11/06/2012
fracasser le patriarcat
« Contrairement aux idées développées par une Wendy Brown (qui croit encore, en bonne disciple américaine de Foucault, que les valeurs « néoconservatrices » sont le complément spirituel logique d’une société capitaliste moderne), il apparaît en effet évident que l’accumulation du Capital (ou « croissance ») ne pourrait se poursuivre très longtemps si elle devait s’accommoder en permanence de l’austérité religieuse, du culte des valeurs familiales, de l’indifférence à la mode ou de l’idéal patriotique. Il suffit d’ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure pour constater, au contraire, que la « croissance » ne peut trouver ses bases psycho-idéologiques réelles que dans une culture de la consommation généralisée, c’est-à-dire dans cet imaginaire « permissif », « fashion » et « rebelle » dont l’apologie permanente est devenue la principale raison d’être de la nouvelle gauche (et qui constitue parallèlement le principe même de l’industrie du divertissement, , de la publicité et du mensonge médiatique). Comme le souligne ainsi Thomas Franck (Pourquoi les pauvres votent à droite, Agone 2008), " c’est le monde des affaires qui, depuis les plateaux de télévision, et toujours sur le ton hystérique de l’insurrection culturelle, s’adresse à nous, choquant les gens simples, humiliant les croyants, corrompant les traditions et fracassant le patriarcat. C’est à cause de la nouvelle économie et de son culte pour la nouveauté et la créativité que nos banquiers se gargarisent d’être des « révolutionnaires » et que nos courtiers en bourse prétendent que la détention d’actions est une arme anti-conformiste qui nous fait entrer dans le millénaire rock’n’ roll." C’est donc parce qu’ « une économie de droite » ne peut fonctionner durablement qu’avec une « culture de gauche », que les dictatures libérales ne sauraient jamais avoir qu’une fonction historique limitée et provisoire : celle, en somme, de remettre l’économie sur ses rails, en noyant éventuellement dans le sang (sur le modèle Indonésien ou Chilien) les différents obstacles politiques et syndicaux à l’accumulation du Capital. A terme, c’est cependant le régime représentatif (dont l’ingénieux système électoral fondé sur le principe de l’alternance unique, constitue l’un des verrous les plus efficaces contre la participation autonome des classes populaires au jeu politique) qui apparaît comme le cadre juridique et politique le plus approprié au développement intégral d’une société spectaculaire et marchande ; autrement dit d’une société en mouvement perpétuel dans laquelle, comme l’écrivait Marx, « tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée et tout ce qui était sacré est profané . »
Jean-claude Michéa, La double pensée.
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Illustration quotidienne et réjouissante de cette analyse dans la lecture du journal Libération, forme la plus accomplie de cette synthèse réussie entre économie de marché et libéralisme culturel. Torchon dont le principal actionnaire, le baron Edouard de Rothschild, ex-maoïste (dont la fortune personnelle est estimée à plus de 300 millions d'euros) a récemment fait son alyah, acquérant ainsi la double nationalité franco-israëlienne.
De quoi relativiser beaucoup de choses, me semble-t-il.
(photo: André Marie Paul Mouchard dit "Laurent Joffrin" relisant son édito, 2012)^^ un rien m'amuse
21:09 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : libération, michéa, rothschild, capitalisme
15/06/2010
le silence des agneaux
Qu'est-ce qui fait que le même journal -par le truchement d'un de ses petits flics de la pensée les plus insignifiants (Orwell aurait parlé de « gramophone de la pensée »)- puisse d'une main célébrer la Chorba pour tous et de l'autre, dans une reductio ad hitlerum réjouissante dont nos lemmings progressistes ont le secret, présenter un apéro saucisson-pinard bien innocent comme le retour des HLPSDNH (les heures les plus sombres de notre histoireTM) ?
Qu'est-ce qui fait que le cuistre Delanoë, célèbre clown invertébré à roulettes, tolère la fermeture hebdomadaire à la circulation d'une rue Parisienne pour cause de culte musulman et s'inquiète d'éventuels « débordements identitaires » alors même qu'il les cautionne chaque vendredi ?
