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06/07/2008

Anarchist's story

« Parce que Kipling s’identifie à la classe des officiels, il possède une chose qui fait presque toujours défaut aux esprits « éclairés »- et c’est le sens de la responsabilité. Les bourgeois de gauche le détestent presque autant pour cela que pour sa cruauté et sa vulgarité. Tous les partis de gauche dans les pays industrialisés reposent fondamentalement sur une hypocrisie, car ils affichent de combattre quelque chose dont, en profondeur, ils ne souhaitent pas la destruction. Ils ont des objectifs internationalistes, et en même temps ils sont bien décidés à maintenir un niveau de vie qui est incompatible avec ces objectifs. Nous vivons tous de l’exploitation des coolies asiatiques, et ceux d’entre nous qui sont « éclairés » soutiennent que ces coolies devraient être libérés ; mais notre niveau de vie et donc aussi notre capacité de développer des opinions « éclairées » exigent que le pillage continue. L’attitude humanitaire est donc nécessairement le fait d’un hypocrite, et c’est parce qu’il comprenait cette vérité que Kipling possédait ce pouvoir unique de créer des expressions qui frappent. Il serait difficile de river le clou au pacifisme niais des Anglais en moins de mots que dans la phrase : « Vous vous moquez des uniformes qui veillent sur votre sommeil ! » Kipling, il est vrai, ne comprenait pas les aspects économiques des relations entre l’élite intellectuelle et les vieilles culottes de peau ; il ne voyait pas que si le planisphère est peint en rose, c’est essentiellement afin de pouvoir exploiter le coolie. Au lieu de considérer le coolie, il ne voyait que le fonctionnaire du gouvernement indien, mais même sur ce plan là, il saisissait exactement le mécanisme des relations : qui protège qui. Il percevait clairement que, si certains peuvent être hautement civilisés, c’est seulement parce que d’autres, qui sont inévitablement moins civilisés, sont là pour les défendre et les nourrir. »

Georges Orwell, Œuvres complètes, p186-187, cité par Simon Leys, Orwell ou l’horreur de la politique, p.48.

 Je devrais m’arrêter là. Pourquoi cet homme est-il si peu lu aujourd’hui, pourquoi son œuvre est-elle systématiquement réduite à 1984, cette critique hyper réaliste d’un monde totalitaire à venir qu’il écrivit au nom du socialisme, ce que ne comprirent pas- ou ne lui pardonnèrent pas nombre d’  « esprits éclairés », gardiens du dogme socialiste…

 Eric Blair, alias Georges Orwell, est mort de tuberculose à l’âge de 46 ans, en janvier 1950, dans un dénuement matériel et une solitude morale extrêmes, six mois seulement après avoir finit d’écrire 1984.

Il se définissait lui-même comme un anarchiste conservateur, et devint socialiste, comme on tombe en religion, après avoir été bouleversé par une plongée, en 1936, dans la condition ouvrière de l’Angleterre de l’entre deux guerres qu’il décrit dans The road to Wigan pier, ou il décrit l’accident d’une rencontre fortuite et déterminante : « (…) le train m’emportait à travers un monstrueux paysage de terrils, de cheminées, de tas de ferrailles, de canaux putrides, de chemins faits de boue et de cendre, tout piétinés d’empreintes de sabots. On était en mars, mais il avait fait affreusement froid, et partout élevaient encore des amoncellements de neige noircie. Comme nous traversions lentement les faubourgs de la ville, nous longeâmes d’interminables rangées parallèles de petits taudis grisâtres qui joignaient perpendiculairement le talus du chemin de fer. Derrière une de ces cahutes, une jeune femme était agenouillée sur les pavés, enfonçant un bâton dans un tuyau de plomb qui devait servir de décharge à un évier placé à l’intérieur, et qui, sans doute, s’était bouché. J’eus le temps de la détailler, avec son tablier qui pendait comme un sac, ses lourds sabots, ses bras rouges de froid. Elle leva la tête au passage du train ; un instant, je fus si prés d’elle que nous aurions presque pu nous regarder dans les yeux ; Elle avait un visage rond et pâle, le visage ordinaire et usé d’une fille grandie dans les taudis, qui a vingt-cinq ans mais en paraît quarante à force d’avortements et de travaux abrutissants, mais ce visage présentait, durant la seconde ou je l’entrevis, l’expression la plus désolée, la plus dénué d’espérance que j’ai jamais contemplée. Je saisis alors combien nous nous trompons quand nous disons : « Pour eux, ce n’est pas la même chose, ce n’est pas comme pour nous » - comme si les gens qui ont grandi dans les taudis ne pouvaient rien imaginer d’autre que des taudis ; En effet, ce que j’avais lu sur son visage, ce n’était pas la souffrance ignorante d’une bête. Elle ne savait que trop bien ce qui lui arrivait, elle comprenait aussi bien que moi quelle destinée affreuse c’était d’être ainsi agenouillée là, dans ce froid féroce, sur les pavés gluants d’une misérable arrière cour, à enfoncer un bâton dans un puant tuyau d’égout. » (1)

