28/06/2014
Les merguez, c'est maintenant! Apologie de la sécession.
Depuis que la gauche n’est plus socialiste et, dans son abandon de la critique sociale d’un monde désormais régi par les seules règles d’airain du capitalisme globalisé, s’est faite, sans trop d’efforts, l’ambulance de ce dernier, elle se condamne, années après années, à ne plus produire en fait de programme politique que quelques mesures sociétales parfaitement secondaires mais à même de faire tourner les moulins à prières du landernau médiatique et politique.
Ainsi, le spectacle politique n’est-il plus occupé, en général, que par des débats parfaitement secondaires tels la « dépénalisation » de telle ou telle drogue ou addiction, le « mariage homosexuel », l’ »homoparentalité » (cet oxymore), ou la parité « homme-femme » d’une classe politique toujours plus servile et abjecte, tendue vers le seul objectif de se payer sur le dos du peuple qu’elle est censée représenter.
Aux formidables avancées sociétales et/ou culturelles d’une gauche qui n’en est plus (et vécues comme des « résistances » à un ordre moral et symbolique patriarcal, clérical et militariste toujours plus évanescent) répondent les spectaculaires transgressions économiques d’une droite qui n’en est plus non plus car désormais ralliée à la seule défense de ses intérêts de classe depuis son adoption en bloc de la vulgate bourgeoise et son obsession de l’argent et de la représentation sociale. Dans cette seule perspective d’unification juridico-marchande de sociétés autonomes et auto-instituées, toute référence publique à des valeurs ou codes moraux, philosophiques ou religieux communs est désormais proscrit au profit du seul marché extensif (et ses malls climatisés peuplés de zeks) encadré du seul droit procédural (et ses cohortes d’avocats marrons toujours prompts à faire valoir les droits naturels et positifs de chacun contre les mêmes de son voisin dans une ambiance de guerre de tous contre tous très bien décrite dans le Léviathan de Hobbes, qui n’était pas précisément optimiste sur l’avenir de nos sociétés libérales.
Parmi ces questions sociétales secondaires si parfaitement mises en avant par le Spectacle afin de masquer l’abandon des vraies questions, figure le « vote des étrangers », que ne cesse d’agiter la chapelle progressiste, les uns (tendance Inrocks/Libé/Télérama) préoccupés de voir leur électorat populaire/ouvrier/prolétaire leur cracher à la gueule et pressés de se reconstituer un électorat de substitution, les autres (tendance La Tribune, Valeurs actuelles), impatients d’agiter quelques hochets traditionnels prompts à tromper les couillons dans une fiction d’alternance politique rejouée depuis quelques générations maintenant.
Or sans forcément remonter à Aristote (3) qui énonce clairement dans son livre politique les conditions de la paix civile (« partager des valeurs civilisationnelles communes), on peut s’arrêter à Castoriadis, fidèle d’Aristote et des Lumières, revenu de l’illusion léniniste et trotskyste mais nullement dupe de la forme envahissante de nos sociétés libérales qui mettait en garde contre les «bavardages sur la coexistence de n'importe quelle culture dans la diversité», estimant que le problème posé par l'immigration n'était pas (contrairement à la doxa libérale mais aussi marxiste) «économique», mais «profondément politique et culturel». Bong ! En outre, évoquant la «fermeture des sociétés islamiques» sous l'influence d'une «religion qui veut toujours régenter la société politique et civile au nom d'une loi révélée», et ne prenant pas plus de gants avec les intégristes qu'avec les staliniens ou les néolibéraux, il réfutait le victimisme musulman, qu'il sentait croître, comme une «mythologie grotesque» et antihistorique et il considérait que «les musulmans ne peuvent vivre en France que dans la mesure où, dans les faits, ils acceptent de ne plus être des musulmans sur une série de points (droit familial, droit pénal)».