Qu'est-ce qui fait qu'un philosophe français, professeur à l'Ecole Normale Supérieure puisse déclarer: "Que les étrangers nous apprennent au moins à devenir étranger à nous-mêmes, à nous projeter hors de nous-mêmes, assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s'achève, et dont nous n'avons plus rien à attendre que la stérilité et la guerre. Contre cette attente catastrophique, sécuritaire et nihiliste, saluons l'étrangeté du matin." (Alain Badiou, De quoi Sarkosy est-il le nom ? Lignes, 2007)
Réponse : une même pathologie du Moi européen oscillant entre ethno-masochisme et oubli de soi; comme le fait remarquer Finkielkraut, bon nombre d'Européens -et en premier leurs « élites » politiques, intellectuelles et médiatiques- ont intégré le commandement qui leur est fait de n'être plus rien. D'abandonner toute préoccupation culturelle, identitaire, d'oublier toute verticalité historique, philosophique ou civilisationnelle, pour s'effacer devant l'Autre, se désencombrer de soi, se « désoriginer », dans un éther indifférencié, un rêve d'indistinction mortifère. Oublier tout ce qu'il y a de singulier, de spécifique, de saillant, de violent même, en eux pour devenir cette cire molle sur laquelle ce nouveau clergé progressiste imprime jours après jours cette religion victimaire des droits de l'homme et de l'antiracisme dogmatique : « Tel est le secret de l'Europe. Nous ne sommes rien »
Or paradoxalement, l'Europe est sans doute une des aires civilisationnelles qui accueille le plus d'étrangers (« migrants » dans la novlangue moderne) sur son sol et qui se montre la plus accueillante et généreuse pour ceux qui choisissent d'y vivre, mais ça n'est pas le terme de xénophilie qui est sur toutes les lèvres mais celui de xénophobie ! Nombre de contempteurs d'une europe occidentale soi disant xénophobe faisant d'ailleurs souvent référence au terme d'Europe citadelle, sous entendant une volonté et une politique de fermeture inconditionnelle de nos territoires aux étrangers.
Pour le meilleur comme pour le pire, les Européens et l'Europe -au sens civilisationnel- se distinguent au contraire par une ouverture, une curiosité sans pareille vis-à-vis de l'altérité, de l'étranger ; d'Hérodote visitant le monde barbare ou les Jardins de Babylone, à Neil Armstrong et son « petit pas pour l'homme » en passant par Marco Polo et Colomb. En bon lecteur de Jared Diamond, j'ai -aussi- tendance à considérer que plus une civilisation est riche et puissante, plus elle a tendance à produire des hommes aventureux, des bateaux pour naviguer loin et des armes pour asseoir leur domination...Il n'empêche, c'est le destin, le fatum, des occidentaux.
Si le cuistre Marcelle était un peu moins haineux de lui-même, il pourrait saisir, ne serait-ce qu'en relisant Lévi-Strauss que, pour survivre, c'est-à-dire se conserver dans le changement, une culture a toujours recours à une certaine xénophobie, tout au moins un certain ethnocentrisme.
« (...) Nulle inconséquence, pourtant, ne saurait être reprochée à Lévi-Strauss. On ne voit pas par quel enchantement des hommes enfoncés chacun dans sa culture seraient saisis d'une passion spontanée pour les genres de vie ou les formes de pensées éloignées de leur tradition. Si, d'autre part, la richesse de l'humanité réside exclusivement dans la multiplicité de ses modes d'existence, si l'honneur d'avoir crée les valeurs esthétiques et spirituelles qui donnent son prix à la vie, ainsi que l'écrit Lévi-Strauss et comme le disent en d'autres termes les grandes professions de foi de l'UNESCO, alors la mutuelle hostilité des cultures est non seulement normale mais indispensable. Elle représente le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent et trouvent dans leurs propres fonds, les ressources nécessaires à leur renouvellement. » (La défaite de la pensée, A Finkielkraut, 1987.).
Comment les européens ont-ils oublié cela ?