Une jeunesse malheureuse dans des internats sordides en décalage avec son origine bourgeoise mais désargentée, un engagement précoce dans la police coloniale en Birmanie qui va renforcer son anti colonialisme viscéral –sans tomber pour autant dans l’anticolonialisme réflexe comme on l’a vu plus haut, la guerre d’Espagne qui fut l’élément fondateur de sa vie et ou apparaît sa fascination pour le combat, les armes, la camaraderie virile, le courage physique dans un contexte chaotique séduisant pour cet anarchiste qui rêvait de construire le socialisme : « C’est en Espagne qu’il découvrit toute la férocité de la bête [la politique] : après avoir été blessé grièvement par une balle fasciste, il ne fut ramené à l’arrière que pour se voir aussitôt traqué par les tueurs staliniens moins désireux de défendre la République contre l’ennemi fasciste que d’anéantir leur alliés anarchistes. Renrér en Angleterre, quand il voulut témoigner de la manière dont les communistes avaient trahi la cause républicaine en Espagne, il se heurta aussitôt et durablement, à la conspiration du silence et de la calomnie, efficacement organisée par les commissaires du Komintern et tous leurs auxiliaires bénévoles de la gauche, qui, afin de pouvoir tranquillement et cyniquement récrire l’histoire, s’étaient bien juré de bâillonner les combattants revenus du front. » (2)

Singulièrement, son amour du socialisme, sa volonté de construire cette société progressiste, s’accompagnait d’une détestation sans mélange du totalitarisme –fasciste ou communiste, casus belli au yeux de nombreux « progressistes » complaisants avec le dévoiement totalitaire de l’idéal socialiste.

« Il y a des gens comme les végétariens et les communistes, avec qui il est impossible de discuter. » (3)

Animals farm, certainement son œuvre la plus parfaite, satire de la révolution Soviétique, écrite en moins de quatre mois de novembre 1943 à février 1944, offensante envers l’allié Soviétique, fut l’objet d’une censure durant plus d’un an et demi de la part des grands éditeurs, sur instruction du ministère de l’information…

Un demi siècle après sa mort, en 1996 puis en 2002, Orwell fut victime d’une campagne calomnieuse organisée par quelques staliniens relayée en Angleterre par le Daily Télégraph et en France par le Monde, visant à le présenter comme un informateur de la police en pleine guerre froide, ce qui suffit à montrer quelle menace encore bien vivante Orwell représente pour les ennemis de la vérité.

 

(1)   G Orwell, in Simon Leys, Orwell ou l’horreur de la politique, p31.

(2)   Simon Leys, Ibid, p 58.

(3)   G Orwell, Ibid, p.97.

 

03/07/2008

Tempérer la démocratie?

Gaston s’interroge ici sur la pertinence de la démocratie sous nos latitudes.

Athenesdemocratie.jpg Il est vrai que les projections démographiques décrites sont inquiétantes du fait de la forte probabilité d’apparition à court terme de majorités d’origine extra européenne dans certaines villes, voire dans certains pays européens.