En considérant l’irruption massive de peuples étrangers nullement désireux de se dépouiller d’une partie d’eux-mêmes (et au contraire prompts à revendiquer toujours plus de privilèges -lex privata- et d’ « accommodements raisonnables » en rupture avec la tradition républicaine d’égalité devant la Loi mais encouragés en toutes occasions par la même chapelle progressiste/libérale au nom d’une « laïcité ouverte ») dans nos sociétés d'abondance marquées par la «montée de l'insignifiance» liée à la «transformation des humains en machines à produire et à consommer» comme à la dépolitisation des existences individuelles ou à la soumission à un «conformisme généralisé» et à une marchandisation sans limites aboutissant à une «décomposition des sociétés occidentales» («la privatisation, l'apathie, l'inimaginable dégradation du personnel politique» (1)) on ne peut raisonnablement, à moins d’être croyant, imaginer meilleure fenêtre sur le chaos à venir.
Ainsi, que ce soit par calcul politique à court terme, par simple ignorance ou par soumission au credo progressiste enjoignant de déconstruire tous les rapports sociaux, traditionnels et figés, avec leur cortège de conceptions et d'idées antiques et vénérables (2),nos modernes en arrivent à imposer, à ré-introduire dans le champ politique contre le simple bon sens mais aussi contre toute une tradition de la pensée du Politique, les conditions propres à toute guerre civile de religion. Le paradoxe étant que cette tradition philosophique libérale, (éminemment importante, nous sommes TOUS des libéraux sans avoir lu Constant de même que nous sommes tous également cartésiens sans avoir lu Descartes ou chrétiens sans croire ni pratiquer, nous autres européens de souche ou de tradition) est le propre de philosophes qui, après deux siècles de guerres de religions qui déchiraient le corps social jusqu’au sein des familles, voulaient absolument immuniser la société contre cette abomination.
(1) Une société à la dérive. Entretiens et débats 1974-1997, Cornelius Castoriadis.
(2) « La bourgeoisie...partout ou elle a conquis le pouvoir, a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissaient l'homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du paiement au comptant. Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité naïve dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange ; elle a substituée aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce. La bourgeoisie a dépouillée de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque là pour vénérables et qu'on considérait avec un sain respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages. La bourgeoisie a déchiré un voile de sentimentalité qui recouvrait les situations de famille et les a réduites à n'être que de simples rapports d'argent...[...] La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les conditions de la production, c'est-à-dire tous les rapports sociaux ; Tous les rapports sociaux, traditionnels et figés, avec leur cortège de conceptions et d'idées antiques et vénérables, se dissolvent ; ceux qui les remplacent vieillissent avant d'avoir pu s'ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s'en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés, enfin, d'envisager leurs conditions d'existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés. Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s'implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations ; Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l'industrie sa base nationale, Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore tous les jours.» Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, 1848.
(3) « L'absence de communauté nationale est facteur de guerre civile, tant que les citoyens ne partagent pas les mêmes valeurs de civilisation. Une cité ne se forme pas à partir de gens pris au hasard, et elle a besoin de temps pour se coaguler. C'est pourquoi, parmi ceux qui ont accepté des étrangers pour fonder une cité avec eux, et pour les intégrer à la cité, la plupart ont connu des guerres civiles. Par exemple, les tyrans de Syracuse, en ayant naturalisé les immigrés, ont dû subir des révoltes. Citoyens et étrangers en sont venus à se combattre. » (Aristote, Politique, Livre V)
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"(...) Julien Freund: "Comme je l'ai souligné dans ma Sociologie du conflit, il y a deux conditions pour qu'une crise dégénère en conflit. D'abord que s'affirme une bipolarisation radicale ; enfin, que le tiers s'efface. Tant que le tiers subsiste et parvient à affirmer son autorité, il n'y a guère de risque que la crise ne débouche sur un affrontement. Dans la société, la crise est une occurrence banale tant qu'il y a inclusion du tiers ; le conflit n'intervient qu'avec son exclusion. C'est cette exclusion qui est polémogène. Dans la situation présente du pays, le tiers est constitué par l'Etat et les différentes institutions qu'il patronne, comme l'école par exemple dont nous avons parlé, or non seulement l'Etat est frappé par la déshérence du politique, ce qui signifie qu'il se déleste de sa fonction cardinale qui est de pourvoir à la sûreté de chacun, mais les institutions subissent une sorte de pourrissement qui les rend de plus en plus inaptes à manifester leur vocation spécifique... Une distance culturelle qu'on ne parvient pas à combler entre l'immigration musulmane et le milieu d'accueil avec un danger de surchauffe violente, et un tiers en voie de dissolution ; cela, voyez-vous, me fait craindre le pire pour les années à venir.
