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26/08/2013

thin ice of modern life

michea,hobbes,pink floyd













« Il est cependant clair, qu’une telle atomisation de la société par le droit libéral (et la réapparition de la vieille guerre de tous contre tous qu’elle implique) ne peut aboutir à terme qu’à rendre toute vie commune impossible. Une société humaine n’existe, en effet, que dans la mesure où elle parvient à reproduire en permanence du lien, ce qui suppose qu’elle puisse prendre appui sur un minimum de langage commun entre tous ceux qui la composent. Or si ce langage commun doit, conformément aux exigences du dogme libéral, être axiologiquement neutre (toute référence “idéologique” réintroduirait les conditions de la guerre civile), il ne reste qu’une seule façon cohérente de résoudre ce problème. Elle consiste à fonder la cohésion anthropologique de la société sur l’unique attribut que les libéraux ont toujours tenu pour commun à l’ensemble des hommes : leur disposition « naturelle » à agir selon leur intérêt bien compris. C’est donc très logiquement sur l’échange intéressé (le fameux “donnant-donnant” qui fonde la rationalité de toute relation marchande) que devra reposer, en dernière instance, la charge philosophique d’organiser la coexistence pacifique d’individus que tout est censé opposer par ailleurs […] Telle est, en définitive, la raison majeure pour laquelle l’économie est devenue la religion des sociétés modernes ». (Jean-Claude Michéa, L’empire du moindre mal)


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Comprendre la nature réelle de nos sociétés modernes permet de donner un sens au chaos apparent qui règne et aux faits et discours de nos modernes ilotes. Un exemple pris au hasard dans l’actualité :

« Mariage homosexuel à Montpellier

Elle s’est attiré les foudres des opposants. La maire de Montpellier, Hélène Mandroux, a reçu de nombreuses lettres d’insultes et de menaces cette semaine après avoir célébré dans sa ville le premier mariage gay en France. Selon le quotidien régional « Le Midi libre », des agents municipaux auraient même trouvé un colis contenant des matières fécales dans le courrier de l’élue. Cette dernière, ainsi qu’Erwann Binet, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée, avaient reçu le même type de courriers en janvier dernier. Hélène Mandroux a officiellement uni le 29 mai dernier Vincent Autin, 40 ans, et Bruno Boileau, 30 ans. « Votre histoire rencontre en ce jour celle de tout un pays. Ce jour, vous l’avez rêvé, et ce jour devient une réalité. Vincent, Bruno, nous allons, vous allez vivre un moment historique. Un moment historique pour notre pays, pour notre République », avait déclaré la maire de Montpellier, selon « Libération ». Samedi dernier, c’était au tour d’Hélène Bureau et d’Abby Trouillet de se dire « oui » à Saint-Jean-de-la-Ruelle, dans le Loiret. Pour Christophe Chaillou, le maire socialiste de la commune, « le mariage de deux hommes ou deux femmes va devenir quelque chose de banal, et c’est tant mieux » source

Au-delà de la figure de fion catastrophique de cette « maire courage » calamiteuse dont les postures de pseudo-résistance contre un ordre moral fantasmé font sourire même les lecteurs de Télérama (et pour lesquelles ces colis de merde ne sont finalement que justice/némésis au regard de l'hubris délirante qu'ils manifestent), il faut comprendre que dès lors que nos sociétés ne sont plus fondées sur un certain nombre de valeurs partagées dans une perspective (télos) commune mais, désormais, uniquement sur le droit procédural et le marché garantis par un Etat axiologiquement neutre privatisant toute valeur morale, philosophique ou religieuse, l’issue de divergences morales/philosophiques ou religieuses ne dépend plus que du poids de lobbys antagonistes à même, en fonction de leur puissance démographique ou de leur exposition médiatique, voire de leur violence, de fixer –pour un temps- la norme sociétale.

En ce sens, la neutralité de l’Etat que sous-tend l’idéologie libérale (dont se réclame Mandroux, dans sa variante philosophique ou libertaire) n’est pas tenable car elle conduit, en voulant autoriser chacun à exercer une vision morale particulière éventuellement antagoniste avec celle de son voisin, à créer les conditions d’une guerre de tous contre tous (ce cauchemar de Hobbes) alors même que son postulat était d’écarter ce risque de guerre civile en écartant toute notion de Bien commun ou d’intérêt général…montrant ainsi que la structuration d’une société par des valeurs partagées reste indispensable à la paix civile. Ce que disait Aristote il y a fort longtemps :