Il est vrai aussi qu’un régime politique qui se résume pour le citoyen à un choix entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy pour la magistrature suprême ne peut faire l’économie d’une réflexion sur sa capacité à sélectionner une élite politique.

Il est vrai enfin qu’une Union Européenne qui dénie aux peuples qui la composent le droit de s’exprimer et qui, lorsque cela se produit quand même par accident ou particularité constitutionnelle de tel ou tel pays, bafoue ce droit pourtant élémentaire en niant la souveraineté populaire assimilée à du populisme ou en affirmant un méprisable besoin de pédagogie peut prêter à sourire. Ou à tout casser. Pour reconstruire.

 

 Alors ? Monarchie, aristocratie ou démocratie ?

Au sortir du Moyen-Âge, durant la Renaissance, la cité antique était à la mode et considérée comme un modèle indépassable ; il était bien vu de prôner un retour aux temps –supposés héroïques- de Sparte ou de Rome, de tout subordonner au bien de la cité.

Nos philosophes des Lumières ™, Rousseau, Voltaire ou Montesquieu mettaient par-dessus tout la lecture des historiens Romains, comme Plutarque, ou Grecs, comme Thucydide.

« D’un homme qui se désintéresse des choses de la Cité, nous ne disons pas qu’il se consacre tranquillement à ses propres affaires, nous sommes les seuls à penser qu’il ne sert à rien. » (1)

Par cette brutale admonestation, rapportée par Thucydide, Périclès -alias tête d'oignon- exprime l’idéal social des cités antiques. Ce n’est que dans la citoyenneté que s’épanouit l’homme libre. Hors de la cité, l’homme ne sert à rien. Il n’existe pas de société civile, tout est politique.

 

C’est aussi le point de vue de Platon, disciple et biographe de Socrate, qui exerça –et exerce toujours- une durable influence sur la pensée occidentale. La cité idéale de Platon est une caserne communiste ou la vie privée n’existe pas. Là ou les philosophes sont rois, chacun doit obéir à leurs décrets sans appel. La société n’est pas distincte de l’Etat.

Célibataire endurci, Platon (contrairement à son maître qui aima de prés le bel Alcibiade) était convaincu que la famille, la propriété et les autres institutions de la vie privée développent les intérêts particuliers, au détriment de la cité. Ainsi, afin de ne pas former de liens particuliers, les soldats gardiens de la cité, doivent ne pas avoir de biens propres, ni de famille. Ils doivent prendre leurs repas en commun, comme c’était le cas à Sparte, et se consacrer à plein temps à la défense de la patrie.

 

Aristote, qui fut vingt ans élève de Platon avant d'être, quelques années durant, le précepteur du futur Alexandre de Macédoine, partage son mépris du travail, du commerce et de l’activité économique en général ; car les gains des uns ne peuvent se faire qu’aux dépens d’autres hommes, explique-t-il dans son traité intitulé Politique. Dés les premières lignes, il annonce que les affaires de la cité doivent passer avant toutes les autres, puisqu’il existe « une société particulière qui domine et inclut toutes les autres, et tend donc vers le plus important de tous les biens. Cette société qui domine et englobe le plus est la cité (polis), comme on l’appelle, ou société politique. »

C’est là la société par excellence qui peut, selon Aristote, être gouvernée de trois manières : par un roi, les grands ou le peuple. Ces trois formes de gouvernement, monarchie, aristocratie ou démocratie, peuvent chacune apporter le bonheur, but de la politique, mais elles peuvent aussi dégénérer respectivement en tyrannie, oligarchie et démagogie. La meilleure constitution doit mélanger ce qu’il y a de meilleur dans la monarchie, l’aristocratie et la démocratie. Après Aristote, toute l’antiquité rêvera de trouver la formule magique d’une idéale constitution mixte.

L’Occident a longtemps vécu sur cet idéal antique d’une constitution mixte. C’est aussi ce que souhaite Montesquieu, et certains pensent encore aujourd’hui qu’il faut tempérer les excès, toujours possibles, de la démocratie. C’est pourquoi ont si longtemps subsisté en France les dispositions de la constitution de 1875, fixant à sept ans le mandat du président de la république et à neuf ans celui des sénateurs.