Pierre Bérard et Julien Freund voient dans cette xénophilie européenne alliée à un certain ethno masochisme, le propre d'un ethno centrisme dévoyé, d'une croyance irrationnelle en la singularité -la supériorité- de la culture occidentale Européenne; je m'explique : pétris d'universalisme, les européens sont sans doute les seuls au monde à considérer que mettre sa propre culture en retrait et survaloriser celle de l'étranger est la meilleur façon de transmettre (si cela est encore possible) et de faire vivre une tradition culturelle millénaire. Ils sont sans doute seuls au monde à considérer que faire venir sur leur sol des millions d'étrangers en leur enjoignant de ne point abandonner leur culture et de « vivre chez nous comme chez eux » et que, dans le même mouvement, stigmatiser toute manifestation d'une culture autochtone européenne, tout enracinement européen, puisse se terminer autrement qu'en nouvelle Babel. Mais peut-être est-ce une ruse de l'Histoire:
« C'est Nietzsche qui écrit dans La volonté de puissance que l'Europe malade trouve un soulagement dans la calomnie. Mais il se pourrait bien que le masochisme européen ne soit qu'une ruse de l'orgueil occidental. Blâmer sa propre histoire, fustiger son identité, c'est encore affirmer sa supériorité dans le Bien. Jadis l'occidental assurait sa superbe au nom de son dieu ou au nom du progrès. Aujourd'hui il veut faire honte aux autres de leur fermeture, de leur intégrisme, de leur enracinement coupable et il exhibe sa contrition insolente comme preuve de sa bonne foi. Ce ne serait pas seulement la fatigue d'être soi que trahirait ce nihilisme contempteur mais plus certainement la volonté de demeurer le précepteur de l'humanité en payant d'abord de sa personne. Demeurer toujours exemplaire, s'affirmer comme l'unique producteur des normes, tel est son atavisme. Cette mélodie du métissage qu'il entonne incessamment, ce ne serait pas tant une complainte exténuée qu'un péan héroïque. La preuve ultime de sa supériorité quand, en effet, partout ailleurs, les autres érigent des barrières et renforcent les clôtures. L'occidental, lui, s'ouvre, se mélange, s'hybride dans l'euphorie et en tire l'argument de son règne sur ceux qui restent rivés à l'idolâtrie des origines. Ce ne serait ni par abnégation, ni même par résignation qu'il précipiterait sa propre déchéance mais pour se confondre enfin intégralement avec ce concept d'humanité qui a toujours été le motif privilégié de sa domination... Il y a beaucoup de cabotinage dans cet altruisme dévergondé et dominateur et c'est pourquoi le monde du spectacle y tient le premier rôle... » (Pierre Bérard, entretien avec Julien Freund)
Pointons au passage la contradiction consistant à promouvoir un universalisme des droits de l'homme et du genre humain, cette idéologie du Même, et, dans le même temps, un droit à la différence et l'idéologie multiculturelle.
« Les sentinelles de l'antifascisme sont la maladie de l'Europe décadente. Ils me font penser à cette phrase de Rousseau persiflant les cosmopolites, ces amoureux du genre humain qui ignorent ou détestent leurs voisins de palier. La passion trépidante de l'humanité et le mépris des gens sont le terreau des persécutions à venir. Votre ami Alain de Benoist a commencé d'écrire de bonnes choses là-dessus. Dites-le-lui, il faut aller dans ce sens : la contrition pathologique de nos élites brouille ce qui fut la clé du génie européen ; cette capacité à se mettre toujours en question, à décentrer le jugement. Ceux qui nous fabriquent une mémoire d'oppresseurs sont en fait des narcissiques. Ils n'ont qu'un souci : fortifier leur image de pénitents sublimes et de justiciers infaillibles en badigeonnant l'histoire de l'Europe aux couleurs de l'abjection. Regardez ce qu'écrit Bernard-Henri Lévy sur Emmanuel Mounier... C'est un analphabète malfaisant. En 1942, j'étais avec Mounier à Lyon... en prison ! En épousant l'universel, ils s'exhaussent du lot commun ; ils se constituent en aristocratie du Bien... L'universel devient la nouvelle légitimité de l'oligarchie ! » (Julien Freund, ibid)
«L'universel devient la nouvelle légitimité de l'oligarchie ! »...
