21/12/2007
Anomie.
J’ai un vieux patient- je suis médecin- que je vois de temps à autre, économiste brillant, érudit, qui passe le plus clair de son temps depuis 50 ans à sillonner la planète, d’est en ouest et du nord au sud, pour conseiller les uns et les autres, chefs d’états et dirigeants divers. Cet homme de 80 ans, physiquement et intellectuellement toujours aiguisé connaît la plupart des hommes politiques occidentaux et non occidentaux de ce monde, souvent personnellement, et c’est donc toujours un plaisir de l’entendre parler de Chirac, Poutine, Merkel, Kadhafi ou Zapatero…Je me rappelle une discussion que nous avions eu lors de la dernière élection présidentielle en France au sujet de la culture historique et politique de nos candidats. Indépendamment de la confirmation de l’inculture crasse du couple Sarkozy- Royal, j’ai mesuré ce jour l’indigence culturelle de nos élites, nationales et européennes : « Quand j’évoque Alexandre ou Carthage, il ne savent simplement pas de quoi je parle ! », me dit-il en avouant prendre quelque plaisir à leur faire toucher du doigt leur ignorance coupable.
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Réactions édifiantes de nos élites intellectuelle et journalistique lors de la visite du leader Libyen ("bouffon totalitaire" selon Finkielkraut). Ce fils de bédouin, adepte du nationalisme arabe prononça un discours à Tombouctou en avril 2006 qui est particulièrement clair sur sa vision future de l’Europe et du monde. Finalement cet homme, représentant oh combien symbolique de la civilisation musulmane (en l’occurrence magrhebine) me paraissait bien plus respectable que nos droitdelhommistes professionnels. Pourquoi ? Parce que cet homme est logique avec lui même, car il sait, lui, qui il est (un autocrate musulman) et ce qu’il veut (une oumma planétaire). Et lui demander lors de sa visite en Europe d’adouber les droits de l’homme et le reste de nos valeurs occidentales (démocratie, compassion, sécularisation, etc..) me parait hallucinant de bêtise et de prétention. Bêtise car cela équivaut à lui demander de renier sa culture ; prétention car cela sous-entend la supériorité des valeurs occidentales sur celles de la civilisation musulmane. Au nom d’un universalisme qui ne dit pas son nom mais qui considère que certaines valeurs seraient supérieures et devraient naturellement s’imposer à toutes les civilisations, à tous les hommes. La doctrine philanthropique coloniale portée par Ferry et Jaurès ou Hugo n’est pas loin…Le « devoir des races supérieures d’aider les races inférieures, etc. » comme le dira Léon Blum dans son discours fameux à l’assemblée dans les années 30.
On aura compris que je ne suis pas un adepte de la théorie de Francis Fukuyama sur la fin de l’histoire et l’avènement d’un monde globalisé régi par la démocratie libérale occidentale… Au fond je crois, comme Huntington, que en deçà de considérations superficielles, idéologiques, politiques, économiques, ce sont des considérations culturelles, c'est-à-dire civilisationnelles, qui sont déterminantes et qui permettent d’expliquer, de prévoir, le comportement de chacun, dans sa sphère civilisationnelle.
D’où l’importance cruciale de pouvoir répondre à la question : qui suis-je ? Je crois que Mouammar Kadhafi sait très bien qui il est, et que nos dirigeants occidentaux, pour l’essentiel, ne savent plus du tout qui ils sont. Et par conséquent, ce qu’ils veulent.
C’est le concept d’anomie (du grec nomos, la coutume ou la loi), la disparition des valeurs communes à un groupe, à une communauté, à une région culturelle, comme disait Fernand Braudel pour définir le concept de civilisation.
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Dans le même ordre d’idée l’absence de référence au christianisme dans le préambule du TCE qui fut rejeté par les Français en 2005. Il ne s’agit pas ici bien sur de référence religieuse, mais historique. Un peu comme si l’on passait sous silence l’ensemble de notre héritage classique Grec et Latin. 2000 ans de christianisme ? Apparemment indigne de figurer dans l’histoire de notre civilisation européenne…
Malheureusement il n’y a que deux explications : les auteurs de ce texte sont incultes au point de ne pas connaître les apports -déterminants- du christianisme à la civilisation occidentale, et cela ne me parait plus impossible considérant l’expérience de mon vieux patient, ou bien les mêmes auteurs ont intégré dans leur réflexion l’islamisation croissante de ce continent, par le simple fait d’une immigration importante essentiellement en provenance de la sphère musulmane, et anticipent la contestation probable des futurs européens. Ce qui est un signe très sûr de veulerie. Qui ne trompe personne, et notamment pas les musulmans.
Pour ceux que la question de l'identité européenne intéresse (et comment ne pas l'être?), je signale l'ouvrage remarquable du philosophe Rémi Brague, La voie Romaine, qui montre entre autres, combien nous sommes toujours ces romains qui surent transmettre cet héritage classique -grec notamment- dans une perspective chrétienne.
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Au fond, la question la plus urgente que nous devrions nous poser est celle de notre identité. Sereinement. Dés lors que l’on y a répondu, la confusion disparaît.
Et Kadhafi est logiquement reçu en dirigeant d’un pays respectable, chargé d’histoire, représentant d’une culture différente de la notre mais cohérente et également respectable.
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Propos hallucinants, cela dit, de ce despote maghrébin lors d'une conférence donnée au Ritz devant un parterre de clowns invertébrés et tétanisés, à l'adresse des chrétiens: "la croix que vous portez n'a aucun sens et vos prières n'ont aucun sens, l'islam est la religion de Jésus, de Moïse et de Mahomet".
Bien sur non repris dans la presse conventionnelle. On imagine le tollé si Benoit XVI avait parlé pareillement des musulmans...Il n'y a évidemment d'offense aux croyants que lorsque ceux-ci sont musulmans.
Abbaye de Saint Félix de Montceau à Gigean (Hérault)
06:55 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : civilisation, huntington, fukuyama, occident, islam, kadhfi