C’est aussi pourquoi beaucoup se sont opposés à l’élection du président de la république au suffrage universel. C’est encore pourquoi le général de Gaulle voulait que le sénat, cette aristocratie, fasse place à des syndicalistes et à d’autres forces vives de la nation, à coté des élus du peuple. Sa tentative de tempérer la démocratie fut, on le sait, désavouée par le référendum populaire de 1969.

Plus tard, Saint Augustin, partageant le pessimisme et la méfiance envers la politique des Grecs et des Romains va bouleverser cette quête du régime politique idéal en imposant l’idée –révolutionnaire- que l’histoire est faite de deux cités qui coexistent, celle du Diable et celle de Dieu. Sans le Christ, l’histoire n’est que vol et rapine. Il en donne pour exemple l’anecdote ou Alexandre le Grand demande à un pirate prisonnier pourquoi il estime avoir le droit de s’approprier le bien d’autrui. Ce dernier lui répond : « Pourquoi donc t’empares-tu de toute la terre ? Parce que je vole au moyen d’un petit bateau, on m’appelle pirate ; mais toi qui a une grande flotte, on t’appelle empereur ! » (2) Pour Saint Augustin, seule la grâce divine peut libérer l’homme des horreurs de l’histoire car, même quand le monde est gouverné par des princes chrétiens, selon des lois chrétiennes, rien ne peut être mené à bien sans la grâce. Hors du Christ, il n’y a pas de société civile…

Cette recherche d’équilibre entre pouvoir spirituel et temporel, l’un modérant l’autre, est l’invention originale et capitale de la chrétienté latine.

 
Voilà qui complique la recherche d’un régime politique tempéré…Ou bien qui la simplifie …

 

(1) Périclès, Brulé, Gallimard 1994, p155.

(2) Saint Augustin, Oeuvres, Lucien Jerphagnon, Gallimard, p.72. 

02/07/2008

Désinformation

« Evoquant cette opération au Kosovo, le Journal Du Dimanche du 6 juin 1999 exultait : « C’est la première victoire de la première guerre sans arrière pensée économique, sans odeur de pétrole, sans dispute de territoires, sans volonté impérialiste, sans idéologie, sans Dieu. La première guerre désintéressée. » Il est difficile d’aligner plus de contre vérités, car aucune de ces affirmations n’est conforme à la réalité. Ce ne fut pas une victoire des coalisés puisque ceux-ci s’inclinèrent devant la résistance de Belgrade en renonçant aux exigences qu’ils avaient formulées à Rambouillet. Et nombreuses ont été les arrières pensées à l’origine de la balkanisation des Balkans. En Allemagne, il s’agissait de faire payer aux Serbes leur attachement à la cause des Alliés et leur contribution aux défaites de la Wehrmacht devant Moscou et Leningrad. Et aussi récompenser les Croates et le Bosniaques musulmans qui s’étaient rangés aux cotés du troisième Reich, tout en étendant au sud-est de l’Europe l’influence politique et économique Allemande. Aux Etats-Unis, l’occasion avait été offerte de démontrer la faiblesse des états européens, incapables de régler les affaires de leur continent, ce qui justifiait le maintien de l’OTAN, et même son extension vers l’est et le sud de l’Europe. Washington y gagnait également d’installer ses troupes en Macédoine et au Kosovo, non loin du tracé d’un futur oléoduc acheminant en mer Egée le pétrole de la Caspienne…Autre avantage, s’attirer les bonnes grâces de l’Islam pétrolier en ré islamisant une vaste portion des Balkans par le soutien accordé aux Bosniaques musulmans et aux Albanais. Mises à part ces démarches convergentes, toutes intéressées, cette guerre aurait été humanitaire, désintéressée ! Il arrive trop souvent, en France, qu’il faille se contenter d’une désinformation dont on ne sait si elle relève de l’ignorance ou du calcul, si elle est naïvement stupide ou si elle rapporte à ceux qui la propagent. »

 
Général PM Gallois, Réquisitoire, L’âge d’homme, 2001, p78.

