monsieur alors que tu as douze ans, la toile cirée unique élimée, les bancs en bois qu’on tire, les verres duralex, la boite de biscuit, la bouteille de ratafia (alcool de prune peu alcoolisé, mais à jeun ça change la vie), les chiens qui suivent leur maître et se couchent sous la table. On parle parce qu’il faut parler –on vient de la ville- mais on sent bien que c’est pas leur habitude. On ne serait pas là, ils ne diraient pas trois mots. Puis avec la deuxième bouteille (hop hop, pas plus haut que le verre !), on parle de tout. Du temps, des travaux, des ruches, du cochon, des voisins, des derniers potins. Parfois les parents venaient et c’était moins bien parce que guindé. Ca rigolait moins. Puis on rentrait, il faisait nuit et froid, même bourrés.


Eté. Je faisais la récolte du miel avec mon grand père. Fallait s’habiller, se couvrir, pas trop se faire piquer. Pour moi des gants, mon grand-père, non, pas très sensible, des mains de paysan. Un masque sur le visage, une brouette pour mettre les cadres et les hausses, une sorte de fumigène artisanal avec des vieux chiffons pour étourdir les abeilles. Fallait choisir le jour, c’est-à-dire le temps. Pas orageux, les abeilles sont énervées et attaquent, pas pluvieux, elles sont à l’intérieur… Fumée, dépose du couvercle, refumée, les abeilles disparaissent dans les profondeurs de la ruche. Faut aller vite, mais pas trop, pas de mouvement brutal, pas de peur. On enlève les cadres un à un pour les ranger sur des hausses vides, en balayant les abeilles à la surface. Puis on referme et on passe à la ruche suivante. Parfois il n’y a rien ou pas grand-chose. Puis direction la cave et l’extracteur. Un couteau d’égorgeur qui trempe dans l’eau chaude, pour enlever la pellicule de cire à la surface des alvéoles. Chaque cadre est rangé dans la machine. Odeur extraordinaire de miel frais. Orgie. Puis ça tourne une heure, on ouvre le robinet à la base et on remplit des pots en filtrant le miel blond. La routine.

 

Printemps. On savait comment faire pour les choper, les salopes. Un bout de tissu rouge au bout d’une ligne, une mare si possible avec nénuphars, on lance, on attend le plouf, on tire. Une grenouille verte qui gigote. Hop dans le panier. En fallait une bonne trentaine pour bien faire. Puis c’était mon oncle qui officiait. J’aime pas peler les grenouilles à vif. Suis à peu prés persuadé qu’elles ont mal. Mais bon. On prépare les nasses, on met les infortunés batraciens au fond et direction la rivière, à la nuit. Faut connaître les coins, savoir ou accrocher les nasses. On se répartissait la rivière. Moi en amont, lui en aval (fatigué). Puis on rentre. Lendemain matin, avant le jour, au bord de la rivière. Faut, sinon tu peux te faire gauler tes nasses par un salaud, c’est pas ce qui manque à la campagne. Des nasses pleines qui bruissent et grouillent d’écrevisses noires. Mais rouges dans l’assiette. Un coup de blanc. Que du bonheur, comme dit l’autre con.

Voila.