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27/10/2010

types anthropologiques

« (...) Castoriadis écrit en effet ceci : « Le capitalisme n’a pu fonctionner que parce qu’il a hérité d'une série de types anthropologiques qu’il n’a pu créer lui-même : des juges incorruptibles, des fonctionnaires intègres et weberiens, des éducateurs qui se consacrent à leur vocation, des ouvriers qui ont un minimum de conscience professionnelle, etc. Ces types ne surgissent pas et ne peuvent pas surgir d’eux-mêmes, ils ont été crées dans des périodes historiques antérieures, par référence à des valeurs alors consacrées et incontestables : l’honnêteté, le service de l’état, la transmission du savoir, la belle ouvrage, etc. Or nous vivons dans des sociétés où ces valeurs sont, de notoriété publique, devenues dérisoires, où seuls comptent la quantité d’argent que vous avez empoché, peu importe comment,  ou le nombre de fois où vous êtes apparu à la télévision. »

D’où l’analyse de Michéa qui soutient que c’est parce que les conditions de l’égoïsme libéral n’étaient pas encore réalisées que le marché a pu conserver, un temps, équilibre et efficacité. Tout comme le mécanisme de la pendule est stabilisé par l’inertie du balancier, la dynamique du libéralisme fut longtemps canalisé par le stock de valeurs et d’habitus constitué dans les sociétés « disciplinaires » antérieures et que lui-même est par nature incapable d’édifier. Ce stock une fois épuisé, l’échange marchand ne connaît plus de frein et sombre dans l’hubris.

Le raisonnement de Castoriadis montre que le libéralisme n’est historiquement viable que si les communautés où son règne est expérimenté sont, sociétalement, suffisamment solides et vivantes pour en contenir les aspects dévastateurs. Cette solidité tient autant à l’enracinement des systèmes de limitations culturelles et symboliques depuis longtemps intériorisés qu’aux régulations politiques d’un Etat qui ne s’était pas encore résolu à n’être qu’une structure d’accompagnement « facilitatrice » des « lois du marché ». C’est ce qui explique, par exemple, que dans la France des années soixante (la France du Général De Gaulle) la « croissance » connaisse un rythme soutenu et génère une augmentation réelle et générale du bien-être, alors que, entre autres données sociologiques très parlantes, le taux de délinquance demeurait à son plancher. La prégnance des anciens modèles comportementaux était encore dominante, et c’est sur cette base qu’ont pu s’accomplir les « trente glorieuses ». Dans les années suivantes, quand s’estompe la préoccupation du collectif et que triomphent les « égos émancipés », promus tant par les doctrinaires libertaires que par les slogans publicitaires, tous ces anticorps commencent à se dissoudre.

La période actuelle constitue pour Michéa l’aboutissement ultime d’une logique libérale désormais sans ailleurs et donc livrée à sa propre démonie. D’un côté l’extension indéfinie de la sphère marchande et, de l’autre la multiplication des conflits nés du relativisme moral. Autant de luttes qui se traduisent par de nouvelles contraintes et l’établissement d’une société de surveillance aux mailles sans cesse plus serrées. »

Pierre Bérard, Eléments, Printemps 2008.

23/10/2010

indigènes et allogènes

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« La « neutralité axiologique revendiquée par le libéralisme a parfois de curieuses conséquences. Rien ne peut logiquement interdire, en effet, que l’on utilise le racisme lui-même, à titre pédagogique,  si l’on a de bonnes raisons de penser que c’est un moyen politique efficace pour parvenir à l’égalité des droits (c’est le principe de toute affirmative action). C’est ainsi que Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la république, a pu tranquillement déclarer (lors d’une émission de Frédéric Taddéi sur France 3), et sans susciter, cela va de soi, la moindre réaction politique ou médiatique, que la première condition pour « rééduquer le reste de la société occidentale » était de considérer tous « les Blancs » comme des « sous-chiens » (cf. Marianne 30/06/2007). C’est l’occasion de préciser ici un point de vocabulaire visiblement ignoré par la plupart des professionnels du monde politique et médiatique : indigène, en français, signifie non pas « sauvage », « primitif » ou « colonisé » mais originaire d’ici (c’est au fond le synonyme exact de population de souche). L’antonyme de ce mot est allogène, qui signifie, à l’inverse, d’origine étrangère. Il n’est évidement pas besoin d’avoir lu Orwell pour deviner ce qui se cache toujours derrière la décision politique et médiatique d’imposer au grand public l’usage d’un mot dans un sens opposé à celui qui est le sien. »

JC Michéa, L’empire du moindre mal, 2007.

 

13/10/2010

Fini, l'tiercé!

"Si aucun gouvernement n’a encore pris, en France, la décision d’abolir les congés payés, ce n’est pas, comme on s’en doute, parce qu’aucun ministère n’y a songé ou que la classe d’affaires y serait farouchement opposée. C’est parce que, pour l’instant, aucun pouvoir ne peut se permettre de suggérer –même sous la forme de rumeurs- cette judicieuse abolition sans mettre aussitôt en danger les conditions politiques de la domination du Capital. On notera, en revanche, que pour ce qui est de la retraite, et de la sécurité sociale, les choses semblent se présenter sous un jour déjà plus favorable."

JC Michéa, L’enseignement de l’ignorance, 1999.

 

Un observateur non averti de la vie politique française pourrait, à l’instar du spectacle de la pseudo-alternance entre libéraux de droite et libéraux de gauche partageant l’essentiel (c'est-à-dire pas grand-chose), croire en regardant passer les cortèges syndicaux dans les rues de nos villes, à une lutte réelle entre un pouvoir hostile aux intérêts des classes moyennes et des syndicats représentatifs des différents secteurs économiques de la société.

Mais, outre la non représentativité absolue des syndicats français, ce serait passer rapidement sur la collusion entre ces derniers et les principaux acteurs économiques du site France, comme le scandale de l’UIMM l’avait établi l’an passé : on apprenait ainsi en 2009 qu’entre 2000 et 2007, plus de 16 millions d’euros furent distribués aux quatre principales centrales syndicales pour fluidifier le dialogue social, mettre de l’huile dans les rouages, comme le dira si bien Jean Gandois…

16 millions d’euros…

De la même façon que libéraux de gauche (tendance Dray dit Jo-la-tocante) et libéraux de droite (tendance Sarko de Neuilly) se succèdent sans interruption au pouvoir dans une non alternance absolue et votent de la même façon au parlement européen (loin des journalistes de Libé et du Figaro manifestement) ou contournent le vote populaire dans une fiction de représentation entretenue par les gardiens du Temple (genre Duhamel ou Apathie), organisations syndicales et organisations patronales verrouillent et encadrent scrupuleusement toute velléité de contestation de l’ordre établi (du désordre établi, plutôt) dans un rituel spectaculaire de révolte en bois.

Concernant les cohortes de jeunes zeks militants devant leurs lycées; "C'est évidement pour cette école du grand nombre que l'ignorance devra être enseignée de toutes les façons concevables. Or c'est là une activité qui ne va pas de soi, et pour laquelle les enseignants traditionnels ont jusqu'ici, malgré certains progrès, été assez mal formés. L' enseignement de l'ignorance impliquera donc qu'on rééduque ces derniers, c'est-à-dire qu'on les oblige à "travailler autrement", sous le despotisme éclairé d'une armée puissante et bien organisée d'"experts en sciences de l'éducation". La tâche fondamentale de ces experts sera, bien entendu, de définir et d'imposer les conditions pédagogiques et matérielles de ce que Debord appellait la "dissolution de la logique": il s'agit, notons-le d'une véritable révolution culturelle car, comme le précise Debord, jusqu'à une période récente, "presque tout le monde pensait avec un minimum de logique, à l'éclatante exception des crétins et des militants". En ce sens, on pourrait dire que la réforme scolaire idéale, du point de vue capitaliste, est donc celle qui réussirait le plus vite possible à transformer chaque lycéen et chaque étudiant en un crétin militant."

Michéa, ibid.


podcast

09/10/2010

guignol

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Hier matin, en écoutant François Morel dans sa chronique hebdomadaire (?) j’ai compris deux choses :

-la carrière de l’humoriste était désormais assurée à perpétuité à Radiofrance,

-Morel n’est pas drôle, il est juste un serviteur zélé de l’esprit du temps.

Les deux assertions étant bien sûr liées.

Morel, dans son costume de résistant en carton ou de justicier en peau de lapin (au choix), évoquant le comportement de Pétain à l’égard de Juifs durant la seconde guerre mondiale, terminait sa chronique en rappelant combien la lutte contre toutes les discriminations reste l’alpha et l’oméga de tous, sachant toujours fécond le ventre de la bête immonde…

La soumission au zeitgeist, au travers de cette lutte formidable contre un adversaire fantasmé (la terrible réaction d’un ordre moral incarné –le système y veille- par quelques ligues de chaisières appartenant à la fraternité saint Pie X) ou mourru depuis longtemps (ce vieux guerrier à moustache) marque infailliblement l’appartenance de son auteur au camp du Bien (ou son adoubement par ses thuriféraires). Comme quoi, l’ascenseur social marche encore, quoiqu’on en dise.

A posteriori, la carrière –la vis comica- de Morel, des Deschiens aux cartes postales de vacances de franchouillards en vacances, cet été, semble parfaitement correspondre à la vision que se font nos élites de la France profonde et du français ordinaire : un imbécile inculte, hostile par principe aux magnifiques avancées progressistes, volontiers xénophobe et conservateur en diable…seule figure de la modernité interdite par nos modernes (selon Kolakowski).

Comment cela ne ferait-il pas écho avec la prose de Christopher Lasch :

«  (…) La meilleure façon de comprendre les conflits culturels qui ont bouleversé l’Amérique depuis les années 60 est d’y voir une forme de guerre des classes, dans laquelle une élite éclairée (telle est l’idée qu’elle se fait d’elle-même) entreprend moins d’imposer ses valeurs à la majorité (majorité qu’elle perçoit comme incorrigiblement raciste, sexiste, provinciale et xénophobe), encore moins de persuader la majorité au moyen d’un débat public rationnel, que de créer des institutions parallèles ou « alternatives »dans lesquelles elle ne sera plus du tout obligée d’affronter face à face les masses ignorantes. »  Christopher Lasch, La révolte des élites, 1995.