 

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01/07/2008

L'islamisation de l'Europe

Au milieu des années 80, l'ancien guide spirituel du Hezbollah, Hussein Moussaoui, déclarait : " Vous Français, vous ne connaîtrez peut-être pas dans votre génération la République islamique de France. Mais, c'est sûr, vos petits-fils ou encore vos arrière-petits-fils la connaîtront. Inch'Allah ! Car l'Islam, c'est bon pour tout le monde." Tout aussi confiant, l'ex-Président de l'exécutif des Musulmans de Belgique, le converti Yacine Beyens, proche des Frères musulmans, déclarait dans L'Express du 18 février 1999 : "Les Musulmans doivent faire preuve du plus grand pragmatisme (...…). Le Coran dit qu'il faut procéder par étapes et tenir compte du contexte". Plus récemment, le communiqué des Brigades Abou Hafs Al Masri revendiquant au nom d'Al Qaïda les attentats du 11 mars 2004 en Espagne affirmait régler « de vieux comptes » avec l'Espagne « en guerre contre l'Islam », et que la colère des Moudjahiddines serait calmée lorsque l'Espagne redeviendrait musulmane... Il est vrai que depuis la perte de l'Andalousie en 1492, l'Espagne demeure, à l'instar d'Israël ou de la Sicile, une terre « usurpée » qui doit revenir à l'islam de gré ou de force. Selon cette vision: l'Europe n'aura jamais vraiment la paix avec le monde islamique tant qu'elle ne sera pas « revenue à l'Islam ».

On serait en droit de mettre ces déclarations sur le compte de l'exaltation ou du fanatisme. Mais ce serait oublier que les Islamistes comptent d'abord sur le temps. D'après eux, les conversions à l'Islam chaque jour dans le monde, ainsi que la forte natalité musulmane, jouent en faveur de l'islamisation. Se référant au « retour à l'islam » - entre 1948 et 1999 - de pays comme le Pakistan, le Kosovo, l'Albanie, la Bosnie Herzégovine, le Nord de Chypre, sans parler de pays musulmans libérés du joug colonial, les islamistes ne sont pas forcément irréalistes lorsqu'ils envisagent d'autres « retour à l'islam ». Ils se rappellent seulement qu'aucune civilisation n'est immortelle. Loin d'être absurdes, les déclarations des nouveaux totalitaires islamistes envisageant de conquérir l'Occident sont un « carburant idéologico religieux » à prendre d'autant plus au sérieux qu'il est alimenté par un carburant réel, les réserves d'hydrocarbures, que le monde islamique détient à près de 75 %, véritable « Miracle d'Allah ».


Désormais, non contents d'observer la progression de l'Islam dans les démocraties occidentales, les Etats islamistes (Iran, Arabie saoudite, Pakistan) et les Organisations comme la Ligue Arabe, la Ligue Islamique Mondiale ou la Conférence islamique - liées aux pétromonarchies – exercent des pressions de plus en plus fortes sur les chancelleries occidentales, exigeant, sous peine de représailles (attentats annoncés par Al Qaïda d'un côté, boycotts commerciaux ou chantage pétrolier de l'autre) - et sous couvert de « dialogue des civilisations » -, que le « délit de blasphème » et d'autres dispositions liberticides de la Charia (la loi islamique) soient intégrées dans les juridictions nationales et internationales (Cour européenne des droits de l'Homme et Conseil de l'Europe). C'est en tout cas ce qu'a proposé l'actuel dirigeant turc de la Ligue Islamique Mondiale en guise « d'arrangement » au « Monsieur PESC », Javier Solana.
Cette exigence n'a rien d'étonnant, car l'Islam orthodoxe (figé depuis le XIème siècle) est une « religion politique » considérant la société musulmane (la Oumma trans-frontières) comme « La meilleure société suscitée parmi les Hommes » (Coran III, 103) dont le devoir est d'« interdire le Mal et commander le Bien », partout et en tout lieu, de gré ou de force, ou par « étapes », suivant les circonstances et les opportunités.


