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30/09/2014

outing (2)

29/09/2014

Patton

 

General_George_Patton.jpg«Je comprend la situation. Leur système [soviétique] de ravitaillement est inadéquat pour les soutenir dans une action sérieuse telle que je pourrais la déclencher contre eux. Ils ont des poulets dans des cages et du bétail sur pied. Voilà leur système de ravitaillement. Ils pourraient probablement tenir le coup pendant cinq jours dans le type de combat que je pourrais leur livrer. Après cela, les millions d'hommes qu'ils ont ne feraient aucune différence, et si vous vouliez Moscou je pourrais vous la donner. Ils ont vécu sur le pays depuis leur arrivée. Il ne reste pas assez pour les ravitailler pendant le retour. Ne leur donnez pas le temps de construire leur système de ravitaillement. Si nous le leur laissons, alors ... nous aurons battu et désarmé les Allemands, mais nous aurons échoué à libérer l'Europe; nous aurons perdu la guerre!»

«Je n'ai jamais vu dans aucune armée à aucune époque, y compris dans l'Armée Impériale allemande de 1912, une discipline aussi sévère que celle qui existe dans l'armée russe. Les officiers, sauf quelques exceptions, ont l'apparence de bandits mongols récemment civilisés».

«A mon avis, l'armée américaine telle qu'elle existe maintenant pourrait battre les Russes avec une grande facilité, parce que si les Russes ont une bonne infanterie, ils manquent d'artillerie, d'aviation, de chars, et de la connaissance de l'utilisation des armes combinées, alors que nous excellons dans les trois domaines à la fois. S'il était nécessaire de corriger les Russes, le plus tôt sera le mieux».

«Si nous devons les combattre [les soviétiques], c'est le bon moment. A partir de maintenant, nous allons devenir plus faibles et eux plus forts».

«Cela se trouvait être la fête du Yom Kippour, donc ils étaient tous rassemblés dans un grand bâtiment en bois, qu'ils appelaient une synagogue. Le général Eisenhower devait leur faire un discours. Nous entrâmes dans la synagogue, qui était remplie de la grappe humaine la plus puante que j'ai jamais vue. Lorsque nous arrivâmes à peu près au milieu, le rabbin principal, qui portait un chapeau de fourrure similaire à celui que portait Henri VIII d'Angleterre, et un surplis lourdement brodé et très sale, s'approcha et rencontra le général ... L'odeur était si terrible que je faillis m'évanouir et vraiment environ trois heures plus tard j'ai remis mon déjeuner rien qu'en m'en rappelant».

«Aujourd'hui nous avons reçu des ordres ... qui nous disent de donner aux Juifs des logements particuliers. Si on le fait pour les Juifs, pourquoi pas pour les Catholiques, les Mormons, etc? ... Nous livrons aussi aux Français plusieurs centaines de milliers de prisonniers de guerre pour servir au travail forcé en France. Il est amusant de se rappeler que nous avons fait la Révolution pour défendre les droits de l'homme, et la Guerre Civile [la Guerre de Sécession] pour abolir l'esclavage, et que nous sommes maintenant revenus sur ces deux principes».

«Berlin m'a donné le blues. Nous avons détruit ce qui aurait pu être une bonne race, et nous sommes en train de les remplacer par des sauvages mongols. Et toute l'Europe sera communiste. On dit que la première semaine après qu'ils l'aient prise [la ville de Berlin], toutes les femmes qui couraient étaient tuées et celles qui ne couraient pas étaient violées. J'aurais pu la prendre si on m'avait laissé faire».

«Il est en effet malheureux, mon général, que les Anglais et les Américains aient détruit en Europe le seul pays sain -- et je ne parle pas de la France. En conséquence, la route est à présent ouverte au communisme russe».

«Vraiment, les Allemands sont le seul peuple décent qui reste en Europe. C'est un choix entre eux et les Russes. Je préfère les Allemands»

«Je ferai probablement les gros titres avant que vous ne receviez ceci, car la presse essaye de me faire dire que je suis plus intéressé à restaurer l'ordre en Allemagne qu'à attraper des nazis. Je ne peux pas leur dire la vérité qui est que si nous ne restaurons pas l'Allemagne, nous assurerons le succès du communisme en Amérique».

Journal de George Patton et lettres à son épouse, 1945.

27/09/2014

outing

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«Et si à l'école, au lieu de la théorie du genre et de la programmation informatique, on apprenait à lire, écrire, compter, penser?», votre tweet a déclenché la polémique. L'école et plus largement la société sont-elles confrontées à une crise de la transmission des savoirs?

Michel Onfray: L'école se substitue aux familles en matière d'éducation , dès lors, et pour ce faire, elle a renoncé à l'instruction. Demander à l'école qu'elle apprenne à lire, écrire, compter, penser devrait être une demande de bon sens: elle devient désormais une provocation! Apprendre la maitrise de la programmation informatique , apprendre la théorie du genre, sous prétexte de féminisme et de lutte contre les discriminations sexuelles, (un programme auquel au demeurant je souscris...), apprendre à sauver la planète sont des programmes qu'il n'est pas inutile d'envisager, bien sûr , mais une fois que les savoirs élémentaires sont acquis. Or, le sont ils? Si l'on sort des réponses idéologiques, on sait bien que non… J'ai enseigné vingt ans dans un lycée technique, je sais de quoi je parle...

Le fils d'ouvrier agricole et de femme de ménage que je suis s'en est sorti grâce à une école qui n'existe plus. L'école d'aujourd'hui tue sur place les enfants de pauvres et sélectionne les enfants des classes favorisées qui monnaient dans la vie active non pas ce qu'ils ont appris à l'école, mais ce qu'ils ont appris chez eux. Lire ou relire Bourdieu plus que jamais d'actualité ...Si l'on justifie cela, alors il faut continuer et défendre cette école qui massacre tous les enfants de gueux, dont je fus. Sinon, il faut abolir cette usine à éjecter les enfants de pauvres hors du système.

Une partie de la presse dite de gauche, vous accuse d'être réactionnaire . Que leur répondez-vous?

Il y a bien longtemps que je ne me soucie plus de cette presse qui se dit de gauche alors qu'elle n'a plus aucun souci du peuple qu'elle méprise et renvoie ainsi dans les bras de Marie Le Pen . Ces journaux transforment d'autant plus en diable Marine Le Pen qu'ils préfèrent ignorer, et on les comprend, que ce sont eux qui, pour avoir renoncé à la gauche qui s'occupait du peuple, nourrissent le FN et l'engraissent. Cette presse-là défend le programme économique libéral et européen de l'UMP et du PS. Quand l'UMP est au pouvoir , elle est contre, mais quand le PS l'y remplace , elle est pour. Dès lors , pour laisser croire que droite et gauche ça n'est pas la même chose, la presse dite de gauche s'excite sur des sujets sociétaux en croyant que la gauche est là. Or elle ne s'y trouve que de façon minoritaire.

J'ai créé une Université Populaire en province, à Caen, en 2002, pour lutter contre les idées du FN, j'y travaille avec une vingtaine d'amis bénévolement, gratuitement. Les amphis sont pleins. En douze années, cette presse-là n'a jamais eu aucun mot pour notre façon de penser et d'agir à gauche. Elle n'est l'arbitre des élégances de gauche que pour une poignée de mondains qui ne sont pas de mon monde. Le mien, c'est le peuple - qu'ils méprisent la plupart du temps en traitant de populiste quiconque en a le souci… Sollers m'a un jour traité de «tribun de la plèbe» en croyant m'insulter, il n'imagine pas combien il m'a fait plaisir! Le peuple , c'est celui qui dit non à l'Europe et à qui l'UMP et le PS, soutenus par cette même presse qui se dit de gauche, infligent tout de même l'Europe à laquelle ils avaient dit non. C'est ce peuple là que j'aime." Michel Onfray, 2014

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le constat est juste mais tardif...mieux vaut tard que jamais. 

photo: transmission des savoirs

26/09/2014

Avancez vers l'arrière, s'il vous plait!

kolakowski,finkielkraut

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Un jour, dans un tramway de Varsovie, Leszek Kolakowski entendit l'injonction suivante : « Avancez vers l'arrière, s'il vous plait ! » Quelque temps plus tard, en 1978 exactement, il proposa d'en faire « le mot d'ordre d'une puissante internationale qui n'existera jamais », dans un credo publié sous le titre : Comment être socialiste- conservateur- libéral. Il fallait un certain toupet pour retourner ainsi la disjonction en conjonction et mettre un trait d'union entre les trois grandes doctrines politiques de l'âge moderne. Et ce qui inspira à Kolakowski cet audacieux accouplement, c'est l'expérience du XXième siècle.

Le conservateur, c'est l'homme qui accueille le donné comme une grâce et non comme un poids, qui a peur pour ce qui existe et qu'émeut toujours la patine du temps sur les êtres, les objets ou les paysages. Or, en exacerbant la passion révolutionnaire, le XXième siècle a fait du changement le mode privilégié de l'action politique au point d'oublier que toute innovation n'était pas nécessairement un bond en avant et que, quand bien même elle bondirait, « Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais dans la vie des hommes, d'améliorations qui ne soient payées de détériorations et de maux ». Sensibles à ces maux, incapable de tourner la page, le conservateur voit des mondes finir là où d'autres voient s'accomplir la fin de l'histoire. A l'optimisme démocratique de la révolution, il oppose son amour mélancolique du déjà-là et des vieilles traditions chancelantes. Il vit sous le regard des morts, il plaide pour la fidélité, il est celui qui regrette la lenteur quand tout s'accélère et qui trouve constamment trop cher le prix à payer pour ce qu'on appelle le progrès. Le conservateur refuse, en second lieu, d'accorder à la raison une confiance sans réserve. Les Lumières terrassant la superstition : cette intrigue lui parait trop sommaire pour rendre compte des phénomènes humains. Tout ce qui n'est pas rationnellement explicable ne relève pas nécessairement de la bêtise ou de l'obscurantisme. Le conservateur, autrement dit, perçoit comme une menace l'approche technicienne du monde symbolique. « Il croit fermement, écrit Kolakowski, que nous ne savons pas si diverses formes traditionnelles de la vie sociale -comme les rituels familiaux, la nation, les communautés religieuses- sont nécessaires pour rendre la vie ne société tolérable ou même possible. Cependant, il n'y a pas de raison de croire que, en détruisant ces formes, nous augmentons nos chances de bonheur, de paix, de sécurité et de liberté. Nous ne pouvons pas savoir de manière certaine ce qui se passerait si, par exemple, la famille monogamique était supprimée, ou bien si la coutume consacrée par le temps qui nous fait enterrer les morts était remplacée par un recyclage rationnel des cadavres à des fins industrielles. Nous serions bien avisés pourtant d'en attendre le pire ».

La disposition d'âme du conservateur, sa tonalité affective dominante, c'est le pessimisme. Ce n'est pas que, pour lui, l'homme soit plutôt méchant que bon, c'est qu'il se refuse à voir dans le bien et le mal un pur problème social.. A ses yeux, l'imperfection de la vie n'est pas contingente. On peut remédier à certains aspects de la vie humaine, mais une part de notre misère est incurable. La encore, le XXième siècle lui a donné raison en poussant l'immodestie jusqu'à ses plus tragiques conséquences : « Le conservateur croit fermement que l'idée fixe de la philosophie des Lumières- à savoir que l'envie, la vanité, la cupidité et l'instinct d'agression ont toujours pour cause des institutions sociales défectueuses et disparaîtrons lorsque ces institutions auront été réformées- n'est pas seulement tout à fait invraisemblable et contraire à l'expérience mais extrêmement dangereuse. Comment toutes ces institutions ont-elles pu voir le jour si elles étaient totalement contraires à la nature profonde de l'homme ? Nourrir l'espoir que l'on pourra institutionnaliser la fraternité, l'amour, l'altruisme, c'est préparer, à coup sûr, l'avènement du despotisme. » Bref, l'épreuve totalitaire ratifie l'hostilité foncière du conservateur à la tentative de transformer l'approche de la réalité humaine en recherche prometteuse d'une solution définitive du problème humain. »

Alain Finkielkraut, Nous autres, modernes, 2005.

 
podcast

25/09/2014

arnaques, crimes et pétrole (2)

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"A quel jeu de dupes jouent les gouvernements européens recrutés dans la coalition new-look constituée toutes affaires cessantes par Barak Obama contre l’État Islamique (EI)? Après pétrole contre nourriture, l’Irak sera-t-il le théâtre d’une nouvelle saga pétrole contre barbus?

La question n’est pas superflue à en juger par la manière dont on essaie depuis quelques jours de nous convaincre de l’extrême dangerosité de la clique de Abu Bakr al-Baghdadi l’émir à la Rolex (“…Il n’y a pas de temps à perdre face à la menace des djihadistes de Daesh qui a pris le contrôle de larges secteurs de territoires irakien et syrien, multipliant les exactions… » disait encore récemment François Hollande qui est prêt à toutes les aventures internationales pour oublier l’espace d’un instant son lent mais inexorable naufrage domestique). Dangereux sûrement, ne serait ce que par l’appel à l’union sacrée et au soutien des forces de l’émir que viennent de lancer Aqmi (Al Qaida au Maghreb Islamique) et Aqpa (Al Qaida dans la Péninsule Arabique), en réaction à la mobilisation de la coalition occidentale.

Manquerait plus que l’annonce d’une association plus étroite entre le Front Al Nosra, en quelque sorte, la « filiale » syrienne d’Al Qaida, avec EI pour préparer un joli feu d’artifice local au cas où le locataire de la Maison Blanche se serait mis en tête de lancer la guerre d’Irak version III.
Des poils de barbe dans les barils de brut

A moins que la précipitation s’explique par l’urgence de réduire au silence, les courtiers en pétrole de l’inventif émir, au sujet du petit business très lucratif qu’ils ont mis au point avec leurs clients étrangers.

Car l’État Islamique est tout sauf dans la dèche, pour faire un mauvais calembour avec la nouvelle appellation contrôlée dont on l’affuble.

Le pétrole des sites syriens de Deir al-Zour puis de Hasaka, tombés entre de mauvaises mains depuis avril 2013 et de Mossoul qu’il a récupéré à la mi- juin de cette année ainsi qu’une bonne partie de la production de la province septentrionale de Salahuddin, a largement compensé la baisse des allocations que versaient avec enthousiasme l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Koweit et les Émirats Arabes Unis à l’Armée Libre Syrienne dont une part significative des effectifs auraient rejoints avec armes et bagages les rangs de l’EI à en croire les déclarations de l’un de ses chefs, un certain Abu Yusaf, le mois dernier. (« …Many of the FSA people trained and equipped by the West, are actually joining us…”)

Prix cassé

Les estimations les plus précises de la petite entreprise de l’émir portent aujourd’hui sur une capacité de “production” (de vol serait sans doute plus approprié) de 30 000 barils par jour de pétrole irakien et de 50.000 barils de pétrole syrien, fourgués sur le marché noir de l’or noir aux alentours de 40 dollars le baril, un prix cassé ramenant tout de même dans les caisses de EI, une recette totale journalière de 3,2 millions de dollars.

Si on y ajoute les rançons et les trafics en tous genres d’êtres humains, ça représente un joli matelas qui devrait permettre à l’EI de voir venir les forces – aériennes cela va sans dire – déployées par François Hollande et ses copains. Certes, les coûts de transport de l’émir sont un peu élevés. Le pétrole doit être acheminé par camions vers le terminal pétrolier de Ceyhan en Turquie d’où il est chargé avec des certificats d’origine parfois un peu baroques, sur les tankers qui les livrent à leurs ultimes destinataires.

Cet été on signalait même des tombées de camions citernes d’or noir à l’origine contrôlée et certifiée par le Gouvernement Régional du Kurdistan, arrivées par bateau dans le port israélien d’Ashkelon. Une confirmation de l’information publiée par Reuters en mai selon laquelle des raffineries américaines et israéliennes étaient alimentées en pétrole « kurde » à l’origine douteuse…

Bizarrement, dès que la prise de contrôle des sites syriens de Deir Al-Zour et d’Hasaka a été confirmée, l’Union Européenne s’est empressée de voter un allègement de l’embargo sur le pétrole syrien afin qu’il puisse être vendu sur les marchés internationaux, via la Turquie.