Ou avec celle de Michéa :

« (...) Analyse [le tittytainment de Zbigniew Brzezinski] ou l’on retrouve sans trop de peine la représentation cynique et méprisante que les élites intellectuelles et médiatiques se font spontanément des gens ordinaires (de cette « France moisie » comme dirait l’élégant Sollers) : un monde peuplé de beaufs et de Deschiens, cible quotidienne des dessins de Cabu ou des Guignols de l’info. On notera ici l’étonnante puissance de récupération du système : au XIXème siècle, le Guignol était l’une des quelques armes dont disposait encore le petit peuple pour brocarder ses maîtres. Il est devenu aujourd’hui l’artillerie lourde que l’élite emploie pour se moquer du peuple. On peut imaginer ce qu’il adviendra de Robin des bois le jour où, pour des raisons d’audimat, Vivendi demandera à ses employés de lui donner à nouveau une existence télévisée. » JC Michéa, L’enseignement de l’ignorance, 1999.

sinon what's up?



11/09/2010

Caracalla

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"Aucun être humain n'est illégal, régularisation de tous les sans-papiers"

Ca commençait mal ce matin. La clinique de la Forêt noire qui m'appelle pour que j'aille voir un patient à moi rentré depuis 3 semaines sans que je sois au courant. Déjà ça me met de bonne humeur. Ensuite amener mes deux ainés chez le coiffeur un jour de marché...et enfin en traversant ledit marché -et aprés quelques emplettes festives- je tombe sur le collectif machin de soutien citoyen à tous les clandestins du monde. Bordel! L'ironie est dans le fait que deux secondes plus tôt, je discutais avec un jeune gars qui avait étalé sur deux tréteaux quelques livres subversifs comme Michéa ou l'encyclopédie des nuisances de Riesel (le genre de prose dont ne parlera jamais la Savigneau du Monde toute affairée qu'elle est à étouffer toute pensée originale, la pauvrette). Et un petit livre intitulé "L'imposture écologiste" avec la tronche de fion de Cohn-bandit en devanture...d'emblée ma journée s'est éclairée, allez savoir pourquoi. Et là, je tombe sur ces deux crétins à tracts. Gentils mais cons...je leur prend le tract et on cause:
-moi: vous, vous n'avez pas lu Michéa!
-elle: non, pourquoi?
-parce que si vous l'aviez lu, vous comprendriez que votre combat rejoint celui des multinationales que vous haïssez tant...
-? pourquoi, qu'elle me dit?
-parce que le capitalisme globalisé n'aime rien tant que ces hordes d'immigrés clandestins corvéables à merci pour lesquels vous vous battez et qui concurrencent directement les salariés européens que vous ne défendez plus.
-mais justement, on défend tout le monde!
-ouais, ouais, vous avez lu Lénine? vous connaissez l'expression "idiots utiles"? voilà, vous êtes les idiots utiles de Bouygues, vous savez bien qu'il n'ya pas de travail pour tout le monde et que vos clandestins sont un outil de paupérisation des classes moyennes et déclassement des plus fragiles, que je lui dit (suis capable de faire mon syndicaliste).
Là, j'ai vu qu'elle décrochait la biquette et, de fait, son collègue à barbouze et pull roulé s'est approché, sorte de caricature de Lefuneste! ho putain, me suis retenu de le lui dire!
Comme j'avais pas envie de subir le même discours débile une deuxième fois, me suis barré en pensant à mon apéro (petits accras, lonzu et domaine de Pratavone blanc, une merveille que Jo ne connait pas encore, ha ha!)

Plus tard, je me suis dit que ces deux victimes étaient les héritiers de Caracalla qui avait accordé en bloc (au début du III ème siècle) la citoyenneté romaine à tous les ressortissants libres de l'Empire, quelle que soit leur origine.
Dans son Discours sur l'histoire universelle, Bossuet a commenté en ces termes la mort de la romanité:


"Rome, épuisée par tants de guerres civiles et étrangères, se fit tant de nouveaux citoyens ou par brigue ou par raison, qu'à peine pouvait-elle se reconnaître elle-même parmi tants d'étrangers qu'elle avait naturalisés. Le Sénat se remplissait de barbares, le sang romain se mèlait, l'amour de la patrie, par lequel Rome s'était élevé au-dessus de tous les peuples du monde, n'étaient pas naturels à ces citoyens venus de dehors, et les autres se gâtaient par le mélange."

maintenant écoutons le nouvel hymne du MRAP, "Gustavo"

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20/07/2010

lumpenpride

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"Soit à déterminer, par exemple, la signification politique réelle des comportements de la Caillera . Doit-on y voir, conformément aux présentations médiatiques et sociologiques habituelles, un signe normal des difficultés liées au « problème de l'intégration » ? Formulée en ces termes, la question est, de toute évidence, mal posée, c'est-à-dire posée de façon ambiguë. Si l'on parle en, effet, de l'intégration à une société, c'est-à-dire de la capacité pour un sujet de s'inscrire aux différentes places que prescrit l'échange symbolique, il est clair que cette fraction modernisée du Lumpen n'est pas, « intégrée », quelles que soient, par ailleurs, les raisons concrètes (familiales et autres) qui expliquent ce défaut d'intégration.

S'il s'agit, en revanche, de l'intégration au système capitaliste, il est évident que la Caillera est infiniment mieux intégrée à celui-ci (elle a parfaitement assimilé les éloges que le Spectacle en propose quotidiennement) que ne le sont les populations, indigènes et immigrées, dont elle assure le contrôle et l'exploitation à l'intérieur de ces quartiers expérimentaux que l'État lui a laissés en gérance.

En assignant à toute activité humaine un objectif unique (la thune), un modèle unique (la transaction violente ou bizness) et un modèle anthropologique unique (être un vrai chacal), la Caillera se contente, en effet de recycler, à l'usage des périphéries du système, la pratique et l'imaginaire qui en définissent le Centre et le Sommet. L'ambition de ses membres n'a, certes, jamais été d'être la négation en acte de l'Économie régnante. Ils n'aspirent, tout au contraire, qu'à devenir les golden boys des bas-fonds. Calcul qui est tout sauf utopique. Comme l'observe J. de Maillard, « sous nos yeux, l'économie du crime est en train d'accomplir la dernière étape du processus : rendre enfin rentable la délinquance des pauvres et des laissés pour compte, qui jadis était la part d'ombre des sociétés modernes, qu'elles conservaient à leurs marges. La délinquance des pauvres, qu'on croyait improductive, est désormais reliée aux réseaux qui produisent le profit. Du dealer de banlieue jusqu'aux banques de Luxembourg, la boucle est bouclée. L'économie criminelle est devenue un sous-produit de l'économie globale, qui intègre à ses circuits la marginalité sociale. »

À la question posée, il convient donc de répondre clairement que si la Caillera est, visiblement, très peu disposée à s'intégrer à la société, c'est dans la mesure exacte où elle est déjà parfaitement intégrée au système qui détruit cette société. C'est évidemment à ce titre qu'elle ne manque pas de fasciner les intellectuels et les cinéastes de la classe dominante, dont la mauvaise conscience constitutive les dispose toujours à espérer qu'il existe une façon romantique d'extorquer la plus-value. Une telle fascination intellectuelle pour la « fièvre généreuse du délinquant » (Foucault) serait, cependant, difficile à légitimer sans le concours bienveillant de la sociologie d'Etat. Cette étrange sociologie, en effet, afin de conférer aux pratiques, légales et illégales, du système qui l'emploie cette couleur « rebelle » qui les rend à la fois politiquement correctes et économiquement rentables, recourt à deux procédés principaux qui, quand on y réfléchit, sont assez peu compatibles.

Tout d'abord, elle s'efforce d'inscrire ce qu'Orwell nommait « le crime moderne » dans la continuité des délits et des crimes d'autrefois. Or ce sont là deux univers très différents. Le bandit d'honneur des sociétés traditionnelles (le cas des pirates est plus complexe) puisait sa force et sa légitimité historique dans son appartenance à une communauté locale déterminée ; et, en général, il s'en prenait d'abord à l'État et aux divers possédants. Le délinquant moderne, au contraire, revendique avec cohérence la froide logique de l'économie pour « dépouiller » et achever de détruire les communautés et les quartiers dont il est issu . Définir sa pratique comme « rebelle », ou encore comme une « révolte morale » (Harlem Désir) voire, pour les plus imaginatifs, comme « un réveil, un appel, une réinvention de l'histoire » (Félix Guattari), revient, par conséquent, à parer du prestige de Robin des Bois les exactions commises par les hommes du Sheriff de Nottingham. Cette activité peu honorable définit, en somme, assez bien le champ d'opérations de la sociologie politiquement correcte.

Quant au second procédé, il consiste à présenter l'apparition du paradigme délinquant moderne - et notamment son rapport très spécifique à la violence et au plaisir qu'elle procure - comme l'effet mécanique de la misère et du chômage et donc, à ce titre, comme une réponse légitime des exclus à leur situation. Or s'il est évident que la misère et le chômage ne peuvent qu'accélérer en retour la généralisation du modèle délinquant moderne, aucun observateur sérieux - ou simplement honnête - ne peut ignorer que ce modèle a d'abord été célébré dans l'ordre culturel, en même temps qu'il trouvait ses bases pratiques dans la prospérité économique des « trente Glorieuses ». En France, par exemple, toutes les statistiques établissent que le décollage des pratiques délinquantes modernes (de même que la constitution des mythologies de la drogue) a lieu vers 1970, tandis qu'en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas il est perceptible dès 1964-1965. Expliquer le développement de la délinquance moderne (développement qui, dans un premier temps - on s'en souvient - avait été tenu par la sociologie officielle pour un pur « fantasme » des classes populaires) comme un effet conjoncturel du chômage est évidemment une procédure gagnante pour le système capitaliste. D'une part, elle conduit à présenter la « reprise économique » - c'est-à-dire l'aide accrue de l'État aux grandes firmes - comme la clé principale du problème ; de l'autre, elle dispense d'interroger ce qui, dans la logique même du capitalisme de consommation, et la culture libérale-libertaire qui lui correspond, détermine les conditions symboliques et imaginaires d'un nouveau rapport des sujets à la Loi." (JC Michéa, L'enseignement de l'ignorance)

" Non seulement, en effet, la pratique délinquante est, généralement, très productive (incendier quelques milliers de voitures chaque année, par exemple, ne demande qu’un apport humain et matériel très réduit et sans commune mesure avec les bénéfices ainsi dégagés pour l’industrie automobile). Mais, de plus, elle n’exige pas d’investissement éducatif particulier (sauf peut-être dans le cas de la criminalité informatique, de sorte que la participation du délinquant à la croissance du PIB est immédiatement rentable, même s’il commence très jeune (il n’y a pas ici, bien sur, de limite légale au travail des enfants). Naturellement, dans la mesure ou cette pratique est assez peu appréciée des classes populaires, sous le prétexte égoïste qu’elles en sont les premières victimes, il est indispensable d’en améliorer l’image en mettant en place toute une industrie de l’excuse, voire de la légitimation politique. C’est le travail habituel confié aux rappeurs, aux cinéastes « citoyens », et aux idiots utiles de la sociologie d’Etat. " (JC Michéa, L’empire du moindre mal, 2007)

et pour rigoler deux minutes...