Pierre Bérard. - Les libéraux pensent que c'est le marché qui est intégrateur.
J.F. - Le goulag en moins, ce qui n'est pas mince, c'est une utopie aussi dangereuse que celle des Léninistes.
P.B. - L'ignominie du communisme, c'est qu'il a fini par rendre le libéralisme désirable! (...) "Conversation avec Julien Freund, Pierre bérard.
effacement du tiers..
20:08 | Lien permanent | Commentaires (149) | Tags : aristote, freund, castoriadis
16/06/2011
retour des clivages
(par François MARTIN du Midi Libre)
Il était temps! Gauche et droite face à face. Un camp contre l’autre. Projet contre projet. Le mariage des homosexuels. La politique fiscale. La stratégie énergétique. La lutte contre l’insécurité... La campagne présidentielle a enfin démarré. Elle apporte un vent frais dans le tumulte des petites phrases anodines, des guerres picrocholines... Bien sûr, surgit également la pratique des boules puantes. Celle des chausse-trappes. Des vrais faux scandales. Le cas Luc Ferry, l’exemple de Jack Lang, le dérapage contrôlé de Chirac... Néanmoins, les débats et l’affrontement des idées sont revenus. Regardez la loi sur le mariage homosexuel. La droite revendique ses valeurs. Défend des positions conservatrices. Comme à l’époque du Pacs... La gauche prend le contre-pied en s’engageant pour demain. Tandis que l’extrême droite plonge dans l’outrance. Ouvrez le dossier fiscal ou celui du nucléaire. Là aussi, les avis divergent, évoluent ou se tranchent à la hache. Il était de bon ton de renvoyer dos à dos droite et gauche. De les mettre dans le même panier de crabes. Les populistes de tout poil et les déclinologues patentés en seront pour leur frais. Le retour des clivages est une excellente nouvelle. Avant tout pour la démocratie. »
Ha, ha ! j’adore ce genre d’édito grotesque. Pauvre françois Martin, je te prédis une brillante carrière journalistique et une belle pelure de lemming ! Mais afin de mieux saisir l’ampleur de ton dérisoire « retour des clivages » tu pourrais jeter un œil à la liste des habitués du Siécle ou bien à la façon dont votent nos députés de « gauche » et de « droite » au parlement européen…ça donne une bonne idée de cette « démocratie » en forme de cage d’acier que tu portes au pinacle, petit pitre.
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« Mariage homosexuel : "pourquoi pas la polygamie !", demande Marine Le Pen
Parmi "les règles de notre société", "le mariage s’effectue entre un homme et une femme", a déclaré Mme Le Pen sur France Inter. (...) "Je ne pense pas qu’il soit positif de changer cette règle, parce que si on part de ce principe, on peut aller à la limite très loin dans la modification de notre civilisation", a-t-elle jugé. (...) "Pourquoi pas l’autorisation de la polygamie !", a-t-elle poursuivi. "Il existe des familles polygames, pourquoi est-ce que demain un certain nombre de groupes politico-religieux ne demanderaient pas que la polygamie, sous prétexte d’égalité des droits, soit inscrite dans le code civil français ?", a-t-elle ajouté. "Et bien, c’est une autre civilisation", a-t-elle estimé.