De son côté le ministre du pétrole irakien a indirectement confirmé le trafic au mois d’août lorsqu’il a déclaré que « ..les acheteurs internationaux de pétrole brut et les autres acteurs du marché doivent savoir que toute exportation de pétrole n’ayant pas reçu l’agrément du ministère du Pétrole, pourrait bien contenir du pétrole brut provenant des champs tombés sous le contrôle de l’Etat Islamique ».

Le dernier volet provisoire de l’affaire, c’est la déclaration faite par la charmante Jana Hybàskovà, chef de la délégation de l’Union Européenne en Irak – si, si, ça existe ! – le 2 septembre 2014 lors d’une séance de travail de la Commission des Affaires Étrangères du parlement européen (« échange de vues sur les crises dans le grand voisinage de l’Union ») qui a beaucoup intéressé Michèle Alliot-Marie et selon laquelle des pays de l’Union achetaient du pétrole brut à l’État islamique en provenance de 11 champs pétrolifères du nord de l’Irak et de celui pompé dans la province syrienne de Raqqa.

Pressée de citer des noms, elle a hésité un moment mais s’est finalement abstenue, se bornant à mettre en garde ses interlocuteurs pour le soutien apporté aux groupes séparatistes kurdes, susceptibles selon elle de causer une déstabilisation totale du Moyen Orient.

Chasse au dahu.

Depuis, la chasse au dahu a commencé au Parlement européen où le jeu qui fait actuellement fureur, consiste à identifier le ou les pays de l’Union qui joue(nt) double jeu en appelant à la mobilisation contre l’État Islamique les jours pairs et lui commandent discrètement du pétrole le jour suivant.

Il semble que le précédent Sarko’ versus Kadhafi de « je t’aime, moi-non plus » ait donné d’étranges idées à un certain nombres de parlementaires européens sur l’identité des coupables. D’autant que la petite phrase de Chistophe de Margerie, le PDG de Total en marge des rencontres économiques d’Aix en Provence début juillet (« …il n’y a pas de raison de payer le pétrole uniquement en dollars… ») a fait sensiblement monter la cote de l’Hexagone comme l’un des possibles acquéreurs du pétrole volé par l’émir à la Rolex.

Si tel est le cas, on peut imaginer que nos pilotes de la coalition aérienne refusent de se voir confier la mission de détruire les convois de camions-citerne de l’émir en route pour la Turquie…(...)" source via Fortune

photo: spectacle et confusion

24/09/2014

utopie

libéralisme

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour sur la "question libérale", suite au dernier post de Reymond, répondant lui-même à un de ses lecteurs:

"Comment peut on parler d'austérité lorsque le déficit est de 80 milliards et qu'aucune réforme n'a été faite concernant les dépenses de l'état ? Comment parler de doxa néo-libérale lorsque l'état représente 60% du PIB ?" source

Courant 2012 Alain Finkielkraut dans son émission "Répliques" avait porté la contradiction à Jean-Claude Michéa qui sortait alors son dernier opus, Le complexe d’Orphée.

La thèse défendue par l’auteur depuis quelques années maintenant (et son premier livre remarqué, L’enseignement de l’ignorance), etant la suivante : le libéralisme culturel et politique (« défini comme l’avancée illimitée des droits et la libéralisation permanente des mœurs ») et le libéralisme économique ne sont que les deux faces complémentaires d’une même médaille, sorte de ruban de Moebius; d’où, selon l’auteur, la farce électorale d’une gauche luttant contre la partie économique du libéralisme tout en validant sans vergogne son versant culturel, à laquelle s’oppose une droite favorable au marché mais hostile à la régularisation massive de tous les comportements. Ces deux versions du libéralisme sont, en réalité, selon Michéa, « l’accomplissement logique (ou la vérité) du projet philosophique libéral, tel qu’il s’est progressivement défini depuis le XVIIIe siècle, et, tout particulièrement, depuis la philosophie des Lumières », projet qui, pour mettre fin aux terribles guerres de religion du XVIe siècle, entendait privatiser les valeurs morales et religieuses et, parallèlement, confier au marché le soin de régler pacifiquement les relations entre les hommes. Ce libéralisme-là serait à l’origine, d’une part, d’un monde de plus en plus éclaté où plus aucune valeur ne pourrait servir de substrat au droit - de quel droit interdirait-on à quelqu’un de se nuire librement? - et, d’autre part, d’un capitalisme débridé qui règnerait en maître.

Finkielkraut ne manque pas pourtant de faire remarquer à Michéa que les premiers libéraux avaient tout de même le sens des limites et de la vertu et qu’ils auraient sans doute été horrifiés devant le spectacle dérisoire d’un progressisme moral effréné (il suffit d’ouvrir n’importe quel torchon progressiste genre Libé ou Inrock pour en avoir un aperçu) couplé à la guerre judiciaire de tous contre tous (cette « envie du pénal » théorisée par le regretté Muray) et aux ravages planétaires des règles d'airain du capitalisme globalisé (industriel et surtout financier). Peu importe, répond en substance Michéa, une logique est à l’œuvre, qui explique que la machine ait pu se retourner contre les intentions initiales de ses fondateurs. Bien que ces derniers tinssent pour chose évidente « qu’un homme n’est pas une femme, qu’un enfant n’est pas un adulte, qu’un fou n’est pas une personne saine d’esprit » (14,48), l’impossibilité de faire référence à quelque modèle de vie bonne que ce soit était de nature à engendrer la remise en cause de toutes les valeurs partagées, forcément coupables de porter atteinte à la liberté d’autrui.

L’analyse de Michéa prête cependant le flanc à la critique libérale. Celle-ci concerne surtout le diagnostic d’un marché tout puissant qui aurait littéralement broyé l’État. En effet, s’il n’est pas douteux que nous vivions sous la férule d’un progressisme moral débridé, est-il si sûr que nous soyons les acteurs ou témoins du « monde sans âme du capitalisme contemporain » ? Comme le remarque judicieusement Finkielkraut, l’État-providence, au moins dans nos contrées, n’a pas disparu. Mais c’est sans doute pour cette raison (la persistance d’un filet social) que l’on vit mieux, encore, en France ou en Espagne qu’au Royaume-Uni ou qu’à Chicago où ce filet social n’existe pas ou si peu. On pourra aussi remarquer, pour conjurer l’idée d’un libéralisme sauvage, que les prélèvements obligatoires et leur corollaire, les politiques de redistribution, n’ont jamais été aussi importants. Pour constater aussitôt que ces politiques de redistribution, héritage du compromis historique établi après-guerre entre logique marchande et exigences sociales, sont l’objet au moins depuis les années 90 (et les politiques de déréglementation menées en GB et aux USA par Thatcher et Reagan) d’attaques permanentes visant à les remettre en cause totalement. Lordon, dans un de ses articles explique très bien comment la seule solution pour garder une demande solvable en Occident, dans un contexte de déflation salariale secondaire à la libre-concurrence et à l'exigence de rentabilité actionnariale, fut, non pas d’augmenter des salaires, mais d’encourager le surendettement des ménages (capitalisme de basse pression salariale visant à aligner l'Occident sur les standards du Bangladesh..), quitte à fourguer des emprunts à des personnes d’emblée non solvables (sub-primes).

Ainsi ce filet social, cet Etat-providence, cette redistribution tant décriés par les apôtres du libéralisme peut-il être considéré à la fois comme un vestige d’une époque révolue (?) ou le corps social avait encore la possibilité de peser dans la balance et d’imposer au Politique certaines exigences sociales, mais aussi et surtout (et paradoxalement) le produit de l’hégémonie de ce  relativisme moral et de la jungle marchande inhérents à la structuration libérale de nos sociétés modernes: ie c’est précisément parce que les communautés d’hommes regroupées autour de valeurs partagées autres que le marché et le droit ont graduellement disparues au profit de « commercial societys » composées de monades (et de nomades...) uniquement préoccupées par leur seul intérêt bien compris et l’obsession de faire valoir toujours plus de droits, que l’Etat veilleur de nuit des libéraux est amené à prendre en charge des domaines de plus en plus conséquents de la vie en communauté d’individus « retirés à l’écart et comme étrangers à tous les autres » (Tocqueville) jusqu’alors résolus par les structures d’existence organiques des sociétés holistes, l’entraide et les solidarités naturelles de toute vie en communauté.

Soit une vision contractuelle (Locke) de la société (avec un contrat désormais basé sur le seul marché « auto-régulé » et sur une palanquée de droits naturels et positifs dés lors que toute valeur morale, philosophique et religieuse est bannie de l’espace public car susceptible de réintroduire les conditions de ces fameuses guerres civiles de religion, terreur des penseurs libéraux. A juste titre). Sans évoquer la providentielle « main invisible » de Smith ou l’idée d’un « ordre spontané non subordonné à un quelconque dessein » d’Hayek. Contre une vision communautaire de la société organisée autour d’un certain nombre de « valeurs civilisationnelles communes » (Aristote) censées dire le Bien ou le Vrai. Le vieux débat communautariens vs libéraux. L’ennui est qu’à force de vouloir bannir (« privatiser ») tous les liens, toutes les formes d’appartenances et affiliations diverses des hommes, on risque de voir resurgir des formes identitaires archaïques et violentes comme l’ethnique, le religieux ou le sang…

Sur le fond, le lecteur de Reymond n'a pas compris/saisi le fait que cette philosophie libérale, comme le capitalisme, est un fait social total, imprégnant tous les champs d'activité et de réflexion anthropologiques, délégitimant toute autre forme de vision du monde que cette vision juridico-marchande qui est la nôtre: nous autres modernes, quels que soient notre façon d'être ou d'agir ou de penser, pensont en modernes et rien d'autre.

« Même si nous en avions la tentation, beaucoup de considérations puissantes nous en empêcheraient. Tout d’abord et surtout, les images et les statues des Dieux ont été brûlées et réduites en pièces : cela mérite vengeance, de toutes nos forces. Il n’est pas question de s’entendre avec celui qui a perpétré de tels forfaits. Deuxièmement, la race Grecque est du même sang, parle la même langue, partage les mêmes temples et les mêmes sacrifices ; nos coutumes sont voisines. Trahir tout cela serait un crime pour les Athéniens. » (Hérodote, The Persians wars)*

Une belle utopie, finalement.

 

* Ainsi parle Hérodote, nommant les éléments culturels clés qui définissent une civilisation pour  les Athéniens, et voulant rassurer les Spartiates sur le fait qu’ils ne les trahiraient pas en faveur des Perses. Le sang, la langue, la religion, la manière de vivre : voila ce que les Grecs avaient en commun et ce qui les distinguait des Perses et des autres non Grecs. Quelle est notre religion aujourdhui, pour nous autres modernes?

23/09/2014

symptômes

cormac mccarthy,no country for old men

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Voici quelque temps j'ai lu dans le journal que des enseignants sont tombés sur un questionnaire qui avait été envoyé dans les années trente à un certain nombre d'établissements scolaires de tout le pays. Donc ils ont eu entre les mains ce questionnaire sur les problèmes rencontrés par les enseignants dans leur travail. Et ils ont retrouvé les formulaires qui avaient été remplis et renvoyés par des établissements de tout le pays en réponse au questionnaire. Et les plus gros problèmes signalés c'étaient des trucs comme parler en classe et courir dans les couloirs. Mâcher du chewing-gum. Copier en classe. Des trucs du même tabac. Alors les enseignants en question ont pris un formulaire vierge et en ont imprimé un paquet et ont envoyé les mêmes formulaires aux mêmes établissements. Quarante ans plus tard. Voici quelques-unes des réponses. Les viols, les incendies volontaires, les meurtres. La drogue. Les suicides. Alors ça m'a fait réfléchir. Parce que la plupart du temps chaque fois que je dis quelque chose sur le monde qui part à vau-l'eau on me regarde avec un sourire en coin et on me dit que je vieillis. Que c'est un des symptômes. Mais ce que je pense à ce sujet c'est que quelqu'un qui ne peut pas voir la différence entre violer et assassiner des gens et mâcher du chewing-gum a un problème autrement plus grave que le problème que j'ai moi. C'est pas tellement long non plus quarante ans. Peut-être que les quarante prochaines années sortiront certains de leur anesthésie. Si c'est pas trop tard. »

Cormac McCarthy, No Country for old men

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podcast

22/09/2014

blingpride

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"8 millions de téléspectateurs pour le retour de Sarkozy sur France 2" source

consternant. y en a vraiment qui n'ont rien à foutre. et rien dans la tronche. gloomy monday:(

20/09/2014

arnaques, crimes et pétrole

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Comme le dit le fasciste (juif) Zemmour, "mais c'est l'Arabie saoudite qu'il faut bombarder, Nicolas!" et pas la Mésopotamie, déjà ravagée par l'hubris des anglo-saxons (et dans une moindre mesure par les conflits inter-ethniques et intra-confessionnels religieux). Le fasciste juif Zemmour a raison, comme souvent: si on veut -absolument-  détruire le pouvoir de nuisance de ces sunnites radicaux, et bien il faut bombarder ceux qui les financent et les arment, ie, les vertueuses pétromonarchies sunnites du golfe et les chancelleries occidentales qui, il y a peu, nous expliquaient qu'il "fallait tuer le méchant Bachar" ou le "machant Saddam" (variante) quitte à armer tout et n'importe qui -notamment ceux que nos 2 rafales bombardent depuis quelques jours- en Mésopotamie...

Mais les pauvres niais qui ont cru une seconde qu'Obama et Hollande voulaient "sauver les chrétiens d'Orient" ne comprennent plus pourquoi, d'un coup, il faut sauver les puits d'Erbil et pas autre chose...pauvres guignols (je ne parle pas du sayan BHL, bien sûr).

Les chrétiens d'Orient sont le nième alibi de guerres pétrolières dans le croissant fertile. Finalement un esprit mal tourné pourrait se demander si les nervis de l'armée islamique au Levant et en Irak (monstre oh combien protéiforme) n'ont pas juste été mandatés par les puissants du moment pour détruire quelques sanctuaires chrétiens au moment ou l'ex-Irak sombre dans le chaos inter ethnique et la guerre civile comme prévu depuis la première intervention des missionnaires Yankees et de la vertueuse madeleine Albright, alias "500 thousands".

De la même façon, la décapitation opportune de quelques idiots utiles occidentaux par des méchants barbares tombe à pic pour légitimer l'agitation meurtrière de pitres invertébrés comme Obama ou Hollande, totalement incapables de gérer l'effondrement de leur propres nations mais prompts à saisir une occasion aussi spectaculaire de se montrer résolus et agissants...

Au fond,il est bien dans la nature de l'Islam de persécuter ou de convertir les chrétiens en terre d'islam à peu prés depuis 14 siècles... Cela pourrait être ennuyeux, voire constituer un casus belli, en dehors de leur aire civilisationnelle, mais cela n'est pas le cas en l'occurrence.