« L'absence de communauté nationale est facteur de guerre civile, tant que les citoyens ne partagent pas les mêmes valeurs de civilisation. Une cité ne se forme pas à partir de gens pris au hasard, et elle a besoin de temps pour se coaguler. C'est pourquoi, parmi ceux qui ont accepté des étrangers pour fonder une cité avec eux, et pour les intégrer à la cité, la plupart ont connu des guerres civiles. Par exemple, les tyrans de Syracuse, en ayant naturalisé les immigrés, ont dû subir des révoltes. Citoyens et étrangers en sont venus à se combattre. » (Aristote, Politique, Livre V)

Nos sociétés modernes devraient donc être en bonne logique libérale, une sorte de désert normatif rempli d’individus contractants, disposant de libertés et de droits, éventuellement parfaitement antagonistes et régis par un état axiologiquement neutre soumis aux lois d’un marché auto-régulé et au droit procédural dont les limites mouvantes seraient définies par le rapport de forces entre des intérêts contradictoires. Autre exemple éclairant, l’aveu bienvenu par le très libéral (« tory ») David Cameron, du désastre sociétal anglo-saxon engendré par l’idéologie multi-culturelle, stricte application de l’axiome libéral :

« Selon M. Cameron, qui s'exprimait devant la 47e Conférence sur la sécurité, le multiculturalisme tel que l'a pratiqué le Royaume-Uni, a échoué. "Même nos propres concitoyens ont perpétré des actions terroristes", a-t-il souligné. "Le multiculturalisme a conduit à ce que des communautés vivent isolées les unes des autres. Ces sociétés parallèles ne se développent pas selon nos valeurs. Nous ne leur avons pas donné une vision de ce qu'est notre société". A titre d'exemple, la Grande-Bretagne n'a pas assez fermement condamné la pratique du mariage forcé. Les pouvoirs publics ne doivent plus " admettre que des prédicateurs de la haine s'expriment " et doivent cesser de subventionner des organisations qui n'adhèrent pas clairement aux valeurs démocratiques, estime encore M. Cameron, pour qui la clé est dans la construction d'une " identité nationale pour tous", notamment pour les jeunes musulmans d'Europe, dont beaucoup se "sentent déracinés". » (source)

Il est assez surprenant que cet homme ne voie pas l’incohérence doctrinale qu’il y a à prôner, d’une main, des sociétés libres régies par les seules lois du marché (ce doux commerce) et du Droit, et de l’autre, « des valeurs » qui devraient être partagées par tous…Quelles sont ces valeurs? Au nom de quoi (de quelle morale, de quelle éthique, de quelle religion, de quelle philosophie, de quelles normes désormais bannies par nos modernes Cameron et Mandroux) devrait-on interdire certains « prêcheurs de haine » dés lors qu'ils ne sont pas hors-la-loi et qu'ils sont de bons consommateurs? Et comment définir une  « identité nationale pour tous » lorsque l’Etat est axiologiquement neutre ? A l’inverse de Hobbes qui prônait un Etat absolu, le Léviathan, pour conjurer le spectre des guerres civiles, la doctrine libérale instaure cet état axiologiquement neutre, ayant renoncé à définir la « vie bonne » en bannissant tout horizon normatif commun. Ouvrant la voie à la jungle de revendications identitaires, communautaires irréductibles et antagonistes à l'origine du chaos sociétal contemporain.

La guenon Mandroux installant des cameras de surveillance partout (comme dans le Panopticon de Bentham) dans une ville de plus en plus violente (ou célébrant un "mariage gay" dans une posture martiale grotesque) comme le pitre Cameron stigmatisant la weltanschauung étrangère des communautés musulmanes pakistanaises britanniques se retrouvent donc pareillement le cul entre deux chaises à déplorer les effets naturels de principes qu’ils chérissent.

Heureusement qu’ils leur restent les Droits de l’homme et la shoah pour communier dans le chaos festif, climatisé et totalitaire qu’ils édifient jours après jours.

Thin ice of modern life..

Castoriadis pensait que nos sociétés modernes ne sont encore gérables QUE parce que certains types anthropologiques pré-capitalistes structurent encore largement ces sociétés*. Et en ce sens, Michéa dit parfois son inquiétude du fait que désormais, le temps joue contre nous, contre toute décence commune... Au fond, je pense que nous vivons la fin d'un cycle, la fin d'une illusion, la fin de ce "fait social total" qu'est le capitalisme globalisé, ne serait-ce QUE parce qu'il ne peut y avoir de production, de consommation et d'accumulation illimitées de biens/marchandises dans un monde fini comme le nôtre, ne serait-ce QUE parce que le droit et le marché ne fondent pas de communautés..je crois que ce gisement anthropologique pré-capitaliste (dont la logique échappe donc à toute logique marchande et a plutôt tout à voir avec la logique du don et du contre-don), certes mis à mal par notre modernité à roulettes et paillettes, constitue une constante civilisationnelle intangible à laquelle nous devrons revenir à un moment donné. Question de temps. thin ice of modern life...