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09/04/2010

le danger populiste

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« Le modèle européen ne peut survivre sans une croissance économique plus forte et l'Europe ne peut jouer un rôle dans le monde sans plus de robustesse économique », déclare M. Van Rompuy, selon ses propos traduits de l'espagnol. Or « le grand danger c'est le populisme régnant et par conséquence le manque d'engagement européen. Le populisme rend difficile de prendre les mesures qu'il faudra adopter pour le futur de l'Europe. Quand je vois l'agenda économique, les défis budgétaires... je vois que nous serons obligés de prendre des mesures impopulaires dans les prochaines années », ajoute-t-il. « On ne pourra pas échapper à des réformes impopulaires dans les prochaines années », poursuit M. Van Rompuy, sans préciser lesquelles. (photo)

« Le grand danger » qu'évoque ce triste pitre au nez jaune n'est évidemment pas :

-le dumping fiscal et social organisé au sein même de l'UE depuis ses origines,

-ni les politiques bancaires de prêts insolvables, d'assurances inrecouvrables et de fragmentation (titrisation) sous formes d'investissements « en or » de tels actifs pourris à des clients crédules désormais ruinés,

-ni le report sur des états, c'est-à-dire nous, de faillites bancaires hautement prévisibles et coupables,

-ni la collusion coupable de politiciens et de responsables économiques de haut vol, alternant responsabilités politiques et économiques (tels Clinton, Obama, Geithner, Goldman, Sachs ou Strauss-Kahn),

-ni le fait que des agences de notation, genre Fitch mon fion, qui soutinrent jusqu'au bout AIG ou Lehman Bros, fassent aujourd'hui tomber des états massivement renfloués par leurs contribuables et dont les comptabilités furent truquées (Grèce) par quelques enflures en cols blancs (Goldman-Sachs) toujours bien en cour...

Non.

« Les mesures impopulaires » de Mr serpillière humide, créature du Bilderberg, on croit un peu les connaître :

-tailler à la hache dans tous les régimes sociaux,

-fabriquer du papier en forme de billets,

-augmenter massivement les prélèvements,

-déréguler tous les systèmes de protection sociale et salariale,

-amplifier une immigration de masse induisant une déflation salariale partout dans la zone euro,

-s'aligner sur le moins disant social planétaire, détruire toutes « les rentes de situations », ces « avantages acquis » ou ces « corporations » qui ne sont souvent que l'expression et le résultat de luttes séculaires d'occidentaux pour l'amélioration de leurs conditions d'existence,

-organiser la lutte de tous contre tous pour le bénéfice de quelques uns et le malheur du plus grand nombre,

-délégitimer par avance toute contestation populaire de ce gosplan néo-libéral en assimilant populisme et contestation sociale.

kitler4367.jpgTt tt ! Nonnn, le danger, c'est le terrible « populisme » à petite moustache et bras levé (photo) qui nous rappelle les Heures Les Plus Sombres De Notre Histoire (HLPSDNH)...

« Elue par la mondialisation, une Nouvelle Classe politique médiatique s'est mise en place, qui associe dans un même élitisme de la richesse et du paraître, dirigeants politiques, hommes d'affaires et représentants des médias, tous intimement liés les uns aux autres (hors caméra, ils se tutoient et s'appellent par leurs prénoms) tous convaincus de la « dangerosité » des aspirations populaires. Alexandre Zinoviev, pour désigner cette Nouvelle Classe parlait de « supra-société ». Confrontée à un peuple qu'elle redoute et qu'elle méprise à la fois, elle constitue une autorité oligarchique qui s'emploie avant tout à préserver ses privilèges et à réserver l'accès du pouvoir à ceux qui émanent de ses rangs. Ce mépris du peuple s'alimente bien entendu de la critique d'un « populisme » assimilé désormais à n'importe quelle forme de démagogie ou d'  « irrationalisme » de masse. Qui parle aujourd'hui du peuple s'expose par là même au reproche de « populisme ». Devenu une injure politique, le populisme est présenté comme une sorte de perpétuelle « maladie infantile » de la démocratie, dans une perspective à la fois péjorative et disqualifiante. Le recours au « populisme » fournit ainsi à la mise à l'écart du peuple une justification théorique, sinon savante. » (Alain de Benoist, Krisis 2008)

« Il faut toujours rappeler qu'il y a peu de temps encore, le terme de « populisme » était employé de façon tout à fait positive pour désigner certains mouvements révolutionnaires issus des traditions russes et américaines de la deuxième moitié du XIXème siècle. Ce n'est que depuis quelques années que Le Monde et les autres médias officiels se sont employés, avec beaucoup de cynisme, à conférer à ce terme (en lui-même irréprochable pour un démocrate) le sens infâmant qui est maintenant le sien) ; cela à seule fin, bien sûr, de pouvoir diaboliser comme « fasciste » ou « réactionnaire » toute inquiétude ou perplexité du peuple à l'endroit des décisions qui modifient sa vie, et que prend l'oligarchie régnante dans le silence de ses bureaux, après consultation de ses prétendus « experts ». (Jean Claude Michéa, Les intellectuels, le peuple et le ballon rond, Climats 1998)

La Grèce n'est que le premier domino, les gars.

04/04/2010

fini l'tiercé!

« On connaît la description par Jacques Attali de cette magnifique hyperclasse promise à la domination du nouveau monde sans frontières : « Ils ne posséderont ni entreprises ni terres, ni charges. Riches d'un actif nomade, ils l'utiliseront de façon nomade, pour eux-mêmes, mobilisant promptement du capital et des compétences en des ensembles changeants, pour des finalités éphémères dans lesquelles l'Etat n'aura pas de rôle. Ils n'aspireront pas à diriger les affaires publiques (la célébrité politique sera pour eux une malédiction). Ils aimeront créer, jouir, bouger. Connectés, informés, en réseau, ils ne se préoccuperont pas de léguer fortune ou pouvoir à leurs rares enfants : seulement une éducation. Riches de surcroît, ils vivront luxueusement en nomades de luxe, souvent sans payer ce qu'ils consomment. Ils porteront le meilleur et le pire d'une société volatile, insouciante égoïste et hédoniste, partagés entre le rêve et la violence. L'hyperclasse regroupera plusieurs dizaines de millions d'individus. Ils seront attachés à la liberté, aux droits des citoyens, à l'économie de marché, au libéralisme, à l'esprit démocratique. Ils voteront, créeront des associations de consommateurs, cultiveront et développeront une conscience aiguë des enjeux planétaires ; à terme ils s'intéresseront plus à la condition humaine qu'à l'avenir de leur propre progéniture. » (...)

« Il serait donc bienvenu de reprendre sous une forme adaptée à notre époque, la vieille maxime d'August Bebel : « Quand l'ennemi de classe accepte de me médiatiser, je me demande toujours quelle bourde j'ai encore bien pu commettre. » Si TF1 ou Canal Plus décident de vous envoyer trois journalistes chaque fois que votre association réunit 300 personnes, il est effectivement temps de vous interroger sur ce que vous êtes réellement en train de dire ou de faire -surtout si quelques unes des stars les plus glauques du show-biz ont jugé excellent pour leur image de parader à vos cotés. Ou quand, par exemple, Jean-pierre Foucault accepte de poser l'une de ses inimitables questions (en l'occurrence « Quel est le mot interdit au Scrabble : Zee, Zoé, Zou ou Zic ?) afin que TF1 puisse contribuer à hauteur de 72 000 euros au financement du Réseau éducation sans frontières (Qui veut gagner des millions, jeudi 3 juillet 2008). Il est sûr qu'il va falloir maintenant beaucoup de subtilité dialectique aux têtes pensantes du Réseau pour expliquer à leurs ouailles le sens d'un si beau geste, de la part de la principale chaîne de propagande d'un Etat qu'elles jugent officiellement raciste et policier. » JC Michéa, La double pensée. 2008

17/03/2010

rebel attitude

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« Ce n'est que de nos jours, qu'il est possible de commencer à mesurer exactement les effets politiquement catastrophiques de la croyance au caractère conservateur de l'ordre économique et libéral. C'est ce postulat insensé qui, depuis trente ans n'a cessé de conduire mécaniquement la plupart des militants de gauche à tenir l'adoption a priori de n'importe quelle posture modernisatrice ou provocatrice -que ce soit sur un plan technologique, moral ou autre- pour un geste qui serait toujours et par définition , « révolutionnaire », et « anti-capitaliste » ; terrible confusion qui, il est vrai, a toujours eu l'incomparable avantage psychologique d'autoriser ceux qui s'y soumettaient, à vivre leur propre obéissance à l'ordre industriel et marchand comme une modalité exemplaire de la « rebel attitude ».

(JC Michéa, Préface à La culture du narcissisme de Christopher Lasch)

09/03/2010

cool

Le plan Chatel contre l'absentéisme des profs (Le Figaro - 09.03.10)

Le ministre de l'Education nationale entend demander aux recteurs de se mobiliser pour améliorer les remplacements. Quitte à faire appel à des étudiants ou des retraités. (...)