Nihil novi sub sole..comme dit Georgia:)

photo: soldat occidental en mauvaise posture


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17/09/2014

saboteur

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"Aucun de nous n'était enchanté d'aller combattre dans une zone comptant deux mille ennemis. On savait comment ça s'était terminé pour les autres et on espérait ne pas être victimes, nous aussi, d'une erreur stratégique de notre commandement. Chaque fois qu'on se retrouvait derrière la ligne, sur le territoire contrôlé par l'ennemi, on avait l'impression de jouer à la roulette russe. Les préparatifs étaient toujours les mêmes: contrôler nos armes, ajuster nos gilets pare-balles et remplir nos poches de munitions. D'ordinaire, chacun de nous avait sur lui seize chargeurs longs, quatre ou cinq grenades à main, et un pistolet avec quelques chargeurs de réserve. On n'attachait jamais notre pistolet à la ceinture, comme on le fait normalement; on le glissait sous notre gilet pare-balles, à hauteur du ventre ou de la poitrine où on avait une poche spéciale cousue à la main. Avant de partir, on sautillait sur place ou bien on exécutait quelques mouvements brusques, pour s'assurer que tout était bien fixé et pour ne pas risquer de faire du bruit au mauvais moment. Nos fusils aussi étaient modifiés pour les rendre les plus silencieux possibles durant nos déplacements: la première chose qu'un saboteur devait faire avec sa kalachnikov, c'était de scier les grenadières dans lesquelles on insérait la bretelle. D'ordinaire, les parties métalliques se heurtaient continuellement en faisant un boucan d'enfer: la nuit surtout avec l'humidité, ce bruit pouvait se propager jusqu'à une dizaine de mètres de distance. On utilisait la bretelle classique de la kalachnikov -ou éventuellement une corde d'alpinisme, celle de dix millimètres de diamètre- et on la fixait avec plusieurs tours de ruban adhésif pour électricien directement sur la crosse pliante et sur la poignée, en plastique sur les modèles récents et en bois sur les modèles plus anciens. Dans les combats en ville où on devait rester libres de nos mouvements tout en ayant le fusil à portée de main, on attachait notre kalachnikov avec le ruban à hauteur de poitrine, contre le gilet pare-balles. Moi, je portais mon gilet pare-balles toujours et partout: c'était un peu comme un sous-vêtement. J'allais même aux toilettes avec. "

"(...)D'habitude, dans les opérations en ville, on était armés que de kalachnikovs, on en avait toujours deux ou trois sur nous. Moi, j'avais mes deux fusils: le VSS que je portais en bandoulière dans le dos avec cinq chargeurs pour un total de cinquante balles, tandis que, dans les mains, je serrais mon fidèle AKSM, le fusil d'assaut des paras, un modèle à canon court, avec un compensateur renforcé, une crosse pliante et un viseur dioptrique, celui avec le point rouge, qu'on appelait pour rigoler "l'ampoule de Lénine". Cette fois, cependant, l'opération était particulièrement dangereuse, et Nossov avait également pris un lance-grenades chargé, plus un sac à dos avec trois autres grenades. Deux de nos hommes avaient des mitrailleuses légères calibre 7.62. On portait des gilets pare-balles légers et, en dessous, un survêtement, on était en baskets et on n'avait pas de casques, juste des bonnets normaux. Le mien était gris avec un pompon au sommet. Les gars des autres unités se moquaient de nous. Ils nous appelaient les "clodos" parce qu'on s'habillait avec ce qui nous tombait sous la main. En réalité, ils n'aimaient pas porter l'uniforme, ils auraient préféré faire comme nous qui, quand il faisait chaud, portions des shorts. Aucun de nous ne se rasait; on avait tous un bouc ou au minimum une barbe de quelques jours et on avait souvent les cheveux longs. On ressemblait davantage à un groupe de terroristes qu'à une unité de l'armée russe. C'était voulu, bien sûr, parce qu'on se retrouvait souvent derrière la ligne où il fallait se confondre avec l'ennemi; n'empêche que, de temps à autre, il arrivait que les nôtres nous tirent dessus, nous prenant pour des Arabes."

"(...) Les éclaireurs étaient harnachés à la manière des vétérans de la guerre en Afghanistan: ils n'attachaient pas de gourde à leur ceinture mais gardaient quelques bouteilles d'eau dans leur sac banane; les munitions, ils les glissaient dans les poches de leur gilet pare-balles, raccourcis sur le devant, comme les nôtres. Ils portaient leur couteau à la ceinture, à l'horizontale. Eux aussi avaient des sacoches latérales faites à la main: tous étaient armés d'un fusil de parachutiste muni d'un double chargeur; certains avaient une lunette optique ou dioptrique. L'un d'eux possédait un fusil de précision comme le mien, un Modèle VSS équipé d'un silencieux intégré; comme moi, il transportait sa lunette de visée dans son sac à dos, enveloppée dans un linge souple pour qu'elle ne s'abime pas. Ils ne semblaient pas angoissés. Leur visage était celui des gens qui vivent en temps de guerre: des yeux cernés, des rides profondes, la peau desséchée, ravinée par le vent, le froid et la faim. Mais dans leur regard, il y avait ce mélange d'humilité et de sagesse que seul possède celui qui est habitué à mourir et à ressusciter plusieurs fois par jour. C'étaient des hommes capables d'assister leurs amis à l'agonie avec la tendresse d'une mère aimante qui, le soir venu, emmène ses enfants se coucher avec la certitude d'aller les réveiller le lendemain matin..."

"(...) Nossov a fait signe aux autres de se tenir sur le qui-vive, puis il m'a murmuré à l'oreille un ordre précis: "Feu!" J'ai respiré à pleins poumons et j'ai retenu mon souffle: le corps immobile comme une souche, j'ai pressé sur la détente. Comme je l'ai dit, mon fusil était un modèle très silencieux: un fois tirée, la balle fendait l'air, telle une flèche décochée d'un arc. D'ailleurs, les militaires russes appellent souvent le VSS "la flèche noire". J'ai tiré quatre autres balles en une fois, en visant toujours à hauteur du cou: aucun d'eux n'a eu le temps de se lever du tronc, ils sont tombés à terre l'un après l'autre. Les balles n'étaient pas très puissantes, elles tuaient, un point c'est tout. Elles fracassaient la tête de l'ennemi sans provoquer dans son corps ces violents soubresaut qui risquaient d'alerter ses voisins. C'était, pour ainsi dire, une mort paisible: dans ma lunette, la victime semblait encore vivante; si la balle l'atteignait à la tête, on la voyait esquisser un geste rapide de la main, comme si elle repoussait une mèche de cheveux sur son front, puis elle s'immobilisait et, aussitôt après, elle s'écroulait, telle une marionnette dont on a brutalement coupé les fils."

Nicolaï Lilin, Vie d'un soldat en Tchétchénie, 2012.

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musik: lube kombat

business as usual

 

"Le nouveau ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, réussit l'exploit de ne pas payer l'ISF alors même qu'il est marié à une femme (de 56 ans) héritière d'une des grandes familles bourgeoises d'Amiens, , qu'il détient une villa huppée au Touquet (résidence secondaire ne bénéficiant pas d'un abattement de 30% pour résidence principale), qu'il a été payé durant ses études à l'ENA, qu'il est inspecteur des Finances depuis 2004,  (revenu minimal 12000 euros/mois) et a été secrétaire général adjoint de l'Elysée de 2012 à 2014  (14910 euros par mois plus tous les avantages évidents qui en découlent, ayant entretemps rejoint la banque d'affaires Rothschild et Cie en 2008, successivement comme banquier d'affaires (2008-2011) puis associé gérant (2011-2012). A ce titre, il a reconnu avoir touché deux millions d'euros brut, soit au moins un million net, pour la seule période allant de décembre 2010 à mai 2012 (Question: comment faire confiance  à un ministre de l'Economie, sans enfants, fils de deux médecins, marié à l'héritière d'une grande famille bourgeoise provinciale, membre du groupe de Bilderberg, Young leader de la French American Foundation, disposant d'énormes avantages professionnels, qui n'a pas réussit, en dix ans,  à accumuler 1.3 million d'euros tout en gagnant chaque année entre 200.000 et un million d'euros bruts?)." Faits et documents, 15-30/09/2014.

"Thomas Thevenoud: le 26 aout 2014, ce proche d'Arnaud Montebourg était nommé secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des français de l'étranger dans le gouvernement Valls II en remplacement de Fleur Pellerin. Il démissionnera le 04 septembre, soit neuf jours plus tard, en indiquant dans un premier temps que cette démission intervenait "à sa demande pour des raisons personnelles". On apprendra un peu plus tard, d'une source gouvernementale qu'il s'agissait d'un "problème de conformité avec les impôts". Selon Mediapart, Thomas Thevenoud ne déclarait pas ses impôts depuis plusieurs années et avait fait l'objet d'une mesure de recouvrement forcé. Ironie de l'histoire, il était vice président de la mission d'information sur la fraude fiscale depuis mars 2013 et avait membre de la commission d'enquête parlementaire lors de l'affaire Cahuzac. (...) Pour l'heure, nul ne s'est intéressé à son épouse, Sandra Thevenoud, militante PS elle aussi, ancienne assistante parlementaire de Pierre Moscovici et actuel chef de cabinet  du président du Sénat, Pierre Bel." Ibid.

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"Alors qu'il a déjà versé plusieurs centaines de milliards, le gouvernement allemand va offrir gracieusement  3000 euros à 75.000 juifs allemands nés à partir du premier janvier 1928, y compris ceux qui n'ont jamais été détenus, pour le "traumatisme psychologique et médical causé durant l'enfance" Ibid.

14/09/2014

des baudruches aux semelles de vent

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" (...) Julien Freund: Sur cet universalisme fallacieux qui règne depuis la dernière guerre mondiale, Schmitt s'est exprimé dans les années vingt. Il écrit dans sa Notion de Politique que " le concept d'humanité est un instrument idéologique particulièrement utile aux expansions impérialistes " et que " sous sa forme éthique et humanitaire, il est un véhicule spécifique de l'impérialisme économique ". Bien évidemment les Américains traduisent leurs intérêts nationaux en langage internationaliste, exactement comme le font les Soviétiques. Mais vous le savez bien, si j'accepte de comparer ces deux puissances, ce n'est pas pour les confondre. Cependant, si le despotisme communiste venait à disparaître comme pourraient le laisser prévoir tous ces craquements à l'Est, l'Amérique pourrait être tentée par une hégémonie sans retenue.
En réponse à ces immenses défis, je suis frappé par le caractère routinier du débat européen.

L'Europe se construit d'une manière fonctionnaliste, par une suite d'enchaînements automatiques. Son fétichisme institutionnel permet de dissimuler notre maladie qui est l'absence d'objectifs affichés. Nous sommes par exemple impuissants à nous situer par rapport au monde. Etrange narcissisme ; on se congratule d'exister, mais on ne sait ni se définir, ni se circonscrire. L'Europe est-elle reliée à un héritage spécifique ou bien se conçoit-elle comme une pure idéalité universelle, un marchepied vers l'Etat mondial ? L'énigme demeure avec un penchant de plus en plus affirmé pour la seconde solution qui équivaudrait à une dissolution. Ce processus se nourrit par ailleurs, c'est transparent chez les Allemands, d'une propension à fuir le passé national et se racheter dans un sujet politique plus digne d'estime, une politie immaculée, sans contact avec les souillures de l'histoire. Cette quête de l'innocence, cet idéalisme pénitentiel qui caractérisent notre époque se renforcent au rythme que lui imposent les progrès de cette mémoire négative toute chargée des fautes du passé national. On veut lustrer une Europe nouvelle par les vertus de l'amnésie. Par le baptême du droit on veut faire un nouveau sujet. Mais ce sujet off-shore n'est ni historique, ni politique. Autant dire qu'il n'est rien d'autre qu'une dangereuse illusion.

En soldant son passé, l'Europe s'adosse bien davantage à des négations qu'à des fondations. Conçue sur cette base, l'Europe ne peut avoir ni objectif, ni ambition et surtout elle ne peut plus rallier que des consentements velléitaires. Le nouvel Européen qu'on nous fabrique est une baudruche aux semelles de vent. Les identités fluides, éphémères qu'analyse Michel Maffesoli ne peuvent en aucun cas tenir le rôle des identités héritées. Elles n'agrègent que de manière ponctuelle et transitoire, en fonction de modes passagères. Oui, ce ne sont que des agrégats instables stimulés par le discours publicitaire. L'orgiasme n'est pas une réponse au retrait du politique, car il exclut la présence de l'ennemi. Quand il se manifeste, l'ennemi, lui, ne s'adonne pas au ludisme dionysiaque. Si le politique baisse la garde, il y aura toujours un ennemi pour troubler notre sommeil et déranger nos rêves. Il n'y a qu'un pas de la fête à la défaite. Ces tribus là ne sont pas un défi à l'individualisme, elles en sont l'accomplissement chamarré...

Et puis, c'est une Europe de la sempiternelle discussion ... et toujours sur des bases économiques et juridiques, comme si l'économie et le droit pouvaient être fondateurs. Vous savez l'importance que j'accorde à la décision, or l'Europe est dirigée par une classe discutante qui sacrifie le destin à la procédure dans un interminable bavardage qui ne parvient guère à surmonter de légitimes différents. Ce refus de la décision est lié au mal qui frappe nos élites ; elles ne croient plus à la grandeur de notre continent ; elles sont gâtées jusqu'à la moelle par la culpabilité dont elles transmettent l'agent létal à l'ensemble des Européens. D'où cette dérive moralisatrice qui transforme l'Europe en tribunal, mais en tribunal impuissant.
Pierre Bérard: Il n'est pas toujours impuissant à l'égard des autochtones...
J.F. - Ca, c'est une autre affaire... Impuissant, car nous prétendons régir la marche du monde vers l'équité, mais nous refusons d'armer le bras de cette prétendue justice. La culpabilité névrotique inhibe l'action.Le problème, c'est que l'Europe est construite par des libéraux et par des socio-démocrates, c'est à dire par des gens qui croient dans l'économie comme instance déterminante. C'est pourquoi la neutralisation du politique est pour ainsi dire inscrite dans son code génétique.
P.B. - L'Europe n'est qu'un tigre de papier.
J.F. - Elle ne fait même pas semblant d'être un tigre ! Depuis plus de quarante ans, elle s'en remet aux Américains pour ce qui est de sa protection. Elle a pris le pli de la vassalité, l'habitude d'une servitude confortable. C'est ce que dévoilent d'ailleurs les choix budgétaires de tous ses gouvernements quelle qu'en soit la couleur : la portion congrue pour la défense, une part grandissante pour les dépenses sociales. En réalité, L'Europe ne peut se construire que sur un enjeu ultime... la question de la vie et de la mort. Seul le militaire est fédérateur, car dans l'extrême danger il est la seule réponse possible. Or ce danger viendra, car l'Europe vieillissante riche et apathique ne manquera pas d'attiser des convoitises. Alors viendra le moment de la décision, celui de la reconnaissance de l'ennemi... Ce sera le sursaut ou la mort. Voilà ce que je pense. M'exprimer de cette manière ne me vaut pas que des amis...(...)"

Conversation avec Julien Freund, Pierre Bérard.

13/09/2014

What else (2)

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Suite du texte d'Hervé Juvin (trop lourd pour être publié en un seul post)

(...) 2 - Retour des territoires ; là où les hommes vivent, respirent, s’abritent, mangent, se rencontrent, c’est là ce qui compte. La politique de la survie ne sera rien d’autre qu’une politique de la ville et des autorités territoriales. Nous découvrons ce paradoxe. Pour traiter des phénomènes universels et mondiaux de l’environnement, il faut moins d’instances internationales que d’Etats en pleine possession de leur territoire. C’est tout le thème du « State’s building », qui prend place parmi les nouveaux principes majeurs de la Défense américaine ; il s’agit en quelque sorte de déléguer la fonction de la CIA ou, in fine, des Marines, à des Etats locaux, jugés responsables, éventuellement assistés de sociétés mercenaires, et tenus aux résultats en matière de conformité au droit qui leur est imposé. Il est plaisant d’affirmer que les notions d’ennemi ou d’adversaire n’ont plus cours ; la réalité est que tout Etat adversaire ou ennemi des Etats-Unis ou de ses alliés essentiels s’expose à être vitrifié, comme l’a été l’Irak, comme est menacé de l’être

l’Iran demain ; la haine se renforce de ne pouvoir s’exprimer. Une forme de bouclage juridico-politique est ainsi réalisée, au service d’une meilleure économie de la puissance de l’Empire. La posture des Etats-Unis qui ne reconnaissent aucune instance judiciaire extérieure (ni le Tribunal pénal international, ni aucune juridiction étrangère), qui font valoir fermement le privilège du souverain, seul habilité à juger ses citoyens selon ses propres règles, et qui imposent sans douceur l’extraterritorialité de leurs décisions, par exemple en matière de commerce ou de financements internationaux, est consistante. Les Etats-Unis savent ce que signifie une Nation, ce que veut dire souveraineté, et ils savent compter et nommer leur population. Qui le sait en

Europe ?