Sans doute peut-on retrouver dans cette idéologie égalitaire du Même et cette xénophilie inconditionnelle la trace de l'eschatologie chrétienne sécularisée, devenue religion laïque. En ce sens nombreux sont ceux qui, « attachés dans leur Eglise à tout ce dont celle-ci ne veut plus entendre parler, auront du mal à faire croire que le meilleur moyen d'endiguer la « subversion » est de batailler dans une croyance qui les a déjà abandonnés pour passer à l'ennemi. ». Le christianisme en effet, « après avoir été, nolens volens, la religion de l'Occident, après avoir été portée par un esprit, une culture, un dynamisme européens, qui l'avaient précédé de quelques millénaires, le christianisme, opérant un retour aux sources, redécouvre aujourd'hui ses origines. Pour assumer sa vocation universaliste et devenir la religion du monde entier, il entend se « désoccidentaliser ». (...) Nulle idée n'est plus odieuse aux chrétiens que l'idée de patrie : comment pourrait-on servir à la fois la terre des pères et le Père des cieux ? Ce n'est pas de la naissance, ni de l'appartenance à la cité, ni de l'ancienneté de la lignée, que dépend le salut, mais de la seule conformité aux dogmes. Dés lors, il n'y a plus à distinguer que les croyants des incroyants, les autres frontières doivent disparaître. Hermas, qui jouit à Rome d'une grande autorité, condamne les convertis à être partout en exil : « Vous, les serviteurs de Dieu, vous habitez sur une terre étrangère. Votre cité est loin de cette cité. »» (Alain de Benoist, Droite, l'ancienne et la nouvelle, 1979)
Une contrition pathologique secondaire pour Finkielkraut et Venner aux "horreurs du XXième siècle" :
« Nous ne sommes rien ; en effet, aux horreurs du XXième siècle, nos démocraties ont répondu par la religion de l'humanité, c'est-à-dire par l'universalisation de l'idée du semblable et la condamnation de tout ce qui divise ou sépare les hommes. (...) Cela signifiait que, pour ne plus exclure qui que ce soit, l'Europe devait se défaire d'elle-même, se « désoriginer », ne garder de son héritage que l'universalisme des droits de l'homme. Tel est le secret de l'Europe. Nous ne sommes rien. » (Alain Finkielkraut, entretien au Monde des 11 et 12/11/2007)
« Et le lecteur méditatif songera que la tentation est forte, pour l'Européen lucide de se réfugier dans la posture de l'anarque. Ayant été privé de son rôle d'acteur historique, il s'est replié sur la position du spectateur froid et distancié. L'allégorie est limpide. L'immense catastrophe des deux guerres mondiales a rejeté les Européens hors de l'histoire pour plusieurs générations. Les excès de la brutalité les ont brisés pour longtemps. Comme les Achéens après la guerre de Troie, un certain nihilisme de la volonté, grandeur et malédiction des Européens, les a fait entrer en dormition. A la façon d'Ulysse, il leur faudra longtemps naviguer, souffrir et beaucoup apprendre avant de reconquérir leur patrie perdue, celle de leur âme et de leur tradition. » (Dominique Venner, Ernst Jünger, Un autre destin européen, 2009).
Il est peut-être temps de dire merde à ce petit clergé bien-pensant et haineux. Il est peut-être temps de s'émanciper de ces mythes incapacitants (colonisation, affaire Dreyfus, Vichy, Shoah, totalitarismes, islamophobie, etc.) savamment instrumentalisés pour réduire les européens au silence et à la contrition. Il est peut-être encore temps -pour certains- de redevenir des hommes.
Voilà, je voulais faire festif et ça dérape, bordel!
21:43 | Lien permanent | Commentaires (39) | Tags : finkielkraut, alain de benoist, delanoe, pierre marcelle, libération
15/11/2009
lettre au cuistre Marcelle
(D’après Pierre Marcelle, l’un des chroniqueurs de Libération, la France est un pays totalement refermé sur lui-même et peuplé d’horribles fachos)
"Cher Pierre Marcelle,
Permettez-moi de vous faire part de mon immense admiration! Comment faites-vous pour continuer à vivre dans un pays totalement fermé et majoritairement peuplé de fachos ? Votre volonté exemplaire de lutte contre la bête immonde est impressionnante…
J’ai voulu vérifier par moi-même vos douloureux témoignages et je me suis donc rendu dans votre malheureuse patrie (pardon, je voulais dire espace à vivre ultra ouvert de gauche, vous avez raison, c’est beaucoup plus progressiste et correct). Et voici : tout ce que vous dites correspond à la plus stricte vérité. Je dois avouer que je ne m’attendais pas à un tel enfermement. C’est bien simple, je me suis promené à Paris, dans ses banlieues, puis dans la France entière : pas un seul noir, pas un seul arabe, pas un seul asiatique, pas un seul Röhm et encore moins de scandinaves. Rien. Strictement rien pour varier l’ordinaire paysage de cette pauvre France pâlichonne et rancie! On ne rencontre que ces horribles beaufs pétainistes à béret et baguette qui chantent la Marseillaise à tue tête dans les rues; c’est écœurant.