(...) "On peut décider pourquoi n’a-t-on le droit de se marier qu’avec un homme, et pas avec plusieurs ? Et vous aurez des gens qui le demanderont", a-t-elle assuré. Mme Le Pen a également réaffirmé qu’elle était "contre le droit d’adoption" pour les homosexuels. »
MLP, qu’il est de bon ton de faire passer pour une débile profonde ou une FAF pointe là un point clef de nos sociétés modernes nommées « démocraties libérales » (point évidement soigneusement écarté par nos modernes au profit de l'incontournable LUTTE CONTRE TOUTES LES DISCRIMINATIONS): à savoir que dés lors que nos sociétés ne sont plus régies par aucune morale religieuse, philosophique ou politique commune hormis la toute-puissance du marché (ce « doux commerce ») et le droit procédural (sorte de code de la route censé, non pas dire le Bien mais le Juste, c'est-à-dire éviter aux individus de trop se cogner entre eux), ABSOLUMENT RIEN n’est plus là pour borner l’extension infinie de nouveaux droits (des « combats » ou une « résistance à l’ordre moral » dirait un journaliste de Midi Libre ou de Télérama), par nature transgressifs et opposables, matière à une judiciarisation sans fin de nos sociétés (la « guerre de tous contre tous » disait Hobbes, l’«envie du pénal » pour Murray). L’ajustement se faisant au gré des campagnes d’opinions, des sondages ou de la puissance relative de lobbys souvent aussi minoritaires qu’agressifs et, donc, médiatisés… (ACT UP, INDIVISIBLES, INDIGENES, etc.).
Médiatisation encore bien obscure pour certains :
« Dans une interview au quotidien d’Edouard de Rothschild (Libération, 10 février 2007), l’inimitable Eric Fassin s’extasie devant l’enthousiasme dont les maigres troupes du « réseau éducation sans frontières » sont devenues l’objet, et en un temps record, de la part des médias officiels (et donc également des stars du show biz) : « Dans un contexte de dérive droitière –écrit-il- qui aurait imaginé le succès de RESF ? » Soit. Admettons que notre brillant universitaire n’ait pas beaucoup d’imagination (il lui en avait fallu, pourtant pour avancer son célébrissime « On ne naît pas noir, on le devient ! »). Mais dans ce cas précis, c’est tout de même inquiétant : il suffisait, en effet, à Eric Fassin de savoir lier logiquement ses deux affirmations : c’est précisément parce que le libéralisme économique est devenu tout puissant que le réseau est aussi médiatisé. » (Jean Claude Michéa, La double pensée, 2008)
Id est, lorsque les néo-français d’origine africaine et/ou de culture/religion musulmane seront non pas 5 ou 7 millions mais 10, 15 ou 25, rien n’interdira au législateur de se pencher sur la question de la polygamie, de l’institution de tribunaux communautaires islamiques, de la légalisation de pratiques rituelles ancestrales comme l’infibulation ou la lapidation de femmes adultères, voire un moratoire sur les crimes d’honneurs (ou une mission de réflexion).
J’évoque la question de l’islam parce qu’elle nous touche directement mais je ne vois pas en quoi le débarquement de plusieurs millions d’Ossètes ou de Thaïs ne produirait pas le même effet destabilisant: la question centrale reste, non pas la nature intrinsèque de l’islam et sa « compatibilité » avec nos sociétés laïques mais le NOMBRE d’allogènes et la rapidité du phénomène migratoire (un millions de musulmans ne posent pas problème, cinq ou quinze oui).
Sur le fond la question incontournable reste de savoir ce qui rend possible la vie en communauté et limite le risque de guerre civile idéologique: à mon humble avis, des "valeurs civilisationnelles communes" (Aristote), ce que ne sont ni le marché ni le droit, à l'évidence.
23:13 | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : aristote, michéa, le pen, midi libre, fassin
02/02/2010
portrait du sociopathe
« ... certains sont conduits à penser que gagner une fortune est l'objectif du chef de famille, et que ce qui donne sens à leur vie est d'augmenter leur fortune de manière illimitée, ou en tout cas de ne pas la perdre. La source de cette manière de voir est qu'ils se préoccupent uniquement de vivre et non pas de vivre bien, et comme ils constatent que leurs désirs sont illimités, ils veulent aussi que les moyens dont ils disposent pour les satisfaire soient eux aussi illimités »
(Aristote, Le Politique, IX).