3 - Retour des Etats. Après la religion, l’Etat est ce qui a permis la survie collective en garantissant la terre, et en détournant la violence. Cette fonction redevient majeure. La montée des fonds souverains, la sortie du marché des matières premières, des ressources énergétiques, récemment du riz, la reprise du contrôle par les Etats de leurs ressources ultimes, marquent ce grand retour. Nous n’en avons pas fini avec la souveraineté et la légitimité. Les Etats-Unis, les premiers, semblent mesurer tardivement, mais enfin, qu’en la matière, une injustice vaut mieux qu’un désordre, et que la diplomatie des Droits de l’Homme y trouve son évidente limite. Que ceux qui souhaitent, au nom des Droits de l’Homme, l’explosion de la Chine, mesurent bien ce qu’ils déchaînent ! Sur les 141 pays en développement, une trentaine, selon Xavier Raufer, ne contrôlent à peu près rien sur leur territoire – dont une vingtaine en Afrique seule. Une convention mondiale sous l’égide de l’ONU est- elle la réponse ?

Le devoir d’ingérence signifie-t-il la mise sous tutelle étrangère de populations rebelles à se donner un Etat ? Les opérations de maintien de la paix et de défense des populations civiles, au nom de l’ingérence humanitaire, apportent-elles une solution, alors qu’elles correspondent souvent aux situations de pire violence pour les troupes impliquées, dans la confusion et la contrainte de l’émotion et des bons sentiments – des situations de guerre sans but de guerre? Dans tous les cas, chacun sent l’écart croissant entre la demande exponentielle de sécurités, portée par toutes les composantes de la société, et à la fois l’offre de sécurité, en cours accéléré de privatisation, mais jusqu’où ?, et les modalités de cette offre, qui nécessairement signifie un certain rapport entre la force, la violence et l’exemplarité. L’une des perspectives résultant de la sensibilité accrue aux risques s’ouvre d’ailleurs sur un fascisme vert, c’est-à-dire sur le contrôle de plus en plus individualisé de tous les éléments de la conduite individuelle, avec pour juste raison la sauvegarde du milieu pour tous.

4 - Déstabilisation de l’ordre économique, voire régression accélérée de la croyance économique, provoquant une détresse morale et existentielle, elle-même de nature à susciter la quête éperdue du collectif et des identités. « Le travail est la meilleure des polices », disait Nietzsche ; que se passe-t-il quand il s’agit de limiter la guerre à la nature ? Nous ne mesurons pas à quel point, sous le signe de l’indétermination, plus que des individus, nous avons fabriqué des isolés, c’est-à-dire des êtres sans repères, sans structures, donc capables de tout, et de toutes les violences. C’est la rançon de la mondialisation, et de la violence avec laquelle, sous prétexte de tolérance et de respect, nous avons écrasé la diversité du monde, fermé les niches géographiques et écologiques où des hommes poursuivaient leur histoire à l’écart de la nôtre.

Nous les avons invité, forcé à entrer dans la nôtre, ou ils sont morts ; quel exemple que la tentative de réduire les dernières tribus libres de la frontière pakistano- afghane, ou de liquider les populations des hauts plateaux indochinois ou boliviens, au nom des drogués de Harlem ! Nous n’avons pas mesuré à quel point nous allions donner le départ à une course aux identités dont les premiers effets sont déjà là, illisibles dans nos critères économiques et juridiques. Le recours aux intermédiations collectives pour assurer la survie est déjà engagé ; nul ne se bat tout seul, nul ne dure longtemps seul.

5 - Recherche de puissance. Face à des menaces vitales, face à la pression du développement, à la violence du totalitarisme de l’économie, le retour ou l’accession à la puissance est une aspiration de peuples et d’individus en proie au déracinement et à l’isolement, dont la fierté est ou sera le premier motif d’agir. Qui dira ce que la fierté rendue aux Russes par Poutine après le pillage de leur terre dans les années 1990 signifie pour l’avenir de l’Europe ! Qui dira ce que la conscience d’en finir avec deux siècles de pillage et d’humiliation signifie pour la Chine et pour l’Inde ! Et qui mesure que l’Islam représente, pour quelques centaines de millions d’hommes et de femmes voués à la misère de l’individu consommateur, la seule voie ouverte vers la dignité ! Seules, des collectivités puissantes garantiront aux leurs les conditions de la survie, par la force au besoin. La puissance politique et militaire ne peut pas manquer d’apparaître comme la sauvegarde de ceux qui se sentiront démunis face au marché et aux règles de l’économie. Et la conjonction de la hausse des prix des biens réels, du développement et de la diffusion universelle des systèmes et des méthodes a cet effet ; la puissance se rapproche de la population, et le moment est proche où les deux pays les plus peuplés du monde seront aussi parmi les trois plus puissants.

Il faut éviter à ce stade les facilités qui consistent à déplorer la faiblesse des Etats et des démocraties. La science, promettant le dévoilement de la vérité, la rendant accessible à chacun, convainc plus efficacement que les révélations divines. Le droit de chacun de débattre librement de ses intérêts et de se prononcer parmi tous selon ses intérêts, assure un fonctionnement social plus efficace que l’autorité imposée d’en haut. Et il n’y a pas de doute à ce sujet ; ce n’est pas de l’extérieur que la démocratie est menacée, mais de l’intérieur, par des forces qui lui sont essentielles, celles du droit, celles de l’individu, celles du libéralisme, mais qui menacent de la dépasser et de faire naître autre chose, qui part de la démocratie, et qui n’est plus la démocratie.

La question n’est pas celle de la faiblesse de la démocratie, elle est celle du point imprévu où le libéralisme se tourne contre la démocratie, d’une part, d’autre part du point où le libéralisme déclenche des forces qui sont destructrices de cette clôture nationale qui permettait aux peuples d’agir. C’est peu de dire que sur les OGM, sur les migrations de masse, sur le principe de précaution, la démocratie est tenue en marge, notamment par les difficultés de l’expertise indépendante – si du moins par démocratie il faut entendre l’expression libre de la volonté majoritaire et du choix populaire.

Nous avançons dans la nuit et dans l’orage vers un monde westphalien ; le monde des Etats nations sorti du traité de 1648. Et nous avons assez déploré les excès de l’hyperpuissance pour nous effrayer déjà de l’ère des puissances relatives – du moment où plusieurs superpuissances vont se partager le monde, leur monde (non sans raisons ; car le passage au temps des puissances relatives, rien moins qu’assuré compte tenu de la supériorité militaire écrasante des Etats-Unis, est aussi celui de tous les risques ; un empire ne rentre pas dans le rang sans vouloir éprouver jusqu’à la fin les vertiges de la puissance, et sans vouloir s’assurer des gages pour l’avenir). Cette avancée imprévue bouleverse le projet libéral, le contraint à se redéfinir, à mesurer ses limites, et peut-être à envisager qu’autre chose, un jour, puisse le recouvrir. Elle se traduit pour nous par ce défi ; produire le monde, ou sinon le perdre – être en danger réel et immédiat de nous trouver balayés par la nature. Elle se traduit moins par le retour annoncé du politique, que par cette redécouverte ; l’économie est le moyen d’autre chose, qui est plus qu’elle. Les guerres de l’eau, les grandes migrations de la faim et de la soif, les conflits naissants pour l’énergie, pour le climat et pour l’espace habitable, sont devant nous. Qui les affrontera ? Savons- nous même les concevoir, pour en anticiper le cours et pour essayer de peser sur lui, d’abord pour nous peser ?

3–Verslaguerre?

« Le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie mérite d’être vécue » Bob Kennedy, discours du 18 mars 1968, une semaine avant d’être abattu

Les discours, les rapports, les commentaires, et parfois les décisions, qui se consacrent au sujet de la Défense, tendent tous à considérer que la guerre est hors de propos, et que les questions d’identité, d’indépendance et de liberté nationales ne se posent plus sous le signe de la guerre. Belle assurance, qui justifie qu’après le temps de la dissuasion, puis celui de la professionnalisation, soit venu celui de l’intégration. Belle assurance, dont notre analyse tend à considérer qu’elle pêche à la fois par naïveté, par ignorance, et par facilité ; en temps de paix, quel est l’arbitrage plus facile que la réduction des budgets de la Défense, et quelle solution est plus facile que le déport sur ses alliés du soin de sa défense !

Un monde petit, rare, compté, ne laisse pas d’alternative ; nous allons récolter les fruits barbares du désir que nous avons semé dans le monde, des promesses que nous avons faites et que nous ne tiendrons pas. L’évènement historique actuel, considérable, est que le projet libéral a diffusé dans le monde une envie ravageuse, impossible à satisfaire, au moment même où il s’employait à détruire ces moyens de la paix, ou de l’arrêt de la violence, que sont les religions, les hiérarchies sociales, et les Etats ( lire René Girard, Achever Clausewitz, 2007 ).

L’économie s’est vue demander de faire société. Son échec à y parvenir est celui de la réduction de chacun à sa fonction économique, celui de l’anéantissement de tous les repères et de toutes les structures, celui de la déliaison, celui, pire encore, du sens tragique de la vie. Cet échec lie directement crise économique et crise géopolitique ; de même qu’il a été demandé à la croissance de produire la paix et la confiance dans un monde rendu un par l’argent, le commerce et l’envie, de même l’échec de la croissance peut produire la défiance, l’envie, la haine et le ressentiment, de même il prépare la guerre de tous contre tous.

La sortie des frontières, des institutions et des autorités, a toutes les chances de créer les conditions de conflits insaisissables, de violences irrépressibles parce que sans auteurs repérables, avoués, revendiqués. Le temps de la violence sans projet, des guerres sans armées et des conflits sans limites parce que sans frontières est venu. Les tensions qui se développent opposent des groupes qui ne savent pas les gérer, parce qu’ils ont depuis longtemps considéré qu’il n’y avait plus de motifs légitimes au conflit ou à la guerre, parce qu’ils ont été formés à considérer toute violence comme illégitime. Comme la pédophilie et la religion, la peine de mort fait partie des sacrilèges de sociétés qui font tout pour se débarrasser de la transcendance, et pour oublier qu’une croyance est ce pour quoi on tue aussi bien qu’on meurt.

La perte des repères, des structures, qui est le fait d’une majorité d’Européens, exerce déjà, exercera des effets considérables sur le passage à la violence ; car elle la libère, car elle défait toutes ses entraves, et elle n’aura pas plus de limites que la soif de l’enrichissement ou celle du plaisir n’en ont connu avant elle. Et les guerres qui viennent, qui ne seront le fait d’aucune institution, d’aucune force constituée comme les Nations, les Royaumes ou les Empires pouvaient l’être, comme les religions ou les sectes l’étaient aussi, qui ne seront ni des guerres nationales, ni des guerres civiles, n’en seront que plus inextinguibles. Il faut en être certain ; le désarmement de la Défense nationale, loin de préparer la paix, s’inscrit dans le processus d’explosion de la violence généralisée, d’autant plus terrible qu’elle sera sans cadre, sans structure, sans but de guerre.

L’Europe n’a pas de drapeau. A la différence des Etats-Unis, de la Chine, de la Russie, la passion nationale ne l’anime pas. Est-ce la faiblesse que l’on dit, la faiblesse que l’on croit ? Seuls ceux qui jugent riches d’avenir et de paix les passions des Américains, des Chinois, des Russes, peuvent le croire. A considérer les succès respectifs des Soviétiques et des Américains en Afghanistan, à mesurer la haine qui entoure l’illégitimité des interventions américaines et leur mépris superbe du droit des autres, à voir la défiance qui plombe chaque pas en avant de la Russie, l’inverse est probablement juste ; le savoir modeste, complexe, prudent de l’Europe en matière de relations collectives, de liens et de puissance, a probablement plus d’avenir que les certitudes manichéennes des Croisés du Bien. La science des compromis, la longue pratique des conflits mesurés, le savoir horrifié des extrêmes, forment un capital européen actuel.

La quête subtile par l’Europe des séparations pertinentes, des distinctions justes, a probablement plus de portée que les découpes au sabre de l’Amérique, de la Russie ou de leurs ennemis. La capacité suprême, celle d’hésiter, celle de ne pas savoir, celle de ne pas s’engager, pourrait faire la différence au profit d’une Europe qui sait le poids des armes et qui ne compte plus ses morts. Et l’affirmation de principes rigides, fermés et clos, est probablement la source la plus certaine du conflit et de la guerre, à l’opposé du savoir mou de l’Europe. Le combat pour le « soft power », celui des normes, celui des représentations, celui des idéaux, est infiniment plus ouvert qu’il ne l’a été. Les compromissions américaines, leurs mensonges, le biais des balances qui pèsent les actes de leurs alliés et ceux des hommes libres, leur ont depuis longtemps valu la perte de leur légitimité, et la montée de la haine qui entoure chacun de leurs gestes.

Au point que la proclamation d’un Occident refondé, la manifestation de la solidarité avec l’Amérique, est bien capable d’exercer de funestes conséquences pour ceux qui ne mesurent pas le caractère maintes fois surréel de pareilles manifestations. Nous avons été les mêmes, nous ne le sommes plus. Nous avons été alliés, nous le sommes encore quelquefois. Nous comprenons de moins en moins les mêmes choses, nous percevons de moins en moins le même monde, et ce qui nous unit se réduit de plus en plus, à mesure que ce qui nous sépare s’approfondit.

Si la Défense a encore pour but la protection des Français, nous devons fermement nous en tenir à cette certitude ; la première menace des dix ans à venir ne vient pas du terrorisme, elle ne vient pas de l’Iran ou de l’Amérique, elle vient de l’environnement. C’est l’environnement au sens large qui risque d’être le déclencheur des bombes démographiques, religieuses, économiques, qui s’accumulent. L’espace de la Défense nationale est celui de la survie des Français, dans un monde qui ne fera pas de cadeau, qui a faim, et qui n’en a pas pour tout le monde. Et cette menace est chaque jour plus informée, mieux établie, donc plus susceptible de prévention, de rétorsion et d’intervention. Il n’y en aura pas pour tout le monde. La menace lointaine de la procédure aura peu d’effets dissuasifs pour ceux qui devront survivre.

Et la régulation par la pandémie, par la faim, et par la guerre, et les migrations de la soif ou de la faim, produiront demain les effets qu’elles ont toujours eus ; ramener la population humaine au niveau compatible avec celui que la planète peut soutenir. Inconcevable ? L’empire de la conformité qui s’étend prépare assez bien les bonnes consciences des exterminateurs de demain. Il y a un moment où il faut revenir à Antigone et à la règle. Il y a un moment où l’humanité c’est sortir de la règle et de la conformité.

Et il faut en revenir au constat de Tocqueville ; c’est dans la conformité à la règle du contrat, dans l’ordre, sans haine et sans passion, qu’ont été exterminées les populations indiennes d’Amérique du Nord, et c’est avec la même bonne conscience que l’Amérique prétend donner au monde des leçons d’humanité et imposer sa version de la démocratie ; faites ce que je dis, oubliez ce que j’ai fait. Et le modèle à l’œuvre dans le monde est toujours celui-là – celui du droit supérieur du meilleur exploitant économique. Au point que ce qui fait tenir ce monde et nos sociétés, c’est ce qui est antérieur au libéralisme, et c’est ce qui résiste à l’Etat !