J’admire profondément les grands résistants de votre espèce. Il parait même que vous avez faillit renoncer à vos vacances de la Toussaint pour lutter contre le fascisme en écrivant une chronique de plus! Heureusement que Monsieur Joffrin, votre directeur, a réussit à vous persuader de renoncer à un tel sacrifice. C’est une horreur que les êtres merveilleusement bons de cette sublime gauche révolutionnaire que vous incarnez si bien soient désormais obligés de vivre dans la terreur quotidienne et la clandestinité. Le seul espoir est bien cette insurrection qui tarde à venir.
Il parait que Sarko et ses SS ont envoyé toute votre famille et tous les opposants en camps de concentration. La peine de mort a été rétablie. L’avortement, l’homosexualité et le blasphème sont interdits. Quiconque ose critiquer la religion est immédiatement trainé dans la boue et accusé de catholicophobie et de racisme. Les profs d’université signent massivement des pétitions contre leurs rares collègues qui osent parler du poids de la religion catholique sur les habitudes culturelles! Impossible d’émettre la moindre petite critique contre ces milliers de nouveaux dévots qui ne jurent que par Christ-Roi !
En banlieue, des bandes de jeunes gaulois fachos chassent l’homo et le juif en toute impunité. Ces jeunes fachoïdes se régalent de filer des torgnolles à leurs meufs afin de leur faire passer définitivement le goût du féminisme décadent et ils les obligent désormais à porter des cornettes de bonnes sœurs. Si elles refusent, ces malheureuses sont considérées comme des putes qui offensent le grand dieu des cathos. La grande mode est d’arborer des chiens-loups féroces sans muselière pour intimider le démocrate et de rouler à fond la caisse en écoutant des chants patriotiques affublés de basses assourdissantes ! Christ-Roi : ils n’ont que ce mot à la bouche et ils réclament à grand bruit des salles de prières même dans la moindre petite entreprise. Fachos, nationalistes et cathos : l’horreur est là, sous nos yeux et certains font semblant de ne rien voir !
Une seule solution s’impose à vous : l’exil. Oui mais où ? Très bonne question… Toute l’Europe est devenue facho car elle vote à droite. Même les hollandais oublient leur légendaire tolérance. L’Amérique ? C’est plein de bushistes. Le Venezuela de Chavez ? Vous ne parlez pas l’espagnol… Dommage. J’ai une idée : vous devriez demander l’asile politique en Algérie. Ce serait génial, vous pourriez enfin mettre réellement votre tiers-mondisme viscéral au service des ex-colonisés ! De plus, l’ouverture et la tolérance de ce pays sont réputées dans le monde entier. Vous verrez, il n’y a pas tant d’islamistes que çà : un peu plus d’une personne sur deux c’est tout à fait acceptable comparé au fascisme massif des français. D’ailleurs, si j’en crois vos chroniques, l’idéologie de l’intégrisme islamiste n’a pas l’air de vous inquiéter car, contrairement aux propos du Pape, vous n’en parlez strictement jamais. Cela ne vous posera donc pas de problème particulier de vivre au milieu des électeurs du FIS.
Je me permets cependant de vous prodiguer un petit conseil d’ami car vous avez déjà assez d’ennuis comme ça: je sais que votre pêché mignon consiste à siffler les hymnes nationaux (on ne se refait pas). Abstenez-vous toutefois de siffler trop bruyamment l’hymne national algérien car j’ai ouïe dire que les jeunes de votre nouveau pays d’accueil n’apprécieraient pas vraiment ce genre de petites plaisanteries. J’attends avec impatience votre appel d’Alger. Un nouvel appel du 18 juin pour sauver la France (oh pardon, je voulais dire : pour sauver l’espace ludiquo-libertaire indéterminé et ouvert à la terre entière)"
bien à vous.
15:10 | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : libération, pierre marcelle
16/08/2009
c'était génial!
« Nous autres, enfants du quatorzième arrondissement, on peut dire qu’on a été libéré avant tous les autres de la capitale, cela en raison d’une position géographique privilégiée. On n’a même pas de mérite. Les Ricains sont arrivés par la porte d’Orléans, on est allé au-devant d’eux sur la route de la Croix-de-Berny, à côté de chez nous. On était bien content qu’ils arrivent, oui, oui, mais pas tant, remarquez bien, pour que décanillent les ultimes fridolins, que pour mettre fin à l’enthousiasme des « résistants » qui commençaient à avoir le coup de tondeuse un peu facile, lequel pouvait – à mon avis – préfigurer le coup de flingue.