22:34 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : aristote
25/10/2009
"c'est le nôtre qui choque"
"Rouvrant Du sens au hasard, je tombe sur cette tirade citée par R.Camus et signée par un certain Jean-Loup Rivière, au sujet, donc, de l'Affaire Camus, et plus précisément des passages censurés de La Campagne de France : "Et dans cette autre phrase restituée, "Je n'oublie pas notre ancien rôle d'amphitryons" [ndr : le rôle d'accueil du peuple français], ne voit-on pas comme est terrible ce "notre" ? Qu'est-ce que c'est que ce sujet collectif ? Qu'est-ce que c'est que cet autre moi-même multiple qui se définirait par une identité perpétuée de siècle en siècle, et au nom de laquelle je parlerais ?"
Et R.Camus de noter par conséquent : "Ainsi, c'est le notre qui choque"."
Je fait écho au dernier post d'Hank.
Bon, je ne connais pas cet intéressant Mr Riviére, mais j'ai l'impression que dans l'assertion: "Ainsi, c'est le notre qui choque", c'est le vieux débat -toujours d'actualité- entre communautariens et liberaux qui pointe. Entre Rawls et Mc Intyre.
Pour les premiers, la venue au monde de tout être reste médiée par une famille, une culture, une communauté qui imprègne en profondeur le sujet, définissant son identité, ses valeurs morales et ses fins (son télos).
Pour les autres, les libéraux, l'homme vient au monde immédiatement, indemne de toute appartenance, comme une cire molle, disposant de droits inaliénables et absolument libre de définir ses attachements, ses valeurs et ses fins, par le biais d'une vie en société, juxtaposition d'atomes pensants recherchants leur meilleur intérêt et défendant leurs droits grâce à la justice.
Le combat du Bon (la "vie bonne" d'Aristote pour qui l'homme reste un animal social et politique), contre le Juste.
Affirmer l'existence d'un "nôtre" revient à légitimer une appartenance communautaire héritée versus une association raisonnée et révocable, contractuelle d'atomes humains libres de toute détermination.
Or pour nos modernes progressistes, cet héritage culturel qui prolonge toute appartenance communautaire, héritée, contrevient directement à l'idéologie de Progrès, d'Individu et de Raison. Sorte de surgissement archaïque au beau milieu d'une vision de société composée d'individus libres, liés, contractuellement, par l'idée de justice et disposant de leurs droits innés dans le sens de la recherche de leur meilleur intérêt qui, comme chacun sait et comme le disait Mandeville détermine l'intérêt général (la fable des abeilles) via le doux commerce et la gentille main invisible du marché (Adeam Smith)...
Loin de moi, pourtant, l’idée de nier l’apport crucial de l’idée d’individu et de raison dans l’histoire de la modernité et dans la possibilité pour les hommes de s’affranchir de tutelles pesantes mais, à l’inverse, cette vision d’un homme venant au monde nu, indemne de toute appartenance, indemne de toute identité, de tout héritage culturel, de tout enracinement communautaire, me parait dérisoire.
Et dangereuse car l’homme s’il n’est plus ni social, ni politique, ni historique, n’est plus qu’un consommateur qui vote et fait valoir ses droits dans une lutte de tous contre tous dans un monde sans repères.
La Raison moderne individualiste contre l’archaïsme communautaire.
Débat plus que jamais d’actualité à un moment où la désintégration des Etats-nations européens sous la pression conjuguée d’une immigration extra européenne massive et d’une mondialisation globalitaire, fait –partout sauf chez nos clercs- renaître l’idée de communauté. Ou comment la modernité Occidentale rationnelle, individualiste et juridique se trouve confrontée, heurtée, par la vision communautariste de populations migrantes nombreuses, nullement au fait des théories liberales…
Mais comment concilier cette vision libérale, légaliste et individualiste de la société, cet universalisme de l'Individu, avec le paradigme sociétal actuel multiculturaliste, soit la juxtaposition de communautés distinctes, voire antagonistes, sur le même territoire ?