Dans le cadre de cette impératif de « prosélytisme politico-religieux », les minorités musulmanes installées dans les pays « infidèles » convoités, véritables parcelles extérieures de la Oumma supposées « persécutées », sont des proies toutes choisies pour les nouveaux conquérants d'Allah qui ambitionnent de les instrumentaliser, ce qui rappelle la politique des Sudètes du Troisième Reich : l'expansionnisme au nom de l'irrédentisme.
Aussi, avec l'affaire des « caricatures de Mahomet », survenue en février 2006, une étape supplémentaire a été franchie, depuis la première grande attaque liberticide planétaire dite des Versets Sataniques contre Salman Rushdie et même depuis le 11 septembre 2001 :
Dans ce projet de conquête, les « buts de guerre » des islamo totalitaires consistent à:
1/ empêcher l'intégration des Musulmans et édification de « ghettos volontaires » après avoir obtenu des droits d'exception pour l'Islam.
2/ conquérir l'Occident à partir des minorités embrigadées puis islamiser à terme l'Europe.
D'évidence, les différentes « affaires du voile » ou des « caricatures » ne sont pas nées ex nihilo à partir du mécontentement spontané de travailleurs immigrés musulmans lambda. Elles ont été orchestrées par des organisations islamiques locales liées aux grands pôles mondiaux de l'islamisme au terme d'une véritable campagne de démonstration de force et à partir de chocs spectaculaires provoqués dans l'opinion publique. Les conséquences ont été le boycott du Danemark dans les pays musulmans, les plates « excuses » des dirigeants européens, Silvio Berlusconi compris, la condamnation du blasphème par les Etats-Unis, les leçons de morales du Premier Ministre turc Erdogan conseillant avant même d'intégrer l'UE que celle-ci limite la liberté d'expression en matière de religion, et une crise sans précédents entre l'UE et le monde islamique, avec à la clé des centaines de morts de par le monde, du Pakistan au Nigeria en passant par la Libye.
A la stupéfaction des citoyens du Royaume, les Imams danois proches des Frères musulmans et censés « représenter » l'Islam du pays, n'ont pas hésité à brûler le drapeau à la croix blanche devant les caméras du monde entier et à embraser la planète après avoir porté l'affaire jusqu'en Arabie saoudite, à l'Université Al Azhar en Egypte et auprès de la très puissante Conférence islamique (OCI, véritable « ONU de l'Islam »). Une banale affaire de caricatures qui aurait dû rester insignifiante si l'Islam danois n'avait pas été abandonné aux extrémistes des années durant. Erreur reproduite partout ailleurs en Europe à des degrés divers, y compris en France avec le CFCM, qui a donné la part belle aux islamistes pro saoudiens et pro frères musulmans de l'UOIF ou de la FNMF, lesquels se présentent désormais comme les seuls forces capables de rétablir un ordre dans les Banlieues. En réalité, une Pax islamica qui risque un jour de coûter très cher à la République démissionnaire…
Mais le fait que l'affaire ait été montée en épingle dans les mêmes termes par les entités islamiques « respectables » comme les pétromonarchies du Golfe, la Ligue islamique mondiale, la Ligue arabe ou même l'Egypte, comme par celles, menaçantes ou terroristes, comme Al Qaïda ou l'Iran, montre que le troisième totalitarisme n'est pas une simple dérive ultra minoritaire discréditant « une religion de paix ». A force de fanatisation, d'infiltration et de surenchères démagogiques des pouvoirs en place surfant sur l'anti-occidentalisme, l'islamisme a en réalité un pied dans le maquis salafistes et l'autre dans les Palais de Djeddah et les Chaires d'Al Azhar… Il est hélas de plus en plus populaire, victorieux électoralement et légitimé.