*« La corruption généralisée que l'on observe dans le système politico-économique contemporain n'est pas périphérique ou anecdotique, elle est devenue un trait structurel, systémique de la société où nous vivons. En vérité, nous touchons là un facteur fondamental, que les grands penseurs politiques du passé connaissaient et que les prétendus « philosophes politiques » d'aujourd'hui, mauvais sociologues et piètres théoriciens, ignorent splendidement : l'intime solidarité entre un régime social et le type anthropologique (ou l'éventail de tels types) nécessaire pour le faire fonctionner. Ces types anthropologiques, pour la plupart, le capitalisme les a hérités des périodes historiques antérieures : le juge incorruptible, le fonctionnaire wébérien, l'enseignant dévoué à sa tâche, l'ouvrier pour qui son travail, malgré tout, était une source de fierté. De tels personnages deviennent inconcevables dans la période contemporaine : on ne voit pas pourquoi ils seraient reproduits, qui les reproduirait, au nom de quoi ils fonctionneraient. Même le type anthropologique qui est une création propre du capitalisme, l'entrepreneur schumpétérien, combinant une inventivité technique, la capacité de réunir des capitaux, d'organiser une entreprise, d'explorer, de pénétrer, de créer des marchés, est en train de disparaître. Il est remplacé par des bureaucraties managériales et par des spéculateurs. Ici encore, tous les facteurs conspirent. Pourquoi s'escrimer pour faire produire et vendre, au moment où un coup réussi sur les taux de change à la bourse de New York ou d'ailleurs, peut vous rapporter en quelques minutes 500 millions de dollar ? Les sommes en jeu dans la spéculation de chaque semaine sont de l'ordre du PNB des Etats-Unis en un an. Il en résulte un « drainage » des éléments les plus entreprenants vers ce type d'activités qui sont tout à fait parasitaires du point de vue du système capitaliste lui-même. » (Cornélius Castoriadis, La montée de l'insignifiance, 1993)

photo: logique du don.

30/08/2011

thin ice

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« Elue par la mondialisation, une Nouvelle Classe politique médiatique s'est mise en place, qui associe dans un même élitisme de la richesse et du paraître, dirigeants politiques, hommes d'affaires et représentants des médias, tous intimement liés les uns aux autres (hors caméra, ils se tutoient et s'appellent par leurs prénoms) tous convaincus de la « dangerosité » des aspirations populaires. Alexandre Zinoviev, pour désigner cette Nouvelle Classe parlait de « supra-société ». Confrontée à un peuple qu'elle redoute et qu'elle méprise à la fois, elle constitue une autorité oligarchique qui s'emploie avant tout à préserver ses privilèges et à réserver l'accès du pouvoir à ceux qui émanent de ses rangs. Ce mépris du peuple s'alimente bien entendu de la critique d'un « populisme » assimilé désormais à n'importe quelle forme de démagogie ou d'  « irrationalisme » de masse. Qui parle aujourd'hui du peuple s'expose par là même au reproche de « populisme ». Devenu une injure politique, le populisme est présenté comme une sorte de perpétuelle « maladie infantile » de la démocratie, dans une perspective à la fois péjorative et disqualifiante. Le recours au « populisme » fournit ainsi à la mise à l'écart du peuple une justification théorique, sinon savante. » (Alain de Benoist, Krisis 2008)

« Il faut toujours rappeler qu'il y a peu de temps encore, le terme de « populisme » était employé de façon tout à fait positive pour désigner certains mouvements révolutionnaires issus des traditions russes et américaines de la deuxième moitié du XIXème siècle. Ce n'est que depuis quelques années que Le Monde et les autres médias officiels se sont employés, avec beaucoup de cynisme, à conférer à ce terme (en lui-même irréprochable pour un démocrate) le sens infâmant qui est maintenant le sien) ; cela à seule fin, bien sûr, de pouvoir diaboliser comme « fasciste » ou « réactionnaire » toute inquiétude ou perplexité du peuple à l'endroit des décisions qui modifient sa vie, et que prend l'oligarchie régnante dans le silence de ses bureaux, après consultation de ses prétendus « experts ». (Jean Claude Michéa, Les intellectuels, le peuple et le ballon rond, Climats 1998)

ohh i need a dirthy w


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08/04/2010

thin ice of modern life

ya des jours comme ça. rien à faire. et rien à dire.