En d'autres termes il me semble y avoir contradiction entre cet idéal liberal hérité des Lumières et la recomposition accélérée de nos sociétés selon une logique multiculturaliste, c'est-à-dire communautaire. Doux rêve venant se briser quotidiennement sur les effets dévastateurs d'un multiculturalisme imposé sur les ruines d'un Etat-nation qui n'assimile plus.
En passant.
22:39 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : rawls, mac intyre, libertariens, communautariens, aristote
03/07/2008
Tempérer la démocratie?
Gaston s’interroge ici sur la pertinence de la démocratie sous nos latitudes.
Il est vrai que les projections démographiques décrites sont inquiétantes du fait de la forte probabilité d’apparition à court terme de majorités d’origine extra européenne dans certaines villes, voire dans certains pays européens.
Il est vrai aussi qu’un régime politique qui se résume pour le citoyen à un choix entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy pour la magistrature suprême ne peut faire l’économie d’une réflexion sur sa capacité à sélectionner une élite politique.
Il est vrai enfin qu’une Union Européenne qui dénie aux peuples qui la composent le droit de s’exprimer et qui, lorsque cela se produit quand même par accident ou particularité constitutionnelle de tel ou tel pays, bafoue ce droit pourtant élémentaire en niant la souveraineté populaire assimilée à du populisme ou en affirmant un méprisable besoin de pédagogie peut prêter à sourire. Ou à tout casser. Pour reconstruire.
Alors ? Monarchie, aristocratie ou démocratie ?
Au sortir du Moyen-Âge, durant la Renaissance, la cité antique était à la mode et considérée comme un modèle indépassable ; il était bien vu de prôner un retour aux temps –supposés héroïques- de Sparte ou de Rome, de tout subordonner au bien de la cité.
Nos philosophes des Lumières ™, Rousseau, Voltaire ou Montesquieu mettaient par-dessus tout la lecture des historiens Romains, comme Plutarque, ou Grecs, comme Thucydide.
« D’un homme qui se désintéresse des choses de la Cité, nous ne disons pas qu’il se consacre tranquillement à ses propres affaires, nous sommes les seuls à penser qu’il ne sert à rien. » (1)
Par cette brutale admonestation, rapportée par Thucydide, Périclès -alias tête d'oignon- exprime l’idéal social des cités antiques. Ce n’est que dans la citoyenneté que s’épanouit l’homme libre. Hors de la cité, l’homme ne sert à rien. Il n’existe pas de société civile, tout est politique.
C’est aussi le point de vue de Platon, disciple et biographe de Socrate, qui exerça –et exerce toujours- une durable influence sur la pensée occidentale. La cité idéale de Platon est une caserne communiste ou la vie privée n’existe pas. Là ou les philosophes sont rois, chacun doit obéir à leurs décrets sans appel. La société n’est pas distincte de l’Etat.
Célibataire endurci, Platon (contrairement à son maître qui aima de prés le bel Alcibiade) était convaincu que la famille, la propriété et les autres institutions de la vie privée développent les intérêts particuliers, au détriment de la cité. Ainsi, afin de ne pas former de liens particuliers, les soldats gardiens de la cité, doivent ne pas avoir de biens propres, ni de famille. Ils doivent prendre leurs repas en commun, comme c’était le cas à Sparte, et se consacrer à plein temps à la défense de la patrie.
Aristote, qui fut vingt ans élève de Platon avant d'être, quelques années durant, le précepteur du futur Alexandre de Macédoine, partage son mépris du travail, du commerce et de l’activité économique en général ; car les gains des uns ne peuvent se faire qu’aux dépens d’autres hommes, explique-t-il dans son traité intitulé Politique. Dés les premières lignes, il annonce que les affaires de la cité doivent passer avant toutes les autres, puisqu’il existe « une société particulière qui domine et inclut toutes les autres, et tend donc vers le plus important de tous les biens. Cette société qui domine et englobe le plus est la cité (polis), comme on l’appelle, ou société politique. »
C’est là la société par excellence qui peut, selon Aristote, être gouvernée de trois manières : par un roi, les grands ou le peuple. Ces trois formes de gouvernement, monarchie, aristocratie ou démocratie, peuvent chacune apporter le bonheur, but de la politique, mais elles peuvent aussi dégénérer respectivement en tyrannie, oligarchie et démagogie. La meilleure constitution doit mélanger ce qu’il y a de meilleur dans la monarchie, l’aristocratie et la démocratie. Après Aristote, toute l’antiquité rêvera de trouver la formule magique d’une idéale constitution mixte.