Une enseignante d'Histoire agressée par son élève (Le Figaro - 09.03.10)

Un élève de troisième d'un collège ardéchois a été convoqué devant la justice pour avoir aspergé de gaz lacrymogène vendredi son enseignante d'Histoire qui venait d'expliquer qu'al-Qaïda était une organisation terroriste, a indiqué l'enseignante aujourd'hui.

Le parquet de Privas a confirmé l'agression, sans en préciser les circonstances. "Je venais d'expliquer que les attentats du 11 septembre 2001 étaient dus à l'organisation terroriste al-Qaïda, comme c'est écrit sur leur livre. Il s'est levé, a dit qu'al-Qaïda n'était pas terroriste, que les talibans non plus", a expliqué l'enseignante, également chef de ce petit établissement de Largentière.

Le garçon de 15 ans a ensuite aspergé de gaz lacrymogène l'enseignante puis le conseiller principal d'éducation, qui ont été légèrement incommodés, a-t-elle ajouté, confirmant une information de la radio France Bleue. Ils ont porté plainte. Le garçon, qui va passer en conseil de discipline au sein de l'établissement, a également été convoqué devant le juge des enfants du tribunal de Privas mardi 16 mars. (...)

Des étudiants! sans déconner! comment mieux cracher à la gueule des enseignants qu'en les remplaçant par des étudiants? Pourquoi pas des enfants comme chez les Kmehrs? Avec une Kalash pour les récalcitrants...misère. (mais qu'attendre d'autre d'un ex-VRP de Loréal?)

Quant au collègien Ardéchois, je lui suggère de contacter la section locale du PS, pas trop tard pour être tête de liste dans sa région. ah! ah! (mais qu'attendre d'autre d'un jeune barbare?)

Relu tantôt L'enseignement de l'ignorance de Michéa. Très convaincant, non seulement sur le désastre de l'éducation nationale, mais aussi sur son explication globale de ce chaos éducatif.

Globalement, et indépendamment de causes structurelles et circonstancielles (massification de l'enseignement, dégradation du niveau des enseignants du au recrutement et à une "formation" indigente dans les IUFM, méthodes d'enseignement ineptes, abandon de l'exigence d'excellence chère à Finkielkraut, irruption du chaos sociétal dans l'enceinte scolaire, etc.), Michéa pointe la responsabilité du "marché".

Pourquoi le marché s'accommode-t-il de la destruction de l'instruction -analphabétisme et inculture- d'une majorité d'élèves ? Parce que ces élèves sont de futurs consommateurs et qu'ils est vital pour l'économie qu'ils soient le moins cultivés et le plus aliénés possibles afin d'offrir le moins de résistance possible aux campagnes publicitaires, l'enracinement culturel et l'érudition étant des obstacles évidents à l'efficacité de la propagande consumériste...

Pourquoi persiste-t-il quelques filières sélectives formant encore une élite de jeunes gens convenablement instruits et autonomes intellectuellement ? Parce que le marché a besoin de personnel compétent pour diriger ses bras armés que sont les grandes firmes internationales.

Pourquoi dans les centres de formation de jeunes footballeurs utilisent-on encore des méthodes efficaces et traditionnelles éprouvées depuis l'antiquité (effort, sélection d'une élite, travail acharné, compétition impitoyable, autorité et discipline) ? Parce que le marché a besoin de jeunes footballeurs efficaces et brillants pour rapporter un maximum d'argent dans un secteur d'activité particulièrement lucratif. Ici, point n'est question de "sciences de l'éducation", de respect de la personnalité de l'élève ou d'éducation au " vivre ensemble"...

Nul doute donc que s'il était vital pour le marché que les jeunes lycéens soient compétents et instruits, ils le seraient..

Mais peut-être Michéa voit-il -à tort- la main invisible du marché partout ?

On connaît le postulat de Michéa : les sociétés occidentales ne sont aujourd'hui que des sociétés de marché organisées essentiellement autour de ce dernier et encadrées par un carcan juridique extensif destiné, dans le même mouvement, à favoriser l'extension infinie de nouveaux droits et à garantir le respect de ces derniers...(sorte de quadrature du cercle progressiste).

En 1964, Bourdieu écrit "Les héritiers", critique au vitriol de l'institution éducative et qui depuis est devenue le bréviaire de toute intelligentsia progressiste, notamment au sein de l'EN. Que dit Bourdieu ? L'école se présente comme l'égalité des chances, en fait c'est le lieu de la reproduction sociale. La bourgeoisie se reproduit par l'école. Les élèves issus des autres classes partent désavantagés par rapport au bagage acquis par imprégnation par les petits bourgeois dans leur foyer. Donc l'école c'est une machine terrible : non seulement elle reproduit les classes sociales mais elle légitime l'inégalité. Et cette critique a tellement porté qu'une école non reproductrice des "héritiers" s'est édifiée.

Par ailleurs,au nom de l'égale dignité des individus, on a abouti à l'égale dignité des pratiques culturelles, à leur équivalence et donc à l'impossibilité de distinguer l'essentiel de l'inessentiel.

Et c'est à partir de là que l'élitisme s'est vu affecté d'une valeur péjorative. Ce qui est très étrange puisque la République, ce n'était pas la haine de l'élitisme mais l'effort pour remplacer le critère de la naissance et de la fortune par le critère du travail et du mérite.

L'école est ainsi l'objet d'une double entreprise de destruction :

- interne, propre à l'institution, (les enseignants, les formateurs, inspecteurs, pédagogistes, sociologues de l'éducation, etc.), au nom même de la lutte contre la reproduction des inégalités et pour l'égalité des chances,

- externe, propre à la nature même des sociétés occidentales de marché soumises à l'emprise libérale/capitalistique enjoignant à l'institution scolaire (par nature un sanctuaire) d'obéir à une logique économique (rentabilité, rendement, production, retour sur investissement, etc..) visant à produire non pas des êtres instruits et cultivés, autonomes et libres (pourquoi faire ? Voter NON au TCE ?) , mais de vrais consommateurs festifs et abrutis capables d'utiliser une carte bleue, un crédit revolving, capables de voter -au choix- Bayrou, Sarko ou Ségo et de garder un coin de cerveau disponible pour suivre les épisodes de la ferme des célébrités.

Situation encore dégradée -à dessein ?- par l'arrivée massive de millions d'immigrants extra-européens, essentiellement maghrébins et sub-sahariens cumulant les handicaps (sociaux, linguistiques, culturels, etc.) et souvent hostiles aux cultures autochtones, tirant le niveau général des enseignements vers le bas et participant -de fait- à l'ensauvagement du monde scolaire.

« L'éducation de masse, qui se promettait de démocratiser la culture, jadis réservée aux classes privilégiées, a fini par abrutir les privilégiés eux-mêmes. La société moderne, qui a réussi à créer un niveau sans précédent d'éducation formelle, a également produit de nouvelles formes d'ignorance. Il devient de plus en plus difficile aux gens de manier leur langue avec aisance et précision, de se rappeler les faits fondamentaux de l'histoire de leur pays, de faire de s déductions logiques, de comprendre des textes écrits autres que rudimentaires. »

(Christopher Lasch. La culture du narcissisme, Climats 2000)

« Quand la classe dominante prend la peine d'inventer un mot (« citoyen ») employé comme adjectif), et d'imposer son usage, alors même qu'il existe, dans le langage courant, un terme parfaitement synonyme (civique) et dont le sens est tout à fait clair, quiconque a lu Orwell comprend immédiatement que le mot nouveau devra, dans la pratique, signifier l'exact contraire du précédent. Par exemple, aider une vieille dame à traverser la rue était, jusqu'ici, un acte civique élémentaire. Il se pourrait, à présent, que le fait de la frapper pour lui voler son sac représente avant tout (avec, il est vrai, un peu de bonne volonté sociologique) une forme, encore un peu naïve, de protestation contre l'exclusion et l'injustice sociale, et constitue, à ce titre, l'amorce d'un geste citoyen. »

(JC Michéa, L'enseignement de l'ignorance, Climats 2000)

« Sait-on qu'il y a deux querelles scolaires et que la plus célèbre -séparant l'école publique de l'école privée- n'est ni la plus vraie ni la plus acharnée ? Sait-on qu'une autre querelle, traversant l'école publique elle-même, y oppose les amis du savoir à ceux qui, sous couvert de gestion, de pédagogie ou de dévouement, en réalité les haïssent ? Sait-on qu'il n'y a depuis 1945, qu'une seule et même Réforme et que les gouvernements, qu'ils se réclament de la droite ou de la gauche, ont tous la même politique : mettre en place cette Réforme unique et tentaculaire ? Sait-on que cette dernière est radicalement hostile à toute école et à tout savoir ? » (JC Milner, De l'école, 1984)

« Les dirigeants réunis à San Francisco (Mikaël Gorbatchev, George H W Bush, Margaret Thatcher, Vaclav Havel, Bill Gates, Ted Turner, etc.) sont arrivés à la conclusion que l'arrivée de la dénommée Société 20/80 (basée sur le principe de la Loi de Pareto) est inévitable, celle dans laquelle le travail de 20% de la population mondiale sera suffisant pour soutenir la totalité de l'appareil économique de la planète. La population restante (80 %) s'avèrera superflue, et, ne disposant pas de travail ni d'aucune forme d'occupation, nourrira une frustration croissante. Brzeziński proposât alors le tittytainment, un mélange d'aliment physique et psychologique, pour endormir les masses et contrôler leurs frustrations et protestations prévisibles. Brzeziński définit le tittytainment, comme une combinaison des mots anglais "tits" ("seins" en jargon américain) et "entertainment". Ce mot ne doit pas être appréhendé avec sa connotation sexuelle, il fait allusion à l'effet calmant, anesthésiant de l'allaitement maternel sur le bébé. » (source)

« citius, altius, fortius » dit-on...ça vient, ça vient! enjoy!

21/02/2010

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« Si nous envisageons dans leurs grandes lignes la genèse de la grandeur et de la décadence des civilisations qui ont précédé la nôtre, que voyons-nous ?

A l'aurore de ces civilisations, une poussière d'hommes d'origine variées, réunie par les hasards des migrations, des invasions et des conquêtes. De sangs divers, de langues et de croyances également diverses, ces hommes n'ont de lien commun que la loi à demi reconnue d'un chef. Dans leurs agglomérations confuses se retrouvent au plus haut degré la caractéristiques psychologiques des foules [irrationalité, versatilité, réactions violentes, aspiration à être dominées, conduites, dangerosité]. Elles en ont la cohésion momentanée, les héroïsmes, les faiblesses, les impulsions et les violences. Rien de stable en elles, ce sont des barbares.

