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02/01/2007

Communisme et lassitude.

Par hasard, j’ai écouté ce jour la fin d’une émission de France Culture, « Du grain à moudre », souvent intéressante d’ailleurs, et consacrée –oh miracle- à JF Revel récemment disparu, à travers le livre hommage qu’ a écrit Pierre Boncenne (Pour JF Revel, Plon. 2006).

J’ai suivi avec plaisir la discussion entre Besançon, Sirinelli et Boncenne, malheureusement parasitée par les péroraisons de Julliard. Revel, présenté à tort par la clique gauchiste médiatico-intellectuelle comme anticommuniste primaire, était un érudit et un intellectuel de premier plan dont la constance de l’engagement antitotalitaire, dans la lignée de Raymond Aron, mérite le respect.

J’ai repensé à ce petit livre indispensable retraçant la correspondance entre Furet et Nolte (Fascisme et communisme, Plon. 1997) au sujet de la proximité idéologique des deux phénomènes totalitaires. Cette proximité, défendue par Revel dans nombre de ses ouvrages, mais aussi par Alain Besançon (Le malheur du siècle, Fayard) constitue toujours un tabou en France et explique sans doute en partie la haine tenace et l’ostracisme dont il fut l’objet, sa vie durant et même après sa mort.

Et c’est sans doute parce qu’il existe un négationnisme procommuniste beaucoup plus hypocrite, plus efficace et plus diffus que le négationnisme pronazi, sommaire et groupusculaire, mais dont le comité de vigilance citoyen anti fasciste nous rebat les oreilles à longueur de journée, la danger étant bien sur majeur.

L’organisation de la non repentance à l’égard du communisme aura été la principale activité politique de l’ultime décennie du siècle, comme l’organisation de sa non connaissance aura été celle des sept décennies antérieures.

Le succès périodique du négationnisme procommuniste donne à tout nouveau livre rétablissant certaines vérités, et en particulier esquissant le parallèle sacrilège entre communisme et nazisme, l’apparence de la découverte (Qu’on se rappelle le tollé de la gauche, y compris la gauche non communiste, après la sortie du « Livre noir du Communisme » et la sortie grotesque de Jospin à l’Assemblée...). Or on n’en finirait pas d’aligner les citations dés 1918 pour l’appréciation exacte du bolchevisme, et dés 1933 pour la comparaison entre les totalitarismes, ou figurent déjà des constats et des arguments sans appels, mais aussi sans grands résultats sur la reconnaissance des crimes communistes.

Dans son « Passé d’une illusion » (Robert Laffon, 1995), François Furet (ancien communiste lui même) consacre un long passage à l’historien Allemand Ernst Nolte, qui avait fait l’objet avant lui d’une condamnation sommaire en Allemagne et en Occident pour avoir théorisé cette comparaison interdite.

On se rappelle pourtant d’André Gide, écrivant dans son retentissant « Retour de l’URSS » : « Je doute qu’en aucun autre pays aujourd’hui, fut-ce l’Allemagne de Hitler, l’esprit sois moins libre, plus courbé, plus craintif, terrorisé qu ‘en URSS». Et le doyen respecté des historiens du fascisme, Renzo de Felice (plutôt de sensibilité socialiste d’ailleurs), déclarant en 1988 comparant Hitlérisme et communisme : « La vérité en conclusion est qu’il s’agit de phénomènes identiques ; Le totalitarisme caractérise et définit le Nazisme comme le communisme, sans aucune différence réelle ; peut-être l’ais-je dis avec brutalité, mais j’estime que le moment est venu de s’en tenir aux faits et de briser les mythes faux et inutiles. » (Actes du colloque « Le stalinisme dans la gauche Italienne », mars 1988)

Furet et Nolte évoquaient à la fin de leur correspondance la thèse de « l’inutilité du vrai », dont s’était déjà emparé Revel dans « La connaissance inutile » (Grasset, 1988). Alain Besançon dans son « Malheur du siècle », en s’interrogeant à son tour sur les raisons de « l’amnésie du communisme et de l’hypermnésie du nazisme », et s’il reconnaissait le caractère unique et incomparable de la Shoah, concluait que les différences entre les deux totalitarismes sont dans la nature des motivations et non dans le degré du mal.

Pour Revel, « Ce qui distingue le communisme du Nazisme, ce n’est pas le système du pouvoir, il est identique dans les deux cas. C’est que le premier est une utopie et non le second ; Lorsqu’ Hitler supprime la démocratie et crée des camps d’extermination, il réalise ses idées et tient ses promesses. Lorsque c’est Lénine qui le fait, il réalise le contraire de ses idées et trahit ses promesses. Mais il le nie au nom de l’avenir qu’il prétend radieux. L’utopie rend légitime la déconnexion entre les intentions et les actes » (Fin du siècle des ombres, Fayard)

C’est la le paradoxe de l’après communisme : pourquoi y a-t-il encore tant de « compagnons de route », alors qu’il n’y a plus de route ?