Cette équipe de coiffeurs exaltés me faisait, en vérité, assez peur. La mode avait démarré d’un coup. Plusieurs dames du quartier avaient été tondues le matin même, des personnes plutôt gentilles qu’on connaissait bien, avec qui on bavardait souvent sur le pas de la porte les soirs d’été, et voilà qu’on apprenait – dites-donc – qu’elles avaient couché avec des soldats allemands ! Rien que ça ! On a peine à croire des choses pareilles ! Des mères de famille, des épouses de prisonnier, qui forniquaient avec des boches pour une tablette de chocolat ou un litre de lait. En somme pour de la nourriture, même pas pour le plaisir. Faut vraiment être salopes !Alors comme ça, pour rire, les patriotes leur peinturlurait des croix gammées sur les seins et leurs rasaient les tifs. Si vous n’étiez pas de leur avis vous aviez intérêt à ne pas trop le faire savoir, sous peine de vous retrouver devant un tribunal populaire comme il en siégeait sous les préaux d’école, qui vous envoyait devant un peloton également populaire. C’est alors qu’il présidait un tribunal de ce genre que l’on a arrêté l’illustre docteur Petiot – en uniforme de capitaine – qui avait, comme l’on sait, passé une soixantaine de personnes à la casserole. Entre parenthèses, puisqu’on parle toubib, je ne connais que deux médecins ayant à proprement parler du génie, mais ni l’un ni l’autre dans la pratique de la médecine : Petiot et Céline. Le premier appartient au panthéon de la criminologie, le second trône sur la plus haute marche de la littérature.
Mais revenons z’au jour de gloire !Je conserve un souvenir assez particulier de la libération de mon quartier, souvenir lié à une image enténébrante : celle d’une fillette martyrisée le jour même de l’entrée de l’armée Patton dans Paris. Depuis l’aube les blindés s’engouffraient dans la ville. Terrorisé par ce serpent d’acier lui passant au ras des pattes, le lion de Denfert-Rochereau tremblait sur son socle. Édentée, disloquée, le corps bleu, éclaté par endroits, le regard vitrifié dans une expression de cheval fou, la fillette avait été abandonnée en travers d’un tas de cailloux au carrefour du boulevard Edgard-Quinet et de la rue de la Gaïté, tout près d’où j’habitais alors. Il n’y avait déjà plus personne autour d’elle, comme sur les places de village quand le cirque est parti. Ce n’est qu’un peu plus tard que nous avons appris, par les commerçants du coin, comment s’était passée la fiesta : un escadron de farouches résistants, frais du jour, à la coque, descendus des maquis de Barbès, avaient surpris un feldwebel caché chez la jeune personne. Ils avaient – naturlicht ! – flingué le chleu. Rien à redire. Après quoi ils avaient férocement tatané la gamine avant de la tirer par les cheveux jusqu’à la petite place où ils l’avaient attachée au tronc d’un acacia. C’est là qu’ils l’avaient tuée. Oh ! Pas méchant. Plutôt voyez-vous à la rigolade, comme on dégringole des boîtes de conserve à la foire, à ceci près : au lieu des boules de son, ils balançaient des pavés. Quand ils l’ont détachée, elle était morte depuis longtemps déjà aux dires des gens. Après l’avoir balancée sur le tas de cailloux, ils avaient pissé dessus puis s’en étaient allés par les rues pavoisées, sous les ampoules multicolores festonnant les terrasses où s’agitaient des petits drapeaux et où les accordéons apprivoisaient les airs nouveaux de Glen Miller. C’était le début de la fête. Je l’avais imaginée un peu autrement.
Après ça je suis rentré chez moi, pour suivre à la T.S.F la suite du feuilleton. Ainsi, devais-je apprendre, entre autres choses gaies, que les forces françaises de l’intérieur avaient à elles seules mis l’armée allemande en déroute. Le Général De Gaulle devait, par la suite, accréditer ce fait d’armes. On ne l’en remerciera jamais assez. La France venait de passer de la défaite à la victoire, sans passer par la guerre. C’était génial. »
Michel Audiard Le Figaro-Magazine, 21 juillet 1984. Rivarol 08/09.
12:55 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : audiard, libération