Il faut considérer longuement la question sans en avoir les yeux incommodés, selon le principe napoléonien. L’apparence est à la confusion du monde, à la complexité multipliée, à la sortie de tous les repères et de toutes les structures. Elle est à l’absence de lois. C’est seulement que nous ne voulons pas les voir. La réalité est à la marginalisation de l’appareil de Défense dans le système de sécurité globale ; la Défense suppose un ennemi extérieur que nul ne voit plus, ou n’ose plus voir, faute de nommer la menace et de compter les facteurs d’affrontement.

Les discours sont au dépassement de tout ce qui a fait la vie des hommes quand ils dépendaient de la terre qui était sous leurs pieds. Mais ils n’en sont sortis que pour mieux y revenir. Les hommes vont se battre pour survivre, ou ils vont s’unir pour se projeter dans un monde meilleur, sorti de la nature ; et beaucoup vont mourir. Les deux sont probables. Les conflits d’intérêts sont de toujours, ils vont redevenir légitimes, ils vont se dérouler sur les bases les plus traditionnelles ; la possession de la terre, des femmes, des trésors. Un monde petit, compté et rare est monde de conflictualité forte.

1 ) La montée de la conflictualité est acquise. Il n’y en aura pas pour tout le monde dans un monde petit, compté et rare ; et nous sommes bien près de retrouver les conditions de la constitution des sociétés politiques, qui résidaient, voici cinq ou six millénaires, dans cette Mésopotamie qui vit au rythme des crues du Tigre et de l’Euphrate, dans cette Egypte qui vit des crues du Nil, du besoin de survivre. Les envies, les ambitions, les volontés du progrès telle que la promesse libérale d’une orientation historique favorable les a stimulées, immanquablement se heurtent. Toutes les conditions des conflits à venir sont là, sont déjà là. Elles nous obligent à la fois à abandonner toute idée de retour – on ne revient jamais en arrière – et à engager un effort considérable pour sortir des idées toutes faites et du prêt-à-penser libéral.

Le deuil de la diversité en est responsable. Nous vivons la situation pour nous inouïe où ce qui menace est ce que nous avons fait de mieux, où nous souffrons de nos vertus et pouvons périr de nos sujets de fierté. Chaque ONG de développement, chaque euro d’aide, chaque discours sur les droits universels, contribue à la destruction de cette diversité qui a été notre viatique. Les Vikings avaient à peine eu besoin de combattre pour repousser des Eskimos pour eux préhistoriques, installer leurs vaches et planter du blé au sud du Groenland, dans le petit été arctique de la fin du premier millénaire, quand l’herbe verte couvrait ce qui avait été, ce qui sera le grand désert blanc. Trois siècles plus tard, ils se dévoraient les uns les autres ; nous avons retrouvé leurs cadavres congelés, et les restes d’horribles festins, quand le petit âge glaciaire fit se refermer la niche écologique fragile où ils s’étaient installés. Les Eskimos ont retrouvé leur banquise, pour mille ans. Dorénavant, nous avons une humanité unique par un désir unique, dans un espace compté, mesuré, et fermé au plus grand nombre. Ce qui a fait la paix pendant cinquante ans, l’extension indéfinie de la promesse d’abondance, et la représentation universelle de la société d’abondance, va faire la guerre de demain.

2 ) La conflictualité n’est pas le fait de la nature, mais du régime de croissance imposé au monde et de son universalisme. L’actualité est girardienne, et elle est à l’Apocalypse du désir mimétique de l’Occident. Le danger vient de l’extension indéfinie du principe même qui a fait notre force. Nous avons répandu dans le monde le principe de la croissance illimitée et du désir sans limites qui la sous-tend. Nous en retirons la convoitise illimitée pour des biens limités, dont nous usons et abusons, provoquant l’insatisfaction, le ressentiment, et la haine. Le mimétisme du désir est le terrifiant mécanisme auquel la religion, puis l’Etat, puis la Nation ont été chargé de mettre fin.

Et elles y ont mis fin en organisant des dispositifs qui limitent la violence, notamment en organisant des séparations, ces séparations dont Pierre Manent explique qu’elles sont la base même de la démocratie. C’est à ces séparations que le régime de la croissance infinie a entrepris de mettre fin, auxquelles le projet libéral s’attaque pour ne laisser devant nous que l’unité totale du genre humain- c’est-à-dire la guerre de tous contre tous. La machine giraldienne du mimétisme est en route, et elle est en route dans un monde sans limites, c'est-à-dire dans un monde qu’elle peut ravager totalement :

Nous avons enseigné à tous à désirer ce que nous avons. Ils le désirent, nous n’en avons que pour nous, il n’y en aura pas pour eux. Ils vont nous haïr d’autant plus fort qu’ils nous admirent, d’autant plus fort qu’ils devraient nous aimer pour leur avoir révélé qu’une vie meilleure existait, et leur avoir fait humer ses parfums. Donner envie de ce que je possède et ne peux partager est la mère de toutes les guerres. La figure est la plus violente peut-être de toutes celles qui le suggèrent ; le commerce diffère de la guerre par son intensité, pas par sa nature. Clausewitz, dans « De la Guerre », analyse avec lucidité un mouvement qui prend une saisissante actualité, au moment où le commerce est devenu planétaire, comme le désir de biens et services communs, au moment où les séparations qui placent des corps, des objets, des relations, des services, hors marché, hors commerce, tendent à disparaître les unes après les autres. Le mouvement par lequel se répand la convoitise est identique à celui qui conduit aux extrêmes. Et le mouvement qui universalise le contrat, le marché et le prix, est celui-là même qui prépare la guerre de tous contre tous, et d’abord en faisant de la vie un objet de contrat.

3 ) Les cadres qui ont mis la guerre hors la loi, depuis 1945, et qui ont organisent effectivement la substitution de la guerre contre la nature et de la concurrence de marché éclatent. La primauté économique attachée à la destruction de la capacité politique des nations et des communautés a permis à la croissance réelle des consommations de ménager un espace de paix, non sans prix. Son achèvement crée les conditions du ressentiment et de la guerre de tous contre tous. A l’évidence, si la défense a bien pour but de produire la survie, un nouveau front est ouvert, et c’est celui qui fait suite à la guerre que nous avons livrée contre la nature, depuis deux siècles, une guerre que nous avons gagnée, et qui nous laisse contre un ennemi inconnu. Les buts de guerre sont manifestes.

1 - Guerres pour l’accès aux nouvelles raretés dont dépend la survie ; espace, eau, énergie, nourriture. Ces conflits ne passeront pas par le marché. Le droit des contrats ne sera pas longtemps tout puissant devant la nécessité de la survie. Les conflits pour les ressources ultimes sont déjà présents, ils se multiplient, ils organisent la plupart des tensions internationales.

2 - Guerres pour l’occupation des sols, effet des migrations les plus importantes depuis les temps barbares dont nous oublions qu’à l’époque elles avaient peu l’aspect d’épopées militaires, mais plutôt celle de la simple pression irrésistible de masses démographiques mises en mouvement par la nécessité de survivre ; les armées vont avoir à apprendre à protéger le territoire plus qu’à se battre, non contre des ennemis armés comme eux, mais contre des invasions de masse. Nous entrons dans un monde plein, c’est-à-dire un monde où chaque mouvement de l’un touche, concerne et gêne les autres. L’image du RER le lundi matin vaut celle de Hong-Kong les jours ouvrables ; la concentration urbain n’en est qu’au début, faire et vivre la ville devient un art à enjeu élevé, mais la violence sera là.

3 - Guerres pour l’imposition des normes et des règles dont dépend la survie de communautés, survie plus morale et spirituelle qu’économique. La question des identités multiples (Sen), des appartenances relatives et des religions meurtrières (Barnavi) est devant nous. La confusion du monde, l’importance passée, actuelle et surtout à venir des phénomènes de migration de masse promet des révisions déchirantes sur ces questions. La défense des modèles français ou européens peut passer à terme par des opérations de type militaire sur le territoire national, de manière analogue à ce qui a lieu au Liban. L’armée va retrouver un de ses rôles qui est d’assurer la possession de leur territoire aux Français, et leur capacité à s’autodéterminer. Si la guerre est bien, selon Clausewitz, « l’acte de violence destiné à obliger l’adversaire à exécuter notre volonté », les états de guerre vont se multiplier à mesure que les tentatives d’obliger son voisin, son concurrent ou son allié à exécuter sa volonté vont croître.

4 ) La question porte sur notre situation stratégique face à une situation que l’on ne veut pas voir.

L’Europe dans le monde et la France en Europe poursuivent un mouvement très particulier, qui les sépare de la conscience du reste du monde, de ses enjeux et de ses réflexes. Il n’est pas faux de dire que le mélange du libéralisme des mœurs, des droits et de l’économie, va plus loin qu’ici qu’à peu près partout ailleurs dans le monde, et surtout aux Etats-Unis, dont le libéralisme économique s’accommode d’une subordination étroite des mœurs privées au jugement collectif, dont l’attachement à la liberté culmine dans la liberté de travailler, de faire valoir ses forces et de défendre ses biens et les siens. La plupart des articles de la foi libérale dont le catéchisme imprègne les consciences françaises vont être mis en défaut. Les composantes traditionnelles de la puissance que sont la démographie, l’âge moyen de la population, la résolution à agir, la consistance du collectif, sont en train de réapparaître ; même pour ceux qui considèrent qu’il n’y a pas de limites à la corruption, il y a les limites de la capacité à payer pour cacher la réalité et pour qu’elle n’éclate pas.

Nous sommes particulièrement mal armés pour envisager la situation. Pas en raison du libéralisme, qui affaiblirait l’Etat. En réalité, un gouvernement qui règne d’en haut par l’autorité est beaucoup moins solide que celui qui repose sur l’accord sans cesse renégocié de chacun à la poursuite de ses intérêts ; les intérêts individuels lient davantage que les grands projets collectifs, le temps du moins qu’ils peuvent être poursuivis. D’abord en raison de la censure qui interdit de nommer, de compter et de dire. La parresia étudiée par Michel Foucauld, la capacité de dire la vérité, sa vérité, pour les autres, au besoin contre les autres, au risque du bannissement ou de la vie, est une condition vitale de la démocratie. En France particulièrement, substitution des mots et des intentions aux actions et aux choses, nominalisme et pensée correcte, règnent en maître ; ce sont les adversaires de toujours de la pensée stratégique. Qui a mesuré ce que la création d’un délit d’opinion a signifié dans une République française, qui s’est voulue terre de la liberté d’association, de pensée et de débat ?

Ensuite, en raison de la saturation de l’opinion par le projet libéral, qui occupe moins seulement l’économie que la société, et par le biais malin de l’ultragauche. La société est prise en tenaille entre l’intérêt libéral de la droite modérée, à peu près entièrement ralliée au marché parce qu’il lui permet d’exprimer ses atouts et de rallier le plus grand nombre – thématique de la société du risque, des opportunités, naturalisation du marché, etc. - et surtout de la gauche de la gauche ultralibérale en matière de mœurs, qui crée le terrain du libéralisme absolu.

Il faut mesurer la course historique très singulière du libéralisme qui a fait son nid dans la descendance des mouvements trotskystes et autres, s’est recyclé dans la défense des Droits de l’homme, est parvenue à marginaliser le fait majoritaire, c’est- à-dire la capacité des Français à décider de ce qui les concerne, et a proclamer le droit de libre établissement des populations, mère de tous les libéralismes, parce que dissolution de toute mutualité. La France a manifesté dans cette direction une naïveté confondante, avec au passage un rétablissement saisissant de la censure morale. Enfin, en raison du prisme des Droits de l’individu absolu, qui nous rend incapables de penser le collectif autrement que comme l’addition des préférences individuelles, qui rend illisibles les mouvements des passions et des engagements collectifs, incapables plus encore d’anticiper et de comprendre des démarches qui ne soient pas dictées par l’intérêt à court terme de « l’idiot rationnel ».

5 ) La question porte sur la légitimité des conflits. Notre monde libéral ne supporte pas l’idée d’une extériorité et se livre avec une violence inconcevable à la suppression de toutes vraies différences, qui comportent le risque inacceptable de l’étrangeté et du jugement ; quel aveu derrière la permanente affirmation du caractère universel de nos valeurs, de nos modes de vie, du marché ! Quelle naïveté derrière la justification forcenée du marché comme état de nature, un état de nature jamais perçu par aucun des ethnologues qui ont observé les sociétés d’avant l’invention du marché ! Et quelle violence inaperçue derrière nos pratiques de développement, qui liquident un patrimoine immatériel de mœurs, de politiques, de sociétés, sans un regard ni un remords pour les pertes qu’elles laissent derrière elles ! Nous en sommes au point où il est impossible, impensable, et interdit, de désigner un ennemi. Au terme des nouvelles aventures du rapport entre l’individu et le collectif, il ne saurait plus y avoir dans le monde que des tâches de simple police, de sécurité intérieure, puisque notre monde béni de la croissance ne saurait plus avoir d’extérieur.

Seule, la défense des Droits de l’homme justifierait l’engagement des armes, de manière assez paradoxale puisque certains qui bannissent la peine de mort sont aussi les plus interventionnistes dès que l’ordre semble menacer la liberté. Qu’importe si ces tâches de police sont un peu rudes, demandent des chars, des avions, et pourquoi pas des armes nucléaires propres ? Il ne s’agit pas de guerre, puisqu’il n’y a pas d’Etat pour les déclarer, pas d’Etat non plus pour les arrêter, et puisque le bien est leur but, qui n’est pas un but de guerre. L’idéalisme occidental précipite le monde dans un conflit sans fin, parce qu’il n’a pas de but, sans fin parce qu’il n’a pas de frontière, sans fin parce qu’il n’a pas d’auteur.

Nous refusons d’admettre qu’il y ait des différences d’intérêts entre Etats, entre communautés, entre collectivités, que ces différences soient légitimes, et que dans certains cas des risques de guerre peuvent apparaître. L’hystérie européenne qui entoure la question de la peine de mort ou bien celle de la détention d’armes par les particuliers est symbolique. Si la liberté et l’honneur ne valent jamais le risque de guerre, le risque de mort, alors sont perdus et la liberté et l’honneur. Le sacré commence quand je préfère quelque chose ou quelqu’un à la vie.

L’achèvement du projet libéral, tel qu’il trouve sa forme aigüe dans l’exercice de droits de l‘homme devenu arme de destruction massive de nos démocraties, comme ils l’ont été de l’URSS, transforme la notion de guerre et tend à la contourner pour la vider de son sens en postulant qu’il suffit de déserter pour ne pas être tué, d’émigrer pour ne pas être contraint, ou de se rallier et de s’adapter si l’on y est obligé. Est-il besoin de faire retour sur les liens maintenus entre de grandes sociétés nord- américaines et leurs consœurs allemandes pendant la Seconde guerre mondiale ? Le libéralisme économique finit par s’accommoder de toutes les situations qui assurent la croissance, mieux, il finit par les préférer. Et nous n’avons pas fini de découvrir ce que la privatisation de la guerre, qui fait de tout conflit une occasion de réaliser du chiffre d’affaire et de faire croître ses bénéfices, peut faire naître de monstres (lire Ramu de Bellescize « L’armée française de la Yougoslavie à l’Afghanistan », dans Liberté politique, été 2008, et Naomi Klein, « The shock doctrine », 2008, Random House).

6 ) La question porte sur le fait national. La Nation, le nationalisme ont été chargé de tous les défauts. Sans doute. Ils correspondaient pourtant à un stade d’élaboration du collectif qui reléguait en arrière la race ou la religion ; la Nation était d’abord ce commun qui primait les autres déterminations, les autres appartenances ou identités. Quand tout homme, toute femme, sont d’abord Français, Allemands ou Canadiens, ils sont moins catholiques, israélites ou athées, ils sont moins blancs, noirs ou juifs, que si la nationalité n’était pas leur identité dominante – non qu’elle soit exclusive ; qu’elle domine, dépasse et en quelque sorte réconcilie les autres en les dépassant. Ils peuvent d’autant plus aisément, impunément et sans risque être ce qu’ils sont ou ce qu’ils croient, parce qu’ils sont d’abord et ensemble cela – Français, Américains, ou Européens. Ceci désarme cela, dans le même temps où ceci protège cela. La nationalité comme intermédiaire vers l’universel aurait-elle perdu ses vertus ? Les Etats-Unis n’en ont rien oublié, qui savent que le nationalisme le plus affirmé est la condition de l’intégration, qui consacrent de très loin le premier budget mondial à leur défense, et qui n’ont jamais subordonné leur respect des traités et des conventions internationales à autre chose qu’à leur intérêt national. En ce sens aussi, leur Occident est-il encore le nôtre, à nous Européens qui attendons le salut du droit, soucieux d’acheter au monde les gardiens de nos vieux jours ?