Puis le temps accomplit son œuvre. L'identité de milieux, la répétition des croisements, les nécessités d'une vie commune agissent lentement. L'agglomération d'unités dissemblables commence à se fusionner et à former une race, c'est-à-dire un agrégat possédant des caractères et des sentiments communs, que l'hérédité fixera progressivement. La foule est devenue un peuple et ce peuple va pouvoir sortir de la barbarie.

Il n'en sortira tout à fait pourtant que lorsque après de longs efforts,  des luttes sans cesse répétées, et d'innombrables recommencements, il aura acquis un idéal. Peu importe la nature de cet idéal. Que ce soit le culte de Rome, la puissance d'Athènes, ou le triomphe d'Allah, il suffira pour doter tous les individus de la race en voie de formation d'une parfaite unité de sentiments et de pensées.

C'est alors que peut naître une civilisation nouvelle avec ses institutions, ses croyances et ses arts. Entraînée par son rêve, la race acquerra successivement tout ce qui donne l'éclat, la force et la grandeur. Elle sera foule sans doute encore à certaines heures mais, derrière les caractères mobiles et changeants des foules, se trouvera ce substratum solide, l'âme de la race, qui limite étroitement les oscillations d'un peuple et règle le hasard.

Mais, après avoir exercé son action créatrice, le temps commence cette ouvre de destruction à laquelle n'échappent ni les dieux ni les hommes. Arrivée à un certain niveau de puissance et de complexité, la civilisation cesse de grandir et, dès qu'elle ne grandit plus, elle est condamnée à décliner rapidement. L'heure de la vieillesse va sonner bientôt.

Cette heure inévitable est toujours marquée par l'affaiblissement de l'idéal qui soutenait l'âme de la race. A mesure que cet idéal pâlit, tous les édifices religieux, politiques ou sociaux dont il était l'inspirateur commencent à s'ébranler.

Avec l'évanouissement progressif de son idéal, la race perd de plus en plus ce qui faisait sa cohésion, son unité et sa force. L'individu peut croître en personnalité et en intelligence, mais en même temps aussi, l'égoïsme collectif de la race est remplacé par un développement excessif de l'égoïsme individuel accompagné de l'affaissement du caractère et de l'amoindrissement des aptitudes à l'action. Ce qui formait un peuple, une unité, un bloc, finit par devenir une agglomération d'individus sans cohésion et que maintiennent artificiellement pour quelques temps encore les traditions et les institutions. C'est alors que divisés par leurs intérêts et leurs aspirations, ne sachant plus se gouverner, les hommes demandent à être dirigés dans leurs moindres actes, et que l'Etat exerce son influence absorbante.

Avec la perte définitive de l'idéal ancien, la race finit par perdre aussi son âme. Elle n'est plus qu'une poussière d'individus isolés et redevient ce qu'elle était à son point de départ : une foule. Elle en présente tous les caractères transitoires sans consistance et sans lendemain. La civilisation n'a plu aucune fixité et tombe à la merci de tous les hasards. La plèbe est reine et les barbares avancent. La civilisation peut sembler brillante encore parce qu'elle conserve la façade extérieure crée par un long passé, mais c'est en réalité un édifice vermoulu que rien ne soutient plus et qui s'effondrera au premier orage.

Passer de la barbarie à la civilisation en poursuivant un rêve, puis décliner et mourir dés que ce rêve a perdu sa force, tel est le cycle de la vie d'un peuple. » (Gustave Le Bon, Psychologie des foules, 1895)

Bon, comme prévu, une bonne cargaison de phénomènes de foire cocaïnés et botoxés roulant Cayenne. Mais aussi ces montagnes magnifiques, ce froid glacial, ces quelques descentes loin du tumulte des remontées. Ces vallées d'Isère et de Romanche belles et tragiques dans leur attirail de vieilles gloires industrielles désarmées.

Quelques lectures aussi : Le Bon, une découverte, dont ce bref passage sur le cycle des peuples m'a plu. Braudel aussi, j'en parlerai plus loin.

L'« agglomération d'individus sans cohésion » de Le Bon m'a fait penser à la vision anthropologique pessimiste de Michéa sur ces foules anomiques et autonomes (débarrassées de toute hétéronomie religieuse, politique ou sociale mais aussi de toute tradition et de toute institution, bref des foules émancipées !) composées de monades soucieuses -avant tout- de leur meilleur  intérêt dont la seule weltanschauung est désormais la jouissance sans limites de droits toujours plus nombreux et extensifs dans une société de marché judiciarisée à outrance. Le Droit comme une sorte de code de la route, n'indiquant nulle direction commune (au nom de quoi ou de qui ?) mais évitant à ces monades des collisions trop fréquentes...

Et donc Braudel qui, dans sa Grammaire des civilisations, en préambule au chapitre Europe, mène une critique de l'idéal de liberté de la Renaissance et de l'Humanisme arguant que cette émancipation formidable consiste également en un éclatement des valeurs traditionnelles et des institutions établies par le temps et les hommes :

« Une lettre de Descartes pose bien le problème. Si chacun, théoriquement, est libre et constitue une unité à soi seul, comment la société va-t-elle vivre, quelles règles suivra-t-elle, lui a demandé la princesse Elizabeth ? Et le philosophe répond (15 septembre 1645) :  « Bien que chacun de nous soit une personne séparée des autres et dont, par conséquent, les intérêts sont distincts de ceux du reste du monde, , on doit toujours penser qu'on ne saurait subsister seul et qu'on est, en effet, l'une des parties de l'univers, et plus particulièrement encore, l'une des parties de cette terre, l'une des parties de cet Etat, de cette Société, de cette famille à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance. Il faut toujours préférer les intérêts du tout dont on est partie à ceux de sa personne en particulier. »

Une leçon qu'ont oublié nos modernes progressistes, araisonneurs du monde patentés et incarnations de l'idéal bourgeois tel que le résuma parfaitement le jeune Marx :

« La bourgeoisie...partout ou elle a conquis le pouvoir, a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissaient l'homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du paiement au comptant. Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité naïve dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange ; elle a substituée aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce. La bourgeoisie a dépouillée de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque là pour vénérables et qu'on considérait avec un sain respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages. La bourgeoisie a déchiré un voile de sentimentalité qui recouvrait les situations de famille et les a réduites à n'être que de simples rapports d'argent...

[...] La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les conditions de la production, c'est-à-dire tous les rapports sociaux ; Tous les rapports sociaux, traditionnels et figés, avec leur cortège de conceptions et d'idées antiques et vénérables, se dissolvent ; ceux qui les remplacent vieillissent avant d'avoir pu s'ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s'en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés, enfin, vny5ubzj.jpgd'envisager leurs conditions d'existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés. Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s'implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations ; Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l'industrie sa base nationale, Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore tous les jours.» (Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, 1848.)

Voilà. Sinon ces hordes hirsutes et pitoyables d'"enseignants" quotidiennement insultés et poignardés par leurs "apprenants"(parce qu'ils le valent bien, sûrement) défilant pour hurler leur trouille de faire « cours » face à ces jeunes barbares que le système produit à jet continu m'ont fait sourire tant il est schizophrénique, après avoir clamé pendant des années leur amour de la diversitéTM et du vivrensemblTM et leur refus de transmettre quelque savoir que ce soit (instrument de la reproduction de la Domination, disait le cuistre Bourdieu...), de venir couiner sur l'ensauvagement de notre société et de ses plus belles pépites : on NE PEUT PAS A LA FOIS soutenir RESF (RESF-MEDEF même combat) et s'offusquer de la violence sans limites de nos jeunes barbares...

Faudrait un minimum de cohérence, les biquets. Celle, par exemple de Jean Claude Milner, ancien Mao de la gauche prolétarienne, peut suspect de Sarkosysme primaire :

« Sait-on qu'il y a deux querelles scolaires et que la plus célèbre -séparant l'école publique de l'école privée- n'est ni la plus vraie ni la plus acharnée ? Sait-on qu'une autre querelle, traversant l'école publique elle-même, y oppose les amis du savoir à ceux qui, sous couvert de gestion, de pédagogie ou de dévouement, en réalité les haïssent ? Sait-on qu'il n'y a depuis 1945, qu'une seule et même Réforme et que les gouvernements, qu'ils se réclament de la droite ou de la gauche, ont tous la même politique : mettre en place cette Réforme unique et tentaculaire ? Sait-on que cette dernière est radicalement hostile à toute école et à tout savoir ? » (JC Milner, De l'école, 1984)

Bon, adriana, qu'en penses-tu ?

03/02/2010

vipère lubrique

daf3961e-1031-11df-8afe-2f904d2b9d37.jpg"Le NPA présente une candidate voilée.

Pour Olivier Besanceot, la candidature de Ilham Moussaïd dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, «c'est l'image de notre intégration dans les quartiers». Crédits photo : AFP

Pour Olivier Besancenot, une militante trotskiste peut être «féministe, laïque et voilée».