Commentaires

Je partage sans réserve votre admiration pour Revel.

Bonne année 2007!

Un blog libéral : http://legauchisterepenti.oldiblog.com

Écrit par : le gr | 10/01/2007

Revel était un être monolithique qui analysait tout et son contraire à travers un seul prisme: le communisme. Cette vision l'a fait approuver l'invasion américaine de l'Irak (parce que la critiquer c'était faire preuve d'antiaméricanisme donc être proto-communiste).
Sinon pour l'idéologie libérale:
"Le communisme n'est pas une idéolgie. La réalité est communiste." Staline
"Le libéralisme n'est pas une idéologie. C'est le monde qui est libéral." Luc Ferry 2006

Écrit par : Cadichon | 11/01/2007

je ne crois pas que la pensée de Revel se résume à son anticommunisme (par ailleurs salubre); au travers de cet anticommunisme, c'est son engagement anti totalitaire qui apparait. Revel, ancien résistant (alors que Sartre par exemple faisait jouer une de ses oeuvres devant un parterre d'officiers allemands et de collaborateurs notoires), n'a jamais eu aucune complaisance à l'égard du national socialisme, du fascisme, ou des dictatures autoritaires dites "de droite" (Franco, Pinochet).
Et sa défense de la démocratie Américaine, dans un océan d'anti américanisme primaire, est loin à mon avis d'un soutien inconditionnel.
Staline avait raison de ramener l'expérience socialiste à la praxis (comme le disait souvent Revel); Et cette praxis est édifiante...mais la connaissance de cette praxis est manifestement inutile.

Écrit par : hoplite | 11/01/2007

Monsieur Boncenne,
Je ne vous connais pas. Par contre, j'étais un lecteur "impénitent" de feu Jean-François Revel. Je n'hésite plus aujourd'hui à proclamer, à qui veut l'entendre, qu'il a été et demeure mon guide tous azimuts (à une exception près, ce qui confirme la règle, de son indifférence envers la condition animal et, du coup, ses goûts culinaires), alors qu'autrefois je ne révélais pas cette influence : son éducation virtuelle et spirituelle dont je suis imprégné jusqu'à la moelle. Je vous épargne les raisons d'un tel phénomène, vous qui avez tant de talent pour démontrer ses qualités extraordinaires. Sa mort, que je pressentais, a été une grave perte instructive en ce qui me concerne. Ce que je regrette avant tout, c'est de ne jamais lui avoir témoigné ma gratitude et mon respect quasi religieux pour lui, c'est-à-dire pour son savoir et son intégrité, (je crois en Dieu, on ne peut plus convaincu, mais je ne suis pas religieux.) J'ai lu tous ses livres et quand je prenais L'Express ou le Point, j'allais directement à la recherche de son éditorial. Je pensais qu'il ne lirait pas ma lettre et que je ne ferais que l'embêter en remplissant sa boîte à lettres d'un éloge supplémentaire par l'admirateur insignifiant que je suis, (je n'ai pas fait d'études et je pourrais presque déclarer sans vous fourvoyer que grâce à M. Revel j'ai développé un attachement singulier pour les arts. C'est grâce à lui que je sais reconnaître aujourd'hui, ce qui est bon ou mauvais en littérature, pour nous en tenir à ce domaine.)

Je suis algérien, de père et de mère musulmans. J’ai 52 ans et je vis maintenant au Canada. Dernièrement, je suis allé en compagnie de ma femme dans une librairie pour me procurer un livre et, pendant que je faisais mes recherches, voilà qu'elle m'arrive avec le vôtre, "Pour Jean-François Revel"!? Elle l’a trouvé sur une table, bien exposé à la vue de tous! Sans hésiter la moindre seconde, j'ai happé le volume de ses mains et l'ai rajouté aux autres. Arrivé à la maison, j'ai commencé la lecture et, ô bonheur! quelle joie de faire votre connaissance! L'écriture, la perspicacité, l'esprit, tout y est! J'ai en main, à travers vos écrits, la qualité littéraire et polémique de Jean-François Revel (:-) paix à son âme). Je suis arrivé seulement à la page 58 et je ne peux m'empêcher d'exprimer ma satisfaction et de vous envoyer ces quelques lignes en espérant que vous les lirez.

Ahmed Neilli, heureux de vous découvrir et qui prophétise la renommée posthume de Jean-François Revel à sa juste mesure.

Écrit par : Akiles | 09/02/2007

belle profession de foi..
nous partageons (au moins) cette admiration pour l'oeuvre de Revel
mais je n'ai ni le talent ni l'érudition de Boncenne..
bon vent akiles

Écrit par : hoplite | 09/02/2007

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