L’avons-nous oublié ? Quand la Nation se défait, il n’est pas certain que ce soit l’humanité qui progresse. Nous n’avons pas pris garde au fait que le passage de la Nation à l’Empire, ou à la ville-Etat, est une régression historique, qui signifie que la consistance sociale se dissout et devra se refaire ; et le risque est grand qu’elle se refasse sur ses bases de toujours, qui sont religieuses et raciales. Le risque ne vient pas de l’histoire, d’un retour qui n’arrive jamais, il vient de ce qui se joue dans le projet libéral quand il se tourne contre la démocratie, quand il supprime la capacité collective d’agir et d’être autonome, et qu’il prend le risque de déconstruire les identités nationales pour ne laisser que le substrat des différences antérieures.

La confrontation proche avec les effets des nouvelles raretés, c’est-à-dire l’obligation d’être dans un collectif pour s’alimenter, pour avoir accès, pour seulement survivre, va renouveler la question. Il n’est pas certain qu’aucune des structures qui occupent la scène – ONG, communautés virtuelles, entreprises, etc. – aient la moindre chance dans ce domaine, tant leur manque la durée, la consistance, et cet attribut oublié ; la souveraineté.

Le défi de « produire le monde » s’inscrit ainsi non dans l’économie, mais dans la stratégie. Il est le nouveau moyen de prévenir les conflits et d’éviter la guerre de tous contre tous. Si la guerre contre la nature a été le moyen passé de la paix à l’ère industriel, la production d’un monde sorti de la nature sera le moyen de la paix future, et celui de notre survie.

Conclusion

La guerre change de nature, le mot reste actuel. La Défense sort de la Nation, et l’armée cherche ses missions. C’est l’effet de la sortie de nos démocraties. Comme l’analyse Marcel Gauchet dans : « L’avènement de la démocratie – 1 », le fait politique majeur de ce début de millénaire est que nous consacrons la diversité à l’intérieur de nos pays, tout en n’admettant plus que l’unité entre les pays. Chacune, chacun, peut infiniment faire valoir ses droits à être différent à l’intérieur ; mais tous les Etats doivent se conformer à ces droits de l’individu, au prix de leur souveraineté. Avènement de l’individu, mais dépossession d’un avenir commun, d’un projet partagé, et de la capacité politique à agir par le vote. La primauté absolue de l’individu, à laquelle aboutit la dérive des Droits de l’homme, vide de son sens le débat politique, prive un peuple de sa capacité à agir, remplace le vote par le droit et fait de la démocratie une matière de procédure et de conformité.

Dans ce mouvement, il faut penser l’inconcevable ; le retour de la guerre. La situation est d’autant plus paradoxale que la représentation d’une planète unifiée par les Droits de l’homme, la mise hors la loi de la guerre et l’universalisation du marché, fait de celui qui recourt aux armes, non un ennemi, mais un délinquant. La qualité de guerrier refusée à celui qui prend les armes, puisqu’il le fait dans une structure non étatique, puisque aucun Etat ne peut soutenir longtemps une guerre contre les gendarmes de l’ordre international, sauf dans les rares marches de l’Empire, supprime tout ce que la civilisation avait apportée dans les relations de guerre. La civilisation de la guerre, telle qu’elle est sortie de l’Occident chrétien avec la chevalerie, puis les armées de mercenaires, est morte au XXè siècle. Il serait imprudent d’y voir un progrès.

La haine sera sans fin, le mépris aussi, et les conditions de la guerre totale sont réunies, puisqu’un des adversaires ne pourra rien attendre de l’autre, puisque le seul but de chacun sera la destruction complète de l’autre, puisque l’ensemble des structures qui pouvaient limiter la violence a été défait par l’avènement de l’individu. La seule vraie faute politique en matière d’interventions extérieures consiste à dire qu’on ne négociera jamais, ce qui signifie qu’on poursuit non un but de guerre, mais l’extermination de l’autre.

Promise à devenir cette Eurabie ignorée ou redoutée, l’Europe saura-t-elle jouer la partition que l’histoire lui enseigne, et qui l’éloigne des Etats-Unis autant et peut-être davantage que d’autres mondes anciens comme elle, parfois plus qu’elle, que sont l’Inde ou la Chine ? Le savoir que tout est relatif, que les compromis valent toujours mieux que l’absolu, que les plus grands malheurs viennent de la poursuite des plus grands idéaux, que la modération, la retenue et l’indifférence sont aussi des qualités essentielles en matière de politique internationale, a été assez chèrement appris pour la placer dans une situation exceptionnelle de lien, d’intermédiaire et d’éclaireur. Partition difficile, partition vitale. C’est que le temps presse. Avec d’autant plus de violence les forces d’un monde unique, d’un marché des hommes et d’une dissolution de tous les collectifs auront ravagé le monde, avec d’autant plus de forces les puissances de la diversité, de l’éloignement et de la distinction vont rétablir la diversité, l’éloignement et l’altérité. Voici venir le temps des discriminations nécessaires, des frontières salvatrices et des séparations fécondes.

Cette sortie de la confusion a toutes les chances de se dérouler rapidement, sous l’égide de la faim, de la soif, et de l’obligation de survie, sous l’égide aussi de la perte de l’autorité morale des Etats-Unis. Rapidement, et brutalement, les conditions de la fondation des sociétés politiques, qui sont la volonté de survivre ensemble, sont recrées. Les effets cumulés de l’effondrement des services gratuits que la nature rendait à l’homme vont redéfinir les communautés, rendre sa valeur au territoire, et actualiser la lutte pour la survie de ceux qui ne veulent pas mourir. Le voile de l’abondance jeté sur les passions et les envies en se retirant va rappeler à tous les vraies raisons de vivre et de mourir des hommes, ce qui s’appelle survivre, croire, et se battre. Autant le dire, la conviction qui anime cet essai d’anticipation des ruptures stratégiques liées aux nouvelles raretés n’est pas optimiste.

Il faut croire qu’un effort immense d’invention, de production et de financement va permettre de « Produire le monde » ; il faut se préparer à vivre des moments d’une intensité difficile, et surtout à laquelle rien ne nous prépare avant de basculer dans l’autre monde, qui sera pleinement le monde de l’homme, par l’homme et pour l’homme. Autant le dire aussi, l’autre conviction de cet essai est que rien ne va autant bouleverser la chose militaire que l’environnement, à moins que ce ne soit la stratégie militaire qui anticipe et qui pèse sur les sujets d’environnement. Il pourrait y aller de notre survie, ici, sur ce promontoire occidental de l’Eurasie qui a les chances de devenir une terre vide, qui demeure une terre riche, qui est donc une terre désirée, qui sera une terre à prendre.

S’il fallait désigner une rupture stratégique, c’est bien celle-là ; la guerre menée contre la nature depuis la première révolution industrielle est devenue une guerre contre la survie de l’humanité. Ses effets, et les effets de ses effets, n’ont pas fini de nous atteindre ; nous les déplorons, nous chérissons leurs causes. Comme toute menace pour la survie, elle précipite la nouvelle division du monde entre ceux qui veulent survivre ensemble, et ranime de très anciennes séparations, perdues, mais essentielles. Et elle touche l’Europe au cœur de la singularité qui lui fait croire qu’on peut indéfiniment acheter le confort de la paix à ses ennemis, le faire payer à ses amis. Nous continuons de la livrer, sans espoir, tant nous nous battons contre notre survie. Et cette grande guerre de notre temps de paix, conduite dans la méconnaissance générale, a toutes les chances de provoquer de petits et de grands conflits, qui ne se résoudront pas par de belles paroles, de beaux sentiments, ou de belles valeurs, parce qu’ils répondront à ce but éternel des hommes organisés en Nations; la survie.// Hervé Juvin, 2014.

 

 

what else?

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(...) A quoi ressemble le monde qui vient, produit du choc entre un monde idéal du droit universel, et un monde réel des passions, des intérêts et de la confrontation pour l’accès aux biens rares ?

1 - Monde du retour au physique et au réel. Les automobiles ont des carrosseries de métal, les plastiques sont fabriqués à partir de pétrole, et les maisons comme les immeubles demandent de la pierre, du bois et du verre. Et le feu tue. Le retour des biens réels est écrit. La question n’est pas celle des connections Internet et du haut débit, du monde virtuel et des avatars, c’est celle de l’eau, du riz, du bois, de l’air. Le changement climatique n’est pas un problème de plus, c’est un changement d’agenda mondial. Et c’est aussi la condition de tout le reste ; Nous en revenons au monde de la première mondialisation, quand l’essentiel des échanges concernait des matières premières, des métaux précieux, de l’énergie, du bois, des tissus, ce qui se compte, se pèse et se mesure ; et les statistiques du commerce extérieur étaient tenues, voici trente ans encore, en tonnes, en mètres et en tête de bétail....

Nous allons devoir produire l’eau, l’air, l’espace, ce qu’aucun homme n’a jamais produit, et nous allons devoir gérer les accès à l’eau, à l’alimentation, à l’espace ; la gouvernance des biens vitaux est le sujet politique de demain. Il n’y aura pas de politique qui ne soit pas une politique de la vie. La réduction de l’espace vital de chaque être humain est une donnée des cinquante prochaines années, essentiellement due au réchauffement climatique et à l’urbanisation. Il faut avoir vécu dans les fourmilières asiatiques, dans l’entassement des métropoles africaines, pour mesurer ce que signifie un monde plein. La terre, la forêt, l’espace, n’auront plus de prix. Attention ! Le pire serait de croire au retour à la terre, au réel. Il n’y a jamais de retour. Et les liens qui se refondent seront nouveaux, les dépendances qui s’annoncent seront nouvelles, et nous allons redécouvrir les conditions de la vie.

Ce retour au physique et au réel est aussi vrai, et combien, dans le domaine des affaires militaires. L’étonnante révélation que les combats se gagnent sur le terrain, que les avantages conférés par la supériorité du renseignement, des systèmes et même des armes, ne préjugent jamais du déroulement effectif du combat, et qu’à préparer la guerre du futur, on peut perdre celle de demain matin, dessine déjà les contours d’une nouvelle révolution des affaires militaires. Faut-il dire que l’aversion de l’Europe pour la peine de mort, pour les armes et pour l’engagement armé, la complaisance des dirigeants politiques pour l’émotion et les sentiments, la diplomatie de la compassion qui tend à remplacer celle de l’intérêt national, outre qu’elles rendent l’armée étrangère, la guerre impensable et le soldat presque suspect, vont rendre délicate l’appréciation rationnelle des situations, des opérations et des faits ?

2 - Monde compté, petit, limité ; il n’y a en aura pas pour tous. Les promesses de l’Occident aux pays en voie de développement vont se révéler pour ce qu’elles sont, un mensonge. Tous n’auront pas le mode de vie californien. Dans un monde fini, ce qui est pris par l’un est enlevé à l’autre. Ce changement est de conséquences immenses pour les rapports entre individus, entre communautés, entre Etats ; nul ne se hasardera à anticiper ce qui peut se passer si réellement, il n’y en pas pour tout le monde – de l’air, de l’eau, de l’espace, de l’alimentation. Malgré l’avertissement de Paul Valéry, nous en sommes encore inconscients, habitués que nous sommes à une nature gratuite, inépuisable et dont la vitalité effaçait tous les crimes ; c’est fini. Et nous ne mesurons pas ce que signifie l’entrée de 6,5 milliards d’hommes et de femmes dans un désir unique ; plus de la moitié auront l’an prochain un téléphone portable !

C’est la rançon du bûcher de la diversité que nous faisons brûler à grands feux. Nous adressons des désirs infinis à un monde fini. La question des accès aux biens vitaux va dominer le monde qui vient, avec la perspective raisonnable de biens réels rationnés, et d’une explosion du prix de la vie. La pénurie alimentaire est une donnée probable des dix prochaines années. Elle entraînera des mouvements migratoires d’une importance inouïe ; les hommes vont là où la terre les nourrit. Faut-il ajouter que la conflictualité est l’effet immédiat d’une telle situation ? Dans ce monde là, l’argent ne suffit pas ; il n’est plus cet équivalent universel qui rend comparables toutes les statistiques et toutes les données. Il s’agit de se nourrir, ensuite de nourrir les siens ; quelques révisions déchirantes des évidences acquises sur les vertus de la division du travail et de la délocalisation sont proches.

3 - Monde renversé. Ce renversement est de la plus haute importance stratégique ; démographie et géographie économique se rapprochent, après avoir divorcé. Seul, un ethnocentrisme invétéré nous a fait croire à une supériorité congénitale, qui garantirait l’aberrante situation voulant dans les années 1990 encore que 80 % de la richesse financière de l’humanité soit concentrée sur moins de 10 % de la population du globe. Il faut bien mesurer ce que signifie sur ce sujet d’abord le fait que lesséparations seront horizontales, distinguant des niveaux de revenu et de capital, ce qu’il faudra bien se résoudre à nommer des classes sociales, à l’intérieur des mêmes territoires partout dans le monde, et non verticales, distinguant des Nations riches ou pauvres, ensuite la déliaison à laquelle a conduit le projet libéral ; les pays les plus pauvres connaîtront, ils connaissent déjà la naissance d’une classe de super riches, faisant jeu égal au niveau mondial avec leurs homologues nord-américains et européens, mais les pays riches connaissent eux aussi l’émergence d’une classe de super-pauvres, dans une situation de quasi-esclavage.

Rien n’a changé depuis que, le lundi 31 mars 2008, dans The Globalist, Marc Cohen ouvrait son éditorial sur ; « The end of the white man », effet conjugué de la disparition démographique de la race caucasienne, bientôt minoritaire sur tous les continents, de la perte d’autorité des experts, savants et ingénieurs occidentaux, incapables de prévenir les crises qui ébranlent le système ( même s’ils lui permettent aussi de se régénérer ), enfin de la diminution permanente de leur capacité stratégique. C’est le point où nous sommes toujours. Ce n’est pas pour rien que l’archevêque de Cantorbery prévoit l’instauration de la Chariah, la loi islamique, en Grande-Bretagne, pas pour rien non plus que l’un des thèmes dominants dans la pensée géostratégique américaine actuelle est cette question ; « l’Europe est-elle en train de devenir une Eurabie ? » (voir Commentary, juin 2007), avec cette réponse tranchée ; la puissance montante des minorités musulmanes ne peut plus faire de l’Europe l’allié inconditionnel que nous voulons (voir, par exemple, « America alone », de Mark Steyn, 2008, New-York). La fiction d’une unité occidentale persistante est requise par l’incapacité européenne (et française) à consacrer à la défense les budgets qui la dispenseraient du parapluie américain, sa consistance va devenir de plus en plus problématique si l’unilatéralisme américain continue d’alimenter la perte d’autorité, de légitimité, et de capacité à agir, des Etats-Unis dans le monde, tandis que le fondamentalisme simpliste agite à tort et à travers la bannière étoilée, comme une flamme rouge devant le taureau de l’arène

4 - Monde de décomposition-recomposition du commun – le commun étant entendu comme ce qui différencie les membres d’un groupe humain qui s’autodétermine.Ce qui fait tenir nos sociétés libérales est l’inverse du libéralisme. C’est ce que s’acharnent à détruire ceux qui dénoncent le populisme, le moralisme, le conformisme supposés des sociétés traditionnelles, et d’abord la « common decency », si bien analysée par Christopher Lasch comme la vraie richesse non- économique des classes populaires, ce capital structurel, relationnel et comportemental qui rend par exemple le monde ouvrier ou celui des petits fonctionnaires si rebelle aux dogmes de l’ultragauche et à l’arrachement à la terre et aux racines. C’est parce que les hommes ne sont pas des idiots rationnels que ça fonctionne, quand ils le deviennent, par exemple chez Lehman Brothers, Citigroup ou Merryl Lynch, que la finance explose.