L’Occident a longtemps vécu sur cet idéal antique d’une constitution mixte. C’est aussi ce que souhaite Montesquieu, et certains pensent encore aujourd’hui qu’il faut tempérer les excès, toujours possibles, de la démocratie. C’est pourquoi ont si longtemps subsisté en France les dispositions de la constitution de 1875, fixant à sept ans le mandat du président de la république et à neuf ans celui des sénateurs.
C’est aussi pourquoi beaucoup se sont opposés à l’élection du président de la république au suffrage universel. C’est encore pourquoi le général de Gaulle voulait que le sénat, cette aristocratie, fasse place à des syndicalistes et à d’autres forces vives de la nation, à coté des élus du peuple. Sa tentative de tempérer la démocratie fut, on le sait, désavouée par le référendum populaire de 1969.
Plus tard, Saint Augustin, partageant le pessimisme et la méfiance envers la politique des Grecs et des Romains va bouleverser cette quête du régime politique idéal en imposant l’idée –révolutionnaire- que l’histoire est faite de deux cités qui coexistent, celle du Diable et celle de Dieu. Sans le Christ, l’histoire n’est que vol et rapine. Il en donne pour exemple l’anecdote ou Alexandre le Grand demande à un pirate prisonnier pourquoi il estime avoir le droit de s’approprier le bien d’autrui. Ce dernier lui répond : « Pourquoi donc t’empares-tu de toute la terre ? Parce que je vole au moyen d’un petit bateau, on m’appelle pirate ; mais toi qui a une grande flotte, on t’appelle empereur ! » (2) Pour Saint Augustin, seule la grâce divine peut libérer l’homme des horreurs de l’histoire car, même quand le monde est gouverné par des princes chrétiens, selon des lois chrétiennes, rien ne peut être mené à bien sans la grâce. Hors du Christ, il n’y a pas de société civile…
Cette recherche d’équilibre entre pouvoir spirituel et temporel, l’un modérant l’autre, est l’invention originale et capitale de la chrétienté latine.
Voilà qui complique la recherche d’un régime politique tempéré…Ou bien qui la simplifie …
(1) Périclès, Brulé, Gallimard 1994, p155.
(2) Saint Augustin, Oeuvres, Lucien Jerphagnon, Gallimard, p.72.
19:03 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : démocratie, platon, aristote, chrétiens, saint augustin, périclès
01/06/2008
Promenade
« Moi j'ai élu un président de la république, c'est la chose publique. Et je souhaite le voir en costume, et pas le voir dans sa transpiration. Et puis le jogging." "Pas simplement de dignité, c'est pas la personne privé qui m'intéresse, et surtout. Oui c'est son coté soixante-huitard. Je trouve qu'il est trop 68ard." "Non, mais voilà je vais vous dire ça. Je l'ai vu jogguer tout le temps, donc, et avec François Fillon et puis tout seul, et puis au fort de Brégançon, enfin bon. Ca m'a rappelé par anti-phrase en quelque sorte la promenade.
La merveille de la promenade, l'occident dans ce qu'il a de beau, est né de la promenade. Aristote se promenait, c'était un péripatéticien («les Chemins qui ne mènent nulle part» de Heidegger), Rimbaud vagabondait. La promenade c'est une expérience sensible, spirituelle. Le jogging c'est la gestion du corps. La gestion du corps tout le monde à le droit, mais c'est pas la peine de le montrer." "Mais c'est le triomphe définitif, si vous voulez, du calcul, de l'affairement. Voilà je gère, je gère tout, je gère même mon corps sur quelque chose qui aurait avoir avec la conversation, la méditation, la longueur de temps. Donc voilà, je veux bien que la politique change, mais j'ai pas envie de voir un président de la république qui jogge tout les jours. Les rêveries du promeneur solitaire, oui les rêveries du joggeur accompagné, j’y crois pas !»