Même s'il est vrai que la plupart des Musulmans du monde aspirent au départ à la paix et sont individuellement aussi «aptes » à la Modernité que d'autres groupes, l'Europe ne leur rend pas service lorsqu'elle se refuse à identifier dans l'islamisme non pas un simple « extrémisme » « hérétique », mais, comme le dit le Recteur de la Mosquée de Marseille, une « tumeur à l'intérieur du corps de l'Islam », puisant de surcroît dans l'orthodoxie musulmane jamais réformée, ou comme le dit Abdelwahhab Medeb, une « maladie de l'Islam » qui est en train de gangrener la rue comme les élites musulmanes : réislamisation des tribunaux et des lois en Egypte ; progression ou victoire électorale des Frères musulmans en Jordanie, en Egypte, en pays palestinien ou au Koweït et au Maroc, consécrations électorale des Islamistes anti-kémalistes turcs ; lois d'amnistie des bourreaux du GIA et respectabilisation des Frères musulmans à Alger sur fond de lutte contre les Kabyles et la francophonie ; progression de l'islamisme anti-noir animiste et anti-chrétien en Afrique centrale, en Indonésie ou en Malaisie, ancienne « périphéries inoffensives de l'Islam » ; rebellions islamo irrédentistes en Thaïlande du Sud, dans les Balkans, en Chine (Xinjang) ou même en Côte d'Ivoire, pays un peu hâtivement lâché par Paris et aux prises avec une rébellion islamique du Nord comme par hasard appuyée par la Libye, l'Arabie saoudite et les Etats Musulmans voisins jaloux de la prospérité chrétienne ivoirienne ; etc.
N'en déplaise aux « experts » pronostiquant l'essoufflement du Jihad et assurant que les Islamistes ne sont qu'une minorité désespérée, révoltée contre le capitalisme, « l'impérialisme américain » ou « l'injustice » en Palestine ; l'Europe prétend ne pas avoir d'ennemis, mais le nouveau nazisme vert projetant d'en finir avec les Juifs, les Croisés, les Infidèles et toute forme d'occidentalisme, lui a déclaré la guerre sur son sol comme partout dans le monde.

Quel avenir pour l'Europe ? Islamisation ou Dhimmitude ?

Au train où vont les choses, à mesure que les mouvances islamistes parviendront à recruter de nouveaux militants radicalisés dans les quartiers sensibles à forte population immigrée, des islamistes refuseront de plus en plus l'enseignement public officiel « impie », puis les lois non chariatiques des Etats d'accueil, sous prétextes d'affaires de « blasphèmes », « d'islamo phobie » ou de « droit à la différence ». Signes avant coureur : plus les voitures brûlent dans les cités, plus les attentats islamistes frappent l'Europe, plus le néo-racisme islamiste menace Juifs et Chrétiens dans les « banlieues de l'Islam » comme en Turquie ou en Irak, et plus d'autres islamistes adhérant à la même doctrine salafiste que les Jihadistes sont courtisés, reconnus, et institutionnalisés, à Londres (avec Tariq Ramadan « conseiller du Gouvernement ») à Paris, avec les Frères musulmans de l'UOIF remerciés pour leur fatwa condamnant le (« désordre ») ou pour leur bons offices auprès des preneurs d'otages irakiens…
A l'intérieur de l'Europe, ce rapport de force risque à terme de se traduire par une « libanisation » croissante des sociétés européennes. Particulièrement dans les grandes villes où les populations en voie de réislamisation, instrumentalisées par les islamistes, reconstituent les modes de vie islamiques à l'intérieur de « ghettos volontaires » où la police et l'Administration nationale sont considérées comme des structures « impies ». Le communautarisme et le « droit à la différence » ont-ils vocation à saper les fondements des Etats-nations, unités de base de la démocratie ? L'Europe a-t-elle vocation à se soumettre à la théocratie islamique et doit elle renoncer à défendre son identité, ses valeurs, ses frontières, en intégrant, parallèlement à cette islamisation masquée derrière la lutte contre « l'islamo phobie », la Turquie dans l'Europe, facilitant ainsi les dessins des Islamistes, jurant qu'elle n'est pas un « club chrétien » ?...


par Alexandre del Valle, géopolitologue et auteur, notamment, du Totalitarisme islamiste à l'assaut des démocraties et du Dilemme turc (Les Syrtes).

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