C’est parce que certains conservent des notions aussi dépassées que l’intérêt collectif, l’honnêteté dans l’échange, la sincérité, l’amour du travail bien fait, notions totalement étrangères au monde du marché, de la concurrence et de la privatisation, que le minimum de confiance, de tolérance et de souplesse indispensable peut être assuré au marché. Ils assument la part non contractuelle du fonctionnement collectif ; ils sont les dépositaires de l’implicite sans lequel une société se bloque ; ils trouvent leur compte dans la gratuité des systèmes coopératifs, indispensable contrepartie à l’intensité concurrentielle des systèmes de marché. D’où ces phénomènes étonnants, qu’au moment où la sortie de la religion paraît consommée, la religion reste tellement structurante dans le débat public. D’où le caractère confondant des appels à la morale, à l’éthique, dans des sociétés où précisément seul l’intérêt individuel est supposé compter.

D’où l’appel permanent à la solidarité dans des sociétés qui ont évacué tout lien, toute appartenance, de la place commune. D’où l’ambigüité essentielle des Etats- Unis, à tort identifiés avec le libéralisme, alors que c’est le fonds vivace de vertus individuelles et le maillage serré d’engagements collectifs qui fait tenir une société américaine vivante face à un niveau de concurrence et de compétition ailleurs inconnu.

L’effet est visible ; sous la couche idéologique diversement épaisse du libéralisme, un courant remonte des grandes profondeurs, qui a moins à voir avec la nature qu’avec la préoccupation de toujours ; survivre. La première insécurité à venir, directement,ou indirectement par ses effets sur les comportements collectifs ou individuels, sera celle du milieu de vie ; et elle procède très simplement des incertitudes sur la capacité de survie des êtres humains dans leur milieu.

Le point de recouvrement se trouve exactement là, à ce point précis où la peur de mourir crie plus fort que les promesses de l’abondance ; ce point où une morale du milieu de vie va s’inscrire parmi, et peut-être prendre le pas sur la moral des relations avec soi-même et avec les autres. Ce point est déjà venu pour des millions d’hommes, il va nous toucher aussi. Et c’est le point où le projet libéral peut être recouvert et étouffé sous cette nappe plus profonde qu’est la peur de mourir. Toute politique, au XXIe siècle, sera une politique de la vie.

Sous l’égide de la survie, au nom de la politique de la vie, un mouvement bien différent du mouvement libéral se fait jour :

1- Dépassement de l’économie traditionnelle, celle sur laquelle sont fondées les comparaisons internationales, les mesures de développement, celle surtout qui a pris de fait la direction de nos sociétés depuis que le libéralisme a fait de la croissance une obligation absolue. Nous allons réapprendre que le marché est une institution, c’est-à-dire une personne morale dotée d’un pouvoir collectivement convenu, et que notre économie de marché est morte sous la forme que la première révolution industrielle lui a donnée. Elle postulait la gratuité de la nature et des ressources naturelles. Non seulement elles sont épuisables mais en voie d’être épuisées, la question de la survie est première, la seconde est celle des assurances données. La course aux biens réels est engagée. Elle aura des conséquences inouïes :

- accès payant au monde, aux forêts, aux sentiers, aux espaces réels et disparition accélérée des gratuités sous l’effet de la rareté, accéléré par celui de la privatisation des ressources, de leur usage, et par la massification des mouvements de population. S’éloigner, se séparer, être seul, va devenir un luxe.

- déport des pauvres dans le virtuel, devenu leur seule extériorité, à partir du moment où voyager, sortir, avoir accès à la nature, va devenir hors de prix et hors d’atteinte pour la plupart. L’exemple des addictions aux services de rencontre par Internet,comme Meetic, ou des mondes virtuels, comme Second Life ou My Space, est significatif d’un mouvement qui n’en est qu’à ses débuts.

- relocalisation massive des activités ; on produit une voiture là où on va l’utiliser. C’en est fini de la séparation entre des populations qui produisent pour que d’autres consomment. La hausse des coûts de l’énergie y contribue, comme les écarts culturels.

Convergente avec le retour des Etats, des puissances et des séparations, la sortie du marché est manifeste. Au début de l’année 2008, l’exemple était donné par la fermeture du marché du riz ; parmi les principaux producteurs, l’Inde et le Vietnam gardent leurs réserves avant d’approvisionner le marché mondial (mars 2008). Plus tard, l’échec des négociations engagées par l’OMC pour une nouvelle libéralisation des échanges prenait tout son sens au moment où l’indépendance du Kosovo, de l’Abkhazie et de l’Ossétie plaçaient au premier plan de l’actualité mondiale la question des nationalités. Sous le voile des intérêts, les passions n’ont rien perdu de leur vigueur.

2 - Retour des territoires ; là où les hommes vivent, respirent, s’abritent, mangent, se rencontrent, c’est là ce qui compte. La politique de la survie ne sera rien d’autre qu’une politique de la ville et des autorités territoriales. Nous découvrons ce paradoxe. Pour traiter des phénomènes universels et mondiaux de l’environnement, il faut moins d’instances internationales que d’Etats en pleine possession de leur territoire. C’est tout le thème du « State’s building », qui prend place parmi les nouveaux principes majeurs de la Défense américaine ; il s’agit en quelque sorte de déléguer la fonction de la CIA ou, in fine, des Marines, à des Etats locaux, jugés responsables, éventuellement assistés de sociétés mercenaires, et tenus aux résultats en matière de conformité au droit qui leur est imposé. Il est plaisant d’affirmer que les notions d’ennemi ou d’adversaire n’ont plus cours ; la réalité est que tout Etat adversaire ou ennemi des Etats-Unis ou de ses alliés essentiels s’expose à être vitrifié, comme l’a été l’Irak, comme est menacé de l’être

l’Iran demain ; la haine se renforce de ne pouvoir s’exprimer. Une forme de bouclage juridico-politique est ainsi réalisée, au service d’une meilleure économie de la puissance de l’Empire.La posture des Etats-Unis qui ne reconnaissent aucune instance judiciaire extérieure (ni le Tribunal pénal international, ni aucune juridiction étrangère), qui font valoir fermement le privilège du souverain, seul habilité à juger ses citoyens selon ses propres règles, et qui imposent sans douceur l’extraterritorialité de leurs décisions, par exemple en matière de commerce ou de financements internationaux, est consistante. Les Etats-Unis savent ce que signifie une Nation, ce que veut dire souveraineté, et ils savent compter et nommer leur population. Qui le sait en Europe ?

3 - Retour des Etats. Après la religion, l’Etat est ce qui a permis la survie collective en garantissant la terre, et en détournant la violence. Cette fonction redevient majeure. La montée des fonds souverains, la sortie du marché des matières premières, des ressources énergétiques, récemment du riz, la reprise du contrôle par les Etats de leurs ressources ultimes, marquent ce grand retour. Nous n’en avons pas fini avec la souveraineté et la légitimité. Les Etats-Unis, les premiers, semblent mesurer tardivement, mais enfin, qu’en la matière, une injustice vaut mieux qu’un désordre, et que la diplomatie des Droits de l’Homme y trouve son évidente limite. Que ceux qui souhaitent, au nom des Droits de l’Homme, l’explosion de la Chine, mesurent bien ce qu’ils déchaînent ! Sur les 141 pays en développement, une trentaine, selon Xavier Raufer, ne contrôlent à peu près rien sur leur territoire – dont une vingtaine en Afrique seule. Une convention mondiale sous l’égide de l’ONU est- elle la réponse ?

Le devoir d’ingérence signifie-t-il la mise sous tutelle étrangère de populations rebelles à se donner un Etat ? Les opérations de maintien de la paix et de défense des populations civiles, au nom de l’ingérence humanitaire, apportent-elles une solution, alors qu’elles correspondent souvent aux situations de pire violence pour les troupes impliquées, dans la confusion et la contrainte de l’émotion et des bons sentiments – des situations de guerre sans but de guerre? Dans tous les cas, chacun sent l’écart croissant entre la demande exponentielle de sécurités, portée par toutes les composantes de la société, et à la fois l’offre de sécurité, en cours accéléré de privatisation, mais jusqu’où ?, et les modalités de cette offre, qui nécessairement signifie un certain rapport entre la force, la violence et l’exemplarité. L’une desperspectives résultant de la sensibilité accrue aux risques s’ouvre d’ailleurs sur un fascisme vert, c’est-à-dire sur le contrôle de plus en plus individualisé de tous les éléments de la conduite individuelle, avec pour juste raison la sauvegarde du milieu pour tous.

4 - Déstabilisation de l’ordre économique, voire régression accélérée de la croyance économique, provoquant une détresse morale et existentielle, elle-même de nature à susciter la quête éperdue du collectif et des identités. « Le travail est la meilleure des polices », disait Nietzsche ; que se passe-t-il quand il s’agit de limiter la guerre à la nature ? Nous ne mesurons pas à quel point, sous le signe de l’indétermination, plus que des individus, nous avons fabriqué des isolés, c’est-à-dire des êtres sans repères, sans structures, donc capables de tout, et de toutes les violences. C’est la rançon de la mondialisation, et de la violence avec laquelle, sous prétexte de tolérance et de respect, nous avons écrasé la diversité du monde, fermé les niches géographiques et écologiques où des hommes poursuivaient leur histoire à l’écart de la nôtre.

Nous les avons invité, forcé à entrer dans la nôtre, ou ils sont morts ; quel exemple que la tentative de réduire les dernières tribus libres de la frontière pakistano- afghane, ou de liquider les populations des hauts plateaux indochinois ou boliviens, au nom des drogués de Harlem ! Nous n’avons pas mesuré à quel point nous allions donner le départ à une course aux identités dont les premiers effets sont déjà là, illisibles dans nos critères économiques et juridiques. Le recours aux intermédiations collectives pour assurer la survie est déjà engagé ; nul ne se bat tout seul, nul ne dure longtemps seul.

5 - Recherche de puissance. Face à des menaces vitales, face à la pression du développement, à la violence du totalitarisme de l’économie, le retour ou l’accession à la puissance est une aspiration de peuples et d’individus en proie au déracinement et à l’isolement, dont la fierté est ou sera le premier motif d’agir. Qui dira ce que la fierté rendue aux Russes par Poutine après le pillage de leur terre dans les années 1990 signifie pour l’avenir de l’Europe ! Qui dira ce que la conscience d’en finir avec deux siècles de pillage et d’humiliation signifie pour la Chine et pour l’Inde ! Et qui mesure que l’Islam représente, pour quelques centaines de millions d’hommes et defemmes voués à la misère de l’individu consommateur, la seule voie ouverte vers la dignité ! Seules, des collectivités puissantes garantiront aux leurs les conditions de la survie, par la force au besoin. La puissance politique et militaire ne peut pas manquer d’apparaître comme la sauvegarde de ceux qui se sentiront démunis face au marché et aux règles de l’économie. Et la conjonction de la hausse des prix des biens réels, du développement et de la diffusion universelle des systèmes et des méthodes a cet effet ; la puissance se rapproche de la population, et le moment est proche où les deux pays les plus peuplés du monde seront aussi parmi les trois plus puissants.

Il faut éviter à ce stade les facilités qui consistent à déplorer la faiblesse des Etats et des démocraties. La science, promettant le dévoilement de la vérité, la rendant accessible à chacun, convainc plus efficacement que les révélations divines. Le droit de chacun de débattre librement de ses intérêts et de se prononcer parmi tous selon ses intérêts, assure un fonctionnement social plus efficace que l’autorité imposée d’en haut. Et il n’y a pas de doute à ce sujet ; ce n’est pas de l’extérieur que la démocratie est menacée, mais de l’intérieur, par des forces qui lui sont essentielles, celles du droit, celles de l’individu, celles du libéralisme, mais qui menacent de la dépasser et de faire naître autre chose, qui part de la démocratie, et qui n’est plus la démocratie.

La question n’est pas celle de la faiblesse de la démocratie, elle est celle du point imprévu où le libéralisme se tourne contre la démocratie, d’une part, d’autre part du point où le libéralisme déclenche des forces qui sont destructrices de cette clôture nationale qui permettait aux peuples d’agir. C’est peu de dire que sur les OGM, sur les migrations de masse, sur le principe de précaution, la démocratie est tenue en marge, notamment par les difficultés de l’expertise indépendante – si du moins par démocratie il faut entendre l’expression libre de la volonté majoritaire et du choix populaire.

Nous avançons dans la nuit et dans l’orage vers un monde westphalien ; le monde des Etats nations sorti du traité de 1648. Et nous avons assez déploré les excès de l’hyperpuissance pour nous effrayer déjà de l’ère des puissances relatives – du moment où plusieurs superpuissances vont se partager le monde, leur monde (non sans raisons ; car le passage au temps des puissances relatives, rien moinsqu’assuré compte tenu de la supériorité militaire écrasante des Etats-Unis, est aussi celui de tous les risques ; un empire ne rentre pas dans le rang sans vouloir éprouver jusqu’à la fin les vertiges de la puissance, et sans vouloir s’assurer des gages pour l’avenir). Cette avancée imprévue bouleverse le projet libéral, le contraint à se redéfinir, à mesurer ses limites, et peut-être à envisager qu’autre chose, un jour, puisse le recouvrir. Elle se traduit pour nous par ce défi ; produire le monde, ou sinon le perdre – être en danger réel et immédiat de nous trouver balayés par la nature. Elle se traduit moins par le retour annoncé du politique, que par cette redécouverte ; l’économie est le moyen d’autre chose, qui est plus qu’elle. Les guerres de l’eau, les grandes migrations de la faim et de la soif, les conflits naissants pour l’énergie, pour le climat et pour l’espace habitable, sont devant nous. Qui les affrontera ? Savons- nous même les concevoir, pour en anticiper le cours et pour essayer de peser sur lui, d’abord pour nous peser ? (...)

Hervé Juvin, 2014. (merci à pierre Bérard)

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12/09/2014

stage commando

stage

09/09/2014

europe

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" (...) - Franzose..., Franzose..., Franzose...

Bien sûr que j'arrive, Tovaritch ! Ils sont là, hirsutes, avec, encore, la trace récente de leurs épreuves et ils désignent une ferme dans le lointain. Qu'elle est grande, cette ferme ! En avant, en avant, elle se rapproche. La bande a des visages de bêtes fauves à la curée. Personne ne parle. Au diable la civilisation.

La police sera faite par nous. On arrive dans la cour de la ferme. Tout est calme. Un cercle se forme, on entend des revolvers qui s'arment. Un grand rire mélancolique et triste prend naissance. Les dents semblent vouloir retenir la colère. Deux coups à la porte, trois coups à la porte, quatre coups à la porte. Un signe. Kostia incline sa mitraillette, une rafale dans la serrure, une poussée d'épaules, un grand bruit, la porte cède et s'effondre. Des corps culbutent et s'engouffrent pêle-mêle avec des jurons infernaux. La voie est libre et la marée délirante afflue. La bande hésite alors, puis dans un calme spectral monte les escaliers. On distingue l'ondulationdes échines, c'est tout. Arrivés au premier étage, les portes sont fermées. A coups d'épaule, la bande les ouvre.

Dans une pièce se trouve la famille entière. Et parmi la bande, il y en a deux qui ont subi les mauvais traitements du patron : Michel et Fédor. Michel se souvient des lanières de cuir et de sa fille de trois ans, morte dans la baignoire remplie d'eau froide. Fédor n'oublie pas sa main brûlée à une tige de fer chauffée à blanc. Ce sont eux, eux seuls, qui vont procéder à l'exécution. La famille les regarde. Le père, la mère, la fille, la petite fille, l'oncle et la tante. Fédor et Michel ajustent leurs couteaux.