Vendredi dernier, gare d'Argenteuil (Val-d'Oise). Olivier Besancenot effectue son premier déplacement de campagne en Ile-de-France, où il mène la liste NPA. À la veille du premier anniversaire du Nouveau Parti anticapitaliste, fondé le 7 février 2009 sur les cendres de la LCR, le porte-parole du parti trotskiste défend un projet tout à fait révolutionnaire : permettre à une femme voilée de représenter le NPA. Sans ciller, il affirme qu'une femme peut être « féministe, laïque et voilée ». Et encore qu'une femme voilée, «c'est l'image de notre intégration dans les quartiers». Il confirme que le NPA présente -  sur la liste du Vaucluse, en région Paca  - une jeune candidate qui porte le voile : Ilham Moussaïd, étudiante et trésorière départementale de son parti, membre du «comité populaire» à Avignon." (source)

Besancenot est à la gauche radicale ce que le Front national est à la Révolution Nationale: un ersatz. Le NPA (Nouveau Parti Anti-capitaliste) du facteur de Neuilly est sans doute le groupuscule politique le plus médiatisé par le Spectacle contemporain (TF1, Canal Plus, etc.) et ce seul fait devrait amener, dans un monde bien fait, les crédules bulots qui suivent ce pitre, à s'interroger sur la véritable doxa de ce "parti de gauche". Personne mieux que Michéa, à ma connaissance, n'a cerné la véritable nature de ce mouvement:

« On peut découvrir, sur le site internet de Bertrand Lemennicier (l'un des quatre membres de la secte libérale du Mont-Pelerin que Luc Ferry a personnellement imposés, en 2003, au jury d'agrégation des sciences économiques), cette analyse exemplaire de Gérard Bramouillé (lui-même membre de la secte et du jury) : « L'immigré clandestin abaisse les coûts monétaires et non monétaires de la main d'œuvre. Il renforce la compétitivité de l'appareil de production et freine le processus de délocalisation des entreprises qui trouvent sur place ce qu'elles sont incitées à chercher à l'extérieur. Il facilite les adaptations de l'emploi aux variations conjoncturelles et augmente la souplesse du processus productif ». Il est donc politiquement indispensable de veiller, insiste l'universitaire patronal, à ce qu'on n'en vienne pas, par xénophobie, à faire de l'immigré clandestin « le bouc émissaire facile d'un problème difficile ». On trouvera, évidemment, dans cette analyse le fondement idéologique ultime (conscient ou inconscient) de tous les combats actuels de l'Extrême Gauche libérale (du MRAP au très médiatique « Réseau Education Sans Frontières ») pour légitimer l'abolition de tous les obstacles à l'unification juridique-marchande de l'humanité. (...)

En France, c'est le film Dupont Lajoie (Yves Boisset, 1974) qui illustre de manière à la fois emblématique et caricaturale, l'acte de naissance d'une nouvelle Gauche, dont le mépris des classes populaires, jusque-là assez bien maîtrisé, pourra désormais s'afficher sans le moindre complexe. C'est, en effet, au lendemain de la défaite sanglante du peuple chilien, défaite dont le pouvoir alors traumatisant est, aujourd'hui bien oublié, que cette nouvelle Gauche s'est progressivement résolu à abandonner la cause du peuple (dont chacun pouvait désormais mesurer les risques physiques que sa défense impliquait) au profit d'une réconciliation enthousiaste avec la modernité capitaliste et ses élites infiniment plus fréquentables. C'est alors, et alors seulement, que l'« antiracisme » (déjà présenté, dans le film de Boisset, comme une solution idéale de remplacement) pourra être méthodiquement substitué à la vieille lutte des classes, que le populisme pourra être tenu pour un crime de pensée et que le monde du showbiz et des médias pourra devenir la base d'appui privilégiée de tous les nouveaux combats politiques, aux lieux et place de l'ancienne classe ouvrière. »

Jean-Claude Michéa, L'empire du moindre mal, Climats, 2009.

CQFD

26/01/2010

bureaucratie écossaise et geste citoyen

« La corruption généralisée que l'on observe dans le système politico-économique contemporain n'est pas périphérique ou anecdotique, elle est devenue un trait structurel, systémique de la société où nous vivons. En vérité, nous touchons là un facteur fondamental, que les grands penseurs politiques du passé connaissaient et que les prétendus « philosophes politiques » d'aujourd'hui, mauvais sociologues et piètres théoriciens, ignorent splendidement : l'intime solidarité entre un régime social et le type anthropologique (ou l'éventail de tels types) nécessaire pour le faire fonctionner. Ces types anthropologiques, pour la plupart, le capitalisme les a hérités des périodes historiques antérieures : le juge incorruptible, le fonctionnaire wébérien, l'enseignant dévoué à sa tâche, l'ouvrier pour qui son travail, malgré tout, était une source de fierté. De tels personnages deviennent inconcevables dans la période contemporaine : on ne voit pas pourquoi ils seraient reproduits, qui les reproduirait, au nom de quoi ils fonctionneraient. Même le type anthropologique qui est une création propre du capitalisme, l'entrepreneur schumpétérien, combinant une inventivité technique, la capacité de réunir des capitaux, d'organiser une entreprise, d'explorer, de pénétrer, de créer des marchés, est en train de disparaître. Il est remplacé par des bureaucraties managériales et par des spéculateurs. Ici encore, tous les facteurs conspirent. Pourquoi s'escrimer pour faire produire et vendre, au moment où un coup réussi sur les taux de change à la bourse de New York ou d'ailleurs, peut vous rapporter en quelques minutes 500 millions de dollar ? Les sommes en jeu dans la spéculation de chaque semaine sont de l'ordre du PNB des Etats-Unis en un an. Il en résulte un « drainage » des éléments les plus entreprenants vers ce type d'activités qui sont tout à fait parasitaires du point de vue du système capitaliste lui-même. » (Cornélius Castoriadis, La montée de l'insignifiance, 1993)

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« Un marchand, comme on l'a très bien dit, n'est nécessairement citoyen d'aucun pays en particulier ; il lui est, en grande partie, indifférent en quel lieu il tient commerce, et il ne faut que le plus léger dégoût pour qu'il se décide à emporter son capital d'un pays dans un autre, et, avec lui, toute l'industrie que ce capital mettait en activité. »

« Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité mais à leur égoïsme. » (Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776)

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« Quand la classe dominante prend la peine d'inventer un mot (« citoyen » employé comme adjectif), et d'imposer son usage, alors même qu'il existe, dans le langage courant, un terme parfaitement synonyme (« civique ») et dont le sens est tout à fait clair, quiconque a lu Orwell comprend immédiatement  que le mot nouveau devra, dans la pratique, signifier l'exact contraire du précédent. Par exemple, aider une vieille dame à traverser la rue était, jusqu'ici, un acte civique élémentaire. Il se pourrait, à présent, que le fait de la frapper pour lui voler son sac représente avant tout (avec, il est vrai, un peu de bonne volonté sociologique) une forme, encore un peu naïve, de protestation contre l'exclusion et l'injustice sociale, et constitue, à ce titre, l'amorce d'un geste citoyen. » (JC Michéa, L'enseignement de l'ignorance, 1999)

21/01/2010

caillera à capuche

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"La distinction entre une société - qui, quelle que soit la variété de ses formes, ne peut abolir le moment du don - et un système capitaliste - hypothèse métaphysique devenue la base d'un projet politique partiellement réalisable - permet de déplacer la position habituelle de nombreux problèmes dits « de société ».

Soit à déterminer, par exemple, la signification politique réelle des comportements de la Caillera . Doit-on y voir, conformément aux présentations médiatiques et sociologiques habituelles, un signe normal des difficultés liées au « problème de l'intégration » ? Formulée en ces termes, la question est, de toute évidence, mal posée, c'est-à-dire posée de façon ambiguë. Si l'on parle en, effet, de l'intégration à une société, c'est-à-dire de la capacité pour un sujet de s'inscrire aux différentes places que prescrit l'échange symbolique, il est clair que cette fraction modernisée du Lumpen n'est pas, « intégrée », quelles que soient, par ailleurs, les raisons concrètes (familiales et autres) qui expliquent ce défaut d'intégration.

S'il s'agit, en revanche, de l'intégration au système capitaliste, il est évident que la Caillera est infiniment mieux intégrée à celui-ci (elle a parfaitement assimilé les éloges que le Spectacle en propose quotidiennement) que ne le sont les populations, indigènes et immigrées, dont elle assure le contrôle et l'exploitation à l'intérieur de ces quartiers expérimentaux que l'État lui a laissés en gérance.

En assignant à toute activité humaine un objectif unique (la thune), un modèle unique (la transaction violente ou bizness) et un modèle anthropologique unique (être un vrai chacal), la Caillera se contente, en effet de recycler, à l'usage des périphéries du système, la pratique et l'imaginaire qui en définissent le Centre et le Sommet. L'ambition de ses membres n'a, certes, jamais été d'être la négation en acte de l'Économie régnante. Ils n'aspirent, tout au contraire, qu'à devenir les golden boys des bas-fonds. Calcul qui est tout sauf utopique. Comme l'observe J. de Maillard, « sous nos yeux, l'économie du crime est en train d'accomplir la dernière étape du processus : rendre enfin rentable la délinquance des pauvres et des laissés pour compte, qui jadis était la part d'ombre des sociétés modernes, qu'elles conservaient à leurs marges. La délinquance des pauvres, qu'on croyait improductive, est désormais reliée aux réseaux qui produisent le profit. Du dealer de banlieue jusqu'aux banques de Luxembourg, la boucle est bouclée. L'économie criminelle est devenue un sous-produit de l'économie globale, qui intègre à ses circuits la marginalité sociale. »

À la question posée, il convient donc de répondre clairement que si la Caillera est, visiblement, très peu disposée à s'intégrer à la société, c'est dans la mesure exacte où elle est déjà parfaitement intégrée au système qui détruit cette société. C'est évidemment à ce titre qu'elle ne manque pas de fasciner les intellectuels et les cinéastes de la classe dominante, dont la mauvaise conscience constitutive les dispose toujours à espérer qu'il existe une façon romantique d'extorquer la plus-value. Une telle fascination intellectuelle pour la « fièvre généreuse du délinquant » (Foucault) serait, cependant, difficile à légitimer sans le concours bienveillant de la sociologie d'Etat. Cette étrange sociologie, en effet, afin de conférer aux pratiques, légales et illégales, du système qui l'emploie cette couleur « rebelle » qui les rend à la fois politiquement correctes et économiquement rentables, recourt à deux procédés principaux qui, quand on y réfléchit, sont assez peu compatibles.

Tout d'abord, elle s'efforce d'inscrire ce qu'Orwell nommait « le crime moderne » dans la continuité des délits et des crimes d'autrefois. Or ce sont là deux univers très différents. Le bandit d'honneur des sociétés traditionnelles (le cas des pirates est plus complexe) puisait sa force et sa légitimité historique dans son appartenance à une communauté locale déterminée ; et, en général, il s'en prenait d'abord à l'État et aux divers possédants. Le délinquant moderne, au contraire, revendique avec cohérence la froide logique de l'économie pour « dépouiller » et achever de détruire les communautés et les quartiers dont il est issu . Définir sa pratique comme « rebelle », ou encore comme une « révolte morale » (Harlem Désir) voire, pour les plus imaginatifs, comme « un réveil, un appel, une réinvention de l'histoire » (Félix Guattari), revient, par conséquent, à parer du prestige de Robin des Bois les exactions commises par les hommes du Sheriff de Nottingham. Cette activité peu honorable définit, en somme, assez bien le champ d'opérations de la sociologie politiquement correcte.