( France 2 / Mots Croisés : Alain Finkielkraut - Sarkozy: assez de jogging ! - (21/05/07))
*
« Le phénomène capital, le désastre par excellence, est la veille ininterrompue, ce néant sans trêve. Pendant des heures et des heures, je me promenais la nuit dans des rues vides ou, parfois, dans celles que hantaient des solitaires professionnelles, compagnes idéales dans les moments de suprême désarroi. L’insomnie est une lucidité vertigineuse qui convertirait le paradis en un lieu de torture. Tout est préférable à c et éveil permanent, à cette absence criminelle de l’oubli. C’est pendant ces nuits infernales que j’ai compris l’inanité de la philosophie. Les heures de veille sont au fond un interminable rejet de la pensée par la pensée, c’est la conscience exaspérée par elle-même, une déclaration de guerre, un ultimatum infernal de l’esprit à lui-même. La marche, elle, vous empêche de tourner et retourner des interrogations sans réponse, alors qu’au lit on remâche l’insoluble jusqu’au vertige.
Voila dans quel état d’esprit j’ai conçu ce livre, qui a été pour moi une sorte de libération, d’exploration salutaire. Si je ne l’avais pas écrit, j’aurais sûrement mis un terme à mes nuits. »
(Cioran, Sur les cimes du désespoir, biblio, P8.)
15:26 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : finkielkraut, cioran, aristote, heidegger, platon, sarkosy
19/03/2008
Islam et Raison
La liberté de penser, de parole (ce qu'il en reste aprés quelques lois mémorielles ineptes et indignes) et de culte font partie de notre culture, de notre civilisation européenne occidentale. Pas question donc d'y renoncer; mais il y a une bataille actuellement, menée par cet islam fondamentaliste et révolutionnaire, largement implanté en Europe, pour abolir ces libertés. Et le front du refus de cet obscurantisme traverse tous les partis politiques...même si la plupart des idiots utiles reste à gauche, ce qui peut sembler paradoxal.
La gauche laïcarde, anti cléricale, logiquement héritière des lumières, tarde à défendre ces principes fondamentaux car sa grille de lecture du monde en 2008 est archaïque: dominants/ dominés...les musulmans sont le nouveau prolétariat, les nouveaux opprimés et l'occident au sens large, y compris Israël, l'empire de l'oppression.
Comment dés lors stigmatiser les pogroms anti républicain (comme dit Finkielkraut) de ces jeunes issus de l’immigration extra-européenne et le totalitarisme rampant de ceux qui par définition sont des victimes? De la l'incroyable indulgence des milieux bien pensants à l'égard de ces nouveaux barbares, savamment endoctrinés par cet islam révolutionnaire.
Donc ne rien céder sur des principes qui nous paraissent intangibles.La solution n'est pas dans une "ouverture" de l'occident à cet islam fondamentaliste de combat, pas dans un irénique "dialogue des civilisations" ou dans l'appel à une société "métissée" ou "plurielle" qui font rire. Elle est dans la possibilité d'une réforme de l'islam, d'un aggiornamento comme cette religion n'en a pas connu depuis des siècles (pour B Lewis, depuis la fermeture des portes de l'Ijtihad, au XIème siècle) qui seuls pourraient permettre aux musulmans de repousser cette tentation fondamentaliste révolutionnaire, par la libre critique des textes sacrés, par l'acceptation d'une part de rationalisme et d'humanisme, comme l'Europe a pu le permettre. L’Islam n'étant pas incompatible avec une pensée rationaliste, comme le prouve cet âge d'or de l'islam –bien réel, ou des lettrés musulmans (Al Kindi, Al Farabi, Avicenne, Averroès) étudiaient et traduisaient, entre autres, Aristote...
Mais il suffit de considérer le temps qu'il a fallu à l'occident chrétien pour y arriver pour comprendre que pareille évolution au sein de l'islam sera longue.
18:00 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : islam, raison, occident, aristote, al kindi, al farabi, finkielkraut