Un geste pour le père : au coeur. Il s'écroule avec un vomissement rouge, et son ventre tressaille et le parquet absorbe la salive écarlate.

Un geste pour la mère : au coeur aussi. Elle ouvre plus grand les yeux, les referme, puis s'abat, les bras cassés par l'agonie. La joue gauche se colle contre une commode. Le bas du rein se désarticule et s'affaisse progressivement.

Un geste pour la fille. Fédor la prend par les seins, le bout du téton disparaît dans ses doigts et Fédor serre, serre... La fille dodeline de la tête, son aisselle se cabre, mais Fédor s'abat sur elle et la possède sur une chaise. Leur étreinte se prolonge jusqu'au moment où la nuque de la fille se désagrège. Kostia arrive, repousse Fédor et prend livraison à son tour du corps qui ne réagit pas. Son rut fini, il referme tranquillement sa braguette d'un air satisfait. Un éclair. Fédor a réagi brutalement. Une tache rouge sur la tête de la femme, un jet de sang et la forme s'affaisse. Il faudrait Goya pour peindre cette scène. Contraste des couleurs et de la violence. Mon front me fait mal, je ne suis qu'un homme et ces visions commencent à me dépasser.

Un geste pour le fils, une croix est faite dans sa poitrine ; je ne sais pas où ces bougres prennent la force de couper les os avec une simple lame d'acier.

Un geste pour l'oncle. L'homme tend presque son visage. C'est en effet un trou ruisselant de cervelle caillée, qui le tue.

Un geste pour la tante. Elle est déjà évanouie. Oh, ça ne fait rien. C'est avec une hache que Kostia la décapite. Il s'acharne sur le cadavre. Au bout d'une minute, il n'existe plus qu'une bouillie informe de viande et de cartilage.

Un geste pour la petite fille : ah non, pas celle-là. Je me précipite. Fédor grogne. D'un coup de poing en pleine figure je l'envoie rebondir contre une chaise et je m'enfuis avec la gosse. Dieu que les escaliers sont longs à descendre... Et la plaine, je cours dans la plaine. La petite pleure. Loin de la ferme, je la prends mieux dans mes bras. Elle est gentille, cette gosse remplie de tâches de rousseur et que je console. Arrêt contre une pierre. Elle colle sa lèvre à ma poitrine. Je caresse ses cheveux, ses jambes et ses petits pieds.

Je suis Français et cette enfant est Allemande. (…)"

Jours francs, Jean Bradley, 1948.

08/09/2014

herrenvolk?

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" (...) Emmanuel Todd: Si je devais décrire l’Europe actuelle, si je devais commenter au niveau politique la carte économique, je dirais que l’Europe, ou l’Empire allemand, commence à prendre la forme générale d’une Herrenvolk democracy avec, en son cœur, une démocratie allemande réservée à ce peuple dominant et, autour, toute une hiérarchie de populations plus ou moins dominées, dont les votes n’ont plus aucune importance. On comprend mieux, pourquoi, dans ce modèle, quand on élit un président en France, il ne se passe rien. Parce qu’il n’a plus de pouvoir; notamment sur le système monétaire.

On se retrouve donc avec une démocratie dans laquelle la liberté de la presse, d’opinion, et autres, sont parfaitement respectées; où il n’y a aucun problème mais où, fondamentalement, la stabilité du système repose sur la solidarité subconsciente à l’intérieur du groupe des dominants. Dans l’Europe qui se dessine, on pourrait voir les Allemands comme les Blancs dans l’Amérique de la ségrégation.

Aujourd’hui, l’inégalité politique est évidemment plus forte dans le système allemand que dans le système américain. les Grecs et les autres ne peuvent voter pour les élections au Bundestag, alors que les Noirs et les Latinos américains le peuvent pour les élections à la présidence et au Congrès américain. le Parlement européen est bidon, le Congrès non.

Olivier Berruyer:Après un tel réquisitoire, pensez-vous que nous devrions être plus vigilants envers l’Allemagne ?

ET:C’est vrai que je suis pessimiste. La probabilité que l’Allemagne tourne bien baisse chaque jour. Elle est déjà très faible. La culture autoritaire allemande génère une instabilité psychique systémique des dirigeants quand ils sont en situation de domination - ce qui n’était plus arrivé depuis la guerre. Leur fréquente incapacité historique - dans une situation de domination -à imaginer un futur paisible et raisonnable pour tous réémerge ainsi aujourd’hui sous forme de manie exportatrice. Et puis s’ajoute désormais pour ces dirigeants une interaction avec l’absurdité polonaise et avec la violence ukrainienne. Tristement, le destin de l’Allemagne n’est pas pour moi un complet inconnu.

Comment les Allemands vont-ils mal tourner ? L’âge médian ou l’absence d’appareil militaire peut donner un coup de frein au processus, mais on constate chaque semaine une radicalisation de la posture allemande. Mépris des Anglais, des Américains, visite sans pudeur de Merkel à Kiev. le rapport aux Français, dont la servitude volontaire est essentielle pour le contrôle de l’Europe, va être révélateur.

Mais déjà nous savons. Avec l’affaire des ventes de Mistral à la Russie: les dirigeants allemands demandent désormais aux Français de liquider ce qu’il leur reste d’industrie militaire. La culture allemande est inégalitaire: elle rend difficile l’acceptation d’un monde d’égaux. Lorsqu’ils se sentent les plus forts, les Allemands vivent très mal le refus d’obéissance des plus faibles, refus perçu comme non naturel, déraisonnable.

En France, ce serait plutôt le contraire. La désobéissance est une valeur positive. On vit avec, c’est une partie du charme français parce qu’il existe aussi en France un mystérieux potentiel d’ordre et d’efficacité.

Le rapport de l’Amérique à la discipline et à l’inégalité est complexe d’une autre manière et mériterait des pages d’analyse. Soyons brefs, sautons au constat: le rapport discipliné inférieur- supérieur de type allemand aura du mal à passer. La culture anglo-saxonne n’est pas égalitaire mais elle est vraiment libérale. Égaux, inégaux, c’est selon. La différence raisonnable faite dans les familles entre les frères conduit à la notion de différence raisonnable entre les individus, entre les peuples. C’est d’ailleurs la raison du succès du modèle américain: la culture anglo-américaine peut gérer raisonnablement les différences internationales.

Au final, force est de constater que les deux blocs – américain et allemand – sont antagonistes par nature. Ils combinent tous les éléments générateurs de conflits: rupture d’équilibre économique brut, différence de valeurs. Plus vite la Russie sera hors du jeu, brisée ou marginalisée, plus vite ces différences s’exprimeront.

Pour moi, la vraie question historique actuelle, et que personne ne pose, est la suivante: les Américains vont-ils accepter de voir cette nouvelle réalité d’une Allemagne qui les menace, et si oui quand ?

OB: Quand vous prophétisez un conflit entre la nation américaine et le nouvel empire allemand, vous êtes sûr de vous ?

ET: Évidemment non. J’élargis le champ de la prospective. Je décris un futur possible parmi d’autres futurs possibles. un autre serait une solidification du groupe Russie-Chine-Inde en un bloc continental s’opposant au bloc occidental euro-américain. Mais ce bloc eurasiatique ne pourrait fonctionner qu’avec l’addition du Japon, seul capable de le mettre au niveau technologique occidental. Mais que va faire le Japon ? Pour le moment, il est plus loyal envers les États-Unis que l’Allemagne. Mais il pourrait se lasser des vieux conflits occidentaux. le choc actuel paralyse son rapprochement avec la Russie, complètement logique pour lui du point de vue énergétique et militaire, élément important du nouveau cours politique imprimé par le Premier ministre japonais Abe. C’est un autre risque pour les États-Unis, dérivant du nouveau cours agressif allemand.

OB: Plusieurs futurs sont ainsi possibles mais pas une infinité; 4 ou 5 peut-être …

ET:Je me suis remis à lire de la science-fiction pour me décrasser le cerveau et m’ouvrir l’esprit. Je recommande vivement un exercice du même type aux gens qui nous dirigent, qui, sans savoir où ils vont, marchent d’un pas décidé." source

photo: hollandisme révolutionnaire

06/09/2014

indeed!

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"Le gouvernement souhaite renforcer les contrôles douaniers pour endiguer le marché parallèle. Les consommateurs devront désormais justifier que les produits correspondent à leur consommation personnelle.

Une circulaire publiée vendredi abaisse de dix à quatre le nombre de cartouches de cigarettes qu'un particulier peut transporter depuis un pays frontalier sans avoir à se justifier auprès des services douaniers, a indiqué samedi le secrétaire d'État au Budget Christian Eckert. Le gouvernement souhaite par cette mesure que les douanes renforcent «leur action en matière de lutte contre les achats transfrontaliers illicites de tabac», souligne le secrétaire d'Etat dans un communiqué.

La circulaire abaisse également les seuils applicables pour les autres produits du tabac, qui sont désormais fixés à 200 cigares, 400 cigarillos, 1 kg de tabac à fumer. Les contrevenants s'exposent notamment à une amende pouvant aller jusqu'à 750 euros. «Les importations depuis l'extérieur de l'Union européenne restent soumises à la même limite qu'auparavant, c'est-à-dire l'interdiction d'importer plus d'une cartouche de cigarettes», précise le communiqué." source

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Une urgence, évidemment.

Par contre nous attendrons encore longtemps pour le contrôle des flux financiers vers (ou des) places offshore et le contrôle de l'immigration clandestine.

Le Spectacle as usual. Arnaques et pacotilles multicolores.

Un ex-banquier, brillant certes, qui visite une SCOP et serre des mains calleuses devant les photographes pendant que la BCE mandate l'américain Blackrock, de sinistre mémoire, pour mettre au point son programme de rachat de crédits titrisés...

Les chômeurs sont clairement dans le collimateur des bureaucrates -au moment où le travail disparait partout dans les pays occidentaux*- et assimilés à des fraudeurs par contre un secrétaire d'état au commerce extérieur qui ne paie pas ses impôts et fraude ouvertement le fisc a un "problème de conformité avec les impôts"... Il y a des jours ou le double standard devient pesant, voire difficile à supporter. Surtout quand s"affiche au plus haut niveau de l'Etat cynisme et mépris des gens de peu, ou "sans dents", donc.

* tendance lourde largement amplifiée par les politiques de désindustrialisation continentale et de déflation interne promues par les mêmes bureaucraties politiques managériales communiant sur l'autel de la dérégulation planétaire et de la financiarisation de l'économie.

04/09/2014

jihad pride

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"Le terme de jihad m’a, à dire vrai, longtemps posé problème. Trop sexy, trop facile, il ne me semblait pas décrire toute la complexité que l’expression, bien moins séduisante, d’islamisme radical armé contenait. Utilisé par les terroristes eux-mêmes, le mot était comme un chiffon rouge agité sous le nez des autorités religieuses sunnites, qui n’y voyaient, ou ne voulaient y voir, obstinément, que l’utilisation abusive d’un terme religieux, certes guerrier, mais également chargé de valeurs positives.

J’ai évolué, pourtant, aussi bien sous la contrainte des faits qu’en réaction à  l’aveuglement volontaire de certains. Alors que les peuples et les Etats attendaient de certains des condamnations sans équivoque de la violence impitoyable qui les visait, le débat se focalisait sur le vocabulaire. Chaque nouveau carnage entrainait des condoléances polies, souvent accompagnées de pitoyables appels à « éviter les amalgames », mais chaque utilisation du mot jihad provoquait la colère des Tartuffes  qui refusaient l’évidence, jusqu’à entrainer des réunions entre services de renseignement afin de définir un langage commun. Il y avait sans doute plus urgent à faire, mais il faut savoir écouter en souriant les plus insupportables jérémiades…

C’est à l’occasion d’un de ces improbables mini-sommets que j’eus l’immense honneur d’échanger avec le mufti d’Egypte au sujet des termes que les services occidentaux, à commencer par le mien, utilisaient quotidiennement. A plusieurs reprises, en effet, de hauts responsables égyptiens s’étaient émus de l’emploi généralisé au sein de la communauté européenne du renseignement du mot jihad pour désigner la menace terroriste qui nous ciblait et qui était l’émanation armée d’un islamisme qu’il est bien candide de juger capable de modération.

Les arguments de Son Excellence furent, évidemment, parfaitement rôdés, mettant en avant le blasphème, l’injure, et notre apparente confusion mentale au sujet de l’islam. L’ayant, pour ma part, assuré que je serais bien le dernier, pour de nombreuses raisons, dont certaines étaient personnelles, à m’en prendre à sa religion, je lui fis remarquer que, qu’il le veuille ou non, les terroristes d’Al Qaïda et consorts utilisaient le terme depuis des années, sinon des décennies. Ce choix de leur part, au-delà du vocabulaire, était une indication – une de plus – de la nature de la lutte qu’ils entendaient mener et qu’ils envisageaient donc, d’abord, comme un combat défensif, une véritable résistance contre des oppressions, réelles ou imaginaires. Et, ajoutais-je avec ma perfidie coutumière, l’emploi de ce vocabulaire rappelait que ce terrorisme était, en partie, et quoi qu’on dise, d’inspiration religieuse. Nous avions, en Occident, connu les mêmes excès de la part de radicaux, et aux controverses avait finalement succédé l’évidence. Nous attendions – espérions ?  – une prise en compte de notre propre appréciation de la situation, qui ne relevait en rien de l’ignorance ou de l’hostilité.

Les officiels égyptiens dans la salle, tous généraux, et par là-même peu habitués au débat, manquèrent s’étouffer tant le dogme, au Caire, stipulait alors (et stipule encore, plus que jamais) que ce terrorisme n’était nullement lié à une religion mais relevait, simplement, d’une maladie mentale. Nullement démonté par les regards hostiles que je percevais, je suggérai alors de prévoir, le cas échéant, une nouvelle entrée dans le dictionnaire, qui pourrait préciser : « Jihad : terme utilisé par des terroristes et des groupes paramilitaires illégaux se réclamant de l’islamisme radical armé et dont l’emploi est fermement condamné par les plus hautes autorités religieuses musulmanes sunnites ». Il s'agissait là, naturellement, d'un galop d'honneur puisqu'il était parfaitement établi que nous n'avions pas été conviés au Caire pour y progresser ensemble mais bien pour nous rallier sans discuter à la vérité indiscutable du phare de l'islam sunnite. Sauf que ça ne marche pas comme ça, les gars...

A dire vrai, ces autorités condamnaient notre emploi de ce terme, mais elles étaient bien plus prudentes s’agissant des terroristes eux-mêmes, dont elles soutenaient l’éradication avec une fermeté qui faisait frémir même les plus endurcis chez nous. Il y avait décidément là, même au sommet de l’orthodoxie sunnite, une gêne palpable, comme un flottement. C’était à se demander qui était le plus victime de cette fameuse confusion, alors même que nous luttions côte à côte contre les mêmes adversaires et que les services occidentaux n’étaient pas les plus impitoyables acteurs, loin s’en faut, de cette coalition secrète.

Parfois, au cours de ces années passées dans l’ombre, j’entendis, à Alger, à Amman ou au Caire, un homologue me confier, d’une voix fatiguée, que toute cette violence trouvait en partie sa source dans le désespoir. Cette lucidité, certes mêlée à des lieux communs, était cependant réservée à l’intimité, puisqu'elle ne pouvait pas avoir cours dans les bureaux où se décidaient les politiques. Entre déni de réalité, croyance en leurs propres mensonges et souci de préserver le prince, combien de conseillers allaient prendre le risque de dire la vérité ? Et d’ailleurs, comment pourrait-on être désespéré, exaspéré, enragé, dans des paradis socialistes ou de radieuses monarchies, tous et toutes par ailleurs alliées et clientes de la rayonnante république des Lumières ? (...)" suite/aboudjaffar.blog