Quand au second procédé, il consiste à présenter l'apparition du paradigme délinquant moderne - et notamment son rapport très spécifique à la violence et au plaisir qu'elle procure - comme l'effet mécanique de la misère et du chômage et donc, à ce titre, comme une réponse légitime des exclus à leur situation. Or s'il est évident que la misère et le chômage ne peuvent qu'accélérer en retour la généralisation du modèle délinquant moderne, aucun observateur sérieux - ou simplement honnête - ne peut ignorer que ce modèle a d'abord été célébré dans l'ordre culturel, en même temps qu'il trouvait ses bases pratiques dans la prospérité économique des « trente Glorieuses ». En France, par exemple, toutes les statistiques établissent que le décollage des pratiques délinquantes modernes (de même que la constitution des mythologies de la drogue) a lieu vers 1970, tandis qu'en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas il est perceptible dès 1964-1965. Expliquer le développement de la délinquance moderne (développement qui, dans un premier temps - on s'en souvient - avait été tenu par la sociologie officielle pour un pur « fantasme » des classes populaires) comme un effet conjoncturel du chômage est évidemment une procédure gagnante pour le système capitaliste. D'une part, elle conduit à présenter la « reprise économique » - c'est-à-dire l'aide accrue de l'État aux grandes firmes - comme la clé principale du problème ; de l'autre, elle dispense d'interroger ce qui, dans la logique même du capitalisme de consommation, et la culture libérale-libertaire qui lui correspond, détermine les conditions symboliques et imaginaires d'un nouveau rapport des sujets à la Loi."

L'Enseignement de l'ignorance de Jean-Claude Michéa, Éditions Climats

27/11/2009

idiots utiles

« Dans une interview au quotidien d’Edouard de Rothschild (Libération, 10 février 2007), l’inimitable Eric Fassin s’extasie devant l’enthousiasme dont les maigres troupes du « réseau éducation sans frontières » sont devenues l’objet, et en un temps record, de la part des médias officiels (et donc également des stars du show biz) : « Dans un contexte de dérive droitière –écrit-il- qui aurait imaginé le succès de RESF ? » Soit. Admettons que notre brillant universitaire n’ait pas beaucoup d’imagination (il lui en avait fallu, pourtant pour avancer son célébrissime « On ne naît pas noir, on le devient ! »). Mais dans ce cas précis, c’est tout de même inquiétant : il suffisait, en effet, à Eric Fassin de savoir lier logiquement ses deux affirmations : c’est précisément parce que le libéralisme économique est devenu tout puissant que le réseau est aussi médiatisé. »

Jean Claude Michéa, La double pensée, 2008.

19/11/2009

une vie semblable

Inrocks696-2.gif« Je suis souvent étonné que des hommes qui se vantent de professer la religion chrétienne, c’est-à-dire l’amour, la joie, la paix, la maîtrise de soi-même et la bonne foi envers tous, rivalisent d’iniquité et exercent quotidiennement la haine la plus violente les uns contre les autres, de sorte qu’on reconnaît la foi de chacun par cette haine et cette iniquité plutôt que par les autres sentiments. Les choses en sont maintenant venues au point que l’on ne peut reconnaître si quelqu’un est chrétien, turc, juif ou païen, si ce n’est par l’aspect extérieur du corps et par le vêtement, et en sachant quelle Eglise il fréquente, à quelle opinion il se range, dans les mains de quel maître il jure. Pour le reste, ils mènent tous une vie semblable. » Spinoza, Préface au Tractatus Théologico-politicus.

Remplaçons « religion chrétienne » par antifascisme et anti racisme, « aspect extérieur du corps et du vêtement » par nature du tatouage ou du piercing et type d’uniforme habituellement porté (roller, rappeur, raver, etc.), « quelle Eglise il fréquente » par quel tabloïd il lit (Libération, Les Inrocks, Nova magazine) ou par quelle musique il écoute (Manu chao, Zebda, Noir désir) et je pense que nous tiendrons là une assez bonne description des formes contemporaines du Problème de Spinoza.

Jean claude Michéa, Orwell éducateur, 2003.

11/11/2009

populisme

« Il faut toujours rappeler qu’il y a peu de temps encore, le terme de « populisme » était employé de façon tout à fait positive pour désigner certains mouvements révolutionnaires issus des traditions russes et américaines de la deuxième moitié du XIXème siècle. Ce n’est que depuis quelques années que Le Monde et les autres médias officiels se sont employés, avec beaucoup de cynisme, à conférer à ce terme (en lui-même irréprochable pour un démocrate) le sens infâmant qui est maintenant le sien) ; cela à seule fin, bien sûr, de pouvoir diaboliser comme « fasciste » ou « réactionnaire » toute inquiétude ou perplexité du peuple à l’endroit des décisions qui modifient sa vie, et que prend l’oligarchie régnante dans le silence de ses bureaux, après consultation de ses prétendus « experts ».

Jean Claude Michéa, Les intellectuels, le peuple et le ballon rond, Climats 1998.

racaille en col blanc

Monsieur le Sénateur Maire,

“C’est la dignité, le respect des valeurs de la République que de permettre à des gens de pratiquer leur culte”, dites-vous pour justifier l’autorisation de la grande Mosquée de Marseille.

Vous n’êtes pas sans savoir, osons-nous le supposer, que la religion musulmane n’est pas seulement un culte, mais aussi une doctrine sociale et politique, et qu’en lui donnant un lieu de culte, vous donnez aussi une place forte, une citadelle à cette doctrine sociale et politique, dont l’institutionnalisation ne peut être qu’un premier pas pour les visées hégémoniques qui lui sont inhérentes.

Que proposez-vous pour éviter le passage ambitionné de l’institution d’un culte à l’activité sociale et politique en vue de cette hégémonie ? Rien probablement.

Vous n’êtes pas sans savoir que cette doctrine dénonce les libertés républicaines au nom de la loi musulmane, et que la liberté religieuse dont fait partie la liberté de culte que vous octroyez si généreusement, est proscrite et châtiée dans l’islam.

Quel est le sort du musulman apostat, seul terme pour désigner celui qui se convertit à une autre religion ? C’est souvent la mort, en tout cas l’exclusion, vous le savez Monsieur Gaudin. Quelles garanties avez-vous prises en donnant de tels gages à des adversaires acharnés de la laïcité, des libertés fondamentales, de l’égalité entre les uns et les autres ? Aucune, probablement.

Il faudrait accepter le culte au nom de nos valeurs, et refuser la doctrine sociale et politique, liée à ce culte, au nom de ces mêmes valeurs. Le faites-vous ? Non, Monsieur Gaudin. Monsieur le Sénateur-Maire, vous bradez nos valeurs, vous bradez notre histoire et nos combats."

(Yolande de Crussol, Maître de conférences, Département d’Etudes Arabes de l’Université Lille 3, Marie-Thérèse Urvoy, Professeur d’Islamologie, Institut Catholique de Toulouse, Dominique Urvoy, Professeur des Universités, Département d’Etudes Arabes de l’Université Toulouse le Mirail)

A la suite de la décision de la mairie de Marseille de construire l’une des plus grandes mosquées de France (alors que la ville en compte déjà plus de 60 !), trois universitaires français, spécialistes du monde arabe et de l’islam, ont envoyé le 03 août 2007 la lettre ci-dessus à Jean-Claude Gaudin, maire de la ville et dhimmi d’or 2009.

Gaudin, cette racaille pseudo républicaine en col blanc, fait partie de cette cohorte de personnages politiques de premier plan, qui croient, dans le meilleur des cas, que l’islam puisse être soluble dans les valeurs républicaines et que puisse naître un « islam de France » respectueux des codes culturels autochtones (c'est-à-dire profondément étrangers à la doctrine sociale et politique islamique), et, dans le pire des cas, instrumentalisent l’immigration musulmane communautaire consciente de son poids électoral croissant, en sachant pertinemment que cet « islam de France » n’est qu’un hochet spectaculaire destiné à faire croire aux gogos progressistes et bien pensants que l’islam puisse devenir en quelques décades ce qu’il n’est pas depuis quatorze siècles…

Très logiquement, pour venir vivre dans nos contrées parfumées, il ne devrait y avoir que deux solutions :

1-s’intégrer à la culture autochtone dominante, c’est-à-dire devenir français/européen, c’est-à-dire encore un processus d’acculturation, forcément douloureux car consistant à se déprendre –en partie ou en totalité- de sa culture d’origine au profit de la culture indigène (qui n’est pas celle de ces pseudo « indigènes de la république » chers à nos médias et qui sont bien des allogènes),

2-s’insérer, c’est-à-dire s’engager à respecter les codes culturels autochtones de façon à ne pas choquer ceux qui sont déjà là et à ne pas troubler la paix civile. Ou encore à ne pas pourrir le paysage en se baladant torchonnée (un peu comme ces touristes occidentaux qui se baladent à poils ou presque en terre étrangère au grand dam des locaux). L’insertion comme un sas, un premier pas, respectueux, vers cette culture d’accueil, chacun étant libre de ne pas entrer dans le processus d’acculturation (rester un étranger en terre occidentale, respectueux des mœurs autochtones), ou de rester, désirant s’intégrer, c’est-à-dire devenir un occidental en terre d’occident.

Il n’y a pas de troisième voie acceptable. Celle de Gaudin et de ses épigones progressistes libéraux (de « gauche » comme de « droite ») consiste à croire (ou faire semblant de) qu’une immigration massive de personnes profondément étrangères aux codes culturels de ce pays, puisse déboucher sur autre chose qu’une communautarisation accélérée et une cascade d’ « accommodements raisonnables » (cf photo ci-dessous) conduisant à détricoter l’architecture politique, sociale, juridique et éthique de ce pays. Déculturation et balkanisation.

ruemyrha.pngMais, en fin de compte, je me demande si le sieur Gaudin, si emblématique de la modernité qu’il soit (c’est-à-dire haïssable), n’est pas très cohérent avec lui-même et en phase avec l’esprit de l’époque et du monde ; Michéa montre, à mon avis de façon crédible, combien, désormais, nos sociétés occidentales ne sont plus organisées qu’autour d’un grand marché, censé apaiser les mœurs (le doux commerce) et d’une enveloppe juridique censée garantir à chacun la maximisation de ses droits individuels. Combien dans l'esprit de nos modernes, un code culturel sociétal normatif est devenu haïssable...Combien l’Etat, axiologiquement neutre à dessein, ne devrait plus imposer aucune valeur commune normatives. Combien le monde que j'aime (un plurivers de cultures singulières et parfois antagonistes et irréductibles) se situe aux antipodes de la vision Babelienne de nos élites (par défaut). Brasilia mon amour..

Dés lors que l’on ne considère les hommes que comme des électrons/consommateurs libres de toute appartenance culturelle, religieuse, philosophique, etc., et seulement préoccupés de leurs meilleur intérêt et du respect de leurs droits individuels inaliénables, comment défendre une culture dominante séculaire (ce pays n’est pas né en 1789…), des paysages, une tradition, des usages, des modes de vie singuliers, une certaine vision de la femme, de l’éducation, etc. ? Impossible.

Bonne illustration de ceci avec l'horrible Aubry qui déclarait tout récemment: «Nous pensons que l'identité de la France n'est pas ethnique, pas religieuse, pas culturelle» mais «c'est l'appartenance à des valeurs communes». Le problème est que la cuistrissime Aubry n'a pas jugé bon de détailler ces fameuses "valeurs communes" qui, me semble-t-il doivent se résumer aux mantras ordinaires bien pensantes récupérées par le marché, c'est-à-dire: "tolérance, vivrensemble et métissage"...

Reste à savoir si ces hommes et ces femmes appartenant à des civilisations traditionnelles (comme la notre il n’y a pas très longtemps) sauront devenir de bons occidentaux, c’est-à-dire de bons consommateurs procéduriers prompts à faire valoir leurs droits, ou si ce rêve moderne libéral, consumériste et légaliste, se fracassera sur la réalité des cultures et des communautés, c’est-à-dire, souvent, leur antagonisme irréductible.

Par ailleurs, comprendre la "pensée" de nos modernes permet de mesurer le degré de sincérité de ceux-ci lorsqu'ils lancent je ne sais quel débat national sur l'identité de ce pays...

07/11/2009

de la gauche moderne et de la caillera

fue1CohnBendit.jpg« Dans la culture de gauche (ou encore progressiste, ou encore moderniste), toute porte fermée constitue, par définition, une provocation intolérable et un crime contre l’esprit humain. C’est donc, de ce point de vue, un impératif catégorique que d’ouvrir, et de laisser ouvertes, toutes les portes existantes (même si elles donnent sur la voie et que le train est en marche). Tel est, en dernière instance, le fondement métaphysique de cette peur panique d’interdire quoi que ce soit, qui définit un si grand nombre d’éducateurs et de parents, qui, pour leur confort intellectuel, tiennent à tout prix à « rester de gauche ». Il convient naturellement d’ajouter que, selon le circuit classique des compensations de l’inconscient, cette peur d’interdire se transforme assez vite en besoin forcené d’interdire (par la pétition, la pression de la rue, le recours au tribunal, etc.) tout ce qui n’est pas politiquement correct. On reconnaît ici la triste et contradictoire psychologie de ces nouvelles classes moyennes dont la Gauche moderne (une fois liquidé son enracinement populaire) est devenue le refuge politique de prédilection. »

 

« Si l’on parle, en effet, de l’intégration à une société, c’est-à-dire de la capacité pour un sujet deracaille1.jpg s’inscrire aux différentes places que prescrit l’échange symbolique, il est clair que cette fraction modernisée du Lumpen n’est pas « intégrée », qu’elles que soient, par ailleurs, les raisons concrètes (familiales et autres) qui expliquent ce défaut d’intégration. S’il s’agit, en revanche, de l’intégration au système capitaliste, il est évident que la Caillera est infiniment mieux intégrée à celui-ci (elle a parfaitement assimilé les éloges que le Spectacle en propose quotidiennement) que ne le sont les populations indigènes et immigrées, dont elle assure le contrôle et l’exploitation à l’intérieur de ces quartiers expérimentaux que l’Etat lui a laissé en gérance. En assignant à toute activité humaine un objectif unique (la thune), un modèle unique (la transaction violente ou bizness) et un modèle anthropologique unique (être un vrai chacal), la Caillera se contente, en effet, de recycler, à l’usage des périphéries du système, la pratique et l’imaginaire qui en définissent le Centre et le Sommet. L’ambition de ses membres n’a, certes, jamais été d’être la négation en actes de l’Economie régnante. Ils n’aspirent, tout au contraire, qu’à devenir les golden boys des bas-fonds. »

JC Michéa, L’enseignement de l’ignorance, 1999.

03/11/2009

des tournesols et des monades

tournesols.jpg« Une nuit, j’allais m’étendre dans un champ de tournesols. C’était réellement une forêt de tournesols, une vraie forêt. Courbés sur leur haute tige velue, leur grand œil noir tout rond, aux longs cils jaunes, voilés par le sommeil, les tournesols dormaient, tête basse. C’était une nuit sereine, le ciel plein d’étoiles brillait de reflets verts et bleus comme le creux d’une immense coquille marine. Je dormis d’un sommeil profond et, à l’aube, je fus réveillé par un crépitement étouffé et sourd. On eut dit le bruissement de gens marchant pieds nus dans l’herbe. Je tendis l’oreille en retenant mon souffle. Du bivouac voisin venaient de faibles éternuements de moteurs, et des voix rauques qui s’appelaient dans le bois, prés du ruisseau. Un chien aboyait au loin. Au bout de l’horizon, le soleil faisait craquer la noire coquille de la nuit, s’élevait, rouge et chaud, sur la plaine brillante de rosée. Ce froissement devenait immense, grandissait de minute en minute ; c’était un crépitement de buissons en flammes, c’était le craquement en sourdine, ’une interminable armée marchant précautionneusement sur des chaumes. Etendu à terre, je retenais mon souffle et regardais les tournesols soulever lentement leurs paupières jaunes, ouvrir petit à petit leurs yeux.

Tout à coup, je m’aperçus que les tournesols levaient la tête et, virant lentement sur leur haute tige, tournaient leur grand œil noir vers le soleil naissant. C’était un mouvement lent, égal, immense. Toute la forêt de tournesols se tournait afin de regarder la jeune gloire du soleil. Et moi aussi, je levais la tête vers l’Orient, en regardant le soleil monter peu à peu parmi les rouges vapeurs de l’aube, sur les nuages de fumée bleue des incendies, dans la plaine lointaine. »

Malaparte, Kaputt, 1946.

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« Que faut-il, d’un point de vue libéral, pour édifier une communauté moderne ? A ne considérer que l’exemple de la Communauté Européenne (mais cela vaudrait évidemment pour toute autre communauté, y compris la communauté nationale) la réponse semble simple. Il faut, d’un côté, un marché commun, c'est-à-dire un espace ou les monades humains puissent échanger librement leurs biens et leurs services, selon les règles d’une concurrence libre et non faussée. Et, de l’autre, un ensemble de règlements juridiques (ou espace de Droit) permettant, pour une part, de protéger cette concurrence, et, pour une autre, de garantir à chaque monade (ou chaque libre association de monades) le droit de vivre selon sa définition privée de la vie bonne. Autrement dit, une société libérale cohérente se définit comme une agrégation pacifique d’individus abstraits qui, dés lors qu’ils en respectent globalement les lois, sont supposés n’avoir rien d’autre en commun (ni langue, ni culture, ni histoire) que leur désir de participer à la Croissance, en tant que producteurs et/ou consommateurs.

Comme, par ailleurs, ces conditions très minimales d’appartenance sont désormais en voie de mondialisation (du fait de ce que Guy Debord appelait la dégradation spectaculaire –mondiale de toute culture) une société libérale développée doit donc logiquement finir par se considérer comme un simple site de passage, n’impliquant aucune allégeance morale particulière de la part de ceux qui ont provisoirement choisi d’y résider, et que chacun doit être libre de quitter pour un autre site, dès lors qu’un calcul quelconque lui en démontre l’avantage. Exemple (dans l’hypothèse où ce calcul serait de type fiscal) : est-il plus intéressant pour moi que je devienne citoyen belge, un citoyen suisse ou un citoyen monégasque ? C’est ce principe d’une liberté intégrale de circuler sur tous les sites de la planète (et celui, complémentaire, d’une régularisation automatique de toutes les installations passagères qui s’ensuivent) dont les partisans de gauche du capitalisme (qui sont, de loin, les plus cohérents) prétendent interdire toute critique philosophique, au prétexte qu’elle ne pourrait conduire qu’à des conclusions « racistes » ou « xénophobes » (on se souvient ainsi du rôle joué par la désormais célèbre figure du « plombier polonais » dans les formes de légitimations dites « anti racistes » du projet libéral de constitution européenne).

On peut découvrir sur le site internet de Bertrand Lemennicier (l’un des quatre membres de la secte libérale du Mont-Pèlerin que Luc Ferry a personnellement imposé, en 2003, au jury d’agrégation des sciences économiques), cette analyse exemplaire de Gérard Bramouillé (lui-même membre de la secte et du jury) : « L’immigré clandestin abaisse les coûts monétaires et non monétaires de la main d’œuvre. Il renforce la compétitivité de l’appareil de production et freine le processus de délocalisation des entreprises qui trouvent sur place ce qu’elles sont incitées à chercher à l’extérieur. Il facilite les adaptations de l’emploi aux variations conjoncturelles et augmente la souplesse du processus productif. »

Il est donc politiquement indispensable de veiller, insiste l’universitaire patronal, à ce qu’on en vienne pas, par xénophobie, à faire de l’immigré clandestin « le bouc émissaire facile d’un problème difficile ». On trouvera dans cette analyse, le fondement idéologique ultime (conscient ou inconscient) de tous les combats actuels de l’extrême gauche libérale (comme ceux, par exemple, du très médiatique « Réseau Education Sans Frontières ») pour légitimer l’abolition de tous les obstacles à l’unification juridique marchande de l’humanité. »

Michéa, L’empire du moindre mal, 2007.